Avec son Pacte vert l’UE ne respecte pas ses propres traités !

Résumé adapté par Michel Gay d'un article de Samuel Furfari initialement publié le 08 juillet 2020 sur le site de « European Scientist »

 Par Michel Gay et Samuel Furfari

Le Pacte vert de l’Union européenne (UE) sur l’énergie (aussi appelé « Green Deal ») veut imposer aux États membres de l’UE une réduction drastique des émissions de CO2 d’ici 2030, et une « neutralité carbone » d’ici 2050, mais il est en contradiction avec les traités souscrits par les États membres.

Le Green Deal : une pure utopie

Grâce à cette doctrine,  les politiciens européens  ― presque à l’unanimité  ― à Bruxelles et Strasbourg espèrent que l’énergie utilisée en 2050 sera renouvelable, et que le CO2 résiduel sera piégé et stocké sous terre en capturant le carbone.

Toutefois, les énergies renouvelables intermittentes ne représentent que 2,5 % de la demande d’énergie primaire de l’UE, bien qu’elles aient été fortement encouragées à coups de milliards d’euros depuis près de 40 ans.

Le passage à 100 % n’est donc pas seulement un défi, mais une pure utopie.

La crise actuelle du Covid-19 montre que la décroissance peut effectivement réduire la consommation d’énergie et les émissions de CO2, mais ni les citoyens ni Bruxelles ne peuvent admettre cette solution pour réaliser le Green Deal.

Même le Groupement d’experts international sur le climat (GIEC) de l’ONU reconnaît que l’énergie nucléaire apporte une contribution majeure à la réduction des émissions de CO2  et qu’il représente une solution valable pour la décarbonation.

Pourtant, l’UE ne mentionne pas du tout l’énergie nucléaire dans son Pacte vert. 

Traités de Maastricht et de Lisbonne

François Mitterrand, alors Président de la République, ne voulait pas laisser l’avenir du nucléaire français entre les mains des fonctionnaires de Bruxelles.

Par la suite, une conférence interministérielle a réussi à introduire dans le Traité de Lisbonne de l’UE l’article 194 autorisant notamment :

  • la promotion des énergies dites renouvelables,
  • la création d’un marché unique de l’énergie,
  • et le développement d’infrastructures énergétiques interconnectées.

Cependant, ce même article stipule clairement que le choix du bouquet énergétique reste de la responsabilité des États membres.

Le Pacte vert contre le nucléaire

Aujourd’hui, le Green Deal  permet aux projets d’énergie renouvelable de bénéficier de subventions (1000 milliards d’euros sont annoncés !), mais il exclue l’énergie nucléaire de la « taxonomie » européenne (adopté le 16 juin 2020 par la Parlement européen) qui établit une liste de technologies qualifiées de « durables » pour les investisseurs. Cette exclusion rend impossible des garanties de revenus pour la production d’électricité des futurs réacteurs nucléaires.

La Pologne s’étonne…

Cette difficulté n’est pas ignorée par l’UE dont 14 États membres exploitent ou ont annoncé la construction d’installations nucléaires. C’est pourquoi, à contrecœur, le Conseil européen, dans ses conclusions du 12 décembre 2019, « reconnaît la nécessité […] de respecter le droit des États membres de décider de leur bouquet énergétique et de choisir les technologies les plus appropriées ».

Le 22 juin 2020, le ministre polonais du climat a écrit à trois commissaires européens pour souligner la contradiction entre la volonté de l’UE de réduire les émissions de CO2 et l’exclusion de l’énergie nucléaire :

« Nous avons été surpris que l’énergie nucléaire ne soit pas prise en compte dans les récentes politiques de l’UE, y compris le paquet « Green Deal », alors que sa place dans la taxonomie de l’UE est toujours remise en question. […]

Par conséquent, nous demandons à la Commission européenne, en tant que gardienne des Traités, y compris le Traité Euratom, de veiller à ce que la politique énergétique et climatique de l’UE soit élaborée de manière neutre sur le plan technologique et fondée sur des preuves ».

Bien que le langage soit diplomatique, c’est dit et écrit : la Commission européenne ne respecte pas de facto son Traité !

Un Green Deal en contradiction avec les traités de l’UE

La Commission européenne a aussi annoncé qu’elle proposera 100 milliards d’euros d’investissements par le biais du « mécanisme de transition équitable » pour soutenir les énergies renouvelables intermittentes, ce qui revient à imposer aux nations le choix du bouquet énergétique pour en profiter.

Et c’est incompatible avec l’alinéa 2 de l’article 194 du Traité de Lisbonne !

En outre, le Traité sur la charte de l’énergie (TCE), signé en 1994 par l’UE et Euratom, protège sur le long terme les investissements étrangers dans les combustibles fossiles. Par conséquent, le Green Deal est aussi en contradiction avec le TCE. Pour résoudre cet imbroglio juridique, une solution serait que l’UE et ses États membres se retirent collectivement du TCE. Mais cette décision aurait de graves conséquences pour de nombreux pays qui exportent du pétrole et du gaz.

Quelques parlementaires européens reconnaissent que ce traité n’est pas « compatible avec nos engagements en matière de climat » et se préoccupent des plaintes qui s’accumulent pour le non-respect de ce traité international.  

Ils veulent donc le dénaturer en excluant les énergies fossiles du texte, confirmant ainsi que le Green Deal  est incompatible avec le TCE qui « garantit que tout investisseur dans l’étendue géographique du traité a le droit de protéger ses actifs investis, même jusqu’à 20 ans après le retrait d’un État du traité ». Or ce traité ne peut être modifié qu’à l’unanimité.

Et puisque le Japon qui vend des centrales au charbon partout en Asie, et que la moitié des états signataires ne s’occupent pas d’énergies renouvelables, ce traité ne sera pas modifié dans le sens voulu par l’UE.

Si l’UE ne veut plus d’énergies fossiles, elle devra donc quitter ce TCE. Ce qui peut prendre un certain temps… auquel il faut ajouter les 20 ans prévus après le retrait du traité. Des ONG environnementales osent demander la non application de cette clause, alors qu’elle est l’essence de ce traité. 

Rien ne changera donc au moins avant 2050 !

La transition énergétique vers le « monde de demain » reposant sur des énergies renouvelables fatales n’est pas vraiment pour demain.

Comment l’UE va-t-elle procéder pour mettre en œuvre un Pacte vert qui est en contradiction avec ses propres traités ?

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