Cachez ce nucléaire que je ne saurais voir !

Michel Gay et Gérard Petit

Le Réseau de Transport d’Electricité national (RTE), filiale à 100% d’EDF, produit chaque année un « bilan électrique ». La version 2016 est stupéfiante[1] ! Le nucléaire, pourtant acteur majeur de notre système électrique avec plus de 75% de la production, y est marginalisé.

Est-ce un tour de magie cousu de fils verts, ou une directive du nouveau patron de RTE, l’ex député socialiste François Brottes ? Ce dernier a été un pilier de la nouvelle loi de transition énergétique pour une croissance « verte », avant d’être directement promu directeur de RTE mi-2015 par le pouvoir politique, peut-être pour impulser une orientation « verte » dans ce secteur.  

La contribution nucléaire n’apparait que dans un seul graphe et chiffre clé de 76,3% de la production nationale n’est assorti d’aucun commentaire. En revanche, les productions minoritaires des énergies renouvelables, notamment éoliennes et photovoltaïques (PV), sont abondamment commentées pour en souligner la croissance et l’importance.

Dans la synthèse en début de document, les productions renouvelables sont à dessein rapportées à la consommation intérieure (qui est d’environ 15% inférieure à cause des exportations et des pertes) pour les gonfler.

Ainsi, il est annoncé 4,5% pour l’éolien, 1,6% pour le solaire PV et 18,7% pour l’ensemble des renouvelables…, mais le nucléaire n’y figure pas ! Sans doute parce que le chiffre de 87,5% ferait désordre.

Il faut attendre la page 13 pour que le nucléaire soit inscrit simplement dans un tableau. Le seul commentaire concernant le nucléaire se trouve page 18 et vaut d’être cité : "La capacité de production nucléaire n’évolue pas en 2015 et la production nucléaire reste stable (+0,2%)". Et puis,… plus rien. Aucun graphe, aucune analyse sur le moyen de production qui, rappelons-le, a fourni 76,3% de la production d’électricité nationale en 2015.

En revanche, le document s’attarde longuement sur le déploiement de l’éolien et du solaire PV (respectivement 3,9% et 1,4% de la production) avec des graphes dédiés et des développements spécifiques.

Les bilans en production « renouvelables » incluent naturellement les 10,8% de l’hydraulique (la seule formidable énergie renouvelable) ce qui permet d’annoncer qu’on atteint déjà 17,5 % ! Et même 18,7% (page 13) en comparant la production des renouvelables à la… consommation en France.

Les valeurs relatives permettent de mettre en valeur la transition énergétique (antinucléaire ?) « en marche » et d’occulter ce qui dessert le dogme en vigueur (vive les renouvelables, à bas le nucléaire).

Ainsi, la puissance éolienne installée qui dépasse les 10 000 MW, (la puissance moyenne de 10 réacteurs nucléaires sur les 58 en service) doit être comparée à sa modeste proportion dans la production nationale : 3,9 % !

Pour le PV, il faut, là encore, rapprocher les 6200 MW du parc national fin 2015 (l’équivalent de six réacteurs nucléaires) à sa contribution énergétique nationale : 1,4%.

Le parc fossile (charbon, fioul et gaz), avec 6,2% de la production, a joué un rôle équivalent à celui de l’ensemble des renouvelables (hors hydraulique) qui est de 6,7%.  

Malgré cette ode aux renouvelables de RTE, ramener la contribution nucléaire à 50% en 2025 semble une utopie qui n’engage que ceux qui veulent y croire. D’autant plus qu’une augmentation des besoins en électricité se profile (démographie, nouveaux usages, …). La consommation des particuliers, des PMI / PME et des professionnels est en augmentation en 2015…

Selon la Cour des Comptes (prenant logiquement la loi pour hypothèse), arrêter une vingtaine de réacteurs nucléaires obligerait donc au développement couteux d’un important parc thermique fossile (gaz ou charbon)… comme nos voisins allemands. Cette politique serait contraire aux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et accroitrait notre dépendance énergétique.

Le développement de l’éolien et du solaire PV a déjà coûté des dizaines de milliards d’euros (Mrds€) aux consommateurs et aux contribuables. En pure perte, et ce n’est qu’un début : Peter Altmaier, ministre allemand de l’environnement, a déjà évoqué le coût de 300 Mrds€, et il estime que la transition énergétique allemande coutera 1000 Mrds€ ( !).

Ce Bilan RTE 2015 cache volontairement la forêt nucléaire derrière des mats éoliens et des panneaux PV. Il s’apparente à une imposture pour masquer la réalité et « couvrir » ce nucléaire que monsieur Brottes, Président du Directoire de RTE, ne saurait voir.

Les Tartuffe qui précipitent le système électrique dans le caniveau feignent de ne pas voir ce qui gêne leur rêve antinucléaire. Ils s’attardent sur ce qui les fascine (le vent et le soleil) dans une démarche techniquement vaine et économiquement suicidaire.  

Cachez donc ce nucléaire que je ne saurais voir !

[1] RTE : bilan électrique 2015 publié en janvier 2016. 

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