Électricité : gesticuler n’inversera pas le sens du courant

La France a pour objectif d'être climatiquement neutre à horizon 2050. Mais quelle sera la demande d'électricité à cette échéance et quels seront les moyens capables de répondre à ce besoin ?

Certains préconisent de construire toujours plus d’éoliennes pour y faire face.

La France ne serait-elle pas (plus) capable de développer suffisamment de réacteurs nucléaires à cette échéance ?

Un défi industriel

La demande en électricité sera croissante pour compenser le déclin des hydrocarbures (gaz et pétrole) qui représentent les deux tiers de la consommation globale d'énergie en France.

Selon RTE, elle passera de 475 térawattheures (TWh) actuellement par an à 650 TWh en 2050, et elle grimpera même jusqu’à plus de 840 TWh selon l'Académie des technologies (soit plus 50% par rapport à la consommation actuelle).

Or, produire ne serait-ce que 450 TWh d’origine nucléaire nécessiterait un parc de réacteurs d’au moins 70 gigawatts (GW), supérieur au parc actuel de 61 GW.

La réalisation d’une telle capacité nucléaire avant 2050 est un grand défi industriel à relever dès maintenant.

Augmenter la production d’électricité

Une partie de l’industrie automobile basculera vers l'électrique à batterie ce qui nécessitera d'augmenter la production d’électricité. Dans ces conditions, difficile d'écarter le nucléaire et le gaz.

En effet, malgré tout le nucléaire que la France pourrait techniquement et humainement construire, (indépendamment des obstacles politiques), il faudra également se résoudre à utiliser du gaz fossile (dit « naturel ») que les Russes fourniront à la France… via l’Allemagne, pour les pointes hivernales.

Il serait temps que la France et l’Europe se rendent compte qu’il est irréaliste de vouloir faire basculer les deux tiers de leur consommation énergétique actuelle reposant sur les énergies fossiles vers les énergies renouvelables, malgré toutes les économies pouvant être réalisées.

Selon le gestionnaire du réseau RTE, à horizon 2050, la puissance installée totale des éoliennes à terre et en mer serait multipliée par 8 par rapport au niveau actuel dans l'hypothèse d'un abandon du nucléaire, et ce serait même une multiplication par 20 pour le solaire.

Des énergies renouvelables pourquoi faire ?

Substituer des éoliennes et du solaire au nucléaire s’avère contre-productif puisque l’électricité produite est déjà décarbonée.

Les éoliennes constituent une source d'énergie intermittente qu’il est nécessaire de stocker pour faire face à une vingtaine de jours d’affilés sans vent, ou de vents faibles, et aussi en cas de surproduction.

Outre les barrages hydrauliques dont le développement est limité, voire stoppé, la seule technologie aujourd’hui envisagée est de convertir l'électricité en hydrogène puis de la reconvertir ensuite en électricité pour répondre au besoin.

Mais le rendement de cette chaîne étant à peine de 25% conduirait à produire 4 fois plus d'électricité qu’actuellement, ce qui engendre un coût pouvant tripler la facture de l'électricité.

Le problème n’est donc pas résolu avec le stockage…

L'idée selon laquelle l'éolien et le solaire ne coûteraient pas chers et créeraient beaucoup d'emplois est un mythe. La transition énergétique fondée principalement sur ces deux sources est une ruineuse impasse économique et sociale.

La loi visant 50% de nucléaire n’a aucun objectif climatique. Son seul but est de détruire la filière nucléaire.

La France n’a pas besoin de l’éolien pour assurer ses besoins en électricité.

Dans les années 1970, personne n’envisageait un parc éolien en parallèle du programme de construction de centrales thermiques fossiles.

Mais aujourd’hui, alors que le climat est mis en avant, des éoliennes et des panneaux solaires à la production intermittente conduisant à augmenter les émissions de gaz à effet de serre seraient nécessaires… Comme c’est étrange !

Relever le défi de l’industrie

La désindustrialisation serait-elle un mal nécessaire ?

Pourquoi ne pas croire aux capacités industrielles des Français et baisser les bras par avance ?

Simplement ne pas arrêter prématurément des réacteurs aurait déjà un impact positif sur les émissions de CO2 à toutes les échéances de temps, y compris 2050.

Mais cela ne doit pas constituer un prétexte fallacieux pour retarder encore la série des 6 premiers EPR qui conditionneront la suite de toute la filière industrielle.

Une centrale nucléaire fait appel à de nombreuses technologies existant également dans les centrales thermiques fossiles, notamment le génie civil pour les groupes turboalternateurs ainsi que la chaudronnerie lourde pour la fabrication des chaudières, turbines, pompes et autres gros matériels.

C’est possible !

En 1975, la consommation d’électricité augmentait alors de 7 % par an et la France venait de réaliser un programme important de centrales au charbon ou au fioul conduit par des industriels compétents, notamment Alstom.

La plupart n’ont eu aucune difficulté à se reconvertir dans le nucléaire, parfois… plus facile à construire à certains égards.

Par exemple, les chaudières (et tuyauteries associées) sur les cycles thermiques fossiles fonctionnaient à des températures et des pressions plus élevées (565 °C et 165 bars) que dans le nucléaire, imposant des aciers de haute résistance difficiles à souder. Ces soudeurs expérimentés n’ont eu aucune difficulté à se recycler dans le nucléaire.

De même, des forgerons et des fondeurs au Creusot ont su élaborer des aciers de haute qualité pour les cuves des réacteurs, tout comme les robinetiers.

Cette base avait donné au pays un substrat de compétences dans la conception et la construction pour démarrer en 1974 le gigantesque programme nucléaire français, le « Plan Messmer » qui a construit 58 réacteurs en… 20 ans.

La France avait alors un tissu industriel performant.

Donner l’impulsion !

L’impulsion des pouvoirs publics a été déterminante dans la réussite de ce gigantesque chantier industriel en engageant des programmes comportant des dizaines de réacteurs chacun. La visibilité donnée aux industriels leur a permis d’investir en moyens humains et matériels.

A contrario, l’absence de nouvelles constructions pendant plus de 15 ans à partir des années 1990 a fait fondre des compétences qui doivent être aujourd’hui reconstituées (avec des technologies ayant évolué) dans un secteur dénigré par les écologistes anti-nucléaires, et malmené par les tergiversations du pouvoir politique.

Hésitations et « en même temps » reculades sont incompatibles avec une vision qui doit s’inscrire nécessairement dans le long terme pour rebâtir dès que possible une industrie nucléaire performante.

Quand il y a une volonté, il y a un chemin.

Considérer que le nucléaire est limité par l'incapacité de construire suffisamment de centrales (et donc, en corolaire, accepter par dépit le développement de l'éolien) repose sur une forme de malthusianisme industriel...

Certes les capacités industrielles de notre pays ont diminué mais l’Europe peut aussi se réveiller et faire face ! Certes, des « grünen » allemands ne veulent pas de nucléaire mais l’Allemagne ne refuserait pas des commandes pour le nucléaire français... dont elle bénéficie.

Sinon, il ne restera plus qu’à commander nos centrales nucléaires en Chine…

 

Procrastination et rêve éveillé doivent cesser selon le Haut-commissaire au plan. L’État doit résister aux pressions des intérêts particuliers et ne viser que l’intérêt général qui, selon le Président de l’Autorité de sureté nucléaire (ASN) , passe par la relance sans délai de la filière nucléaire.

Ce n'est pas en gesticulant dans les énergies renouvelables que la France valorisera ses compétences dans le nucléaire et qu’elle inversera le courant (électrique ou pas...) !

En avant ! Et vive le nucléaire heureux !

Errare humanum est, perseverare… diabolicum.

 

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