Fessenheim : pour une poignée d'écologistes… et quelques cacahuètes

Par Michel Gay et Jean-Paul Crochon

La fermeture de la centrale de Fessenheim était un des engagements de campagne de François Hollande au motif que la centrale arrivait en fin de vie, qu’elle était « vieille », et située sur une faille sismique.

Pourtant l’Autorité de Sûreté Nucléaire n’a jamais demandé la fermeture de cette centrale qui a fait l’objet de programmes de modernisation (comme les autres centrales d’EDF de même type).

L’argument de risque pour la sûreté n’était guère crédible. Ségolène Royal, alors Ministre de l’Energie, avait même évoqué l’idée de remplacer la fermeture des deux réacteurs de Fessenheim par celle de deux réacteurs de la centrale de Tricastin (qui en comporte quatre), de manière à ne pas trop dégrader la situation de l’emploi en Alsace.

En réalité, tout le monde savait bien que le candidat François Hollande voulait acheter les voix des électeurs écologistes antinucléaires pour être élu.

La centrale de Fessenheim a 40 ans.

La mise en service industriel des deux réacteurs de Fessenheim a été accordée en janvier et en avril 1978.

Fessenheim est la copie exacte de Beaver Valley, la centrale de référence Américaine lors de l’achat de la licence PWR de Westinghouse par la France. Les mises en service industriel des deux réacteurs de Beaver Valley ont été effectuées en octobre 1976 et novembre 1977.

La décision de fermer Fessenheim au moment de la mise en service industriel de l'EPR de Flamanville en 2019 (ou 2020 ?) est officiellement prise. Il ne s’agit pas d’une demande de fermeture des Autorités de Sûreté Française, mais une décision politique pour satisfaire une poignée d’écologistes.

Dans le même temps, la centrale Américaine de Beaver Valley est déjà prolongée jusqu’à 60 ans[1]. Des études sont en cours pour une éventuelle prolongation ultérieure à 80 ans[2], selon la pratique de l’Autorité de Sûreté Américaine.

Cette différence de traitement entre deux centrales identiques de même âge est… surprenante.

Les organismes du secteur nucléaire Français (EDF, CEA, AREVA, etc…), les partis politiques d’opposition, les syndicats, … et bien sûr les médias, ne rapportent jamais cette anomalie. Personne ne parle de cette centrale de référence pour Fessenheim qu'est Beaver Valley, et qui se porte très bien !

"Fessenheim" serait-elle vieille ?

La centrale de Fessenheim est généralement qualifiée de « vieille » par les médias qui reprennent ce que déclarent les antinucléaires alors que rien ne permet de justifier ce qualificatif. Une centrale électrique de 40 ans n’est pas une centrale « vieille ». Elle n'est même peut-être qu'en milieu de vie, dans la force de l'âge…

De tels équipements industriels comme d’ailleurs la plupart des centrales hydrauliques et thermiques à flamme ont des durées de vie plus longue. Il ne faut pas confondre une hypothèse de durée de vie associée à des retours d’investissement (40 ans pour Fessenheim et les autres centrales) avec la durée de vie réelle des installations selon les conditions de fonctionnement et d’entretien. Cette dernière peut être de… 60 ans, ou plus !

En réponse à une question sur le devenir de Fessenheim lors d’une réunion des cadres retraités d’EDF, le Président Proglio avait alors déclaré :

« Je suis là pour défendre EDF et ses actionnaires. Ce ne sont pas des communiqués de presse, ni des Monsieur Fessenheim, qui feront fermer Fessenheim mais, soit EDF si la centrale n’est plus économique, soit l’Autorité de Sûreté Nucléaire, soit une décision politique. Mais dans ce dernier cas, il faut une loi. J’attends donc la loi et alors j’enverrais la facture ».

La facture était alors estimée à environ 7 milliards d’euros.

La loi relative à la fermeture de Fessenheim n’est pas venue. Mais la décision politique a été dissimulée dans la loi de transition énergétique en fixant le plafond de puissance installée nucléaire en France à 63 gigawatt (GW). Ce qui conduit à fermer 1,8 GW quand l'EPR de Flamanville (1,6 GW) sera mis en service. Cette puissance correspond comme par hasard, aux deux réacteurs de 0,9 GW de Fessenheim.

En novembre 2014, le Président Proglio a été remplacé par Jean-Bernard Lévy, un proche de François Hollande.

Lors de la même réunion annuelle en 2016, en réponse à la même question d’un retraité, le Président Lévy a déclaré : « Je suis là pour appliquer la politique du gouvernement ».

Soyez sage pour quelques cacahuètes…

Pour exercer une pression "amicale" sur EDF afin que cette entreprise (dont l'Etat est actionnaire[3] à 83%) accepte de fermer Fessenheim, le gouvernement a menacé de bloquer l'EPR en construction en Normandie (conformément à la loi…).

Cette manœuvre en dit long sur le sérieux de l’argument de sûreté nucléaire à cause d'une faille sismique, et sur l’intérêt porté à EDF (et au pays) par certains écologistes.

Bien que dénuée de justification technique, EDF a plié pour une aumône de 400 millions d'euros malgré une situation financière dégradée. Quelques cacahuètes pour le personnel au regard des 7 milliards d'euros de manque à gagner en perte d'exploitation !

C’est le prix à payer par les Français pour acheter les voix des écologistes hostiles au nucléaire.

Or, le député Serge Dassault est poursuivi pour abus de bien social car il aurait acheté des électeurs (avec son propre argent) pour gagner les élections dans sa circonscription.

Que dire alors de ceux qui achètent des électeurs, fussent-ils écologistes, avec l'argent des autres (les Français) qui ont payé un bien social (une centrale nucléaire) avec leurs factures d'électricité ?

Étonnamment, dans ce dernier cas, il ne s'est trouvé aucun des organismes précités pour porter plainte pour abus de bien social !

 

[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Centrale_nucléaire_de_Beaver_Valley

[2] https://www.lesechos.fr/12/01/2016/LesEchos/22105-080-ECH_nucleaire---les-reacteurs-americains-en-route-vers-80-ans-d-exploitation.htm

[3] https://www.edf.fr/groupe-edf/espaces-dedies/finance/informations-financieres/l-action-edf/structure-du-capital

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