Lettre au Député Julien Aubert

Chambéry, le 13 mai 2019

Monsieur Michel GAY

à

Monsieur le député Julien Aubert

Assemblée nationale
126 rue de l'Université
75355 Paris 07 SP

Objet : Futur rapport de la Commission d'enquête de l’Assemblée nationale sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

 

Monsieur le député,

 

Je me permets de vous féliciter sincèrement pour vos excellentes questions et pour le déroulement de cette salutaire commission d’enquête que vous présidez.

Vous trouverez en annexe une analyse critique d'extraits des quinze comptes rendus des auditions de la commission visée en objet, jusqu’à celle du 18 avril 2019.

Les personnes auditionnées répondant sous serment, le mensonge est donc exclu. Cependant, j’ai relevé des erreurs, des contradictions entre les intervenants, des raisonnements « étranges » de certains haut-fonctionnaires de l’Etat, et même quelques tentatives "d'enfumage" de la représentation nationale.

Je vous prie instamment de bien vouloir lire l'ensemble de mes commentaires surlignés en jaune et entre parenthèses répartis dans les extraits des textes des auditions, notamment à partir du compte rendu n°7. Ils vous donneront certainement un éclairage différent.

Je vous enverrai d'autres analyses critiques au fur et à mesure de la publication des comptes rendus des auditions suivantes.

Nous sommes nombreux parmi les « sans voix » à attendre la sortie de ce rapport cet été, et à lui souhaiter un grand avenir.

            Je vous prie d’agréer, Monsieur le député, l’expression de mes meilleures salutations.

                                                                                             Michel GAY

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04.79.71.61.32

ANNEXE

à la lettre adressée au député Julien Aubert le 13 mai 2019

Première partie (164 pages)

Extraits et analyse

des auditions publiques

de la Commission d’enquête

sur l’impact économique, industriel et environnemental

des énergies renouvelables,

sur la transparence des financements et sur l’acceptabilité sociale

des politiques de transition énergétique

(15 auditions jusqu’au compte rendu n°21 du 18 avril 2019)

Les 15 comptes rendus des auditions publiées sur internet sont numérotés 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 21

Nota : Dans les commentaires, le terme « EnR » (Energies Renouvelables) représente plus particulièrement l’éolien et le solaire, à l’exception de l’hydroélectricité.

Les extraits sont constitués de l'essentiel des auditions pour avoir une forme de synthèse à destination d’un public plus large afin de pouvoir comparer plus facilement les déclarations, parfois divergentes, des intervenants.

Les généralités (du genre "j'ai beaucoup étudié le sujet", ce qui n'empêchent pas certains d'entre eux de dire ensuite des énormités), certaines interrogations et des questions restées sans réponses, ainsi que les formules de politesses, ont été supprimées. La longueur du texte de ces auditions est "raccourcie" d'environ un quart (164 pages au lieu de plus de 250 pages).

Il apparaît que les citoyens sont tenus à l'écart d'un gigantesque gâteau financier que certains se partagent et qui n'a ni le même goût, ni le même aspect, selon qui dévoile la recette de la transition énergétique.

Les mots en gras dans les auditions sont surlignés par moi-même.

(Mes commentaires sont en gras entre parenthèses surlignés en jaune)

 

Mardi 12 mars 2019

Extraits commentés du compte rendu n° 2

Présidence de M. Julien Aubert, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Francis Duseux, président de l’Union française des industries pétrolières (UFIP)

(Cette audition intéressante, technique et instructive appelle peu de commentaires).

  1. Francis Duseux : Le gazole consommé représente quelque 40 millions de tonnes par an, et les raffineries françaises ne sont pas capables de fabriquer ce volume considérable. Nous investissons tous pour maximiser cette production mais nous nous heurtons à une limite physique que nous ne pouvons dépasser, si bien que le gazole consommé dans notre pays est pour moitié importé. Aussi, si la consommation de gazole baisse beaucoup au cours des deux prochaines décennies, cela aura pour conséquence, dans un premier temps, la réduction des importations, qui proviennent essentiellement de Russie mais aussi, de plus en plus, des États-Unis. En effet, grâce au gaz de schiste, combustible très peu cher, les États-Unis ont relancé leur pétrochimie et, ayant modifié leur législation, ils deviennent exportateurs de produits pétroliers. L’Europe commence à recevoir de gros navires chargés de gaz américain.

L’évolution de la consommation des carburants aéronautiques, en hausse, est également assez frappante. L’activité du secteur de l’aviation augmente de 4 % à 5 % par an, et cela devrait durer car, étant donné la concurrence, les prix des billets d’avion baissent. On s’attend donc que le nombre de voyages aériens augmente.

La baisse de la consommation d’essence a été considérable, en raison de l’avantage fiscal qui a été donné au diesel : la différence de prix qui en résultait – 12, voire 15 centimes par litre – était suffisante pour inciter les gens à consommer du diesel et de moins en moins d’essence. Cela a posé un problème dans nos raffineries, où nous fabriquions beaucoup plus d’essence que ce que nous ne pouvions en vendre sur le marché français. Nous étions donc obligés d’exporter, et cela remettait en cause l’avenir de nos raffineries. Aussi avons-nous toujours été favorables à un équilibre de taxation entre gazole et essence ; on n’en est pas loin. Le Gouvernement précédent avait engagé ce rééquilibrage. Le mouvement s’est poursuivi ces deux dernières années. Le graphique reflète la tendance nouvelle : la courbe de la consommation d’essence se redresse, augmentant de 4 % à 5 % par an. Cela devrait continuer.

Si la consommation de fioul domestique a beaucoup baissé ces dernières années, il faut garder à l’esprit que 10 millions de Français se chauffent encore avec ce carburant, souvent dans des zones rurales éloignées sans accès au gaz, qui n’est donc pas une alternative plausible. Quelque 4 millions de chaudières sont encore équipées au fioul domestique et 1,5 million des 10 millions de consommateurs concernés sont dans une situation précaire. C’est pourquoi nous avons toujours incité l’État à la prudence à ce sujet. Il y a des années déjà, dans cette même salle, je me rappelle avoir invité à prendre garde au niveau des taxes sur le fioul domestique. C’est un problème majeur de pouvoir d’achat pour beaucoup de Français qui vivent dans des maisons, souvent dans des zones rurales, mal isolées ; augmenter les taxes sur ce carburant, c’est une attaque frontale contre le pouvoir d’achat de près de 4 millions de foyers et 10 millions de Français.

L’essence ne représente que 20 % des carburants vendus, contre 80 % pour le gazole, pour un ensemble de 50 milliards de litres vendus par an. Ce chiffre est à peu près constant depuis quatre ou cinq ans. Actuellement, on vend moins de gazole et un peu plus d’essence, mais la variation est de l’ordre d’un pour cent. Il faut aussi garder à l’esprit que si 50 milliards de litres sont vendus chaque année et que l’on augmente les taxes de 2 centimes par litre, cela représente un milliard d’euros pour les caisses de l’État. L’effet de levier est donc considérable !

Vient ensuite un coût quasiment inexistant il y a encore trois ou quatre ans : celui des certificats d’économie d’énergie (CEE).

Pour nous, fournisseurs de carburant, cela représentait moins de 2 centimes par litre, jusqu’au jour où Mme Ségolène Royal, pendant la dernière semaine de son ministère, a décidé de doubler les obligations. Nous avons fait valoir, en vain, que c’était irréaliste et que cela serait source de problèmes. Le nouveau gouvernement a maintenu le doublement des obligations et ce que nous avions prévu s’est produit : nous n’arrivons pas à fournir ces certificats d’économie d’énergie, il y a un tarissement des gisements. Le problème de fonctionnement est patent, le dispositif est monté en puissance beaucoup trop vite et beaucoup trop fort donc le prix des certificats augmente.

Il résulte pour l’instant que le coût des certificats, ramené au litre de carburant, est de 5,6 centimes ; il était même supérieur à 8 centimes pour le litre de carburant acheté « spot » au début du mois.

Les grandes surfaces représentent 60 % du volume de carburants vendus dans ce pays.

Le prix du carburant est une donnée tellement sensible pour les 22 millions de Français contraints de se déplacer en voiture que si les stations-services ne s’alignent pas sur les prix affichés par les grandes surfaces, elles ne vendent plus.

J’en reviens à la composition du prix du carburant. Au prix de la matière première, de la distribution et du CEE s’ajoute la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) ; elle est de 69 centimes pour l’essence et de 60 centimes pour le gazole. Il y a aussi deux « effets TVA » : la TVA sur le produit et les coûts de distribution d’une part, soit 10,8 centimes par litre d’essence, et la TVA sur la TICPE, soit 13,8 centimes sur l’essence également. C’est ainsi que se décompose le prix d’un litre de carburant.

Il en résulte que, le 8 mars 2019, pour un litre de gazole vendu 1,46 euro, 61 centimes correspondaient aux prix de la matière première, de la distribution, du coût des CEE, et 85 centimes à des taxes – soit 140 % du produit. Pour un litre d’essence, c’est pire encore : à 53 centimes correspondant au coût de la matière première, de la distribution et des CEE s’ajoutent 94 centimes de taxes ; l’essence est le produit le plus taxé de France.

Nous avons fait un calcul : à quel niveau de « taxe carbone », terme à la mode, correspond donc la taxe payée sur les carburants par les usagers français ? Pour le gazole, il s’agit de 223 euros la tonne, et de 300 euros la tonne pour l’essence.

Si on revenait au prix passé du pétrole, qui était d’environ cent dollars le baril, il en coûterait 30 centimes supplémentaires par litre à la pompe. Faites le calcul : vous arrivez assez rapidement à 2 euros le litre d’essence et de gazole à la pompe, ce qui nous semble insupportable pour le budget des Français.

L’affectation de la TICPE, qui inclut, depuis deux ans, une fraction « taxe carbone ». La prévision pour 2018 était de 33,8 milliards d’euros, 12,3 milliards étant transférés aux collectivités territoriales, 7,2 milliards d’euros au compte d'affectation spéciale (CAS) « Transition énergétique », et 1 milliard d’euros à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) pour financer des projets d’infrastructures. On pourrait penser que les usagers qui payent autant de taxes aient droit qu’une partie, même modeste, du produit de ces taxes, aille à la réparation des routes et des ouvrages d’art. Qui voudrait qu’un pont s’effondre comme à Gênes ? Or, un sénateur avec lequel nous nous étions entretenus nous disait son inquiétude de ne pas avoir le financement nécessaire à la réparation de routes, dont on sait pourtant que 19 % devraient être réparées.

(Effet d’évictions et appauvrissement généralisé ?)

À la TICPE s’ajoute bien sûr la TVA à 20 %. Il ne me revient pas d’en juger, mais je lis les suggestions du grand débat en cours : sur un produit, le carburant, aussi important pour la mobilité des Français et avec des personnes qui n’ont pas d’alternative au transport automobile, on pourrait s’interroger sur le niveau de TVA à appliquer. Le carburant ne pourrait-il pas être considéré comme un produit de première nécessité ?

Le gaz naturel est peu taxé et le fioul domestique, qui n’était pas taxé, l’est progressivement.

(Et donc encore appauvrissement des Français…)

En matière d’énergie, l’Europe est une catastrophe ! J’en veux pour exemple que les deux plus grandes économies européennes conduisent des politiques énergétiques opposées. L’Allemagne ferme son parc nucléaire, et 40 % de l’électricité provenant dans ce pays de la lignite, il en résulte un désastre en matière d’émissions de gaz à effet de serre – ce pourquoi l’Allemagne envisage, ai-je lu dans la presse, la fermeture des centrales à lignite en 2038. En revanche, si le CO2 est vraiment l’ennemi, et on peut penser qu’il l’est, la France est exemplaire. Notre part des émissions mondiales est de 0,8 % grâce à notre énergie nucléaire : c’est le record absolu de tous les pays industrialisés, alors même que notre pays est la sixième économie mondiale. À entendre ce qui s’énonce au cours des COP au sujet du réchauffement climatique, nous avons tous intérêt, pour nos enfants et nos petits-enfants, à éliminer le plus possible les émissions de CO; dans ce cadre, nous pouvons servir de modèle au reste du monde.

Renchérir le coût du transport est très dangereux parce que cela plombe l’économie française dans son ensemble.

Selon l’estimation que nous avons faite avec France Industrie, il ressort du projet de programmation pluriannuelle de l’énergie en discussion qu’il s’agirait de trouver 50 milliards d’euros par an pendant dix ans. Comme, semble-t-il, on n’ajoutera plus de taxes sur les carburants – je pense que cela a été compris, même le Président de la République le répète souvent – comment financerez-vous la somme considérable de 50 milliards d’euros par an ?

Je maintiens que pour ce qui est de la production d’énergie, la part de la France est de 0,8 % des émissions mondiales.

Le Premier ministre a annoncé la suppression des chaudières individuelles au fioul d’ici dix ans. Mais quelles sont les alternatives sinon une chaudière à bois ou une pompe à chaleur ? Or, une pompe à chaleur coûte 15 000 euros, auxquels s’ajoute le coût de l’évacuation et de la casse de la chaudière à fioul domestique, soit 2 000 euros supplémentaires. Même si les propriétaires des chaudières à fioul reçoivent une aide de 3 000 euros, le reste à charge sera considérable. Je ne pense pas que les ménages encore chauffés de cette manière dans des zones rurales reculées, dans des maisons mal isolées, c’est vrai, aient les moyens d’une telle dépense. Quelles que soient les mesures proposées, il faut dire la vérité sur le reste à charge et, selon moi, le remplacement des chaudières à fioul domestique par des pompes à chaleur n’est pas possible ; cela ne fonctionnera pas.

L’ordre de grandeur du coût des travaux d’isolation étant de 250 euros le mètre carré, pour un pavillon de banlieue des années 1960, une de ces fameuses « passoires énergétiques », la dépense sera donc comprise entre 37 000 et 40 000 euros. Là encore, à supposer même une aide de 10 000 euros, il n’est pas certain que les propriétaires de ces maisons puissent financer un reste à charge de 30 000 euros – et il faut de 25 à 30 ans pour rembourser un emprunt de ce montant.

J’observe que l’on exclut une mesure bonne et simple, consistant à faire remplacer une vieille chaudière au fioul domestique installée il y a un quart de siècle par une chaudière moderne à haute efficacité énergétique. Ces équipements existent et ne coûtent pas plus de 5 000 euros mais, malheureusement, la loi exclut cette substitution. Cela ne va pas, et je pense que nos collègues de la Fédération française des combustibles, carburants et chauffage (FF3C), qui représentent 22 000 emplois en France, vous le diront mieux que moi.

Nos émissions par habitant sont deux fois inférieures à celles de l’Allemagne qui, parce qu’elle utilise beaucoup de lignite, émet beaucoup de CO2 – 9 tonnes par an et par habitant. Les émissions annuelles par habitant sont de 15 tonnes aux États-Unis et de 60 tonnes en Chine. L’Inde développant massivement des centrales au charbon, ces trois derniers pays vont représenter à eux seuls 70 % des émissions mondiales, et l’Europe 10 % seulement.

Même quand le prix du pétrole est tombé à 30 dollars le baril, la consommation de carburant n’a quasiment pas changé. Cela s’explique par la raison simple que de nombreux Français ont besoin de leur voiture tous les jours pour aller travailler, et que le transport poids lourds, qui reflète l’économie du pays, représente 20 % de la consommation globale.

Le gaz et l’électricité sont aussi soumis aux CEE. Pendant les premières périodes d’application du dispositif, le coût des certificats, assez bas, était estimé à 9 milliards d’euros par, dont 4,5 milliards pour le pétrole. Le renchérissement des CEE fait que le niveau de coût est désormais d’environ 4 milliards par an, soit 12 milliards en trois ans, que payent les consommateurs. Les fournisseurs d’énergie unanimes ont demandé dans une lettre commune adressée au ministre l’assouplissement du mécanisme. Nous avons besoin de plus de temps pour faire retomber les prix, afin que le consommateur ne soit pas pénalisé.

  1. le président Julien Aubert. Je retiens donc que le montant de 4 milliards d’euros que vous indiquez ne correspond pas uniquement au carburant mais à l’ensemble des énergies vendues. Pour en revenir au carburant, la TICPE brute totale prévue pour 2018 est de 34 milliards d’euros environ et la TVA de quelque 12 milliards d’euros, à quoi s’ajoutent environ 2 milliards d’euros de CEE, qui ne sont pas une taxe mais que les automobilistes payent. Leur facture s’élève donc en gros à 47 milliards d’euros, dont 2 milliards vont aux CEE et donc à la transition énergétique, et 7 milliards au compte d’affectation spécial « Transition énergétique ». En bref, sur 47 milliards d’euros prélevés à la pompe, environ 9 milliards, soit quelque 20 %, sont effectivement consacrés la transition énergétique.

Mme Laure de La Raudière. Prélevés à la pompe, mais aussi lors du remplissage des cuves de chauffage.

  1. le président Julien Aubert. Vous avez indiqué que votre marge est de 1 centime. Cela signifie-t-il que lorsque le coût des CEE a augmenté vous avez automatiquement augmenté d’autant le prix à la pompe ?
  1. Francis Duseux. Bien sûr. C’est la discussion que nous avons eue avec M. Bruno Le Maire, qui nous disait : « La situation est tendue, n’en profitez pas pour fixer de grosses marges »… Cette discussion est récurrente, je me rappelle l’avoir eue avec Mme Christine Lagarde en son temps. Les grandes surfaces ont confirmé qu’au mois de décembre dernier, elles vendaient le carburant sans aucun bénéfice du tout ; pour notre part, notre marge était de 1 centime par litre.

Mme Laure de La Raudière. Vous parlez de 2 centimes mais la volatilité du prix du baril est bien souvent beaucoup plus forte. Même si le produit brut ne représente qu’une petite partie du prix à la pompe, n’est-ce pas là que s’observent les plus grandes fluctuations ?

  1. Francis Duseux. Dans le prix du litre de carburant, la partie « matière première » compte pour 25 % ; c’est sur cette fraction que les fluctuations du prix du baril, à la hausse comme à la baisse, ont un impact sur le prix à la pompe. Je ne dis pas que cela soit complètement neutre mais, compte tenu du poids des taxes, l’amortissement de l’augmentation du prix du baril sur le prix à la pompe est fantastique.

Mardi 12 mars 2019

Extraits commentés du compte rendu n° 3

Présidence de M. Julien Aubert, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Frédéric Plan, délégué général, et de M. Éric Layly, président fédéral de la Fédération française des combustibles, carburants et chauffage (FF3C)

(Cette audition intéressante, technique et instructive n’appelle aucun commentaire. Seuls quelques points importants sont extraits)

  1. Frédéric Plan : nos entreprises entretiennent quelque 2 000 dépôts d'hydrocarbures secondaires, en complément des stocks pétroliers primaires, pour assurer la sécurité d'approvisionnement du territoire pour l'ensemble des usagers des produits que vous avez cités – plus, à titre anecdotique, le gazole pêche, le fioul fluvial et pour partie la plaisance.

Le secteur fait, en gros, un chiffre d'affaires annuel de seize milliards d'euros, soit approximativement 5 milliards d’euros de taxes intérieures directes et une charge indirecte de l'ordre de 500 millions d’euros par an, toutes activités confondues : fioul domestique, carburants pour les stations rurales, approvisionnement en vrac des transporteurs publics, des collectivités territoriales, fiscalité indirecte des certificats d’économie d’énergie (CEE). Je n’inclus pas ici diverses redevances dont on ne sait si on peut les qualifier de taxes, telle que la redevance sur les stocks stratégiques ou la taxe incitative relative à l'incorporation de biocarburants (TIRIB) qui est l’ancienne taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) biocarburants.

Pour le gazole non routier, plus faiblement taxé que le gazole, car il bénéficie aux utilisateurs dans l'agriculture et les TPE, le marché est de 5 millions de mètres cubes. Le marché du fioul domestique pour le chauffage est de 7 millions de mètres cubes. Les marchés du fluvial et du gazole pêche sont pour mémoire.

Sur les biocarburants, les entreprises indépendantes demandent vraiment une visibilité pluriannuelle. Le dispositif change trop souvent – moins que pour les CEE, certes. De plus, le risque de déstabilisation de la concurrence existe. C'est, accessoirement, une curiosité fiscale. C’est, à ma connaissance, la seule énergie renouvelable qui ne reçoit aucune subvention de l'État ni des régions. On impose aux opérateurs d'incorporer le coût, qui ne pèse en rien sur les fonds publics. Mais par ailleurs, cette partie renouvelable du carburant est taxée comme si c'était un produit pétrolier. Le procédé échappe à la logique, en tout cas à la nôtre.

Quant au fioul domestique, à usage de chauffage pour l'essentiel, il supporte à due proportion une taxation « contribution climat énergie », autrement dit la taxe carbone. Mais avant qu’il ne soit question de taxer les effets climatiques, ce produit l’était déjà à hauteur, TVA incluse, d’environ cinq centimes du litre. Le maintien de cette taxe historique n’est pas justifié. À ce jour, le fioul domestique intègre 7 % d'énergies renouvelables, mais c’est comme si ces 7 % n’existaient pas : tant que cette partie renouvelable du fioul domestique sera considérée comme du pétrole 100 % fossile, il n'y aura pas d'énergies renouvelables dans le fioul domestique. C’est un point de blocage, car, suite aux tests sur la substitution du fioul domestique par un combustible liquide renouvelable, sont actées des incorporations progressives de 30 % puis de 50 % à l'horizon 2030. Pour une fois qu'une énergie renouvelable n'a pas besoin de subventions, pourquoi attendre ?

Un mot sur le bois énergie : il bénéficie d'une aide fiscale directe avec une TVA réduite, et indirecte, puisque cette TVA n'est pas recouvrée, à peine 20 % du bois passant par le marché. De plus, ce marché ne peut pas être normalisé, alors que la qualité du bois brûlé influe considérablement sur les performances des appareils et surtout sur les rejets de CO2 ou de polluants atmosphériques.

J’en viens enfin – mais peut-on ici parler de fiscalité indirecte ? – aux certificats d'économie d'énergie. Je confirme les chiffres donnés par l’UFIP, que nous avons en effet entendus. Toutes énergies confondues, et à prix inchangés, le dispositif coûte 4 milliards d'euros par an aux consommateurs, 5 milliards avec la TVA. Mais il pourrait encore augmenter.

En effet, les « obligés » – les vendeurs d’énergie obligés de réaliser des économies – ne parviennent plus à produire ce qui leur est demandé. Nous sommes en cours de quatrième période – elle s’achève en juin, et pour l’instant, si sur les CEE précarité la production égale l’obligation, sur les CEE classiques, le déficit est de 50 %. S’il se maintient, il y aura donc des pénalités sur 50 %. Hypothèse, dira-t-on, mais elle est inquiétante. Car ces pénalités seront de 9 milliards d'euros hors TVA, soit près de 11 milliards d’euros en plus pour le consommateur. Pour tenter de rattraper la dérive actuelle, l’administration propose des actions sous engagement, sous charte, qui ont pour effet la création d'économies fictives – ce qui attire toujours les aventuriers.

Je rappelle que le dispositif des CEE a été inventé en 2003 et mis en œuvre en 2004 parce qu'il était très difficile de convaincre le secteur diffus de faire des économies d'énergie. On a considéré que seuls les acteurs énergéticiens qui avaient un contact direct avec les consommateurs pouvaient les convaincre. Mais aujourd'hui, les « obligés » n’ont pas ou plus le contact avec le consommateur ; l'essentiel des certificats d'économie d'énergie est produit par des intermédiaires qui font un boulot que les énergéticiens, apparemment, ne savent pas faire. Devant ce constat d’échec de la justification initiale, peut-être faudrait-il, je n'ose pas dire centraliser, mais rationaliser la chose.

  1. Éric Layly, président fédéral de FF3C. Pour la quatrième période, le doublement des objectifs a été justifié par des travaux tout à fait sérieux, notamment de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), sur la base d’un coût des CEE de 4 000 euros le gigawattheure cumulé et actualisé (GWh CUMAC). Il est aujourd’hui de 9 000 euros sur le marché spot, le cours indicatif annoncé est de 7 500 à 8 000 euros. Malgré ce cours supérieur aux prévisions, on ne produit pas assez de CEE. C’est inquiétant.

  1. Frédéric Plan. La production de CEE nécessite d’apporter un certain nombre de preuves administratives des réalisations effectuées. Il arrive que celui qui apporte le dossier de travaux à un « obligé », voire au délégataire d'un « obligé », fasse travailler une entreprise qui, elle-même, sous-traite. Il peut y avoir dans cette chaîne des failles qui fassent que les dossiers dits réalisés ne le soient pas vraiment.

L'administration a progressivement, aggravé les sanctions pour les demandeurs de certificats, non pour les entreprises intermédiaires ou de travaux, mais pour les « obligés » et les « éligibles ». Ceux-ci doivent, en quelque sorte, faire la police eux-mêmes. C’est très compliqué et un « obligé » n'a pas les moyens de payer des contre-visites systématiques – sur de grandes opérations industrielles soit, mais chez un particulier, non.

  1. Éric Layly. Les opérations à un euro sont en vogue. Par exemple, depuis quelques années, une opération « Isolation des combles à un euro » est financée par les CEE pour les ménages précaires ou très précaires. Bien sûr l'« obligé », qui peut être le pétrolier, le distributeur de gaz, ne réalise pas l’opération lui-même. Il passe par des intermédiaires spécialisés qui s'appellent les délégataires, dont le rôle est d'amener au pôle national des certificats des dossiers d'économie d'énergie que celui-ci valide et transforme en CEE. Si le consommateur, qui constate que l’installation n’est pas très isolante, se plaint, l'installateur a beau jeu de lui rétorquer qu’il a payé 1 euro, donc il n’a rien à dire ! Et pour réduire les coûts, ces entreprises font appel à des travailleurs détachés, pas forcément des ouvriers français. Certaines entreprises ont bien le label « Reconnu Garant de l’Environnement » (RGE), mais il y a beaucoup d'opportunistes. Bref, quand on veut faire du pas cher, c'est finalement le consommateur qui paye les conséquences.

Et puis, il y a des traders de certificats d'économie d'énergie : quand on n’arrive pas à remplir son obligation, il faut bien acheter des KWh CUMAC de CEE. Mais, curieusement, si les entreprises délégataires sont en France, les traders de CEE sont au Luxembourg, à Amsterdam, à Turin. Le fonctionnement du marché est quand même bizarre.

  1. Frédéric Plan. Joue aussi dans le déficit de production le fait que les « obligés » deviennent de plus en plus méfiants et prennent beaucoup moins de dossiers. Par le passé, ils étaient moins regardants, et le pôle national également. C’est une évolution dans le bon sens, mas cela aggrave le déficit.

Je n’avais pas répondu à une question du président : est-il réaliste de prévoir de se passer du fioul domestique, d'ici à dix ans ? Je dirais que, d'ici à vingt ans, à condition que l'on substitue au fioul domestique un combustible renouvelable, c'est jouable. Je l’ai dit, nos entreprises ont un marché, moins important que celui du fioul, en bois énergie. Donc nous n’avons pas d'états d'âme à ce sujet. Mais très sincèrement, pour la facilité d'utilisation et même en terme de bilan global sur la pollution – je ne parle pas ici de gaz à effet de serre – un combustible liquide renouvelable sera peut-être plus vertueux que le bois énergie.

  1. Frédéric Plan. Si les organisations d'installateurs vous ont dit ce qu'elles pensaient des opérations à un euro, je n’ai pas grand-chose à ajouter. Quand on fait du marketing et des promesses sur la base de 1 euro, il ne faut pas s’attendre à des résultats merveilleux. Chacun doit « compresser » ses coûts d'intervention pour le faire. Mais vous parliez de trois ou quatre chantiers en quelques jours ; c’est plutôt trois ou quatre chantiers par jour…

  1. Éric Layly. Le problème des opérations trop subventionnées, c'est que cela attire des aventuriers, des margoulins, et que les consommateurs paient la facture. J’ai connu le marché du photovoltaïque. Il a été tué deux fois, la première parce qu'il était tellement subventionné qu'il y a eu un très gros afflux d'entreprises, la deuxième quand le Gouvernement a supprimé les aides et qu’elles ont toutes fermé. Les gens se sont retrouvés avec des panneaux sur le toit et personne pour les changer ou les entretenir.

Vous évoquez le changement de chaudière à un euro. Je suis distributeur de fioul et j’ai une activité de chauffagiste, je peux parler de la pompe à chaleur. Elle est faite pour produire de l'eau chaude à 30 degrés et est donc bien adaptée à une maison équipée d'un plancher chauffant à basse température. Mais elle ne produit pas l'eau chaude à 55 degrés pour prendre la douche. On parle beaucoup de remplacer la chaudière au fioul par la pompe à chaleur : les gens vont être chauffés – mal – mais, pour se laver à l'eau chaude, ça marchera beaucoup moins bien. Ou alors ça coûte très cher. Dans l'immense majorité des maisons équipées d'un chauffage au fioul, on a des radiateurs. Il faut produire de l'eau chaude à 55 degrés minimum pour pouvoir chauffer les radiateurs. Une pompe à chaleur assez performante pour cela coûte au minimum 15 000 euros à 20 000 euros. Ce n’est pas celle qu’on vous installera dans l’opération à un euro. Et une pompe à chaleur a une durée de vie de dix ans plutôt que de vingt ans comme on l'entend. Si une pompe à chaleur à 1 euro dure dix ans, ce sera très bien. Mais interrogez les professionnels, installateurs et grossistes en matière de chauffage : à 1 euro, on vend du rêve.

Nous comprenons bien l'objectif de réduire les émissions de CO2. Pour cela, plutôt que d'inciter les consommateurs à changer d'énergie pour être mal chauffés, nous proposons de transformer le fioul domestique en bio-fioul, voire en combustible liquide qui n’a rien à voir avec du fioul, en utilisant des esters méthyliques d’acide gras (EMAG) qui remplacent très bien le fioul domestique dans les chaudières. Jusqu’à 10 %, voire 20 %, on peut le faire sans aucun changement sur le brûleur. Au-delà, à 30 %, il faut changer les gicleurs et quelques pièces, mais ce ne sont pas des investissements importants. On peut donc faire du bio, du renouvelable, à la place du fioul domestique, tout de suite, sans investissement pour les consommateurs et sans avoir à subventionner des énergies renouvelables de façon importante.

  1. Frédéric Plan. Dès aujourd'hui, le fioul domestique pourrait comporter 7 % d’EMAG. Ce n’est pas le cas parce que la production française d'ester méthylique coûte un peu plus cher que le pétrole et que, dans la mesure où cette partie renouvelable est taxée comme si c'était du pétrole, les opérateurs n'en mettent pas dans le fioul. La question est purement économique.

Tout à l'heure, lors de l’audition de M. Duseux, j’ai entendu dire que le fioul domestique est très cher : 2 200 euros par an pour un ménage contre 1 600 euros s’il se chauffe autrement. Oui et non. Oui car, en zone rurale et périurbaine, les bâtiments sont moins isolés, plus anciens, les équipements aussi – la durée de vie d'une chaudière au fioul joue finalement contre elle. Mais, à isolation identique, avec un équipement aussi performant, le fioul domestique ne coûtera pas plus cher que le gaz. L'écart est de moins de 10 %, mais si c'est du gaz propane, ça coûtera 50 % de moins cher, et même 70 % de moins que les convecteurs électriques.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Quant aux dispositifs à 1 euro, il est évident que ce que le consommateur paye n’est pas le prix réel de l’opération. De mon point de vue, les installateurs ne devraient pas accepter que l’on brade ainsi la valeur de leur travail. Il faut plutôt, avec plus de transparence, mettre en évidence que ce type d’opération est extrêmement subventionné, notamment grâce au CEE. Mieux vaudrait donc afficher le prix réel, barré, à côté du « à 1 euro ».

  1. Éric Layly. Environ un million de chaudières au fioul ont plus de vingt ans. Les remplacer par une chaudière au fioul à haute performance énergétique (HPE) ou à condensation, qui a le même rendement qu'une chaudière gaz HPE, économise de 30 % à 40 % de combustible. Si en plus on isole la maison, on peut diviser par deux sa facture énergétique. Pour nous, c’est là l’enjeu. Et augmenter la part de bio dans le fioul – les essais en cours au Centre technique des industries aérauliques et thermiques (CETIAT) sont positifs – permettra de réduire les émissions de CO2.

  1. le président Julien Aubert. Laure de La Raudière n'a pas réussi à obtenir la réponse des vendeurs de carburants. Mais vous, vous êtes au fait de l'élasticité. Cela nous intéresse beaucoup.

  1. Frédéric Plan. Tout dépend de la manière de voir les choses. Si les gens se restreignent sur le confort et qu'ils retrouvent un niveau de confort attendu parce que le coût le leur permet, on ne peut pas dire que ce soit vertueux.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Effectivement, quand les gens arrêtent de se chauffer parce que ça coûte trop cher, il n’y a rien de vertueux. On connaît bien la sorte de rattrapage que vous décrivez, en particulier pour les personnes précaires. Elles ne se chauffaient pas correctement. Quand le prix baisse, leur facture reste stable : elle correspond à ce qu’ils peuvent payer pour se chauffer. Ils se chauffent mieux et retrouvent un certain « confort » – je n’aime pas du tout le terme, car on a l’impression que c’est un luxe alors que c’est un élément de base pour la santé.

  1. le président Julien Aubert : Oui, dans la réglementation thermique 2012, pour le neuf, on favorise plutôt les énergies fossiles que l’électricité, à cause du coefficient de calcul.

  1. Frédéric Plan. Plutôt que d’avantage donné aux énergies fossiles, je parlerais d’une sorte de « sanction de l'effet Joule ».

De toute façon, cela n’a pas d’incidence pour le fioul domestique, car on n’y fait pas appel dans l'habitat neuf. Du fait que les besoins de chauffage ont été tellement réduits que les machines utilisant le fioul domestique sont surdimensionnées, il est relativement rare d’y recourir, sauf dans des régions aux hivers particulièrement rigoureux.

En revanche, dans un certain nombre de rénovations énergétiques, mais aussi dans le neuf, l’usage de la pompe à chaleur dite réversible ne pénalise pas l’électricité, car si elle réduit la consommation sur la partie chauffage, elle entraîne une consommation sur le refroidissement qui n'existait pas et compense sûrement la baisse.

Mardi 19 mars 2019

Extraits commentés du compte rendu n° 4

Présidence de M. Julien Aubert, Président

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Magali Viandier, directrice sourcing, économie des offres d’EDF, et de M. Patrice Bruel, directeur régulation, accompagnés de Mme Véronique Loy, directrice adjointe des affaires publiques

  1. le président Julien Aubert. La dérégulation du marché de l’électricité a ainsi favorisé l’émergence de fournisseurs alternatifs, qui représentent aujourd’hui près du tiers des volumes consommés. Néanmoins, EDF conserve une part importante de la clientèle des particuliers : ses tarifs réglementés concernent toujours plus des trois quarts des ménages français.

La montée en puissance des énergies renouvelables – phénomène assorti d’obligations de rachat de leur production à la charge de l’opérateur historique – a constitué un autre choc. La conséquence de ce bouleversement – à moins qu’il ne s’agisse d’une coïncidence : c’est à vous de nous le dire – a été une augmentation très sensible de la facture d’électricité des Français, du fait notamment de l’accroissement très important des taxes et prélèvements. Une partie de nos concitoyens s’attendait, tout au contraire, à ce que l’ouverture à la concurrence se traduise par une baisse du montant des factures.

Selon les prévisions de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) pour 2019, les charges de service public de l’énergie s’élèvent au total à 7,8 milliards d’euros, dont 5,3 milliards pour les seules énergies renouvelables.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Comment accompagnez-vous vos clients en matière d’efficacité énergétique ? Comment cela se met-il en œuvre, notamment à travers les certificats d’économie d’énergie (CEE) ? Quelle est, au final, la part supportée par les ménages ? S’y retrouvent-ils en termes d’économies finales ? Autrement dit, s’agit-il d’un prélèvement qui les amène à se libérer d’une partie du poids de l’énergie – ou non ?

Mme Magali Viandier. Je pourrais peut-être vous fournir des réponses complémentaires mais, à cet instant, je n’ai pas les chiffres.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. J’aimerais effectivement que vous nous les communiquiez.

  1. le président Julien Aubert. Avez-vous une idée du montant que paient les Français pour financer les certificats, et que vous intégrez dans les factures ?

Mme Magali Viandier. Il est difficile d’isoler cette part dans les factures, mais les CEE ont un prix de marché. Or, on est passé de 1,5 euro par mégawattheure CUMAC à la fin de 2016 à près de 9 euros au début de 2019. L’ambition pour ce qui est de l’encouragement à la réalisation d’économies d’énergie contribue à créer de la tension sur le marché, du point de vue aussi bien du niveau de primes accordées que des incitations commerciales et de l’obligation pour chaque fournisseur de ne pas être en infraction en fin de période – la pénalité étant de l’ordre de 15 euros du mégawattheure CUMAC. On observe donc, effectivement, une tension sur le prix des CEE, qui se répercute sur le tarif proposé et donc sur les factures d’électricité.

on est passé d’une obligation, pour l’ensemble des fournisseurs, de 800 à 1 600 térawattheures cumulés et actualisés (CUMAC). Qui plus est, EDF, en raison de la taille de son portefeuille, est le premier « obligé » s’agissant des CEE. Depuis quelques mois, tendanciellement, le coût de revient des CEE augmente et va, à terme, alourdir les factures d’électricité. Il est donc important, si l’on veut que l’effet des dispositifs comme « Coup de pouce » soit vraiment mesurable et bénéfique pour les clients, de travailler sur le niveau du reste à charge pour les consommateurs quand ils procèdent à des investissements visant à réaliser des économies d’énergie – qu’ils changent leurs fenêtres ou bien encore leur mode de chauffage. Le reste à charge doit être acceptable, notamment pour les ménages les plus modestes.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Nous nous rendons compte qu’il n’est pas facile pour vous de chiffrer, en centimes ou en euros, ce que représentent les CEE dans la facture totale. Nous vous serions reconnaissants de bien vouloir revenir vers nous avec l’information, pour nous dire clairement si, au moment où le prix des CEE s’est envolé, passant de 1,5 euro à 9 euros, il y a eu une répercussion immédiate sur la facture, ou si la différence a été prise sur vos marges – bref, comment ce coût a été réparti, et si, en définitive, c’est le consommateur final qui l’a supporté, ou bien vous.

Mme Magali Viandier. Actuellement, il y a de l’ordre de 25 millions de clients résidentiels qui bénéficient des tarifs réglementés de vente, auxquels s’ajoutent 3 millions de clients dits « professionnels » – sachant que, pour les entreprises de taille intermédiaire, les grandes entreprises et les très grands clients, il n’y a plus de tarifs réglementés depuis plusieurs années. Les fameux tarifs jaune et vert, supprimés le 1er janvier 2016, étaient les derniers pour cette catégorie de clients.

EDF, ces deux dernières années, a perdu un peu plus d’un million de clients résidentiels par an, ce qui correspond à un rythme de 100 000 clients par mois environ. Ce rythme a d’ailleurs été en augmentation au cours de ces deux dernières années, notamment pour la raison que j’évoquais tout à l’heure : les conditions de sourcing ont fait qu’à un moment les offres de marché ont été plus compétitives que les tarifs réglementés, dont la valeur est fixe. Pour les années antérieures, le rythme était plutôt de 60 000 clients quittant chaque mois les tarifs réglementés pour souscrire à des offres de marché auprès de fournisseurs alternatifs – mais également auprès d’EDF, car nous avons, en plus des tarifs réglementés, une gamme d’offres de marché, notamment des offres dites vertes.

  1. Patrice Bruel. Aujourd’hui, les conditions sont radicalement différentes, les coûts ayant baissé de manière spectaculaire, et ce n’est pas terminé ; en témoignent les derniers appels d’offres, avec un prix du mégawattheure compris entre 55 et 65 euros pour les installations au sol et entre 80 et 90 euros pour les installations sur toiture. Ce sont là des baisses très significatives par rapport à un passé pas si lointain, et elles se poursuivent. Nous avons donc un volume de charges de service public occasionné par le développement des énergies renouvelables qui continue d’augmenter, en raison du nécessaire soutien public, mais dans une mesure bien plus faible qu’auparavant.

  1. le président Julien Aubert. Tout à l’heure, vous avez dit que les charges de service public continuent à augmenter faiblement. Aujourd’hui, vous l’avez dit, la CSPE ne finance plus les énergies renouvelables. La progression de la CSPE dans la facture d’électricité des Français n’est donc plus corrélée avec le soutien aux énergies vertes. Sommes-nous d’accord ?

  1. Patrice Bruel. Il n’y a plus de lien entre la CSPE et le soutien aux énergies vertes depuis le 1er janvier 2016.

  1. le président Julien Aubert. Nous sommes bien d’accord.

Lors de cette réforme, y eut-il un débat avec Bercy sur une éventuelle suppression de la CSPE ? C’est un petit peu l’histoire de la vignette : on crée une contribution essentiellement pour financer une politique, puis on abandonne cette contribution en tant que source de financement de cette politique, mais on la maintient et elle « disparaît », si j’ose dire, dans le budget de l’État.

A-t-il été envisagé, la contribution carbone augmentant, de réduire mécaniquement la CSPE, voire de la faire tendre vers zéro ?

  1. Patrice Bruel. Lorsque j’indiquais que les charges de service public continuaient à augmenter mais bien plus lentement, c’était évidemment en ayant à l’esprit un socle de charges héritées de l’histoire et consubstantiel de contrats d’une durée de vingt ans, qui explique que le montant reste toujours significatif aujourd’hui.

Pour notre part, nous constatons qu’une compensation des charges de service public que nous supportons est versée directement, financée par le budget de l’État – pour partie du compte d’affectation spéciale « Transition énergétique », pour partie d’une ligne du budget général –, et que, par ailleurs, la CSPE collectée sur les factures des consommateurs est versée directement au budget général. Ensuite, la question de l’affectation ou de la non-affectation de la ressource fiscale relève de l’État, nous y sommes totalement étrangers.

  1. le président Julien Aubert. Vous n’avez pas répondu à ma question sur les montants. À quel montant s’élève la compensation reçue de l’État ? À quel montant s’élève la CSPE ?

  1. Patrice Bruel. Le montant des charges inscrites au compte d’affectation spéciale « Transition énergétique » s’élève à 6,8 milliards d’euros – le montant total inscrit à ce compte étant de 7,3 milliards d’euros, car nous ne sommes pas le seul opérateur chargé de missions de service public. S’y ajoutent 2,3 milliards d’euros du budget général, dont 1,7 milliard d’euros pour la compensation des surcoûts dans les zones non interconnectées.

  1. le président Julien Aubert. En 2020, il n’y aura donc plus de retard de compensation, si j’ai bien compris.

  1. Patrice Bruel. Absolument.

  1. le président Julien Aubert. Si je pars du principe que je maintiens aujourd’hui la CSPE, qui abonde le budget de l’État et permet ensuite, par un jeu budgétaire, de verser une compensation à EDF, la part de CSPE correspondant aux énergies renouvelables n’aura donc plus de raison d’être au-delà de 2020. Je parle bien de la part historiquement liée à ces énergies, autrefois calculée en fonction de l’aide apportée à certaines énergies, qui est restée inscrite dans les factures.

  1. Patrice Bruel. Je n’ai pas dû bien me faire comprendre, monsieur le président. La compensation des charges de service public est de la première importance pour EDF puisqu’EDF honore ses contrats. Elle prend aujourd’hui la forme de transferts directs qui sont financés par le budget de l’État. Effectivement, lorsque la CSPE a changé de statut, le 1er janvier 2016, tout en gardant son nom, on aurait pu imaginer qu’elle disparaisse du jour au lendemain puisqu’elle n’avait plus de lien avec le financement des charges de service public et que sa raison d’être avait disparu. L’État a fait un choix différent et l’a maintenue, mais, comme nous le souhaitions, elle a arrêté d’augmenter. Ce prélèvement fiscal continue d’être perçu mais son montant est stable depuis le 1er janvier 2016 : 22,50 euros.

Nous accueillerons à bras ouverts son éventuelle baisse. Et c’est bien de la CSPE que je parlais tout à l’heure lorsque j’envisageais l’hypothèse d’un allégement de la fiscalité.

  1. le président Julien Aubert. Le 1er janvier 2016, à la dernière date connue d’un calcul réaliste des charges au soutien des énergies renouvelables, quelle part de la CSPE représentait ce soutien aux énergies renouvelables ?

  1. Patrice Bruel. Je crains de ne pas être capable de vous répondre immédiatement parce que c’est un petit peu compliqué. Il y avait à la fois une compensation, un apurement historique et un panier de charges qui ne se limitait pas aux énergies renouvelables. Pour répondre à votre question, il faut répondre par une hypothèse arbitraire à la question de savoir à quel type de charges le retard doit être imputé.

  1. le président Julien Aubert. Je conçois que l’exercice soit compliqué et qu’il soit difficile de répondre de tête.

Le 1er janvier 2016, une partie de la CSPE était consacrée au soutien aux énergies renouvelables. Il aurait été possible et logique de décider de supprimer cette partie, puisque ce soutien était financé par ailleurs ; on l’a conservée, et l’État, vous devant de l’argent, peut aussi utiliser les sommes ainsi collectées pour vous rembourser. On pourrait estimer aussi qu’à partir de 2020, les comptes étant soldés, ce prélèvement perde sa justification. Je voudrais donc comprendre quelle part de la CSPE représentait ce soutien.

Par ailleurs, l’État perçoit de la TVA sur la CSPE. On aurait pu, à défaut de supprimer la part de la CSPE correspondant aux énergies renouvelables, cesser de percevoir un impôt sur une contribution qui n’avait plus lieu d’être – parce que cet impôt aussi est payé par les Français. Avez-vous une idée du montant de TVA acquitté par les Français à raison de la « CSPE énergies renouvelables » ?

  1. Patrice Bruel. La TVA s’applique effectivement sur la CSPE et, d’ailleurs, sur d’autres impôts, en application du droit communautaire qui prévoit que les droits d’accise sont soumis à la TVA. La CSPE étant de 22,50 euros, le montant de TVA acquitté sera de 4,50 euros. Sur la facture d’un client au tarif bleu dont le volume moyen de consommation est de 5 mégawattheures, cela représentera un peu plus de 20 euros.

  1. le président Julien Aubert. Cela nous permet d’avoir une idée, mais si vous pouviez un jour nous communiquer des chiffres globaux… L’un des objectifs de cette commission d’enquête est de savoir ce qui est prélevé par différents canaux au nom de la transition énergétique – à bon ou mauvais escient, ce n’est pas la question.

  1. le président Julien Aubert. Lors du rattachement des éoliennes en mer, on a décidé d’alléger le coût du soutien à l’éolien en mer via la CSPE en abaissant les tarifs de rachat. Néanmoins, d’après mes informations, on a pris en charge une partie du raccordement de ces éoliennes via le TURPE. Faut-il en déduire que celui-ci participe en partie au financement de la transition énergétique en sus et lieu de la CSPE ?

  1. Patrice Bruel. Nous comprenons cela exactement comme vous, monsieur le président.

  1. le président Julien Aubert. Avez-vous une idée des sommes que cela pourrait représenter et de l’impact sur la facture ? Ce pourrait être une bonne nouvelle – la CSPE ne va pas financer les énergies renouvelables – mais, en réalité, les coûts reviendront sous la forme du TURPE, qui va augmenter. J’imagine que vous n’avez pas fait le calcul…

  1. Patrice Bruel. Je ne peux vous donner d’éléments chiffrés. Le seul commentaire que je souhaite faire, c’est qu’il nous a semblé, dans cette organisation des responsabilités, complètement pertinent que l’opérateur le plus compétent en matière de développement d’infrastructures de transport et de raccordement soit en charge des enjeux de maîtrise des risques. Quand vous confiez le cœur de métier à l’industriel le plus compétent, vous êtes en situation de minimiser les coûts. Cela fait partie, nous semble-t-il, des bonnes choses de ce changement d’organisation.

  1. Patrice Bruel. On pointe du doigt les CEE et leur coût, mais ils sont avant tout un instrument de politique publique qui vise à permettre d’atteindre les objectifs de la transition énergétique, les objectifs de réduction des consommations d’énergie finales. Bien évidemment, nous sommes très attachés à ces objectifs mais notre préoccupation est de faire en sorte que les moyens mis en œuvre soient les plus efficaces possibles. C’est l’une des raisons pour lesquelles il a pu nous arriver de dire que le dispositif des certificats d’économie d’énergie était perfectible et qu’il était important de faire en sorte que ses conséquences sur la facture des consommateurs soient, autant que faire se peut, maîtrisées.

  1. le président Julien Aubert. J’ai compris que vous ne disposiez pas forcément d’une évaluation de ce que peuvent représenter les CEE pour la facture, mais il serait quand même intéressant d’en savoir plus sur l’effet mécanique qu’ils peuvent avoir sur la TVA. Il ne s’agit pas d’un jugement de valeur, il s’agit d’avoir une vision très claire de ce qui est exactement prélevé.

L’objectif des CEE, ce sont les économies d’énergie, et EDF se retrouve un acteur majeur du dispositif, alors que l’entreprise vend principalement une électricité décarbonée. N’est-il pas un peu injuste de faire reposer ainsi la politique des économies d’énergie sur un acteur majoritairement décarboné ? Ne devrions-nous pas viser à des économies d’énergie avec un objectif en termes d’émissions de CO2 plutôt que viser à de simples économies d’énergie sans distinguer entre EDF et Total ?

  1. Patrice Bruel. Vous soulevez la question déterminante des objectifs de la politique énergétique. Nous sommes enclins à penser que le plus important est celui de la lutte contre le réchauffement climatique et donc de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Bien évidemment, moins vous consommez de l’énergie, moins vous êtes susceptible d’émettre, mais il est effectivement très important de privilégier les réductions de consommation d’énergie en ciblant les énergies les plus émettrices.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Quelle part de la CSPE est consacrée à la sobriété, donc à la réduction de la consommation d’énergie ? Quelle est la part consacrée à l’installation d’équipements ? Une part de la réduction tient simplement aux usages : par exemple, les effacements ne nécessitent aucune sorte de nouveaux équipements.

Par ailleurs, qu’en est-il du coût des CEE au regard de la réduction de la facture et de l’efficacité énergétique ? Les CEE permettent-ils aujourd’hui plus d’efficacité énergétique qu’auparavant ? Pouvez-vous nous indiquer un ratio, un tendanciel ?

  1. Patrice Bruel. Votre question, extrêmement précise, s’adresse à des experts des CEE, ce que nous ne sommes pas ; j’en suis désolé.

Mardi 19 mars 2019

Extraits commentés du compte rendu n° 5

Présidence de M. Julien Aubert, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Antoine Jourdain, directeur technique d’ENEDIS, de M. Éric Peltier, membre de la direction financière, et de M. Pierre Guelman, directeur des affaires publiques

  1. le président Julien Aubert. Enedis a en charge la gestion du réseau de distribution électrique, qui représente, en France, 1,4 million de kilomètres de lignes. Si cette mission a une forte implication de service public, il ne s’agit toutefois pas d’un monopole : Enedis couvre 95 % du territoire, mais 150 entreprises locales de distribution (ELD) assurent une mission équivalente, pour environ 2 500 communes. Enedis, un acteur connu du grand public pour ses opérations de raccordement, de dépannage et de relevé de compteur, possède 36 millions de clients raccordés.

  1. Antoine Jourdain, directeur technique d’Enedis. L’énergie photovoltaïque, quant à elle, est répartie de deux manières : l’une semi-centralisée dans des fermes solaires de forte puissance ; l’autre plus diffuse, constituée de panneaux répartis sur les toits de nos concitoyens, qui, grâce au compteur Linky, en profitent relativement simplement, puisqu’ils n’ont plus besoin de branchements supplémentaires, le compteur mesurant l’énergie dans les deux sens.

En 2018, nous avons investi environ 240 millions d’euros pour raccorder l’ensemble des énergies renouvelables. Pour respecter la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui fixe, à l’horizon de 2028, une augmentation de 10 gigawatts pour l’éolien et de 9 gigawatts pour le solaire – de 25 à 34 –, nous pensons doubler notre capacité d’investissement, afin de relier progressivement les parcs. Actuellement, nous relions un peu plus de 2 gigawatts par an, et devrions arriver aux alentours de 5 gigawatts en 2028.

si une voiture électrique est une source de consommation, c’est aussi un stockage sur roues.

(Attention ! Le propriétaire ne sera peut-être pas d’accord pour user sa batterie qui a un nombre limité de cycles, et le coût de revente devra être élevé car il y aura eu des pertes en ligne à rattraper. De plus, chaque propriétaire voudra peut-être que sa batterie soit chargée pour partir…)

Pour ce qui est des énergies renouvelables, Enedis dépense environ 1 milliard d’euros par an pour connecter ses clients, essentiellement dans le cas de constructions neuves. L’an dernier, nous avons accueilli environ 370 000 nouveaux clients. Sur ce milliard, nos clients bénéficient d’une réfaction de 40 %, ce qui leur permet de ne pas payer la totalité du raccordement.

(Mais ce sont les autres clients et les contribuables qui payent car Enedis ne vit pas de l’air du temps).

En revanche, pour les énergies renouvelables, la réfaction est plafonnée à 5 mégawatts.

Enedis développe aussi des solutions « smart ». Comme je vous l’ai dit, 95 % des nouvelles capacités sont reliées au réseau de distribution. Il va falloir, de plus en plus, équilibrer la consommation et la production. Historiquement, pour des raisons technologiques, ce rôle était entièrement dévolu à RTE. Ce sera toujours le cas pour équilibrer la fréquence et la tension sur les lignes HTB et HTB2. En revanche, localement, les quartiers équipés de panneaux photovoltaïques auront besoin d’un équilibrage en temps réel sur le réseau, soit en renforcement, de manière massive, soit grâce à des stockages, des flexibilités ou des mécanismes de marché.

C’est là tout l’intérêt du compteur communicant Linky, qui permet de recueillir l’ensemble des données et de définir les courbes de charge du réseau. Le réseau ayant été construit de manière centralisée pour écouler la production localement, on ne disposait auparavant que de deux points de mesure par an, aux dates de relevé du compteur. La visibilité sur le réseau était alors quasiment nulle. Grâce à Linky, nous pourrons mieux canaliser les électrons, afin de garantir une optimisation maximale du réseau.

De fait, les compteurs communicants se développent moins pour s’assurer que la facture soit bien payée et économiser le coût du relevé que pour pouvoir piloter l’ensemble du réseau en temps réel.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Monsieur Jourdain, pensez-vous que les véhicules électriques seront un facteur d’augmentation de pic ou de régulation ?

  1. Antoine Jourdain. Dans le cas des grosses flottes de bus, il faudra construire des ouvrages pour disposer d’une puissance suffisante. D’autres solutions existent aussi, comme cette technologie du « biberonnage » des bus, sur le trajet, qui s’est développée à Nantes et permet de répartir la consommation.

Pour les véhicules individuels, nous pensons qu’il n’y aura pas besoin de renforcer le réseau. Nous avons fait en sorte que les normes de construction des places de parking respectent un coefficient de 0,4. Lorsque l’on construit un réseau dans une rue, on n’additionne pas les puissances de tous pour dimensionner le réseau à 100 % de la puissance maximale : des coefficients de foisonnement permettent d’optimiser les investissements. À l’exception des parkings souterrains, qui nécessiteront de construire des réseaux, partout ailleurs, cela foisonnera. Des signaux tarifaires permettront de charger la plupart des véhicules la nuit. On pourra même imaginer que, dans un parking, la première source pour recharger une voiture qui aurait absolument besoin de partir le lendemain matin, ce seront les voitures voisines. En additionnant tous ces moyens de foisonnement, il n’y aura pas besoin d’augmenter la puissance. Au niveau très local, cela se fera au cas par cas : si trois dépôts de véhicules électriques sont implantés dans un rayon de 500 mètres, il y aura sans doute besoin de construire un équipement adapté.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Même s’il est encore tôt, quel bilan faites-vous de l’installation du compteur Linky, au regard des perspectives qu’il était censé ouvrir ?

  1. Antoine Jourdain. Aujourd’hui, nous comptons environ 400 000 clients équipés d’installations individuelles de panneaux photovoltaïques, dont un peu plus de 30 000 sont en autoconsommation. Le compteur permet à ces clients de faire des économies directes sur leur facture. Un peu plus de 17 millions de compteurs ont été installés, en deux ans et demi. L’un des leviers du business plan de Linky était de réduire les pertes en électricité et de diminuer certaines interventions – lors d’un déménagement ou d’un emménagement, par exemple.

Des économies plus difficiles à chiffrer se font également jour, grâce à une observation du réseau en temps réel. Auparavant, nous ne disposions que d’une modélisation, sans jamais mesurer réellement ce qui se passait. Par conséquent, le réseau était ou surdimensionné ou sous-dimensionné. Maintenant que l’on dispose de données, on voit que l’on est globalement bien dimensionné. Mais cela permet aussi, dans le cas de nouveaux investissements, de trouver d’autres solutions, de demander, par exemple, à des gens de s’effacer – selon un système du type des « heures creuses », qui contribuait à une optimisation très importante du réseau électrique – et donc de différer des investissements. L’avantage du compteur par courant porteur en ligne (CPL), c’est qu’il traverse le réseau. Un réseau souterrain qui commence à vieillir envoie certains signaux avant de tomber en panne. En voyant apparaître les surtensions, nous pouvons prévenir des pannes – un avantage difficile à chiffrer.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Pourriez-vous nous préciser la part de déperdition d’énergie sur le réseau ? Dans quelle mesure Enedis peut-elle fournir des informations utiles, de sorte à mener des politiques régionales différenciées ? Enfin, de quelle façon les nouveaux outils du réseau intelligent nous permettront-ils de mieux détecter les anomalies de consommation – les ménages en précarité énergétique ou, au contraire, un excès de consommation ?

  1. Antoine Jourdain. Pour répondre à la dernière question, les données de nos clients étant confidentielles, nous n’y avons pas accès. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), ainsi que d’autres organismes, veillent au respect de cette confidentialité. Les clients, eux, peuvent bien sûr examiner leurs données ou mandater expressément des personnes pour le faire. En revanche, nous pouvons disposer de données par agrégats.

Quant au taux de perte, il est évalué à 6,5 %.

  1. Hervé Pellois. Quel est le ratio entre l’investissement réalisé par Enedis et celui des syndicats départementaux notamment ? Par ailleurs, ces syndicats travaillent-ils tous de la même façon ou certains prennent-ils des initiatives dans le domaine des énergies renouvelables sur leurs fonds propres ?

  1. Antoine Jourdain. Ces dernières années, Enedis a investi en moyenne entre 3,2 et 3,3 milliards d’euros par an. Avec le programme Linky, le budget a dépassé les 4 milliards en 2018. Les autorités organisatrices de la distribution d'électricité (AODE), les concédants, investissent par an environ 810 millions d’euros : 21 % du budget concernent les raccordements ; 28 % le renforcement ; 14 % l’esthétisme ; sur les 37 % restants, un tiers correspond aux montants engagés pour enterrer des fils nus, les deux autres à leurs investissements propres. Certaines AODE sont en train de changer de modèle. Par exemple, le syndicat garant du service public de la distribution des énergies en Vendée (SYDEV) développe des fermes éoliennes, en partenariat avec des sociétés d’économie mixte (SEM) et des opérateurs privés. La transition énergétique représente un nouveau relais d’activités pour les concédants.

  1. Vincent Thiébaut. Ma question concerne l’essor de la production d’énergie photovoltaïque à domicile. Avez-vous le sentiment que les ménages qui font ce choix ont tendance à consommer moins d’énergie ? Par ailleurs, quel est l’impact sur le réseau en cas de surproduction ? Vous avez expliqué que vous pouviez absorber l’énergie produite par les fermes éoliennes, mais qu’en est-il de l’énergie photovoltaïque ?

  1. Antoine Jourdain. L’autoconsommation pose effectivement des questions. Même si les gens équipés de panneaux photovoltaïques peuvent avoir le sentiment d’être indépendants du réseau, il est néanmoins nécessaire que celui-ci continue d’associer les productions émanant des moyens centralisés, semi-centralisés et diffus, car nous vivons sous des latitudes où le photovoltaïque produit des quantités d’énergie très différentes en été et en hiver. À supposer que les gens construisent des installations photovoltaïques suffisantes pour passer l’hiver à Paris, vous pouvez imaginer le surplus qu’ils auront au mois d’août… Si, en revanche, ils créent des installations en fonction de leurs besoins au mois d’août, ils devront recourir au réseau durant les mois d’hiver, même s’ils ont des moyens de stockage. Le réseau de distribution reste donc un garant essentiel de la solidarité, dans l’espace et dans le temps.

S’agissant des fermes de production, nous cherchons plutôt à renforcer le réseau et à construire des postes sources, sur le modèle de ce qui a été fait pour l’éolien : la production remonte soit sur le réseau de distribution, soit sur le réseau de transport, ce qui permet de l’écouler sur l’ensemble du territoire.

  1. Anthony Cellier. Dans le prolongement de l’intervention précédente, je souhaite vous interroger sur le principe de solidarité, qui fonde notre réseau. Pour certains de nos concitoyens, le Graal, aujourd’hui, c’est de consommer l’énergie qu’ils produisent sur le toit de leur maison. Si le phénomène devait se généraliser, quid de la solidarité de notre réseau ? Et quid du TURPE5 ? Cela m’amène à vous poser une deuxième question. Le TURPE 5 doit vous permettre de faire des investissements en faveur de la transition énergétique. Ce TURPE est-il à la hauteur ? Permet-il à Enedis d’investir autant qu’elle le souhaite ? Enfin, j’aimerais connaître la position d’Enedis concernant le stockage de l’énergie, puisque je crois savoir que vous avez racheté un central de stockage il y a peu.

  1. Antoine Jourdain. Aujourd’hui, le tarif, tel qu’il est conçu, comprend une part « puissance » et une part proportionnelle à la consommation. Les Français qui consomment leur propre énergie ne paient plus la part proportionnelle à la consommation : ils sont donc, pour ainsi dire, subventionnés. Nous considérons que cette subvention leur permet de rentabiliser leurs panneaux de stockage. Mais, pour le distributeur, la structure de coût est plutôt liée à la puissance. En effet, une fois que l’on a fait votre branchement et dimensionné le réseau pour que vous puissiez l’utiliser, les coûts sont quasiment identiques, que vous l’utilisiez ou non. Nous militions donc, auprès de la CRE, en faveur d’une augmentation progressive de la part « puissance » dans notre tarif.

Aujourd’hui, la part proportionnelle à la consommation représente 80 % du tarif. En théorie, nous pourrions donc perdre jusqu’à 80 % de nos revenus si tout le monde passait à l’autoconsommation, alors que notre réseau reste le même et a les mêmes missions. Une augmentation progressive de la part « puissance » permettrait de refléter plus justement nos structures de coût.

  1. Éric Peltier. Comme Antoine Jourdain l’a dit tout à l’heure, nous réalisons aujourd’hui près de 4 milliards d’euros d’investissements, ce qui prouve que nous avons une vraie capacité de financement.

  1. Antoine Jourdain. Peu d’entreprises, en France, font 4 milliards d’euros d’investissements.

S’agissant du stockage d’énergie, nous n’avons pas racheté d’entreprise de stockage, mais nous faisons effectivement des expérimentations dans ce domaine. La Commission européenne, dans le cadre de ce que l’on appelle le Clean Energy Package, nous interdit pour ainsi dire de pratiquer le stockage parce qu’elle considère, à raison d’ailleurs, que celui-ci peut faire l’objet d’usages multiples : il permet de faire du trading, d’optimiser la courbe de charge des producteurs et il sert au réseau. À partir du moment où il rend plusieurs services, dont plusieurs services marchands, mieux vaut qu’un opérateur mette ces services en location ou qu’il offre une prestation.

nous expérimentons tous les modes d’utilisation du stockage susceptibles d’être intéressants pour le réseau, mais nous n’avons pas vocation à être un opérateur de stockage. Cela a été tranché par la Commission européenne.

  1. Emmanuel Maquet. Dans le prolongement des questions de mes collègues, avez-vous une idée de ce que coûtera le matériel qu’il faudra connecter à votre réseau pour accueillir l’électricité produite par l’éolien et le photovoltaïque ? Ces énergies étant intermittentes, j’imagine qu’il faut prévoir des moyens spécifiques pour les accueillir.

  1. Antoine Jourdain. Nous investissons de l’ordre de 250 millions d’euros par an pour créer des ouvrages, notamment des postes sources, et pour poser des câbles reliant nos installations. Ce montant devrait doubler dans les dix prochaines années.

En parallèle, nous avons un grand programme de numérisation de l’ensemble de nos ouvrages, et nos postes sources devraient passer sous IP. Le projet industriel de l’entreprise prévoit un plan d’investissement de 1 milliard d’euros par an pour l’entretien du réseau historique. La transition énergétique nous oblige à avoir un pilotage en temps réel, et donc à avoir une vision en temps réel de l’ensemble de notre réseau.

  1. le président Julien Aubert. J’aimerais vous poser quelques questions sur le TURPE, dont il a peu été question dans votre présentation. Quelle est la somme perçue annuellement par Enedis au titre du TURPE ?

  1. Antoine Jourdain. Cette somme s’élève à 14 milliards d’euros.

  1. le président Julien Aubert. Pouvez-vous nous indiquer quelle part de cette somme est générée par les frais de raccordement des énergies renouvelables ?

  1. Antoine Jourdain. Pour faire simple, nous investissons 250 millions d’euros par an dans l’énergie renouvelable. Avec le mécanisme de réfaction, nous facturons 200 millions d’euros aux clients. L’année suivante, nous déduisons cette somme du TURPE, dans la mesure où nous allons être rémunérés pendant quarante ans pour les 250 millions d’euros que nous avons investis. Chaque année, nous touchons 6,5 % des 250 millions d’euros investis, soit 16 millions d’euros environ. Les 50 millions restants sont directement financés par le TURPE.

  1. le président Julien Aubert. Vous dites que 50 millions d’euros sont directement financés par le TURPE. Pour le dire autrement, quand vous procédez au raccordement de vos éoliennes, vous payez 200 millions d’euros et le contribuable, généreusement, donne 50 millions d’euros, via sa facture d’électricité.

  1. Antoine Jourdain. Le mécanisme est bien celui que vous décrivez mais, en réalité, la réfaction sur le renouvelable date seulement de 2017 et nous n’avons pas suffisamment de recul.

  1. le président Julien Aubert. Vous voulez dire qu’avant 2017, tout était pris en charge par le producteur ?

  1. Antoine Jourdain. En effet.

  1. le président Julien Aubert. Quelle est cette somme de 16 millions d’euros, qui correspond, dites-vous, à 6,5 % des 250 millions ?

  1. Antoine Jourdain. Sur ces 250 millions, nous sommes rémunérés à 6,5 %.

  1. le président Julien Aubert. Puis-je traduire votre réponse en disant que le montant pris en charge par le TURPE, c’est-à-dire par la facture d’électricité des Français, pour le raccordement des nouvelles infrastructures d’énergies renouvelables, s’élève à 66 millions d'euros ?

  1. Éric Peltier. Nous ne pouvons pas, en l’état, vous donner de chiffres précis. Jusqu’en 2017, les producteurs payaient l’intégralité du coût du raccordement. L’arrêté du 30 novembre 2017 a instauré une répartition des coûts entre les clients, qui paient le TURPE, et les producteurs, en fonction des niveaux de puissance installée.

  1. le président Julien Aubert. J’aimerais revenir à la question de notre collègue Anthony Cellier sur le développement de l’autoconsommation. On peut faire le choix d’asseoir le coût du raccordement soit sur la partie variable, soit sur la partie fixe. Or vous avez dit vouloir accroître la partie fixe, afin de garantir le maintien des investissements sur le réseau. Si je comprends bien, le TURPE risque donc d’augmenter. Les gens qui ont fait le choix de l’autoconsommation pouvaient espérer qu’ils allaient réduire très sensiblement leur facture. Or vous voulez facturer plus lourdement l’utilisation du réseau et la puissance. En résumé, quel sera l’effet du développement de l’autoconsommation sur les projections du TURPE ?

  1. Antoine Jourdain. On peut voir le TURPE de deux manières. Du point de vue des particuliers, la question qui se pose est : comment optimiser mon TURPE ? Une réponse peut être l’autoconsommation : on ne paie plus la part proportionnelle, mais seulement la partie fixe, qui est relativement faible, ce qui permet de réaliser une économie substantielle. Du point de vue d’Enedis, la question ne se pose évidemment pas dans les mêmes termes. À partir du moment où quelqu’un se déconnecte ou réduit sa part de TURPE pour le même service, cette charge est reportée sur les autres consommateurs. Nous considérons donc qu’une augmentation de la part « puissance » du TURPE permettrait à chaque client d’avoir une prestation correspondant vraiment au coût qu’il engendre chez l’opérateur. Si l’on augmente la part « puissance », une personne qui pratique l’autoconsommation fera une économie moindre, mais cela signifie aussi que ses concitoyens auront moins payé pour elle.

  1. le président Julien Aubert. N’y a-t-il pas, du coup, un risque d’inversion ? Avant, sur une facture de 100 euros, je payais 20 euros pour le transport et 80 euros pour la consommation. À l’avenir, ne risque-t-on pas d’avoir un système où ma consommation ne me coûtera plus rien, mais où le prix du réseau me sera facturé beaucoup plus cher, parce qu’il faut le maintenir et le développer ? Au bout du compte, je paie à peu près la même chose, même si la structuration du tarif est différente. Ce qu’espèrent les gens qui se tournent vers l’autoconsommation, c’est qu’ils n’auront plus à payer leur électricité. Si l’électricité est gratuite mais que le réseau est beaucoup plus cher, l’intérêt sera limité pour eux…

  1. Antoine Jourdain. C’est bien pour cela que tout est dans la nuance. Aujourd’hui, la répartition est de l’ordre de 20 % pour la puissance et 80 % pour la consommation. Nous souhaiterions un rééquilibrage du côté de la puissance. Dans certains pays, la part « puissance » est à 100 %. Nous ne parlons ici que de la part du TURPE, mais il ne faut pas oublier la part du fournisseur. Le tarif que nous appliquons est proportionnel au nombre d’électrons qui passent dans votre compteur, mais votre fournisseur vous facture aussi quelque chose. Le fait que la part proportionnelle à la consommation soit forte aujourd’hui incite à développer l’autoconsommation. Si elle n’était qu’une partie variable, l’incitation serait moins forte, puisqu’on n’économiserait que sur la partie des fournisseurs. C’est une question de politique publique : en tant qu’opérateur industriel, nous pensons qu’il est préférable que le système reflète au plus près le coût économique et industriel. Mais il n’est pas question de passer brutalement de la répartition actuelle à un tarif où la puissance représenterait la totalité du coût.

  1. le président Julien Aubert. Je comprends de la structuration du TURPE et de la rémunération des actifs que si l’adaptation du réseau aux nécessités de la transition énergétique nécessite une explosion de vos investissements, même si vous avez aujourd’hui des finances saines, vous seriez obligés d’engager des frais extrêmement importants, qui seraient certes lissés sur quarante ans, mais qui déséquilibreraient trop vos comptes. On serait donc obligé d’augmenter le TURPE ou, en tout cas, de trouver un moyen de vous rémunérer pour les investissements que vous auriez réalisés. Pour le dire autrement, la structuration actuelle du calcul du TURPE est valable pour une transition énergétique douce et modérée, pas pour une révolution brutale du système.

  1. Antoine Jourdain. C’est parce que nous nous sommes posé cette question que nous avons construit, avant même l’adoption de la PPE, un plan de développement jusqu’en 2035, qui intègre les deux éléments majeurs que sont le raccordement des EnR et le développement des véhicules électriques. Ce plan a été validé par notre conseil de surveillance et nous estimons que la structuration financière d’Enedis et du groupe devrait nous permettre de réaliser ce plan. Nous avons fait 4 milliards d’euros d’investissements l’année dernière. La part du renouvelable était de 239 millions d’euros et nous pensons doubler cette somme pour passer à plus de 500 millions d’euros par an : sur un investissement global de 4 milliards, c’est tout à fait raisonnable.

  1. le président Julien Aubert. Vous vous êtes montré très optimiste au sujet du véhicule électrique, mais il nécessite un maillage en bornes électriques plus dense que celui des pompes à essence, puisqu’il faut pouvoir recharger son véhicule électrique en tout point du territoire. Dans les zones pavillonnaires, on peut installer un dispositif spécifique, mais c’est impossible dans les zones d’habitat collectif. Avez-vous mesuré l’impact que peut avoir, sur la gestion du réseau, l’essor du véhicule électrique ? Avez-vous chiffré le coût de l’investissement que représentera, pour Enedis, un vrai plan d’infrastructure garantissant que, de Dunkerque à Marseille, on puisse circuler en voiture électrique et trouver, en moins de vingt minutes, un point de charge ?

  1. Antoine Jourdain. Pour faire simple, le logement, en France, est à 50 % individuel et à 50 % collectif. Dans les logements individuels, il est relativement simple d’installer une borne électrique et cela n’implique pas de modifications du réseau. Dans les logements collectifs, il y a un vrai chantier à mener, qui sera assez complexe, pour assurer une sorte de « droit à la prise » pour chaque occupant d’une place de parking.

J’en viens aux prises sur la voie publique. Les prises de charge rapide demandent des appels de puissance assez importants : au bord de l’A6, par exemple, dans une station qui compte vingt-cinq pompes à essence, il faudrait qu’on trouve, d’ici une quinzaine d’années, une trentaine de stations de recharge électrique, ce qui suppose des appels de puissance assez importants. Nous avons chiffré l’ensemble des investissements pour la part du réseau Enedis, en faisant l’hypothèse qu’il y aurait 9 millions de voitures en 2035. On considère qu’on doit investir environ 350 millions d’euros par an à l’horizon 2035, sachant que l’essor du véhicule électrique est très difficile à prévoir. Nous avons fait plusieurs scénarios, mais celui que nous avons retenu pour l’instant prévoit 1 million de véhicules à la fin de l’année 2022. Nous avons prévu les investissements nécessaires, qui financeront essentiellement le raccordement de soutirage chez les clients et l’installation de bornes sur la voie publique. Les bornes, elles-mêmes, ne seront pas à la charge d’Enedis : nous mettons à disposition les raccordements, qui permettent aux gens de brancher une borne.

  1. le président Julien Aubert. Nous nous reverrons sans doute au cours de cette commission d’enquête pour aborder d’autres sujets, mais je ne peux pas résister au plaisir de vous poser une dernière question sur les compteurs Linky, puisque notre commission porte aussi sur l’acceptabilité de la transition énergétique. Sur les 17 millions de Français qui ont un compteur Linky, combien ont accepté de transmettre leurs informations à Enedis, au-delà de ce qui est nécessaire pour permettre un pilotage intelligent de la consommation ?

  1. Antoine Jourdain. Je suis désolé, mais je ne connais pas ce chiffre. Du reste, le système a changé et, a priori, il n’est pas nécessaire de demander leur accord aux gens.

Mardi 26 mars 2019

Extraits commentés du compte rendu n° 6

Présidence de M. Julien Aubert, Président

– Audition, ouverte à la presse, de MM. Matthieu Deconinck, chef du bureau D2 à la direction de la législation fiscale (DLF), et Michel Giraudet, adjoint au chef du bureau D2 ; et de MM. Sylvain Durand, chef de bureau, et Olivier Dufreix, adjoint au chef du bureau du développement durable à la direction du budget, au ministère de l’action et des comptes publics

  1. le président Julien Aubert Les thématiques fiscales et parafiscales relèvent sans conteste du champ de réflexion de notre commission d’enquête, qui examine actuellement le chapitre des recettes, autour d’une question principale : que prélève-t-on au nom de la transition énergétique ?

Les montants et affectations de la « taxe carbone », ou plus précisément de la contribution climat énergie, ont été à l’origine du mouvement social que nous connaissons et dont les impacts vont sans doute bien au-delà de la seule expression des « gilets jaunes ».

Créé par la loi de finances rectificative pour 2015, le CAS « Transition énergétique », que j’ai eu le plaisir de rapporter en commission des finances, se décompose en deux programmes : les programmes 764 « Soutien à la transition énergétique » et 765 « Engagements financiers liés à la transition énergétique ». Il sert principalement de support budgétaire au soutien aux énergies renouvelables (EnR) électriques : 5,3 milliards d’euros leur sont ainsi consacrés, soit les trois quarts de la dotation du CAS pour 2019.

Par ailleurs, d’importantes dépenses fiscales sont à prendre en compte, qu’il s’agisse du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) ou de l’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ).

  1. Matthieu Deconinck, chef du bureau D2 à la direction de la législation fiscale (DLF). Le point essentiel sur lequel je tiens à appeler votre attention est que la fiscalité énergétique, notamment celle qui touche la consommation d'électricité, est harmonisée au niveau européen.

Sauf exceptions minimes, sur lesquelles je reviendrai si vous le souhaitez, le produit des recettes de ces impôts n’est pas, quant à lui, encadré par le droit européen.

Dans le cadre du droit européen harmonisé, l'état du droit national est, comme vous l'avez souligné, monsieur le président, quelque peu complexe puisqu’il existe, en matière de fiscalité énergétique, une multiplicité d'outils fiscaux visant à le transposer.

Pour les carburants et les combustibles, ce sont les fameuses taxes intérieures de consommation (TIC), au nombre de quatre : la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), la taxe intérieure de consommation sur les houilles, lignites et cokes, dite taxe intérieure de consommation sur le charbon (TICC), la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN) et la taxe incitative relative à l'incorporation des biocarburants (TIRIB), cette dernière ayant le mérite de l'originalité, si l’on s'intéresse au soutien aux énergies renouvelables, du fait d’une technique de taxation tout à fait particulière.

En matière d'électricité, l’imposition « maîtresse » est la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE), qui continue d’apparaître sur les factures sous le nom de contribution au service public de l’électricité (CSPE). En effet, lorsque la CSPE a été transformée en TICFE, on a maintenu l'ancienne dénomination pour éviter tout choc visuel aux usagers, au détriment d'une certaine clarté et d’une bonne compréhension des outils juridiques.

Trois autres taxes existent en matière d’électricité, avec la même assiette. Ce sont la taxe départementale sur la consommation finale d'électricité (TDCFE), la taxe communale sur la consommation finale d'électricité (TCCFE) et la contribution au Fonds d'amortissement des charges d'électrification (FACÉ).

Au-delà de ces impositions qui frappent la consommation d'électricité, pour un total d’environ 10 milliards d’euros de recettes en cumulé, il existe une taxe sur l'abonnement au réseau électrique, la contribution tarifaire d'acheminement (CTA). Je passe sur l'ensemble des tarifs réglementés, qui ne relèvent pas du domaine de la fiscalité, notamment le TURPE et l’accès régulé́ au nucléaire historique (ARENH).

Le soutien aux énergies renouvelables au sein de ces impôts se traduit, tout d'abord pour les carburants et les combustibles, par des tarifs réduits, notamment de TICPE pour les biocarburants, et par l'existence de la fameuse TIRIB, que j'ai mentionnée tout à l'heure.

Pour l'électricité, il n’existe pas de disposition spécifique dans le droit national afin de favoriser explicitement les énergies renouvelables.

Enfin, s’agissant de la TVA, il faut savoir que, pour les carburants et les combustibles, un verrou européen s’applique, avec un taux de 20 % sur l'intégralité du prix de vente, incluant évidemment les taxes intérieures que je viens de mentionner. Pour l'électricité, nous avons la possibilité de recourir à un taux réduit, possibilité que nous activons partiellement en droit national pour les abonnements au réseau électrique, mais pas pour les consommations. Pour un coût total de 400 millions d'euros, un taux de 5,5 % est appliqué aux abonnements à la fourniture d'électricité, les consommations étant quant à elles taxées à 20 %.

Je précise qu’à la suite d’une clarification de la jurisprudence par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), le fait d'appliquer deux taux différents à une seule et même offre soulève des questions sur le plan juridique au regard du fonctionnement de la TVA.

Le principe de neutralité fiscale de la TVA s'oppose, en théorie, à recourir à des taux différenciés pour favoriser l'énergie à raison de son origine renouvelable ou non. Le principe de neutralité fiscale impose en effet de traiter de manière identique des produits qui répondent aux mêmes besoins directs pour l'acheteur.

  1. Michel Giraudet, adjoint au chef du bureau D2 à la direction de la législation fiscale (DLF).

Le Gouvernement a décidé en 2015 de supprimer la CSPE dans le code de l'énergie et de créer à la place la TICFE. La taxe nationale sur l'électricité a été étendue à toutes les consommations d'électricité. Son champ a ainsi été mis en parfaite conformité avec la directive, au regard du redevable, du fait générateur, de l'exigibilité, des exonérations et même des tarifs réduits, puisqu'on a intégré dans la taxe un grand nombre de tarifs réduits au profit des entreprises intensives en énergie.

Depuis 2016, la fiscalité nationale de l'électricité se base sur l'addition de deux dispositifs qui n'en font qu'un en droit européen : d'une part, les taxes locales, communale et départementale, sur l'électricité, dont le tarif maximum est d’environ 9 euros par mégawattheure ; d’autre part, la TICFE, dont le tarif est de 22,50 euros par mégawattheure (MWh). Pour un consommateur français, le tarif total de la taxe sur l’électricité s’élève donc à une trentaine d'euros par mégawattheure.

Les autres taxes sur l'électricité, qui portent directement ou indirectement sur la consommation finale d’électricité, n'ont pas été mises en conformité. La survie de la taxe FACÉ dépend d’un éventuel dépôt de plainte, qui ne manquerait pas d’entraîner son annulation par la Cour de justice.

  1. Sylvain Durand, chef du bureau du développement durable à la direction du budget. J’aimerais rappeler, avant de détailler le fonctionnement du CAS « Transition énergétique », que le budget du ministère de la transition écologique et solidaire – environ 34 milliards d'euros en incluant le budget des transports – recouvre un grand nombre de financements qui concourent, de façon directe ou indirecte, au financement de la transition énergétique.

Outre le financement des charges de service public de l'énergie, dont nous allons parler dans quelques instants et qui atteint 8 milliards d'euros en 2019, un grand nombre de dispositifs constituent des leviers pour agir. Je pense notamment à la prime à la conversion, portée par le budget général, qui représente 600 millions d'euros en 2019, mais aussi au bonus-malus automobile et à la prime à la casse, soit 264 millions d'euros, ou encore à l'intervention de plusieurs opérateurs, tels que l'Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), dont le budget s’élève à 650 millions d'euros. D'autres ministères concourent enfin à cet objectif, notamment le ministère du logement et l'Agence nationale de l’habitat (ANAH). Il faut enfin mentionner un grand nombre de dépenses fiscales, dont l’une des plus emblématiques est le CITE.

Le financement de la transition énergétique, assez vaste et fourni, est synthétisé de manière transversale dans un « jaune » budgétaire dédié et annexé au projet de loi de finances.

Le dispositif CSPE s'est caractérisé à partir de 2009 par un déficit de compensation chronique pour EDF. La dette, qui a atteint 5,8 milliards d'euros en 2015, a été consolidée dans le déficit public. Son remboursement par l'État a commencé en 2016 et s’achèvera en 2020.

Ces risques juridiques et l'absence de transparence dans le financement des dépenses ont conduit le Gouvernement à réformer le dispositif et à inscrire l'intégralité des dépenses en faveur du service public de l'énergie dans les lois de finances. Il y a donc, d'une part, le soutien aux énergies renouvelables, dont les dépenses figurent au CAS « Transition énergétique », et, d’autre part, le remboursement sur cinq ans de la dette historique à EDF. Dans le même temps, comme cela vient d'être rappelé, la CSPE a été supprimée et la TICFE revue à la hausse.

En 2017, une seconde réforme est intervenue. Alors que la TICFE, mal nommée CSPE sur les factures d'énergie, finançait le CAS, un risque d'interprétation juridique de la part de l'Union européenne, qui pouvait considérer cette affectation de la TICFE aux énergies renouvelables comme un droit de douane, a conduit le Gouvernement à mettre en place une nouvelle affectation. La TICFE a ainsi été affectée au budget général de l'État et à due proportion de la TICPE a été affectée au CAS. La réforme a été parfaitement équilibrée. Le CAS « Transition énergétique » est aujourd’hui financé par des énergies dites carbonées, c’est-à-dire par de la TICPE et par la TICFE affectée au budget général de l'État.

S'agissant des aspects financiers, on ne peut que constater la très forte hausse des dépenses en faveur des énergies renouvelables au cours des dernières années. De 1,5 milliard d'euros en 2011, elles sont passées à 5,4 milliards d'euros en 2019. Elles devraient atteindre environ 7 milliards d'euros en 2022 en fonction des prix de l'énergie.

Cette réforme a par ailleurs permis de stabiliser la fiscalité portant sur l'électricité puisque la TICFE a un tarif fixe depuis 2016, alors qu'il avait très fortement crû au cours des périodes précédentes.

Le Gouvernement a mis en place plusieurs mesures de soutien notables pour les ménages les plus précaires. C’est logique puisque la TICPE, qui porte sur des dépenses des ménages, vient financer la forte hausse des EnR. Le dispositif du chèque énergie a été étendu et concerne désormais près de 6 millions de ménages. La prime à la conversion a été doublée pour les Français les plus touchés par la hausse des prix du pétrole.

Le Gouvernement veille par ailleurs à ce que, dans le cadre de la PPE, l’accent soit mis sur les filières les plus matures. Enfin, il souhaite que l'on recoure de façon plus systématique aux appels d'offres, ces derniers permettant de garantir une efficience accrue de la dépense dans le domaine du développement des énergies renouvelables.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Je commencerai par une question générale. Nous cherchons, dans cette commission, à établir les coûts de l’action publique en matière de transition énergétique, et à savoir comment on prélève et comment on redistribue. Cependant, il me semble nécessaire de nous interroger aussi sur notre capacité à chiffrer les coûts de l’inaction. Parmi les études actuellement menées à différentes échelles, certaines avancent que la pollution de l’air représenterait un coût de 19 milliards d’euros. Une étude américaine a démontré que les problèmes de ventilation dans les bâtiments avaient un effet sur la productivité des personnes qui y travaillent. En matière de rénovation énergétique, l’inaction aurait donc un impact sur la productivité. Une autre étude, celle-là européenne, a montré que laisser vivre des gens dans des logements non rénovés, et donc inadéquats, aurait un coût annuel total de 194 milliards d'euros, sachant qu'il faudrait 295 milliards d'euros pour éradiquer le mal-logement en Europe.

Est-il pertinent, sur le plan budgétaire, de réfléchir sur l'année, sachant que la transition énergétique s’inscrit davantage dans une logique de retour sur investissement que dans une logique d'investissement sec ?

  1. Matthieu Deconinck. Une vision court-termiste n’est pas adéquate. Pour des raisons politiques évidentes, il est souvent compliqué de se projeter à plus de cinq ans, mais il arrive que cela soit possible. Le dernier projet de loi de finances a ainsi permis d’adopter une trajectoire particulièrement ambitieuse en matière de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). La modification de la fiscalité qui a été décidée ne doit d’ailleurs pas entrer en vigueur immédiatement. La hausse des taxes intérieures de consommation, qui comprend la hausse de la composante carbone et le rattrapage de la fiscalité du gazole sur celle de l'essence, sera également appliquée dans la durée.

(Mais ça veut dire quoi ? Que l’Administration prévoit des hausses de taxes continues sur cinq ans ? De quoi parle-ton ?)

De manière générale, pour des impôts aussi lourds et aussi essentiels pour l’orientation des comportements,

(Mais de quoi s’agit-il exactement ? Quels sont ces nouveaux impôts et ces taxes ?))

le message que nous essayons de faire passer est celui de la visibilité et de la lisibilité pour les acteurs économiques. Ce principe a d’ailleurs été repris par la représentation nationale lors de l’adoption, dans le cadre du dernier projet de loi de finances, de la taxe sur les gaz réfrigérants contenant des hydrofluorocarbures (HFC), puisque celle-ci n’entrera en vigueur qu’à compter de 2021.

(Là aussi que va payer ? Encore le consommateur qui s’appauvrit ?)

  1. Michel Giraudet. Quand le Gouvernement a pris la décision d’abandonner la CSPE en raison des risques qu’elle présentait, son montant s’élevait à 19,50 euros. Comme l’ont rappelé nos collègues du budget, la CSPE augmentait automatiquement tous les ans de 3 euros, et ce pour une seule et simple raison : l’arrêté proposé par la CRE pour augmenter les prix en fonction de l’évolution réelle des charges n’était jamais signé par le ministre. Le tarif augmentait donc mécaniquement, afin d’éviter un écart trop important entre le montant des charges à financer et le montant des recettes perçues.

  1. le président Julien Aubert. Vous nous expliquez donc que cette quasi-taxe augmentait naturellement sans que l’exécutif n’intervienne.

  1. Michel Giraudet. La CRE proposait une augmentation de la taxe en fonction du calcul des charges exposées par les opérateurs. Le chiffre proposé devait faire l’objet d’un arrêté. À défaut de signature, la taxe augmentait mécaniquement de 3 euros.

  1. le président Julien Aubert. Passons maintenant au volet budgétaire du passage de la CSPE à la TICFE.

  1. Sylvain Durand. Je tiens tout d’abord à dire que je souscris entièrement aux propos qui ont été tenus sur la nécessité d’une plus grande lisibilité. La complexité des différents financements en matière de transition énergétique est réelle. Avant l’amendement de l’année dernière, il n’existait pas moins de trois jaunes budgétaires et un document de politique transversale, soit quatre documents budgétaires qui, mis bout à bout, rendaient difficilement compte de l’ensemble des financements dans ce secteur.

Cette lisibilité que nous appelons de nos vœux est difficile à obtenir pour plusieurs raisons, et tout d’abord parce que les financements sont variés. Il est compliqué d’additionner des soutiens aux énergies renouvelables, des aides directes, et des aides à l’achat de véhicule. Les périmètres varient. Certaines dépenses sont directement en faveur de la transition énergétique, d’autres l’accompagnent et peuvent paraître de prime abord anti-écologiques. Il est donc difficile d’obtenir un montant consolidé et, malheureusement, le diable se cache souvent dans les colonnes et les chiffres en milliards.

Notre principal objectif, après la loi de finances pour 2019, est d’aboutir à un document jaune unique, et je peux vous garantir que nous déployons tous les efforts possibles pour obtenir un document consolidé et lisible.

De manière générale, nous constatons que les dispositifs inscrits en loi de finances au titre du budget général de l’État, sont plus lisibles pour les citoyens. Nous l’avons vu avec la réforme de la CSPE. Auparavant, ses montants échappaient complètement au Parlement et aux citoyens, qui ne retrouvaient aucune trace de ce financement dans les documents budgétaires et les débats parlementaires. Les énergies renouvelables se finançaient un peu comme par magie.

Mme Bénédicte Peyrol. Nous aimerions comprendre comment l’État comptabilise ce que rapporte la contribution climat énergie. Je sais que ce n’est pas chose simple, mais pouvez-vous nous expliquer le calcul arithmétique auquel vous procédez ?

  1. Matthieu Deconinck. La contribution climat énergie n’a aucune existence juridique et budgétaire, et ceci à dessein.

La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques correspond en réalité au cumul de trois taxes, la TICPE, la TICC et la TICGN. Pour chacune d’elles existent seize catégories de produits, qui répondent aux seize catégories fiscales définies par le droit de l’Union européenne. Les États membres disposent d’une liberté totale pour la fixation du tarif de chaque catégorie. En revanche, ils sont extrêmement limités dans la mise en place de tarifs différenciés au sein de chacune d’elles.

Prenons un exemple. Le gazole à usage routier est une catégorie. Le gazole à usage non routier en est une autre. Au sein de chacune de ces deux catégories existent plusieurs produits, tels que, pour le gazole à usage routier, le B100, le B95 ou d’autres carburants encore d’origine plus ou moins renouvelable. La règle de principe est que l’on ne peut pas différencier, au sein d’une catégorie, les tarifs des différents produits, sauf exception. Ce que l’on appelle la contribution climat énergie, ou tout du moins les hausses de taxe intervenues depuis 2014, correspondent aux hausses de taxe uniformes pour chacune des seize catégories.

Or, comme chaque catégorie réunit une diversité de produits aux émissions de CO2 différentes, il n’existe pas de taxe directement proportionnelle au contenu en CO2 des produits. Le tarif de chacune des grandes catégories est donc augmenté de manière régulière depuis 2014 à hauteur de l’émission de CO2 à la combustion - telle que mesurée dans les derniers règlements du système d’échange de quotas d’émission – Emission Trading Scheme (ETS) – du principal produit de la catégorie.

Dans la catégorie des gazoles à usage routier, on prend ainsi le gazole traditionnel B7 et on regarde combien il émet à la combustion. Rappelons que les émissions de CO2 à la combustion sont très différentes des émissions sur l’ensemble du cycle de vie du produit. On ne produit pas seulement du CO2 à la combustion, sinon les biocarburants n’auraient absolument aucun intérêt. La mesure de l’émission à la combustion permet de dégager un coefficient de proportionnalité, attribué à chacune des catégories dans la hausse générale des taxes actée dans le cadre d’un processus distinct.

le rattrapage gazole-essence constitue une dérogation au principe selon lequel la hausse de fiscalité doit être répartie entre les grandes catégories de produits au prorata des différents coefficients.

La composante carbone fait donc l’objet d’une démarche systématique adoptée par le législateur depuis 2014 pour répartir la hausse des tarifs entre des catégories de produits. Il peut y être dérogé selon les circonstances.

À ce dispositif vient s’ajouter la TIRIB, qui vise à créer une discrimination fiscale au sein de ces catégories pour favoriser ceux des biocarburants qui émettent le moins de dioxyde de carbone.

  1. le président Julien Aubert. Pour résumer et simplifier vos explications, l’harmonisation de la fiscalité sur les carburants au niveau européen conduit donc, lorsque sont décidées des hausses de taxe politiquement liées au combat pour la planète, à discriminer non pas sur le critère du CO2, mais en fonction des seize catégories fiscales de l’Union. Au sein d’une même catégorie fiscale, on ne fait pas de différence entre le produit qui consomme plus de CO2 et le produit qui en consomme le moins. Il existe néanmoins des limites à ce dispositif : premièrement, avec de possibles dérogations, dont vous n’avez pas expliqué comment elles pouvaient être obtenues auprès de l’Union européenne ; deuxièmement, avec la TIRIB, qui vient transversalement et légèrement corriger l’uniformisation via l’impératif CO2.

Ai-je bien résumé vos explications ?

  1. Matthieu Deconinck. À deux nuances près. Tout d’abord, la répartition entre catégories prend bien en compte les émissions de CO2 à la combustion. Il s’avère que pour le principal représentant de chaque catégorie, les émissions de CO2 à la combustion sont relativement proches des émissions de CO2 au niveau réel. Des différences plus nettes apparaissent dès lors qu’il s’agit des énergies renouvelables.

Le deuxième élément correctif que je voudrais apporter concerne la TIRIB. Elle ne fonctionne pas aujourd’hui pour toutes les catégories fiscales, mais uniquement pour les catégories gazole routier, gazole non routier et essence. La TIRIB ne fait pas que corriger, elle a un impact incitatif et économique absolument considérable, beaucoup plus important que celui de la TICPE. La plus belle preuve de réussite de la TIRIB, s’agissant des comportements, est son rendement : il est de zéro million d’euros, puisque l’on taxe exactement les opérateurs à hauteur de la non-atteinte de l’objectif qu’on leur a fixé.

Concomitamment à la hausse de la TICPE, afin d’être cohérent, on augmente les objectifs d’incorporation fixés aux opérateurs. L’une des principales évolutions du dernier projet de loi de finances a d’ailleurs été de réarticuler ces deux impôts et notamment d’inscrire la tarification du CO2 dans la TIRIB. À ce stade, la mesure n’a été prise que pour deux ans, les acteurs n’ayant pas exprimé le souhait d’une visibilité plus longue, mais un tarif de 100 euros par hectolitre, bien supérieur à celui de la TICPE, existe désormais. Il augmente proportionnellement à la hausse de la composante carbone.

  1. le président Julien Aubert. Commençons par une question très simple. D’après vous, combien la France consacre-t-elle à la transition énergétique ?

  1. Sylvain Durand. La question est difficile, et pour une raison simple : la transition énergétique est pilotée avec de la fiscalité écologique, donc des recettes, mais aussi avec des exceptions à cette fiscalité, donc de moindres recettes, et des dépenses, de natures très variées. Contracter ces différents montants est fort complexe.

  1. le président Julien Aubert. Combien prélève-t-on aux Français au titre de la fiscalité énergétique ?

  1. Michel Giraudet. De mémoire, la TICPE représente un peu plus de 25 milliards d’euros de recettes.

  1. Matthieu Deconinck. les recettes de la fiscalité sur l’électricité, hors TVA, s’élèvent historiquement à 10 milliards d’euros, mais elles ont crû. Ces recettes se décomposent de la manière suivante : 8 milliards pour la TICFE, près de 2 milliards pour les taxes locales sur la consommation finale de l’électricité, et un solde de 400 millions d’euros pour la contribution FACÉ.

  1. le président Julien Aubert. Par fiscalité énergétique, vous entendez donc toute la fiscalité basée sur l’énergie, mais toute la fiscalité basée sur l’énergie ne va pas à la transition énergétique.

  1. Matthieu Deconinck. En effet. Inversement, il existe une fiscalité non énergétique qui va à la transition énergétique.

  1. le président Julien Aubert. Dans la fiscalité énergétique, quels sont les prélèvements effectués au nom de la transition énergétique ? Les 25 milliards d’euros de recettes de la TICPE ne sont pas dans leur intégralité affectés à cette thématique.

  1. Sylvain Durand. C’est exact. Dans la loi de finances, de manière juridiquement contraignante, une part de la TICPE est affectée au CAS « Transition énergétique ». Elle s’élevait à 6,6 milliards d’euros en 2018. Il y a aussi le malus automobile, qui finance les bonus automobile, mais je ne dispose pas du chiffre exact. C’est à peu près tout s’agissant des dispositifs que nous suivons.

Mme Bénédicte Peyrol. Mes chers collègues, soyons prudents dans nos questions. La TICPE, à l’origine, est une taxe de rendement. Elle a toujours été présentée ainsi depuis les années 1960, ce qui signifie qu’elle n’a pas été construite pour accompagner la transition énergétique. C’est la contribution climat énergie qui a justifié le financement de la transition énergétique par la TICPE, d’où l’importance de la question que j’ai posée tout à l’heure.

Il est par ailleurs nécessaire de distinguer, dans vos interventions, ce qui relève de la fiscalité locale. Une partie de la TICPE, environ 10 milliards d’euros, est perçue par les régions. Rappelons en outre que la TICPE « Grenelle » finance la politique de transport, dans l’optique de la transition énergétique. En revanche, je ne suis pas certaine que les taxes communales et départementales soient pensées en lien avec la transition écologique. La question de l’échelon local est de toute évidence importante. Il me semblait utile de le rappeler, monsieur le président.

  1. le président Julien Aubert. Dès lors qu’une partie de la TICPE est affectée à la contribution climat énergie, cette part est politiquement présentée comme le financement de la transition énergétique. C’est pourquoi, dans les 25 milliards d’euros de recettes de la TICPE, nous nous intéressons aux montants officiellement affectés à la politique de transition énergétique, d’où la nécessité de procéder par étapes car, comme vous le dites, il peut y avoir des affectations diverses et variées.

  1. Sylvain Durand. Le montant global de la TICPE s’élevait en 2018 à 33,3 milliards d’euros. La part revenue au budget général, soit 13,7 milliards d’euros, est complètement fongible. On ne peut donc pas retracer les dépenses auxquelles elle a donné lieu. Comme je l’ai indiqué, 6,6 milliards d’euros ont été affectés au CAS « Transition énergétique ». Enfin, 12 milliards d’euros ont été versés aux collectivités territoriales et 1 milliard d’euros à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF).

  1. le président Julien Aubert. La part affectée à la transition énergétique s’élève donc à 6,6 milliards d’euros. S’agissant des recettes de TVA qui partent au budget général, les considérez-vous comme prélevées au titre du même périmètre ?

  1. Sylvain Durand. Non.

  1. le président Julien Aubert. Vous en conviendrez, la direction du budget peine aujourd’hui à nous donner les chiffres que nous demandons. On comprend que les députés soient eux-mêmes embarrassés quand ils doivent répondre aux citoyens.

Finalement, la contribution climat énergie n’a pas de tangibilité budgétaire et fiscale. Quant à la CSPE, dont on continue à parler, elle n’existe plus. Entre le débat politique sur la fiscalité et la réalité budgétaire, il y a une nette distorsion.

En ce qui concerne la TVA, vous la prélevez non seulement sur les accises, mais aussi sur les certificats d’économies d’énergie (CEE), puisqu’ils sont incorporés au prix de l’électricité.

  1. Matthieu Deconinck. Dans ce cas, elle est généralement déductible.

  1. le président Julien Aubert. Pouvez-vous nous donner quelques explications sur les CEE ? Comment les considérez-vous juridiquement ? Vous avez regretté avec conviction que la CSPE échappe au contrôle et à l'information du Parlement, mais les CEE y échappent tout autant.

  1. Matthieu Deconinck. Les CEE ne sont pas une « imposition de toute nature » au sens de l’article 34 de la Constitution. Ils n’ont pas non plus le caractère d’une redevance pour service rendu. Ils correspondent à une obligation législative et réglementaire ad hoc. Le dispositif est piloté par la DGEC, qui pourra vous apporter des précisions sur son mécanisme et son fonctionnement. Il a toutefois eu des conséquences en matière de fiscalité.

La vente d’un certificat d’économies d’énergie est assimilable à une prestation de service entre deux opérateurs économiques. À ce titre, conformément au droit européen, elle est donc assujettie à la TVA. Généralement, la personne qui achète le certificat, c’est-à-dire la prestation de service, est elle-même assujettie à la TVA pour l’ensemble des ventes qu’elle effectue. Elle peut donc déduire cette TVA.

  1. le président Julien Aubert. EDF inclut le coût des CEE dans la facture d’électricité reçue par le contribuable.

  1. Matthieu Deconinck. Tout à fait.

  1. le président Julien Aubert. Les CEE contribuent donc à l’augmentation de la taxe.

  1. Matthieu Deconinck. Exactement.

  1. le président Julien Aubert. On prélève de la TVA sur la facture d’électricité, que le consommateur final ne peut pas défalquer. Il y a donc bien une TVA calculée par rapport aux CEE que les Français paient.

  1. Matthieu Deconinck. Oui, en tant qu’elle est répercutée dans le prix au consommateur final.

  1. le président Julien Aubert. Avez-vous une idée du montant de TVA produit par l’augmentation du prix de l’électricité liée à l’inclusion des CEE dans le tarif de l’électricité ?

  1. Matthieu Deconinck. Je ne connais pas ce montant, mais je suis certain que la DGEC saura vous le donner. Il représenterait 20 % du montant desdits certificats dans le prix de l’électricité.

  1. le président Julien Aubert. Pour la direction du budget, ce surcroît de TVA fait-il partie du périmètre de la fiscalité énergétique au sens global et de celui la transition énergétique au sens particulier ?

  1. Sylvain Durand. S’il est aujourd’hui difficile de déterminer comment le CEE contribue à la fixation des coûts de l’énergie, nul doute qu’il le sera aussi demain de prévoir et d’exécuter la part de TVA au titre de ce dispositif.

De même, un grand nombre de dispositions réglementaires pèsent sur la fixation des coûts des biens et services. Il serait bien difficile de dire quelle est la part de fiscalité engrangée du fait de leur application.

  1. le président Julien Aubert. La décision de normaliser la CSPE fait penser à la vignette automobile. On a créé un dispositif ad hoc basé sur la facture d’électricité pour financer les énergies renouvelables et on l’a transformé en taxe affectée au budget de l’État, celui-ci alimentant le CAS.

Puisque l’on augmentait la « taxe carbone » sur le fossile afin de financer les énergies renouvelables, a-t-on envisagé, au ministère des finances, de diminuer d’autant la CSPE, qui taxe des énergies décarbonées ? « Le prix de l’électricité baisse, celui du carburant augmente, je vais peut-être acheter une voiture électrique » : voilà ce qu’auraient pu se dire les Français.

  1. Sylvain Durand. La création du CAS, adoptée en loi de finances rectificative pour 2015 et entrée en vigueur à partir du 1erjanvier 2016, a répondu à la logique suivante. Il s’agissait de supprimer la CSPE et de la remplacer par une hausse de TICFE. Celle-ci a donc été affectée, avec quelques autres taxes minoritaires, au CAS « Transition énergétique ». Déjà à l’époque, l’idée était d’établir un tarif fixe de TICFE – de mémoire, 22,50 euros par mégawattheure – et de faire supporter par la TICPE les futures hausses de dépenses induites par le soutien aux énergies renouvelables.

Le principe était par conséquent d’affecter de la TICFE fixe au CAS et de faire porter la hausse des dépenses de ce CAS par de la TICPE. En 2017, lorsque l’on a substitué à la CSPE de la TICPE, l’idée était de substituer cette part fixe. Il n’y a donc pas eu, dans la logique de long terme, de substitution.

Aujourd’hui, dès lors que la TICFE est affectée au budget général de l’État, on peut lui faire porter ce que l’on veut. En tout état de cause, la réforme qui a consisté à débrancher la TICFE pour l’affecter au budget général et, en contrepartie, à due concurrence, à brancher de la TICPE au CAS, s’est faite de manière complètement neutre.

  1. le président Julien Aubert. Cette réforme s’est faite de manière neutre pour l’État, mais pas pour le citoyen, qui a vu augmenter ses taxes sur le fossile et se stabiliser sa facture d’électricité après une augmentation qui serait intervenue même sans la réforme.

  1. Sylvain Durand. Il y a eu, en effet, une hausse de la TICPE. La TICFE est certes affectée au budget général, mais celui-ci porte une part conséquente des charges de service public de l’énergie : les tarifs sociaux, le chèque énergie, les péréquations territoriales et le soutien à la cogénération.

  1. le président Julien Aubert. Mais ces charges ne représentent pas la majeure part de la TICFE.

  1. Sylvain Durand. Si l’on met en regard la TICFE et les montants de charges de service public, on constate un déficit chronique jusqu’en 2015. Aujourd’hui encore, la TICFE ne couvre pas toutes les dépenses au titre des services publics de l’énergie. Il n’y a donc pas de TICFE supplémentaire qui viendrait abonder d’autres dépenses au budget général. Ce raisonnement est de toute façon purement intellectuel puisque tout est fongible dans le budget général de l’État.

Mme Laure de La Raudière. J’aimerais revenir sur la TICPE et les seize catégories que vous avez mentionnées. Un taux de carbone à la combustion est donc calculé pour chacune d’elles mais, comme vous nous l’avez expliqué, ce calcul n’est pas tout à fait juste pour les énergies renouvelables. Qu’en est-il exactement ? Comment fait-on la valuation des biais en matière de fiscalité pour une bonne orientation de la politique énergétique ? Le système est si complexe que je me demande comment vous réussissez, avec les autres ministères, à évaluer l’efficacité des choix de fiscalité. Dans quel organe en discutez-vous ?

  1. Matthieu Deconinck. Dans le cas des biocarburants, bien que cela soit probablement fortuit, le dispositif actuel n’est pas complètement absurde dans ses fondements. Des contraintes juridiques imposent de traiter l’objet juridique TICPE comme un objet de grosse masse. La TIRIB, en revanche, est un outil beaucoup plus fin, qui permet d’entrer dans le détail. Cette différence justifie une logique en deux temps : d’une part, une gestion des grandes catégories par la TICPE et, d’autre part, une gestion des différences intra-catégories par la TIRIB.

Un biocarburant, quand on le brûle, émet autant de CO2, qu’un carburant fossile. D’ailleurs, le taux d’émission du B100 est à peu près équivalent à celui du pétrole. De fait, les biocarburants ont à peu de chose près la même composante carbone que les carburants fossiles. Les tarifs réduits dont ils font l’objet ne portent pas sur la contribution climat énergie, mais sur la TICPE.

Si les biocarburants sont intéressants sur le plan environnemental, c’est parce qu’ils ont capté du CO2 lors de leur production, qu’ils ont réémis ensuite. La prise en compte des captations des émissions de CO2 des biocarburants pendant leur cycle de vie est particulièrement complexe et donne lieu à des débats passionnants au niveau européen. Elle est au cœur du dispositif de la TIRIB.

  1. le président Julien Aubert. Pouvez-vous donner un exemple concret, dans l’une des catégories, d’application de cette logique en deux temps, TICPE et TIRIB ?

  1. Matthieu Deconinck. Prenons le B7, le gazole traditionnel. Il peut contenir jusqu’à 7 % d’énergie renouvelable, ce qui signifie, dans la pratique, que l’on ne peut savoir quel est le taux réel d’énergie renouvelable du B7 à la pompe. Ce taux se situe entre 7 % et 0 %. La TICPE ne sait pas faire la différence entre les différents types de B7. Son taux est identique pour celui qui contient 7 % d’énergie renouvelable et celui qui en contient 0 %.

Tous les ans, les opérateurs pétroliers comptabilisent le total d’énergie renouvelable dans leurs biocarburants. Ils sont taxés sur la différence entre un taux de 8 % et le taux d’énergie renouvelable dans l’ensemble des énergies fossiles mises sur le marché.

En flux tendu, tous les B7 sont donc traités de la même manière au regard de la TICPE, mais l’opérateur pétrolier calcule annuellement combien d’énergie renouvelable il a mise sur le marché. Selon les cas, cela peut être 7 % dans le B7, 100 % dans le B100 ou 5 % dans l’essence E10. Après comptabilisation globale, si le montant est inférieur à 8 %, s’il s’élève par exemple à 7,5 %, l’opérateur est taxé sur 0,5 %.

Notre principale préoccupation est de parvenir à rationaliser le paysage fiscal, en effet fort complexe, pour y voir plus clair.

Quand on parle de « taxe carbone », vous avez raison, monsieur le président, on devrait en toute logique prendre en compte le cumul de la TICPE et de la TIRIB, mais aussi le fait que la TIRIB s’applique aux carburants et non aux combustibles. La présence d’énergie renouvelable dans les carburants devrait apparaître dans le calcul de la composante carbone du gazole et de l’essence.

Il n’existe pas de TIRIB sur les combustibles. Le fuel domestique s’apparente au gazole, mais il ne contient pas d’énergie renouvelable. L’un et l’autre affichent pourtant la même composante carbone, alors que, grâce à la TIRIB, il peut y avoir jusqu’à 7 % d’énergie renouvelable dans le gazole.

Si l’on voulait finaliser l’articulation entre les deux impôts engagée l’année dernière, il faudrait prendre en compte, y compris dans le calcul de la hausse de la composante carbone, l’existence de la TIRIB. À défaut, un effet cumulatif intervient.

  1. le président Julien Aubert. Pour résumer, il existe une différence d’approche fiscale entre les carburants et les combustibles de chauffage, la TIRIB n’existant pas pour ces derniers. On est donc moins fin dans la politique de transition décarbonée pour le chauffage que pour le transport.

  1. Matthieu Deconinck. Ce qui s’explique par la réticence à autoriser l’incorporation d’huiles dans le fuel domestique, pour des raisons de sécurité. Je vous renvoie également, sur ce point, à la DGEC.

Pour être tout à fait complet, la TIRIB s’applique aux essences-carburants, aux gazoles carburants et au gazole non routier. En revanche, elle ne s’applique pas au GPL carburant, au gaz naturel carburant et aux combustibles de chauffage.

Parmi les sujets qui font aujourd’hui l’objet des réflexions interservices, figurent les conditions dans lesquelles la TIRIB pourrait être élargie à d’autres assiettes, afin de renforcer l’articulation entre les deux taxes et d’aboutir à une véritable « taxe carbone ».

Il me faut signaler deux petites subtilités. La première est qu’il existe des tarifs réduits de TICPE pour les biocarburants. Ils ne sont pas pris sur la contribution climat énergie, mais sur la part purement budgétaire de la TICPE, sa part historique. Ces tarifs réduits sont encadrés par le droit européen dans leurs montants. Or, le droit européen interdit strictement qu’ils dépendent des émissions de CO2 sous-jacentes.

En matière d’électricité, il n’y a pas, en effet, de prise en compte de l’origine renouvelable de l’énergie. Il existe toutefois, et c’est ma seconde remarque, un dispositif de simplification administrative pour les petits producteurs qui autoconsomment : quand l’électricité ne rentre pas dans le réseau, une exonération de TICFE est appliquée. Dans la majorité des cas, cette exonération concerne de l’énergie solaire, les petits producteurs d’énergie étant généralement des particuliers avec des panneaux solaires. Ce dispositif existe tant pour la TICPE que pour TICFE et consiste à octroyer des avantages fiscaux, sur une base qui n’est pas, comme dans le cas de la contribution climat énergie, paramétrée en fonction des émissions de CO2.

Pourquoi cette exonération s’applique-t-elle uniquement quand l’électricité est autoconsommée ? Par principe, la TICFE est perçue en bout de chaîne. L’électricité est fongible dans l’électricité. Dès lors que de l’électricité rentre dans le réseau, on ne sait plus la distinguer à la sortie. En revanche, quand elle est autoconsommée, le lien entre la production et la consommation est direct. On sait alors appliquer un tarif réduit en fonction du mode de production.

  1. Vincent Thiébaut. La TICPE est une taxe versée dans les grandes masses au budget général. Une partie de cette taxe est reversée à la transition énergétique. On peut donc l’utiliser, non pour financer la transition énergétique, mais pour influer sur les aspects comportementaux de la consommation, ce qui n’est pas négligeable. Les comportements sont un volet important de la transition énergétique, qui ne doit pas être oublié. La TICPE est payée par le consommateur final.

La TIRIB, quant à elle, correspond à une taxation de sanction, mais elle n’est pas payée par le consommateur final. Je peux entendre que vous additionniez la TICPE et la TIRIB sur le plan budgétaire, mais la TIRIB est payée par le producteur ou le fournisseur, et non par le consommateur final. Vous ai-je bien compris ?

  1. Matthieu Deconinck. Pas tout à fait. Pour commencer, il est possible d’additionner les deux taxes sur le plan budgétaire, la TIRIB rapportant zéro euro. Elle induit elle-même le comportement recherché : on fait peser économiquement une charge sur le fossile ; l’opérateur, pour se libérer de cette charge, doit mettre une charge financière équivalente sur les énergies renouvelables, ce qui a un impact sur les prix. Pour se libérer de l’impôt, quand il incorpore de l’énergie renouvelable, l’opérateur augmente ses charges, c’est-à-dire qu’il augmente le prix auquel il vend le carburant.

Le mécanisme est fondamentalement le même pour la TICPE. Le redevable est le pétrolier et non le consommateur final. La TICPE constituant pour lui une charge, l’opérateur augmente ses coûts afin de pouvoir la couvrir. De même, dans le cas de la TIRIB, l’opérateur augmente ses prix pour couvrir les charges liées à l’incorporation de biocarburant.

Au total, ces taxes ont un impact sur le prix final payé par le consommateur. Elles correspondent à une imposition indirecte : les redevables sont des personnes différentes de celles qui supportent leur coût économique.

  1. Vincent Thiébaut. La TIRIB, en conduisant à une augmentation des prix, permet donc de jouer sur les aspects comportementaux, tout en assurant un soutien financier aux énergies renouvelables ?

  1. Matthieu Deconinck. Disons plutôt qu’elle permet d’incorporer de l’énergie renouvelable. Or il s’avère que celle-ci est plus chère que l’énergie fossile.

  1. Vincent Thiébaut. Elle est donc plus incitative.

  1. Matthieu Deconinck. Elle l’est beaucoup plus, en effet, que la TICPE. Sur ce point, il n’y a aucun doute.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Il est actuellement envisagé de transformer le CITE en prime. Où en êtes-vous de la réflexion ? Avez-vous des recommandations sur ce sujet ?

  1. Sylvain Durand. Les discussions sont en cours au niveau interministériel. Je n’y ai pas encore pris part, je ne peux donc pas me prononcer. L’objectif poursuivi par le Gouvernement et retranscrit dans les lois de finances pour 2018 et 2019, est de recentrer le CITE sur les dépenses à la plus forte efficacité énergétique par euro investi, c’est-à-dire les travaux les plus pertinents. La loi de finances votée il y a quatre mois permet l’installation d’équipements à chaleur renouvelable pour les ménages aux revenus modestes et très modestes. La dépose des cuves à fioul et les coûts de main-d’œuvre sont désormais éligibles au CITE.

  1. François-Michel Lambert. Le grand débat qui se déroule actuellement en France est une réponse au mouvement des « Gilets jaunes », lui-même né du refus de la taxe carbone. J’ai participé récemment à un colloque sur les différentes expériences de taxe carbone de par le monde. Aux échecs de la France et de l’Australie s’opposent les succès de la Suède et de la Suisse. Ces deux pays ont réussi à avancer sur la fiscalité écologique en mettant en avant des flux financiers clairs et fléchés. Le citoyen comprend ce qui est prélevé et voit le retour direct ou indirect sur les infrastructures.

Nous sommes un peu perdus aujourd’hui, et nous serions bien en peine d’expliquer aux Français quels sont les flux de la fiscalité énergétique et l’usage qui est fait de leur argent. Vous avez sans doute un rôle à jouer pour aider les responsables politiques à lancer la remise à plat des flux financiers et à répondre aux attentes de transparence et de clarté des citoyens s’agissant des taxes prélevées sur leurs consommations.

  1. Sylvain Durand. Ce sujet est difficile. Au nom de la lisibilité d’un financement, on peut défendre l’affectation pure et simple d’un impôt à une politique ou, à l’inverse, la nécessité de couper les liens d’affectation de l’impôt aux dépenses, de manière à examiner d’une part la fiscalité et d’autre part les dépenses.

Au-delà du débat sur la fiscalité énergétique, il me semble très difficile de construire une politique fiscale qui concoure à la fois aux objectifs d’égalité, de justice fiscale et d’optimisation économique des comportements. Il est tout aussi ardu de construire une politique budgétaire et de s’assurer de la bonne utilisation des deniers publics comme de l’efficience de la dépense. Indubitablement, dans ces équations très compliquées, les affectations créent un lien de rigidité et un degré de contrainte qui ne concourent pas, de notre point de vue, à la lisibilité de l’ensemble.

Pour un certain nombre de sujets, dont la transition énergétique fait partie, à force de créer de la tuyauterie, on en est venu à s’intéresser davantage aux tuyaux qu’aux flux. Nous entendons néanmoins la demande d’une plus grande clarté et nous mettons à disposition les instruments. Nous soulignons la simplicité qu’offre le passage par le budget général, mais il revient à la puissance publique et au Parlement de décider.

  1. le président Julien Aubert. J’en déduis que vous êtes favorable à la suppression du CAS « Transition énergétique ».

  1. Sylvain Durand. Ce n’est pas ce que j’ai dit. De manière générale, l’objectif est d’obtenir un système lisible et qui fait sens, en recettes et en dépenses. Dans certaines situations de déséquilibre entre les recettes et les dépenses, on ne s’attend pas à une dépense considérable, la taxe rapportant beaucoup. À l’inverse, on n’envisage pas de supprimer une taxe au seul motif que la dépense associée est faible. Le débat va bien au-delà de la fiscalité de la transition énergétique.

La création du CAS « Transition énergétique », en affectant de la fiscalité, a permis d’évaluer ce qui était consacré au financement des énergies renouvelables et quelle était la part de TICPE qui concourait directement à ce financement. En ce sens, elle a constitué un grand pas.

  1. le président Julien Aubert. Faut-il, selon vous, créer de nouveaux CAS pour d’autres politiques qui concourent à la transition énergétique ? Quelle est la position de la direction du budget sur ce sujet ?

  1. Sylvain Durand. La loi organique relative aux lois de finances impose l’existence d’un lien clair entre les recettes et les dépenses auxquelles elles vont concourir. On ne peut pas affecter n’importe quelle fiscalité à n’importe quelle dépense, ce qui a des incidences en termes de gestion budgétaire en cours d’année. Si l’on crée un CAS sans recettes disponibles, on court le risque de devoir arrêter la dépense en cours d’année, ou d’avoir à amender le CAS par des mécanismes réglementaires, voire par une loi de finances rectificative.

Nous en avons eu l’illustration l’année dernière avec la prime à la conversion, dont le succès a dépassé les attentes, ce qui a conduit à des tensions de trésorerie en cours d’année. Il fallait attendre que les recettes issues du malus financent la prime. Sa rebudgétisation a permis de la financer dans son intégralité et d’éviter que le problème ne se reproduise.

  1. Nicolas Turquois. Un dernier mot, si vous me le permettez, monsieur le président. Vous avez souligné l’intérêt d’un nouveau CAS, mais il serait bon que notre commission vérifie que la transition énergétique n’est pas le « CAS du siècle » !

Mardi 26 mars 2019

Extraits commentés du compte rendu n° 7

Présidence de M. Julien Aubert, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Laurent Michel, directeur général de l’énergie et du climat (DGEC) au ministère de la transition écologique et solidaire.

(Le champion de la langue de bois et du délayage pour ne rien dire de pertinent)

  1. le président Julien Aubert. Ingénieur général des mines, M. Michel a occupé des responsabilités importantes en matière de développement durable et d’environnement puisqu’il était directeur de la prévention des pollutions et des risques avant d’être nommé à ses actuelles fonctions, à la fin de l’année 2012.

Votre direction générale, la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), a une responsabilité majeure, voire prépondérante, dans l’élaboration et, plus encore, la mise en œuvre des politiques de soutien aux énergies renouvelables (EnR).

À cet égard, la Cour des comptes a regretté, dans un rapport de mars 2018, une insuffisance de coopération avec les autres grandes directions ministérielles intéressées dans le pilotage de la politique de l’énergie et du climat, spécialement avec celles du ministère en charge des finances et de l’industrie, qui interviendraient « de manière dispersée », selon la Cour.

La Cour des comptes a également souligné que la création du compte d’affectation spéciale (CAS) « Transition énergétique » constitue un progrès – en matière de traçabilité et non en matière budgétaire, puisqu’il représente une exception au principe d’unité budgétaire – sur la voie d’une meilleure coopération interministérielle, mais que le dialogue entre la DGEC et les directions du ministère chargé des finances « demeure perfectible ».

Vous succédez, monsieur le directeur général, à une audition de représentants du ministère des finances, qui nous a permis de toucher du doigt l’écart entre le discours politique et l’usine à gaz de la fiscalité énergétique. Il sera intéressant d’entendre votre point de vue sur la manière dont l’évolution de cette fiscalité intervient en liaison avec Bercy.

  1. Laurent Michel, directeur général de l’énergie et du climat au ministère de la transition écologique et solidaire.

(Son très (trop) long propos liminaire (supprimé) enfonce des portes ouvertes, débite des banalités et n’apprends rien. Est-ce pour noyer le poisson et gagner du temps dans un discours fleuve ?)

En termes de planification stratégique et opérationnelle, les objectifs génériques de moins 40 % de GES d'ici 2030, de développement des énergies renouvelables et d'efficacité énergétique, sont traduits dans la SNBC et dans la PPE, adoptées en 2015 et 2016, et révisées normalement dans l'année et demie qui suit chaque début de mandat. Les projets ont été publiés fin 2018 et les consultations sont en cours.

La stratégie nationale bas carbone de réduction des émissions de gaz à effet de serre s’inscrit dans le moyen terme, avec les budgets carbone jusqu'à 2033, mais aussi dans le long terme, puisqu’elle vise la décarbonation de l'économie à horizon 2050. Elle repose en réalité sur le triptyque suivant : une réduction forte des consommations d'énergie, la décarbonation totale des consommations et productions d'énergie, et une forte baisse des émissions industrielles et agricoles de gaz à effet de serre.

  1. le président Julien Aubert. S’agissant du projet d’engagement de la PPE, vous avez indiqué que les projets en cours représentaient 95 milliards d'euros, auxquels s’ajoutent 30 milliards d'euros de nouveaux projets. Ce second montant correspond-il au financement des énergies renouvelables ou au surcoût total à mobiliser dans le cadre de la PPE ?

  1. Laurent Michel. J’ai donné ce chiffre lorsque je présentais l’évolution du soutien aux énergies renouvelables, électriques et biogaz. Je comparais les contrats déjà signés et engagés avec ceux prévus dans le cadre de la PPE pour un volume de production. Comme je l’ai également souligné, ce soutien devrait rapidement prendre fin pour certaines filières, et éventuellement céder la place à un mécanisme de garantie comme il en existe dans plusieurs pays, si le marché de l’électricité tombe à 30 euros le mégawattheure (MWh). Les 30 milliards d'euros de nouveaux projets concernent donc bien l’électricité et le biogaz. Ce montant vaut pour toute la durée des contrats, et pas uniquement pour les dix ans de la PPE.

Au sein du CAS « Transition énergétique », le soutien aux EnR électriques s’élève à 5,4 milliards d’euros. Reflétant la mise en service d’un volume croissant et le développement des parcs éoliens offshore, la projection pour 2022 l’estime à 6,5 milliards d’euros. Un pic est prévu en 2026 à 8 milliards d’euros, puis une décroissance rapide et forte aux tournants des années 2030, quand prendront fin les contrats solaires d’avant le moratoire de 2011, qui représentent encore aujourd’hui un montant de soutien de 2 milliards d’euros. Les contrats suivants feront l’objet d’un soutien minimal.

  1. le président Julien Aubert. Sur la base de quel calcul économique en est-on arrivé à considérer que ces 30 milliards d'euros de soutien public seraient mieux utilisés en bénéficiant au développement des énergies renouvelables ? On aurait pu tout aussi bien décider, en effet, d’affecter ce montant à la politique du logement.

Comment sait-on, par ailleurs, que l’on obtient un meilleur impact CO2 en ciblant le développement de l’énergie électrique plutôt que d’autres aspects de la transition énergétique ?

  1. Laurent Michel. Nous essayons, dans chaque secteur et de manière globale, d’atteindre un objectif d’efficience et de maîtrise de la dépense publique. Le soutien à la rénovation des bâtiments représente actuellement près de 2 milliards d’euros, entre le CITE et les aides de l’ANAH, sans compter le Fonds chaleur renouvelable, qui intervient lui aussi sur les bâtiments via les réseaux de chaleur. Le soutien au logement est donc loin d’être négligeable.

  1. le président Julien Aubert. Il n’est pas si important que cela quand on le compare aux 95 milliards déjà engagés pour les énergies renouvelables.

  1. Laurent Michel. Mais ce sont 2 milliards par an. Le montant de 30 milliards correspond à une projection de l’ensemble des nouveaux projets sur les dix ans à venir. Il vaut en outre pour toute la durée des contrats, et pas uniquement pour la PPE.

Lorsque je parle du logement, j’entends le bâtiment en général, hors logement social
– celui-ci représente 100 000 logements par an, ce qui n’est pas rien non plus. Les 2 milliards d’euros par an correspondent donc au fonds chaleur, via les réseaux de chaleur, au CITE et aux aides de l’ANAH. Sur dix ans, et en ajoutant le logement social, l’effort public pour le logement et le bâtiment est important.

  1. le président Julien Aubert. Certes, mais ce n’était pas le sens de ma question. Aujourd’hui, les énergies renouvelables électriques bénéficient d’un soutien d’environ 6 milliards d’euros, ce qui signifie que l’on dépense trois fois plus pour elles que pour la politique de rénovation des bâtiments. Il s’agit donc bien d’un choix politique puisque l’on aurait pu aussi décider d’affecter 2 milliards à l’éolien et au photovoltaïque et 6 milliards au logement.

Ma question est donc la suivante : quels calculs ont-ils été effectués pour déterminer le secteur dans lequel l’impact CO2 sera le meilleur et décider de cette répartition de milliards d’euros qui ne sont d’ailleurs pas encore collectés ? La colère des gilets jaune montre bien que l’on ne perçoit pas toujours le volume de recettes fiscales prévu au départ. Il est également important de savoir comment sont répartis les postes de dépenses.

Pourquoi, en France, quand on parle de transition énergétique, cible-t-on trois fois plus les énergies renouvelables ?

  1. Laurent Michel. Nous sommes fortement tributaires des décisions du passé. La nouvelle orientation de la PPE va amener le biogaz et les énergies renouvelables électriques à des flux de 3 à 4 milliards d’euros en fonction des années. Le rapport n’est donc pas trois fois supérieur.

L’équation est en réalité difficile à résoudre. Nous sommes soumis à l’atteinte d’un ensemble d’objectifs de décarbonation, de diversification et de préparation de l’avenir. Pour le mix électrique, un choix politique a été fait, en effet : il ne dépendra plus demain à 75 % d’une seule énergie.

(Et quel est l’intérêt ? Par un choix étrange ce mix électrique dépendra de productions intermittentes fatales, donc il faudra reconstruire des moyens pilotables au gaz puisque le charbon semble banni. A croire que la nomination de cette personne à ce poste s’est fait sur son rejet du nucléaire…)

C’est l’un des paramètres pris en compte dans la perspective de l’échéance de 2035. La conception du mix électrique à cet horizon nous apparaît réaliste, mais nous gardons ouvertes certaines options, notamment sur la part du nucléaire, à 40 % ou 50 %.

En ce qui concerne les EnR électriques, il est apparu évident que leur rythme de développement, à la fois physique et financier, ne permettait pas d’envisager une transition plus rapide, ce qui a conduit à repousser à 2035 l’objectif de réduction du nucléaire dans le mix électrique.

(Mais ça, tout le monde le savait dès le départ, et même 2035 est un mirage, alors pourquoi la DGEC ne dénonce-t-elle pas cette imposture ?)

Nous entendons profiter de la baisse des coûts des EnR, tout en donnant leur chance aux filières pas encore tout à fait matures, comme l’éolien offshore, et en conservant une possibilité de choix, dans les trois à cinq ans, sur les programmes lourds à l’horizon 2050. Car nous n’aurons plus, en 2050, les centrales électriques nucléaires actuelles.

(Et nous aurons quoi ? De nouveaux EPR, filières auxquelles la DGEC devrait aussi songer à donner leur chance…)

  1. le président Julien Aubert. Pour résumer, c’est le choix de diminuer la part du nucléaire qui explique les engagements en matière d’énergies renouvelables électriques.

  1. Laurent Michel. C’est l’un des éléments de choix.

(Et qui a fait ce choix sans le dire puisque la TE est censée diminuer les gaz à effet de serre, ce que le nucléaire fait bien ?)

La nécessité de maximiser le rapport coût-bénéfice en termes de CO2,

(pour ça le nucléaire est champion)

l’émergence de nouvelles filières,

(La DGEC pense-telle aux EPR et aux surgénérateurs ?)

l’optimisation de l’usage de nouvelles ressources,

(L’uranium appauvri (U238) dans les futurs surgénérateurs à neutrons rapides ou au thorium ?)

le choix de réserver la biomasse à la chaleur renouvelable : tous ces éléments nous ont conduits à viser une trajectoire réaliste dans les énergies électriques,

(En quoi est-elle réaliste sur la base du développement d’énergies éoliennes et solaires intermittentes, fatales et importés de l’étranger dont la Chine ?)

et à la décision d’augmenter le fonds chaleur, car son bénéfice en termes de CO2 rejeté est intéressant.

(Augmenter le fond nucléaire aussi pour la même raison).

Cependant, prévoir 600 millions d’euros de dépenses pour le fonds chaleur ne servirait à rien tant que les projets ne sont pas montés en puissance.

(Il faudrait peut-être les flécher vers le démonstrateur de réacteurs futur ASTRID ?)

Ces différents éléments, et le critère de faisabilité, nous ont également conduits à modifier plusieurs leviers par rapport à la trajectoire de la loi du 18 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Nous avons considéré

(C’est qui « nous » ? Le parlement a-t-il été associé ?)

qu’il était nécessaire de fournir un effort important et efficient dans les secteurs du transport et du bâtiment. Nous nous sommes interrogés, au niveau interministériel, sur les mesures les plus efficaces dans le bâtiment. Certains points seront sans doute tranchés dans le projet de loi de finances pour 2020.

  1. le président Julien Aubert. Pourrions-nous revenir sur les dépenses que vous projetez dans le transport et le logement ? Vous avez dit beaucoup de choses

(Oui, beaucoup de bla-bla et d’enfumage…)

et il me semble nécessaire de simplifier. Il y a donc 30 milliards supplémentaires pour les énergies renouvelables. Pour le logement, combien représente la montée en gamme de la PPE ?

  1. Laurent Michel. À ce stade, compte tenu des arbitrages qui restent à faire, le logement représente environ 2 milliards d’euros par an, hors logement social.

  1. le président Julien Aubert. Ce montant correspondant à la situation actuelle.

  1. Laurent Michel. En effet, mais il faut y ajouter la mobilisation de 1,5 milliard d’euros de CEE. Globalement, les CEE, le CITE et l’ANAH ont un effet multiplicateur. Au total, l’effort de soutien public pour le logement approche les 3 milliards d’euros, plus le logement social, pour lequel je vous ferai parvenir des estimations précises. Avec 100 000 logements par an, on atteint relativement vite des centaines de millions d’euros.

Dans le secteur du transport, notre direction gère principalement la mobilité électrique et la prime à la conversion, c’est-à-dire le bonus pour le véhicule électrique, son environnement et le développement des infrastructures de recharge. Un effort est également prévu sur le gaz naturel véhicules (GNV). En 2019, les nouvelles mobilités font l’objet d’investissements publics à hauteur d’1 milliard d’euros, hors politique générale des transports et transports en commun, et d’une mobilisation de 100 à 150 millions d’euros pour les CEE, ce qui marque une inflexion dans le secteur des transports. Les outils réglementaire, incitatif et organisationnel sont parfois nécessaires tous en même temps. Aucun ne peut fonctionner seul.

  1. le président Julien Aubert. Pour résumer : 6 milliards d’euros sur les énergies renouvelables, qui devraient passer progressivement à 4 milliards ; 3 milliards sur le logement ; 1 milliard sur le transport, pour le volet mobilité propre.

Les EnR bénéficient donc de 50 % du soutien public, l’autre moitié revenant au logement et au transport.

  1. Laurent Michel. Hors transports en commun et ferroviaires.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. De toute évidence, la dynamique des dépenses destinées aux EnR connaîtra une nette évolution à l’avenir. Leur niveau actuel s’explique par le statut de filières émergentes. Une fois lancées, elles produiront plus d’énergie,

(Il n’y aura as plus de vent ni de soleil…)

à un coût moins important,

(Le palier des coûts est bientôt atteint et les coûts remontent même dans l’éolien à cause du prix des matières premières…)

et nécessiteront à terme un investissement moindre de l’État, voire, si je vous ai bien compris, plus d’investissement du tout,

(Il faut le décider rapidement car c’est un scandale financier)

mais un simple mécanisme de garantie des prix.

(Et pourquoi ne pas les laisser vivre dans le marché. Ou alors, faire de même avec les autres productions décarbonées comme le nucléaire…)

Ce que l’on investit sur les EnR, on en sera libéré à terme.

(C’est quand le « terme » ?)

  1. Laurent Michel. Les différentes problématiques comportent des convergences et des divergences.

(Wouahou ! Il faut être ingénieur général des mines pour débiter une telle banalité générale…)

Le transport est, à ce stade, le secteur dans lequel le coût de la tonne de CO2 évité est le plus important à court terme. Les filières décarbonées sont en phase d’amorçage : filières électrique et hydrogène pour le véhicule léger ;

(Non, la filière nucléaire décarbonée n’est pas en phase d’amorçage. Pourquoi « l’oublier » dans les solutions ?)

filières gaz, biogaz ou hydrogène pour le véhicule lourd, à moins que l’électrique ne parvienne à s’imposer, ce que certains prévoient. Dans le transport, nous en sommes donc à soutenir les premiers développements et à créer une incitation réglementaire forte au niveau européen.

(Sauf que l’Europe, toute occupée avec ses éoliennes et le fiasco du photovoltaïque fagocité par les Chinois, a oublié de construire des batteries, aujourd’hui coréennes et chinoises aussi !)

Si les constructeurs automobiles ne sont pas soumis à l’obligation de délivrer sur le marché des véhicules moins émetteurs, aucune évolution n’est à attendre. Un cadre est nécessaire, pour la recharge en gaz et en électricité, mais aussi pour la confiance. Nous devons expliquer l’usage du véhicule électrique. De nombreuses personnes pensent à tort qu’il est adapté uniquement à la ville, alors qu’il peut très bien être utilisé en milieu rural pour des trajets de 80 kilomètres par jour.

Dans le logement et le bâtiment, les flux d’investissement resteront importants pendant encore longtemps. Les rénovations engagées dans le logement social, pourtant bien avancées, dureront encore dix ans, et quinze à vingt ans dans le parc privé locatif. Celui-ci est confronté à un défi puisqu’il s’agit d’inciter les propriétaires à investir au bénéfice des locataires. Toutefois, comme vous l’avez souligné, les logements aidés s’y retrouvent. Des évaluations très sérieuses montrent que les aides de l’ANAH – entre 20 000 et 25 000 euros par logement – permettent une baisse de consommation d’énergie de 40 %, très nette sur la facture.

(Ce n’est pas ce que dit une étude de l’ADEME (enquête TREMI de 2017) qui dit le contraire…)

Quoi que nous fassions pour accélérer le rythme, et tout en cherchant toujours à réduire son coût, la rénovation du parc devrait durer encore dix à vingt-cinq ans selon les secteurs.

Pour la chaleur, la logique est encore différente. Nous investissons, puis nous trouvons un prix proche de celui des énergies fossiles, voire légèrement inférieur, grâce aux aides de l’État à l’investissement.

Le modèle le plus courant en Europe, pour les EnR électriques et biogaz, repose sur une aide annuelle qui équilibre les projets. À terme, nous devrions pouvoir obtenir, sur le marché français, des EnR avec très peu de subventions, tout en prenant en compte, bien sûr, les coûts d’adaptation du système électrique et plus tard de stockage.

(Il reviendrait beaucoup moins cher de construire quelques réacteurs nucléaire « de capacité » pour passer la pointe hivernale, même s’ils sont utilisés 4 mois par an, compte-tenu des dizaines de milliards d’euros dépensés dans cette monstrueuse transition énergétique qui sera un fiasco énorme et qui entraine les Français vers la faillite).

Il reste cependant une incertitude pour le biogaz, les objectifs de baisse de prix, jusqu’à 45 euros le MWh, nous plaçant à un niveau plus cher que le gaz naturel sans « taxe carbone », et même avec la « taxe carbone » actuelle. En revanche, dans un horizon d’économie décarbonée, un gaz à 45 euros le MWh représenterait un coût de décarbonation tout à fait compétitif. Si nous atteignons ce prix dans les dix à quinze ans à venir, nous devrons, comme pour les biocarburants liquides, appliquer ou bien un équivalent de « taxe carbone », ou bien une réglementation rendant obligatoire l’utilisation d’un taux minimum de biogaz. La subvention sera ainsi rendue à un coût raisonnable, ou même non nécessaire.

Contrairement à l’électricité, le développement du biogaz ne s’équilibrera pas tout seul, par le jeu des technologies. On imagine mal, en effet, passer au-dessous du prix du gaz extrait. C’est donc la politique carbone qui, sous forme de réglementation ou d’équivalent valeur du carbone, amènera le biogaz à ne plus dépendre un jour du soutien public, en taxant ou en pénalisant le gaz fossile.

(Va pour le biogaz qui fera vivre nos agriculteurs en important un peu moins de gaz russe et américains… Mais là aussi, il y a une « vente de vent » et de rêve)

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Pouvez-vous revenir sur l’historique des politiques en matière d’énergie solaire ?

Par ailleurs, est-il plus efficace, dans la perspective de la neutralité carbone, de cibler uniquement la problématique carbone ou faut-il, comme dans le bâtiment, se focaliser également sur la consommation d’énergie, et donc la sobriété énergétique ? Peut-on poursuivre les deux objectifs sans pénaliser l’un par rapport à l’autre ? Autrement dit, neutralité carbone et/ou efficacité énergétique ?

  1. Laurent Michel. La première phase de développement du solaire en France s’est caractérisée par l’émergence de la technologie et la mise en place de politiques tarifaires. Comme dans d’autres pays européens, elle a rapidement été suivie d’une baisse des prix liée à la massification et au dumping. Les projets ont pu très vite se réaliser à des coûts beaucoup moins chers que prévus. Les tarifs trop élevés par rapport à la rentabilité ont engendré un emballement du nombre de projets, qui a conduit l’État à imposer un moratoire en deux étapes.

(A qui la faute ? Qui s’est engraissé sur le dos des Français ?)

Si ma mémoire est bonne, ce moratoire est intervenu lorsque Jean-Louis Borloo, puis Nathalie Kosciusko-Morizet, étaient ministres de l’écologie, sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Un coup d’arrêt a alors été porté à de nouveaux projets basés sur des tarifs aussi hauts. En revanche, il n’a jamais été question, en France, de revenir sur les contrats existants, à la différence de l’Espagne par exemple, qui paie aujourd’hui des contentieux pour décision abusive.

Au cours de la période suivante, entre 2012 à 2015, des ajustements sont intervenus pour réduire les tarifs des petites et moyennes puissances. En effet, les tarifs s’ajustent plus rapidement aux volumes, un gros volume témoignant de tarifs devenus trop intéressants. Les appels d’offres sont par ailleurs devenus systématiques pour les centrales au sol et les bâtiments au-dessus de 100 KW. Des procédures simplifiées ont été prévues entre 100 et 500 KW, 100 KW correspondant à un bâtiment de 1 000 mètres carrés environ. Au-dessus de cette puissance, les appels d’offres fixent des critères plus compliqués.

Quant au diptyque redoutable que constituent la neutralité carbone et l’efficacité énergétique, je suis personnellement convaincu que l’on ne décarbonera pas si l’on ne consomme pas le moins possible d’énergie dans chaque secteur. Tôt ou tard, en effet, nous n’aurons plus assez d’énergie décarbonée en volume, ou elle deviendra très chère et nous basculerons sur le fossile.

(Il faut donc encourager le passage massif et coordonné à l’électricité nucléaire !)

Néanmoins, les problématiques diffèrent selon les cinétiques et les secteurs. Dans certains domaines, ciblés par la PPE, il est possible d’utiliser des énergies déjà décarbonées comme l’électricité.

(C’est bien de le dire mais il ne faudrait pas le perdre de vue…)

Dans d’autres, ce n’est pas immédiatement possible et l’effort d’efficacité énergétique en carbone va rapporter beaucoup tout de suite. Dans certains cas, la combinaison d’un changement de vecteur et de l’efficacité énergétique est la meilleure voie pour avancer.

Dans le bâtiment, nous essayons d’adopter une approche pragmatique en fonction de l’état des projets, des acteurs et de leur capacité financière. Nous ne pensons pas qu’il soit contradictoire de proposer en même temps le CITE, les aides de l’ANAH, les CEE, le remplacement de l’ancienne chaudière gaz ou fioul par une chaudière gaz à 1 euro, et la rénovation du logement. Certains gestes simples permettent des économies dans les consommations d’énergie. Bien entendu, les derniers grammes de CO2 ou d’énergie coûtent toujours plus chers. Il n’est pas toujours simple de savoir quel type de rénovation, par étapes ou globale, a le meilleur rapport coût-bénéfice.

Mme Laure de La Raudière. J’aimerais revenir sur le mix énergétique choisi par la France en matière d’électricité. Quels sont les résultats de la France, dans le cadre de la stratégie nationale bas-carbone, par rapport aux autres pays, en ratio par habitant ?

Pour calculer les émissions de CO2 des énergies renouvelables par rapport à celles du nucléaire et de l’hydroélectricité, prend-on en compte l’ensemble de la filière, c’est-à-dire également le recyclage des installations éoliennes et photovoltaïques ?

À terme, vous venez de l’expliquer, les énergies renouvelables ne demanderont plus de subventions publiques. Pourtant, certains secteurs comme l’éolien terrestre n’ont pas atteint leur maturité industrielle dans notre pays. L’objectif de 50 % de nucléaire dans le mix énergétique n’a-t-il pas été fixé trop tôt par rapport au niveau de développement des filières énergétiques renouvelables ? La question mérite d’autant plus d’être posée que le nucléaire est également une énergie bas carbone. Avec quels critères et sur la base de quelles études, cet objectif a-t-il donc été fixé, sachant qu’il nous faut répondre aux objectifs de la stratégie nationale bas-carbone et tenir compte du coût de l’électricité pour nos citoyens ?

Après l’emballement du photovoltaïque, quelle analyse la DGEC fait-elle de la rentabilité actuelle de certains opérateurs des énergies renouvelables, en particulier dans l’éolien terrestre ? Quelle est la part des éoliennes terrestres qui font l’objet d’un appel d’offres ? Nous assistons actuellement à un emballement de l’éolien terrestre, avec le déploiement extrêmement rapide de certains promoteurs. Les subventions restent importantes et les tarifs sont aujourd’hui garantis, mais vous allez nous dire demain que ces professionnels n’auront plus besoin de soutien public. Il ne paraît pas judicieux de réduire les aides tant que la filière n’est pas mature et rentable.

À vous écouter, on a le sentiment qu’on aurait peut-être eu intérêt à fixer l’objectif de 50 % de nucléaire à une date ultérieure, pour donner du temps aux filières d’énergies renouvelables de monter en maturité. Je parle, bien entendu, du point de vue de la consommation de l’argent public.

  1. Laurent Michel. Ces débats sont anciens et je me permettrai d’être franc. Je pense que si l’on fixe à 2045 ou 2050 l’objectif de 50 % de nucléaire dans le mix énergétique - ou de 51 %, ou de 52 %, peu importe –, on ne prépare pas l’avenir et on commet une très grave erreur. Je le dis en dehors de tout parti pris pro-nucléaire, anti-nucléaire ou pro-EnR.

(Et en quoi serait-ce « une très grave erreur » ? Quels sont les raisons part l’asséner sentencieusement ?)

La DEGC a mené diverses projections s’agissant du mix électrique. Comme le précédent ministre l’avait lui-même indiqué lors de diverses auditions, l’échéance de 2025 est apparue trop proche sur le plan physique et financier. La date de 2035 a fait l’objet de nombreuses simulations intégrant toutes les incertitudes existantes, notamment sur le coût du nucléaire prolongé et les capacités du nouveau nucléaire. Nous avons estimé, au regard de ces différentes études présentées en annexe du projet de PPE, que la trajectoire actuelle conduisait, vers une date située autour de 2035, à un coût équivalent de production de l’électricité et permettait de profiter de la baisse des prix des EnR électriques, qui est aujourd’hui un fait.

(Et qui ne va pas continuer pour l’éolien… qui sera toujours ruineux en tenant compte du stockage et de la gestion de l’intermittence).

Deux questions restent cependant à examiner. Comment, tout d’abord, profiter de l’émergence des technologies de l’éolien offshore pour générer des retombées industrielles en France ? Ces technologies seront de plus en plus compétitives et nous avons des outils.

(Les fabricants sont étrangers et les projets ruineux soutenues à coups de milliards de subventions vont s’écrouler tout seuls ! Attention, danger !)

Je pense notamment aux chantiers de l’Atlantique, qui, grâce à leurs compétences pointues, fabriquent des sous-stations électriques de raccordement. Nous possédons aussi des entreprises hors secteur des ENR qui produisent des flotteurs pour l’éolien flottant et qui pourront exporter. Nous cherchons donc à nous positionner pour faire grandir l’éolien flottant en France, ni trop vite, parce que nous payerions très cher huit parcs éoliens flottants de 1 000 mégawatts en trois ans, ni trop lentement, car alors nous n’aurions pas les compétences en France pour développer cette filière, qui sera peut-être la plus compétitive dans dix ans.

(C’est même sûr et il faut arrêter tout de suite cette gabegie gigantesque d’argent public !)

Mme Laure de La Raudière. Ma question portait sur l’éolien terrestre.

  1. Laurent Michel. Oui, mais je vous expliquais quels étaient les deux sujets qui restaient à traiter.

Le second concerne notre capacité opérationnelle et financière à investir dans le nouveau nucléaire, dans le respect du droit de la concurrence. Quel nouveau nucléaire et quel coût pour les finances publiques ?

Il y a en réalité un troisième sujet, celui de l’intermittence, du stockage et de leur coût. Nous devrons examiner ces trois sujets dans les trois à cinq ans qui viennent, peut-être même avant, pour définir le mix électrique. (Et si on y réfléchissait avant de se lancer dans le vide ?)

Ma conviction personnelle est que repousser ces réflexions à un horizon plus lointain serait une grave erreur, y compris pour l’avenir de la filière nucléaire. La décision doit être prise maintenant, pour un horizon 2035-2040.

Mme Laure de La Raudière. Mais je m’interrogeais sur l’éolien terrestre, qui pose d’ailleurs aussi une question d’acceptabilité sociale. Les territoires sont de plus en plus nombreux à refuser l’implantation d’éoliennes terrestres, qui donnent rarement lieu à des appels d’offres et sont une source de rentabilité considérable. Je voulais savoir quelle était la réflexion de la DGEC à ce sujet. Vous avez parlé des projets offshore et flottants, mais pas de l’éolien terrestre.

(Vous avez raison)

http://epaw.org/

  1. Laurent Michel. La majorité des projets d’éolien terrestre bénéficient aujourd’hui des tarifs d’achat du guichet fermé fin 2016. Les petits projets de moins de six mâts et de moins de 3 MW peuvent encore bénéficier de ce tarif. En revanche, les nouveaux projets de gros parcs éoliens doivent faire l’objet d’appels d’offres. Nous préparons une réforme qui conduira à réduire encore le champ des parcs éligibles au guichet.

  1. le président Julien Aubert. Dans l’éolien terrestre, quelle est la proportion de gros parcs et de petits projets non soumis à la procédure d’appel d’offres ? Du fait de cette distinction, il semblerait que l’on multiplie les petits projets éoliens, contrairement à ce qui se fait dans d’autres pays, ce qui pose d’ailleurs un problème de rentabilité.

  1. Laurent Michel. Les parcs actuels sont dans leur quasi-intégralité soumis aux tarifs d’achat du guichet fermé fin 2016. C’est logique vu leurs délais de réalisation. Je ne saurais vous donner le nombre de demandes d’autorisation déposées, mais nous nous apprêtons, dans un objectif de compétitivité et d’action anti-mitage, à réduire le nombre de machines autorisées à deux ou trois, et plutôt pour des extensions que pour de nouveaux parcs. Compte tenu du tarif de rachat de l’électricité produite à deux ou trois machines, il n’est plus intéressant de construire un parc nouveau. Le tarif va donc être réduit à sa portion congrue.

Il nous faudra réfléchir à l’opportunité d’un mécanisme de soutien pour l’éolien terrestre.

(Réfléchissez rapidement et surtout décidez l’arrêt car ce puit sans fond coûte cher à la France)

Pour favoriser son acceptabilité, nous voulons faire émerger le repowering, c’est-à-dire la réingénierie des parcs existants. Des mécanismes transparents seront mis en place sur le même modèle que l’hydroélectricité. Soit les parcs seront entièrement nouveaux et ils entreront dans le mécanisme d’appels d’offres, soit – mais la décision n’a pas encore été prise – un mécanisme de soutien au réinvestissement sera mis en place. Pour la collectivité, le repowering des parcs éoliens constitue une solution bien meilleure et beaucoup moins chère, qui évite les problèmes d’acceptabilité, puisque l’on remet des éoliennes là où il y en avait déjà. Le renouvellement des parcs est donc un axe intéressant, qui se pratique dans d’autres pays et qui permet d’augmenter les puissances, les productibles et les durées de production sans créer de nouveaux parcs.

(Qu’ils se débrouillent sans argent public et avec les voisins des éoliennes qui seront heureux d’apprendre que la petite éolienne va grimper à 150 mètres ou 200 mètres de hauteur !)

  1. Hubert Wulfranc. Les 2 milliards d’euros affectés au logement dans le cadre de la politique d’efficacité énergétique décidée par la France correspondent, selon vous, à une soutenabilité raisonnable à moyen terme pour mettre fin aux 7 millions de « passoires thermiques » de notre pays. Mettons de côté le logement social, qui, d’après les objectifs 2018-2022, devrait achever sa rénovation thermique à la fin du quinquennat. Dans le logement privé, considérez-vous que la trajectoire est à la mesure des enjeux en termes de consommation ?

On sait que les procédés industriels sont particulièrement heurtés par la transition énergétique. Pouvez-vous nous donner des chiffres sur le coût de la transition énergétique dans les différentes filières industrielles, notamment la chimie, la papeterie et la métallurgie ?

  1. Laurent Michel. En ce qui concerne le logement, je précise que le CITE représente 1,2 milliard d’euros et les aides de l’ANAH 500 millions d’euros. Ces dernières devraient passer à 800 millions et ne concernent pas uniquement la rénovation. Les CEE représentent quant à eux 1,5 milliard d’euros, y compris pour des bâtiments tertiaires.

Il est évidemment difficile de lire dans les boules de cristal et, pour un fonctionnaire, de dire s’il y a trop ou pas assez d’argent.

(Cela n’empêche pas les « fonctionnaires » de la DGEC de jongler allègrement avec les dizaines de milliards d’impôts et taxes des Français… Manifestement, il en faut « toujours plus », mais surtout pas pour le nucléaire.)

Il me semble toutefois qu’en matière de logement, l’argent n’est pas seul nécessaire. La mobilisation, l’accompagnement et la formation sont tout aussi importants. Nous devons rechercher les gains, y compris financiers, des programmes qui testent différentes solutions de rénovation. Si on peut faire pour moins cher, il faut le faire.

Nos analyses montrent cependant qu’au-dessous des moyens engagés, nous n’arriverions pas à tenir le rythme, ni à l’augmenter. Ce n’est peut-être pas très orthodoxe de le dire, compte tenu de la rigueur attendue dans la gestion des finances publiques, mais nous devons être cohérents. Sans ces 2 milliards d’euros, hors logement social, et les CEE, sans la combinaison des aides qui permet de faire masse, nous n’y arriverons pas. Nous pouvons en revanche espérer qu’en industrialisant les process, nous réussirons à rénover un nombre de logements plus important avec le même niveau d’engagement public. Si on divisait par deux le montant des sommes investies, on ferait plus que diviser par deux le nombre de logements rénovés. Il y a donc un effort de notre collectivité nationale à fournir dans la durée, jusqu’au jour où l’on aura épuisé le stock, mais celui-ci est encore important.

Quant au coût de la transition énergétique pour l’industrie, je vais avoir du mal à trouver rapidement les éléments de chiffrage que vous me demandez dans le document de deux cents pages que j’ai avec moi, mais je vous les transmettrai ultérieurement.

Nous avons chiffré la stratégie nationale bas-carbone à long terme, ainsi que les investissements macroéconomiques dans l’industrie. Nous devons résoudre une triple et difficile équation. À court terme, compte tenu de la compétition internationale, les entreprises ont besoin de prix de l’énergie plutôt bas.

(Oui, mais la DGEC s’ingénie à faire des choix qui augmentent ce coût !)

Un système subventionné comporte toutefois deux dangers : d’une part, les subventions peuvent s’interrompre ; d’autre part, les entreprises ne sont pas incitées à investir. Lorsqu’elles le font, c’est sur un mode incrémental, par exemple pour réduire leur consommation d’énergie, en installant une chaudière biomasse. Pour une grosse usine de la chimie ou de la papeterie, un tel chantier représente 100 à 200 millions d’euros d’investissement. Quand la valeur carbone sera importante pour les acheteurs, les besoins d’investissement des entreprises seront élevés si elles veulent rester compétitives au niveau européen et mondial.

Les secteurs de la sidérurgie et de la cimenterie pourraient connaître des changements radicaux avec, pour la sidérurgie, la fin du charbon dans les hauts fourneaux et l’utilisation de l’électricité ou de l’hydrogène, au lieu des énergies fossiles, dans les procédés métallurgiques. Certains groupes industriels se sont résolument lancés dans un processus d’innovation, avec des projets de prototypes de plusieurs centaines de millions d’euros. Le déploiement de solutions énergétiquement plus performantes nécessitera quelques milliards d’euros d’investissement dans ces secteurs une fois la rupture technologique atteinte. Le sujet prendra alors une ampleur européenne. La transition énergétique sera massive et nécessitera la mobilisation de fonds publics. Si les investissements incrémentaux n’ont pas besoin d’être beaucoup aidés, les grosses ruptures appellent un soutien plus conséquent.

(Ces gens-là ne doutent de rien et vont ruiner l’industrie et les Français avec !)

  1. Vincent Thiébaut. Dans la PPE, la géothermie est aujourd’hui affectée à la production de chaleur, et donc au fonds de chaleur. Il s’avère que, dans certains territoires, la géothermie profonde permet aussi la production d’électricité, et pallie de ce fait le manque d’EnR.

(Hélas non. Sauf dans certains cas et pays particuliers (Islande), la géothermie ne peux pas produire de l’électricité car l’eau en sortie n’est pas assez chaude pour atteindre un bon rendement, notamment en Alsace)

Dans le nouveau projet de PPE, cette opportunité ne sera malheureusement plus subventionnée. Je suis député de l’Alsace. Dans mon département, le manque de grands couloirs aériens nuit au développement des projets éoliens. Nous sommes donc handicapés par la PPE et son nouveau positionnement sur la mixité des aides.

J’aimerais vous interroger sur la territorialisation des politiques énergétiques. Nous travaillons beaucoup au niveau national, mais le meilleur niveau pour porter les énergies renouvelables n’est-il pas celui des territoires ?

Les dépenses nécessaires pour atteindre les objectifs environnementaux ont été évoquées, mais avez-vous réfléchi aux conséquences secondaires des politiques déployées, c’est-à-dire les recettes ? Je pense à celles des collectivités, aux emplois créés et au développement de nouvelles industries. Quel sera l’impact, sur le plan économique et en termes de PIB, des politiques environnementales ?

  1. Laurent Michel. La géothermie est en effet un sujet difficile. Dans certains cas, elle ne permet pas la production d’électricité. L’usage chaleur est donc le meilleur. Cependant, de nombreux projets de recherche ont montré que la géothermie profonde pourrait à la fois constituer une source de chaleur et d’électricité.

(Les deux ? Ah bon ?? Où ça ?)

Quand on consomme moins de chaleur, on peut produire plus d’électricité et maintenir l’équilibre économique. Si le consommateur de chaleur est un industriel, les projets sont plus aisés et le débouché chaleur est stable. Les cogénérations ont l’intérêt de pouvoir utiliser physiquement la chaleur produite sous forme d’électricité quand il n’y a plus de consommation de chaleur l’été.

Le choix de ne plus subventionner la géothermie pour la production d’électricité n’a donc pas été simple, mais il pourrait être revu à l’avenir en fonction des propositions de la filière et des évolutions technologiques. Ce choix a résulté du constat d’un prix de rachat de l’électricité toujours cher, environ 120 euros le MWh, malgré les progrès de la géothermie profonde. D’autres filières trouvent également que leurs objectifs de prix sont trop bas. Nous avons des échanges réguliers avec la filière géothermie sur la possibilité d’une phase d’amélioration des procédés avant le déploiement ou de leviers de réduction des coûts, tels que le financement ex ante.

La géothermie pourrait-elle devenir tout à la fois une bonne productrice de chaleur et d’électricité ? Il m’est difficile de répondre, mais s’il est démontré que l’équation économique est bonne, il n’y aura pas de raison de ne pas le prendre en compte dans la PPE. Notre intention, en interrompant les subventions à la géothermie productrice d’électricité, était d’éviter que cette filière ne concentre ses financements sur l’électricité, à des tarifs très élevés, ce qui conduirait à des dépenses superfétatoires, engendrant elles-mêmes un prix artificiel de la chaleur et bloquant du même coup le développement des autres projets chaleur. L’exemple de la cogénération au gaz est instructif. Elle permettait, avec de gros tarifs d’achat de l’électricité, d’obtenir de la chaleur à un prix peu élevé, artifice qui n’est pas souhaitable.

(Pourquoi ?)

Pour conclure, la fin du soutien à la géothermie des profondeurs n’est pas à une religion. La PPE fait aujourd’hui le choix des filières matures,

(L’éolien et le solaire ? C’est une blague ?)

mais je rappelle qu’elle est revue tous les cinq ans et qu’elle s’inscrit dans un environnement technologique en constante évolution.

  1. Vincent Thiébaut. Vous n’avez pas répondu quant à l’impact des politiques environnementales en termes de recettes.

  1. Laurent Michel. Deux évaluations macroéconomiques existent sur la PPE et la stratégie nationale bas-carbone, qui reposent à moyen terme sur le même scénario. Nous comparons actuellement le scénario « avec mesures existantes » et le scénario PPE-SNBC. Nous remettrons prochainement le rapport d’accompagnement de la stratégie nationale bas-carbone, qui détaille les résultats de cette comparaison.

Avec toute la prudence requise, à moyen et long terme, des hausses différentielles de PIB de l’ordre de 3 % apparaissent, ainsi que des créations d’emplois jusqu’à 300 000 et des variations selon les périodes d’investissement et de fonctionnement.

(C’est se moquer du monde… Dans les EnR, les emplois s’envolent en même temps que les promesses ! Et combien d’emplois détruits par paupérisation de la France ?)

Bien entendu, les impacts sont différents selon les filières. Je ne crois pas, en revanche, qu’on ait calculé le montant des taxes perçues par les collectivités locales, ces taxes étant différentes selon les types d’énergie, mais je vous transmettrai une réponse écrite.

  1. le président Julien Aubert. Vous avez dit tout à l’heure que le coût de la tonne de CO2 évitée était le plus cher dans les transports. Voilà qui nous fournit un élément de comparaison méthodologique pour évaluer les différentes politiques de transition énergétique.

Utilisez-vous le coût de la tonne de CO2 évitée pour analyser, de manière transversale, l’impact des actions menées dans le logement, le transport et les énergies renouvelables ?

  1. Laurent Michel. Nous disposons en effet de données sur les différentes politiques, outre les travaux de la commission Quinet sur la valeur tutélaire du carbone ou nos projections de long terme. Selon les valeurs que l’on attribue à l’action du carbone, certaines politiques sont plus rapides. C’est le cas du logement. Dans le transport, la valeur du carbone augmente plus fortement pour atteindre les réductions visées.

  1. le président Julien Aubert. Autrement dit, il y a une élasticité sociale plus grande au coût du carbone dans le logement que dans le transport. Ou encore : la sensibilité à l’effet prix est plus grande dans le logement que dans le transport en cas d’augmentation du prix du carbone.

  1. Laurent Michel. En effet. Mais nous faisons le pari, en France comme d’ailleurs en Europe et en Chine, que l’électrification du transport permettra tôt ou tard, grâce aux technologies et à la massification des productions, d’atteindre le point de bascule où le coût du véhicule décarboné s’alignera sur le coût du véhicule carboné.

(Grâce à une production massive d’électricité nucléaire bon marché ?...)

Ce dernier est aujourd’hui plus cher ; la tonne de CO2 évitée l’est donc également. Il faut bien sûr prendre en compte aussi l’investissement en amont sur l’innovation et la contrainte réglementaire.

  1. le président Julien Aubert. Lorsque l’on investit dans l’éolien, le coût de la tonne de CO2 évitée est logiquement plus important puisque l’on substitue l’éolien au nucléaire. Il n’y a donc pas de CO2 évité. Investir dans l’éolien représente donc un coût, pour un effet CO2 limité.

(Oui, c’est bien de le rappeler de temps en temps…)

  1. Laurent Michel. Ce point fait l’objet de nombreux débats,

(Avec Greenpeace et l’ADEME et autres organismes viscéralement antinucléaires ?)

selon que l’on considère la plaque française ou la plaque européenne. Le fait que la France continue à produire plus d’énergie décarbonée aide à substituer des énergies carbonées dans d’autres pays, grâce à sa capacité d’export.

  1. le président Julien Aubert. Quand on exporte du nucléaire, on exporte déjà de l’énergie décarbonée.

(Hé oui…)

  1. Laurent Michel. Certes, mais le scénario tel qu’il existe aujourd’hui, et qui a fait débat, parie sur une augmentation des exportations, et donc sur une substitution plus forte d’électricité décarbonée sur la plaque ouest européenne.

(Serait-ce une tentative de diversion de parler de l'Europe, voire "d'enfumage" de la représentation nationale ? L'électricité nucléaire décarboné, déjà largement exporté comme expliqué par ailleurs, sentirait-elle mauvais ? Pourquoi ne pas l'exporter aussi encore davantage pour décarboner "la plaque ouest européenne" ?)

  1. le président Julien Aubert. Restons à l’échelle de la France. Si l’électricité nucléaire passe de 75 % à 50 % pour être remplacée par de l’électricité éolienne ou photovoltaïque, l’impact carbone est nul.

(Pire, il sera en augmentation car il faudra faire tourner davantage les centrales à gaz, grandes gagnantes, pour compenser la « variabilité fatale »).

L’argent utilisé pour la substitution, en coût de la tonne de CO2 évitée, est donc très important puisque l’effet levier sur le CO2 est faible. En revanche, si l’on investit 1 milliard d’euros pour passer du véhicule à essence au véhicule électrique, l’impact carbone est réel. Je ne comprends donc pas ce que la plaque européenne ou les exportations viennent faire ici.

  1. Laurent Michel. Si vous exportez plus, vous substituez davantage d’énergies décarbonées à des énergies carbonées sur la plaque européenne. L’effet en termes de coût de la tonne de CO2 évitée est relativement faible au niveau français, mais il est plus important à l’échelle européenne.

Je rappelle que nous ne nous projetons pas uniquement à 2020 et que nous nous inscrivons aussi dans la perspective d’un mix électrique pour 2035 et 2050.

(Le nucléaire peut aussi durer plusieurs décennies…)

Il existe évidemment de nombreuses opinions sur le meilleur mix décarboné. Je suis quant à moi persuadé que nous devons soutenir le développement des énergies renouvelables

(et quelles en sont les raisons ?),

sans exclure toutefois une option nucléaire, légitime et possible.

(Et pourquoi pas principale dans la production décarbonée si ardemment souhaitée ?)

L’un des moyens de faire baisser les prix est de préparer plusieurs options de mix électrique décarboné

(Pourquoi ? Quel est le raisonnement puisque jusque-là les prix ont au contraire augmenté et que la diversification diminue l’efficience ?).

  1. le président Julien Aubert. Il ne s’agit pas tant du nucléaire que de la manière dont nous construisons notre budget. On a l’impression que ce budget est infini et que l’on jongle avec les milliards d’euros.

(La DGEC est à l’aise avec ça… Ils ne sont pas comptables de l’argent public)

On sait bien pourtant que les choses ne sont pas si simples quand il faut prélever cet argent sur les Français. Je ne sais pas quelle trajectoire de la « taxe carbone » est prise comme hypothèse dans la PPE, mais je rappelle que cette taxe est aujourd’hui gelée. D’où ma question sur la méthodologie que vous utilisez, puisque vous avez souligné que, dans le domaine du transport, le coût de la tonne de CO2 évitée était plus élevé. J’en déduis que vous disposez d’éléments pour comparer les différentes politiques de transition énergétique. Pour chacune d’elles, la corrélation entre le coût de la tonne de CO2 évitée et l’objectif environnemental vous conduit à faire des arbitrages financiers par rapport à des objectifs budgétaires réalistes.

Quel est le coût global de la PPE ?

  1. Laurent Michel. Les dépenses nouvelles engagées – ensemble des EnR, Fonds chaleur et CITE – représentent 40 milliards d’euros, auxquels il faut ajouter 20 milliards pour la rénovation, hors logement social, et 10 milliards pour le transport. Le coût global de la PPE s’élève donc à environ 80 milliards d’euros, hors investissements dans les départements d’outre-mer (DOM), péréquation et chèque énergie.

  1. le président Julien Aubert. La PPE prévoit l’augmentation des dépenses en matière de transition énergétique. Pouvez-vous nous préciser quel sera précisément le montant de cette augmentation ? À combien ces dépenses s’élevaient-elles en 2018 ?

  1. Laurent Michel. En dépenses publiques, elles représentaient un peu plus de 11 milliards d’euros en 2018. Elles atteindront progressivement un montant de 12 à 13 milliards par an, puis redescendront à 6 à 8 milliards quand les EnR seront beaucoup moins chères.

(C’est ce qu’on nous dit depuis 15 ans…)

  1. le président Julien Aubert. Nous dépensons donc aujourd’hui 11 milliards d’euros pour la transition énergétique, dont environ 6 milliards pour les EnR et le reste pour le transport et le logement. La PPE prévoit une augmentation de ce volume, puis une baisse, mais la répartition des sommes entre le logement, le transport et les énergies renouvelables restera globalement identique : 50 % des dépenses publiques pour le soutien aux EnR, 50 % pour le transport et le logement.

  1. Laurent Michel. À court terme, c’est bien cela. Une réorientation interviendra vers la fin de la PPE quand les prix des EnR auront baissé, parallèlement à la montée du biogaz, vecteur important de décarbonation.

  1. le président Julien Aubert. Tous ces sujets sont pour vous évidemment très familiers, mais ils le sont moins pour nous et je cherche à comprendre la logique. La PPE fixe donc un horizon de dix ans pendant lesquels l’effort budgétaire pour la transition énergétique augmentera de quelques milliards par an. À la fin de la période, une fois passé le pic des EnR, une partie des dépenses publiques sera rebasculée sur les autres politiques.

  1. Laurent Michel. Elle le sera en pourcentage. À l’intérieur des EnR, une bascule est également prévue, avec l’augmentation progressive du fonds chaleur et du biogaz, celui-ci représentant 8 milliards d’euros sur la période.

  1. le président Julien Aubert. Nous partons d’une situation structurelle où les énergies électriques bénéficient du soutien le plus important.

  1. Laurent Michel. Certes, mais l’effort sur le biogaz est considérable. Derrière les chiffres bruts et l’inertie des soutiens existants, il y a des réallocations importantes dans les décisions nouvelles.

  1. le président Julien Aubert. On nous dit que le photovoltaïque est devenu concurrentiel, que ce secteur est désormais une industrie et que les prix baissent. La logique européenne et française est d’interdire le soutien aux industries pour ne pas fausser la concurrence. Si les énergies renouvelables électriques sont arrivées à maturité, pourquoi ne pas arrêter tous les soutiens ? Cet argent pourrait être rebasculé plus rapidement, et pas dans sept ou huit ans, sur d’autres secteurs pour lesquels le coût de la tonne de CO2 évitée est plus faible.

(Merci de poser cette question de bon sens qui semble tabou…)

  1. Vincent Thiébaut. Je vois où veut en venir le président, mais le sujet du nucléaire ne doit pas être examiné du seul point de vue de la décarbonation. Il faut également prendre en compte l’impact et le coût de la dénucléarisation.

  1. le président Julien Aubert. Je ne parlais pas du nucléaire. J’aimerais, si possible, entendre la réponse de la DGEC.

  1. Laurent Michel. Certaines filières matures approchent en effet de la compétitivité. Le mécanisme d’appel d’offres le révélera et permettra de diminuer les besoins de subventions. Toutefois, interrompre dès maintenant le soutien aux énergies renouvelables électriques mettrait un coup d’arrêt à ces filières en cassant les processus industriels de montée en puissance.

  1. le président Julien Aubert. Sans parler de l’éolien, les acteurs du solaire nous disent que leur filière est compétitive. C’est comme pour le vélo : on retire les petites roues à l’arrière quand l’enfant est capable de pédaler tout seul. Vous me dites qu’on ne peut pas retirer les petites roues aux filières des énergies renouvelables. C’est donc qu’elles ne sont pas compétitives.

  1. Laurent Michel. Merci de bien vouloir me laisser terminer. Vous me permettrez de ne pas vous servir la soupe et de vous faire une réponse franche.

(Il s’énerve mais il est franc comme un âne qui recule…)

Les filières avancent effectivement, à des marches différentes, vers la compétitivité. Il arrivera un moment,

( ??....)

plus ou moins proche selon leur secteur et les types de projet qu’elles choisiront de développer, où elles pourront se passer de subventions. Une autre forme de régulation que le tarif d’achat, de type garantie plancher, sera peut-être alors mise en place.

Dans le solaire, pour le photovoltaïque au sol, nous ne sommes plus très loin de ce moment. Nous devrions y arriver d’ici deux à cinq ans, en fonction de la nature des projets, mais aussi de la taille de ceux qui seront choisis, les plus gros étant les moins coûteux.

Dans le bâtiment, il faudra attendre plus longtemps, les coûts d’implantation étant plus élevés. Dans l’éolien, les appels d’offres seront un bon indicateur, mais nous n’en aurons pas besoin probablement d’aides pour le repowering. L’éolien en mer dépendra beaucoup des endroits et du vent. Comme dans d’autres pays, le nombre de parcs pour lesquels aucune subvention ne sera nécessaire pourrait rapidement augmenter en France. Seuls les appels d’offres le diront. Quand l’éolien en mer aura atteint un coût peu élevé, des appels d’offres inverses seront organisés : l’État, propriétaire du domaine public maritime, demandera aux acteurs d’installer un champ à tel ou tel endroit, et touchera des redevances.

Cette question nécessite donc un pilotage fin.

(Pour le moment, c’est un pilotage grossier à vue de nez de plusieurs milliards d’euros de subventions publiques…)

On ne peut pas décider de manière uniforme d’arrêter les subventions dans tous les secteurs. Le jour où cela paraîtra possible pour l’un d’eux, un cadre clair et lisible devra être donné aux acteurs afin d’éviter les phénomènes de précipitation visant à profiter au maximum des subventions publiques.

Nous devons prendre garde à ne pas interrompre trop tôt les subventions, ce qui nuirait aux dynamiques des filières et les empêcherait d’émerger (elles ont déjà coulé et sont chinoises !)

Il est difficile, quand une filière a été stoppée dans son développement, de la faire redémarrer. Veillons à ne pas nous retrouver dans une situation où nous ne saurions plus faire notre mix électrique et où nous aurions mis tous nos œufs dans un seul panier, celui du nucléaire. Le nucléaire a toute sa place dans la réflexion, mais il doit se concevoir dans un ensemble de filières et dans le cadre d’un mix équilibré

(Equilibré en quoi ? Avec des productions fatales intermittentes ?).

Ceux qui seront en charge de la prochaine PPE seront directement confrontés à ces questions. Quand et comment arrêter les dispositifs de subvention ? De manière transitoire ou avec une garantie des prix en cas de circonstance exceptionnelle, l’effondrement du marché par exemple ?

  1. le président Julien Aubert. Avez-vous pris en compte, dans la PPE, la question de la décroissance marginale du rendement liée à la localisation ? Compte tenu de l’épuisement progressif des sites les plus favorables au solaire et à l’éolien, les nouvelles capacités seront implantées dans des endroits plus éloignés des centres de consommation. Comment avez-vous intégré cette dimension spatiale dans le rendement économique ?

  1. Laurent Michel. Le solaire n’est pas confronté à cette question. En revanche, une décision politique devra être prise pour choisir entre le maintien de la politique de ciblage sur des sites non dégradés, limitant au maximum l’utilisation de sites naturels, ou l’installation de plus grosses centrales, avec les inconvénients que cela représente en termes d’utilisation des terres agricoles notamment. Il n’y a cependant pas de problème de ressource dans le solaire comme cela peut être le cas avec le vent.

Dans notre équation économique, nous sommes restés bien en-deçà des potentiels techniques des parcs éoliens terrestres et nous avons pris en compte, de manière statistique, les questions d’acceptabilité. Le progrès des technologies, à tailles égales d’éoliennes, engendre des puissances et des rendements meilleurs sur les sites existants. Nous avons donc intégré le repowering dans l’augmentation de puissance.

Dans l’éolien offshore, les spots sont très isolés. L’extension des futurs parcs sera un axe important du développement de la filière. Les six premiers parcs des appels d’offres 1 et 2 sont destinés à être un jour étendus, si bien sûr ils donnent satisfaction sur tous les critères. Les extensions permettent, dans les mêmes conditions de vent, d’énormes économies d’échelle sur le raccordement et les sous-stations. Sur la durée de la PPE, les prévisions pour l’éolien offshore ne soulèvent pas de problème de ressource en vent.

  1. le président Julien Aubert. Est-il possible de calculer l’impact carbone du nucléaire, de l’éolien et du solaire, à méthodologie et durée de vie équivalentes ? Il serait intéressant de comparer le CO2 émis lors du démantèlement et du renouvellement des parcs éoliens et solaires aux émissions d’un actif nucléaire pendant toute sa durée de vie, de manière à obtenir la même unité de compte. Quand on parle d’investissement et d’impact CO2, les durées de vie des installations considérées sont souvent différentes.

Une étude du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a montré que le nucléaire était quatre fois moins émetteur de gaz à effet de serre que le solaire, mais je ne sais pas si cette évaluation portait sur la durée de vie d’un actif nucléaire. Nous butons souvent sur des questions méthodologiques. Existe-t-il un cadre de référence permettant de comparer les coûts et l’impact carbone sur une durée de vie commune ?

  1. Laurent Michel. Sur l’impact carbone, il existe en effet des valeurs de référence. Elles émanent de divers organismes, parmi lesquels l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). Il faut, vous avez raison, comparer ce qui est comparable, mais inclure également le démantèlement du nucléaire et la gestion de ses déchets.

Ce sont des sujets sur lesquels nous travaillons.

(« Nous y travaillons » ! ? La DGEC a fait dépenser aux Français des dizaines de milliards d’euros sans savoir si c’était pertinent ! ? On croit rêver ou c’est un cauchemar ?)

On entend un peu tout et son contraire, dans des approches parfois sujettes à caution. Les coûts doivent également être examinés en fonction de durées de vie objectives des installations. Il faut distinguer, en outre, le coût de production et le coût de soutien. La centrale nucléaire britannique d’Hinkley Point sera soutenue pendant trente-cinq ans à un certain prix, celui-ci étant distinct de son coût si elle fonctionne pendant soixante ans.

Pour le nucléaire, l’une des questions qui se posera à l’avenir sera justement de savoir quelle durée de vie raisonnable on choisira et quel coût de soutien sera nécessaire.

  1. le président Julien Aubert. Serait-il possible de disposer d’une comparaison, sur la même durée de vie, entre le nucléaire - construction, démantèlement, déchets, impact carbone, coût –, l’éolien, le photovoltaïque et les autres énergies non électriques ? Cela nous permettrait d’identifier les avantages et les inconvénients des uns et des autres en termes d’impact carbone et de coût.

  1. Laurent Michel. Nous pouvons vous fournir une synthèse de la littérature, mais pas de nos travaux, car ils débutent.

(N’aurait-il pas fallu commencer par là avant d’engager des dizaines de milliards d’euros ?)

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a mené différentes études, qui donnent des repères utiles. Il faut toutefois rester prudent s’agissant des projections de coûts des diverses filières à 2030. On peut déterminer le coût du nucléaire existant, mais il n’est pas reproductible. Le coût du nouveau nucléaire sera différent. Il est en cours d’évaluation.

  1. le président Julien Aubert. Quel était le montant de l’investissement engagé par EDF pour la construction des 58 réacteurs du parc nucléaire historique ?

  1. Laurent Michel. Nous devrions pouvoir retrouver ce chiffre, mais il n’est pas représentatif des coûts actuels.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Les études et les chiffres des années 1980 ne sont peut-être pas une référence très fiable.

  1. le président Julien Aubert. Je ne demande pas le coût de la construction du Palais Bourbon ! Il devrait bien être possible de savoir combien nous avons dépensé, il y a quarante ans, pour construire Gravelines ou Tricastin. On m’avait donné le chiffre de 90 milliards d’euros courants, mais je ne sais pas s’il est exact. Nous avons déjà engagé 95 milliards d’euros pour les EnR, ce qui fait réfléchir. Reste que le coût de construction du parc historique, une fois prise en compte l’inflation, serait sans doute bien supérieur à 90 milliards d’euros et approcherait sans doute plutôt les 400 milliards. En tout état de cause, ce chiffre nous donnerait un premier élément de comparaison.

Jeudi 4 avril 2019

Extraits commentés du compte rendu n° 8

Présidence de M. Julien Aubert, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-François Carenco, président de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), accompagné de M. Dominique Jamme, directeur général adjoint, M. Julien Janes, directeur adjoint à la direction du développement des marchés et de la transition énergétique et de Mme Olivia Fritzinger, chargée des relations institutionnelles

(Carenco : l’homme trop honnête pour être sincère qui avoue benoitement s’être trompé sur le solaire de quelques milliards d’euros, et qui se trompe encore sur le nucléaire)

  1. le président Julien Aubert. Même si la date en a été fixée bien à l’avance, cette audition paraît d’autant plus opportune qu’elle intervient alors que la délibération de la CRE, en date du 7 février, fait l’actualité : il est proposé au Gouvernement d’augmenter de 5,9 % les tarifs réglementés de l’électricité, et ce, avant le mois de juin.

La hausse proposée serait lourde de conséquences, puisqu’elle concernerait plus de 25 millions de foyers, dans un climat social marqué par les problèmes de pouvoir d’achat, et qu’elle poserait une nouvelle fois la question de l’acceptabilité des politiques de transition énergétique, au centre des réflexions de cette commission d’enquête. En dépit d’une certaine confusion au niveau gouvernemental, il semble « acté » que cette augmentation surviendra « pendant l’été », selon le propos de François de Rugy, et qu’elle tiendra compte de l’évaluation de la CRE.

L’Autorité de la concurrence, que nous auditionnerons ce matin, a exprimé dans son avis du 27 mars son désaccord avec vos méthodes de calcul. Vos conceptions sur la nature et le rôle du dispositif de l’Accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) paraissent peu compatibles.

L’ARENH permet aux fournisseurs alternatifs d’obtenir auprès d’EDF des volumes d’électricité à des prix garantis qui, dans certaines situations de marché, sont particulièrement avantageux.

Ce désaccord était déjà perceptible dans un précédent avis de l’Autorité de la concurrence, en date du 21 janvier, relatif à un projet de décret réformant l’ARENH. Il y est reproché à la CRE de faire la « part belle » aux fournisseurs alternatifs – dont nous entendrons les représentants cet après-midi – et de ne pas restituer aux petits consommateurs les bénéfices d’un parc nucléaire historique compétitif. La transition énergétique actuelle prévoyant la diminution progressive de ce parc, nous entendrons avec intérêt vos projections et nous ne doutons pas que vous saurez trouver devant notre commission les arguments pour répondre à ces critiques.

Nous vous interrogerons aussi sur le fonctionnement du marché du gaz, qui n’est pas régi par un dispositif semblable à l’ARENH. Les nouvelles sont parfois bonnes : une baisse de 1,9 % des tarifs de vente réglementée, qui concerne 4 millions de clients, est survenue le 1er avril.

Nous ne pourrons pas faire ce matin le tour de tous les sujets sur lesquels travaille la CRE au titre de la transition énergétique. Toutefois, nous aimerions connaître les motifs qui ont conduit la CRE à engager un audit du système des certificats d’économie d’énergie (CEE), dont le coût pèse de plus en plus sur la facture des ménages. De son côté, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) se lance, plutôt tardivement, dans un « bilan approfondi et factuel du dispositif ». Avez-vous l’intention de vous rapprocher de l’ADEME pour ce travail indispensable ? Que pensez-vous de l’évaluation qui avait été réalisée par la Cour des comptes ?

  1. Jean-François Carenco, président de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Vous l’avez dit, la délibération de la CRE fait l’actualité. Je formulerai ainsi les choses : moi, je ne donne pas le prix du kilo de bananes ! Je m’en tiens à mon secteur et je n’empiète pas sur le terrain du voisin ; l’avis de l’Autorité de la concurrence, que je respecte en tant qu’autorité indépendante, n’avait pas été demandé, il est ultra petita. C’est tout ce que j’ai à dire sur cette affaire, que j’ai mal vécue. Pour moi, l’incident est clos.

Je souhaite débuter mon propos en mettant en lumière les caractéristiques du système énergétique, dans l’optique de la transition énergétique. Il est convenu que celle-ci passe par le développement des énergies renouvelables. Mais à mon sens, elle devrait passer par la baisse de la consommation, car elle seule permettrait d’éviter les « violences environnementales ».

Il ne faut pas s’y tromper : grâce au mix énergétique décarboné, composé principalement de nucléaire et d’hydroélectrique, nous bénéficions déjà de faibles émissions de CO2 et d’un prix de l’électricité maîtrisé. Vous le savez, nous émettons six fois moins de CO2 que nos voisins allemands et le prix de l’électricité pour un consommateur résidentiel moyen est de l’ordre de 180 euros par mégawattheure (MWh), contre 300 euros en Allemagne.

Le développement des énergies renouvelables (EnR) électriques ne sert donc pas à réduire les émissions de CO2. Il faut le rappeler, car on dit beaucoup de mensonges à ce sujet, et encore récemment à la télévision. Cela n’a aucun sens et procède d’une forme de populisme idéologique. Pourtant, le développement des EnR est indispensable pour répondre à l’enjeu de la diversification. À moyen et long termes, la compétitivité relative des filières est totalement incertaine. Les EnR, le photovoltaïque et l’éolien en tête, ont réalisé d’importants gains de performance ces dix dernières années et se développent partout dans le monde, au point que ce qui pouvait passer pour une chimère devient une option crédible pour le mix énergétique.

(En quoi une production fatale intermittente importé de Chine ou d’ailleurs peut-être une « option crédible » pour le mix énergétique ? Cette homme instruit doit être intelligent… et il ne voit pas l’éléphant dans le couloir ?)

Je suis convaincu que le prix à la production des énergies se situera demain dans une bande comprise entre 60 euros et 80 euros le MWh.

(Ce qui est beaucoup trop cher puisque les autres moyens de production pilotables doivent rester et qu’il faut ajouter les coûts de gestion de l’intermittence fatale et du renforcement du réseau ! Même gratuite elle serait encore superfétatoire et couteuses !)

Dans le même temps, l’industrie nucléaire soulève la question, aujourd’hui non résolue, de la gestion des déchets et fait l’objet d’exigences environnementales croissantes de la part de la population et de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Nous ne pouvons pas continuer à dépendre à 75 % d’une seule et même filière de production, alors que les coûts se rapprochent et que l’énergie nucléaire devrait voir ses coûts de production augmenter. (Mais c’est faux !)

Il est donc logique ( ???)

de réduire progressivement la part du nucléaire pour lui substituer des EnR – qui ne produisent pas de déchets

(??? Les fibres de verre, l’acier, le béton, l’huile, les terres rares,…).

C’est la raison pour laquelle, je suis, à titre personnel, favorable à la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui enclenche cette réduction de manière résolue et raisonnable. L’avenir ne peut pas être de produire en permanence des déchets nucléaires que nous ne savons pas traiter !

Le développement des EnR soulève des questions de coûts, de délais, de techniques, mais nous devons le faire, évidemment au meilleur coût pour la collectivité, sans sacrifier les atouts du système électrique que sont le coût à la production, la sécurité et la qualité des approvisionnements. Ce dont la CRE est comptable, me semble-t-il, c’est la garantie pour le consommateur, industriel ou domestique, du prix, de la qualité et de la sécurité.(Il suffit de le dire ou faut-il aussi le faire ?)

Le développement des énergies renouvelables repose aujourd’hui encore sur le soutien des pouvoirs publics. Des erreurs de politique se sont révélées coûteuses, j’y ai moi-même participé en tant que directeur de cabinet d’un ministre. Cela a donné lieu à la bulle photovoltaïque, en 2010 notamment. Le prix du MWh était de 600 euros ; il est aujourd’hui de 48 euros. La définition d’un cadre adapté et efficace assure un meilleur usage des ressources publiques et je regrette qu’à l’époque, la CRE n’ait pas joué un rôle de garde-fou.

(Contre ses propres bêtises ?)

La CRE évalue le montant prévisionnel des charges imputables aux missions de service public, intégralement compensées par l’État, dans les conditions prévues à l’article L. 121-9 du code de l’énergie ; elle détermine le montant des reversements effectués au profit des opérateurs qui les mettent en œuvre.

La CRE considère que les appels d’offres sont les vecteurs les plus efficaces pour le soutien public aux filières matures : ils permettent d’adapter le soutien public aux besoins de chaque projet et offrent aux pouvoirs publics le moyen de contrôler le rythme de développement.

Aujourd’hui, le soutien public est basé sur le système dit « marché + primes » : sur un prix de 100 euros garanti, si le marché est à 60 euros, la prime est à 40 euros ; si le marché est à 50 euros, la prime est à 50 euros. Mais si le marché est à 110 euros, alors le titulaire de l’appel d’offres doit rembourser les 10 euros. Le collège de la CRE estime que c’est le meilleur système, après appel d’offres, car il est vertueux.

Cela dit, les appels d’offres ne sont pas la panacée, car ils ne peuvent fonctionner sans concurrence. Or les appels d’offres sont programmés pour les cinq ans à venir, en indiquant tous les six mois le volume, ce qui empêche la concurrence de jouer. Je suis donc opposé à l’idée que les calendriers et les quantités soient fixés une fois pour toutes.

La part du photovoltaïque dans la consommation est de 2 %. C’est peu, et vous avez raison, monsieur le président, de mettre en regard le coût et le développement de cette EnR. Mais la croissance est rapide : au 30 septembre 2018, nous avions 8,4 gigawatts-crête installés, contre 6,8 fin 2016. La CRE estime que la filière est compétitive. Elle a recommandé que des projets de grande taille soient développés pour faire baisser les prix. Le Gouvernement va lancer des appels d’offres portant sur des installations de plus de 30 mégawatts (MW), ce qui semblait autrefois indépassable.

Il est vrai qu’il faut prendre garde à ne pas exploiter les terres agricoles. Mais il existe suffisamment de bases militaires et de terrains industriels qui offrent de grandes surfaces. Sur 100 hectares, le prix de production ne sera pas le même que sur un toit de 12 mètres carrés. Cela paraît une évidence, mais on a mis du temps à le comprendre. Le prix du MWh, sur les installations les plus vertueuses est de 48 euros, soit en dessous du nucléaire, tous coûts confondus !

(NON ! La gestion de l’intermittence, le réseau, le mauvais fonctionnement des capacités pilotables, la rémunération de ces capacités, les subventions et exonérations amonts,… ne sont pas pris en compte)

La filière française est compétitive, puisque les coûts de production en Allemagne se situent entre 40 et 70 euros le MWh.(il y a moins de soleil et les PNO sont aussi chinois !)

Nous devons nous interroger sur le pourquoi du comment des petites installations photovoltaïques. Leur objet n’est pas de fournir beaucoup d’électricité pour pas cher ; ce n’est pas pour autant qu’il ne fallait pas les soutenir.

(alors pourquoi les soutenir ? quelle sont les raisons ?)

Pour ce qui est de l’éolien terrestre, le dernier appel d’offres a fait émerger des projets à 65 euros le MWh, toujours dans cette bande comprise entre 60 et 80 euros le MWh. Le véritable enjeu de l’éolien terrestre, c’est le repowering – la reconception du parc – et le revamping – le remplacement des machines.

(pour continuer à traire la vache à lait des contribuables ?).

En 2021-2022, nous parviendrons au terme de la contractualisation pour les premières éoliennes. En lieu et place des mats de 1,5 MW, on peut installer des mats de 3, voire de 6 MW. Il sera donc possible de produire, sur la même surface, deux à trois fois plus d’électricité. Je plaide pour que les appels d’offres de repowering soient différents des appels d’offres portant sur des installations nouvelles.

(Heureusement pour le portefeuille des Français/ sans subventions ni achat obligatoire ?)

Je prône aussi un retour au marché, au-delà de la période de quinze ou vingt ans prévue par le système. Il n’y a pas de raison de continuer à soutenir les éoliennes une fois qu’elles sont amorties. Il faut composer avec le lobby anti-éolien, assez fort en France, où l’on est souvent contre tout, mais il faut aussi mettre un terme à l’obligation d’achat. (OUI !) Enfin, il faut que nous parvenions à sortir de la situation inédite de blocage dans laquelle se trouve l’éolien terrestre, en l’absence d’autorité environnementale.

Sur l’éolien en mer, les appels d’offres ont été lancés en 2011 et 2013. La décision avait été prise par le Premier ministre avant 2010 – j’étais alors directeur de cabinet du ministre de l’environnement. Nous sommes en 2019 : si cela continue ainsi, nous aurons un musée des projets…

(Et c’est tant mieux parce que ces éoliennes en mer inutiles et ruineuses doivent être coulées)

Oui, l’éolien en mer a un coût.

(Alors pourquoi les développer puisque nous n’en avons pas besoin ?)

  1. Gérard Rameix, chargé de piloter les discussions, a bien travaillé et la CRE a été sollicitée. Nous avons obtenu une baisse de l’enveloppe de 25 % : d’une part, les coûts de raccordement, qui devaient être pris en charge par le titulaire du marché, seront désormais financés via le TURPE; d’autre part, nous avons obtenu une diminution des prix. Cette baisse de 25 % n’est pas négligeable : le coût du MWh atteindra 150 euros, ce qui était prévu initialement. Disons la vérité, cela est dû au retard qui nous est imputable collectivement, aux atermoiements, à l’extrême complexité des procédures. Mais sur les installations au large de Dunkerque, nous avons tiré les conséquences et le coût du kilowatt sera raisonnable, ce qui en surprendra plus d’un.

Les power purchase agreement (PPA) – contrats d’achat à long terme entre un producteur et un utilisateur – demeurent encore embryonnaires en France. Ils doivent être développés.

Je veux évoquer avec vous le stockage. Ce n’est pas seulement un moyen de pallier l’intermittence, qui est le propre des énergies renouvelables. Son intérêt est surtout de permettre la flexibilité, absolument indispensable à notre réseau. Dans le système électrique français tel qu’il est, avec notamment beaucoup de chauffage électrique, et un excellent opérateur de transport, Réseau de transport d’électricité (RTE), que je salue au passage – la flexibilité suppose des interconnexions avec l’étranger, de l’interruptibilité, des capacités d’effacement et de stockage. La CRE rappelle cette double utilité du stockage et préconise des investissements dans ce domaine. Nous avons lancé un appel à réflexion en ce sens.

(Ca fait 100 ans que la réflexion est en cours… et ça risque de durer encore longtemps ? Sauteriez-vous d’un avion sans parachute en espérant trouver la solution avant d’arriver au sol ?)

  1. le président Julien Aubert. Il reste un mystère que vous n’avez pas résolu. Nous sommes tous d’accord pour dire que les prix de l’électricité ont fortement augmenté ces dernières années et que le TURPE, que vous avez à peine évoqué, fait débat.

Vous avez parlé d’une baisse de 25 % sur l’éolien en mer, sans préciser qu’un cadeau avait été fait aux opérateurs : le raccordement à RTE, qui devait être à leur charge, sera financé via le TURPE, intégré à la facture d’électricité. Il existe donc bien un lien entre le développement des énergies électriques vertes et le prix de l’électricité.

Ce que je ne comprends pas, c’est que, lorsque l’on a ouvert le marché de l’électricité à la concurrence, les prix, au lieu de baisser comme promis, ont augmenté. Je vois trois raisons à cela : soit il existe un défaut systémique en France qui fait que la concurrence fait augmenter les prix ; soit on s’est servi du nucléaire pour tracter le développement des énergies renouvelables, et les cadeaux divers et variés finissent par provoquer une augmentation substantielle des prix de production ; soit le développement des EnR, qui sont plus chères à la production, a eu un effet massif au plan européen, et provoqué une augmentation des prix de gros.

Pourriez-vous nous expliquer comment nous en sommes arrivés là ? Alors que nous faisons face à une crise majeure et que les Français nous disent qu’ils en ont assez de payer des factures, les prix de l’électricité vont encore augmenter sensiblement. Comment l’expliquer à nos concitoyens ? Certes, la diversification énergétique est un objectif. Mais que fait-on du pouvoir d’achat ? Pouvez-vous expliquer le lien, dans la structuration des coûts, entre le prix de l’énergie verte et le prix payé par le consommateur ?

  1. Jean-François Carenco. En 2017, le prix de l’électricité en France était de 169 euros le MWh pour le client ; il était de 304 euros en Allemagne et au Danemark, de 230 euros en Espagne, de 186 euros à Chypre et de 180 euros au Royaume-Uni. En 2018, le prix a augmenté partout en Europe, de 10 % en Belgique, de 3,3 % en Allemagne, de 8 % en Espagne et en Italie. Nous proposons une augmentation de 5,9 %.

Le prix de l’électricité est constitué de trois éléments : le coût de la production, le coût du transport et de la distribution, les impôts et taxes. Leurs parts respectives sont de plus en plus inégales, puisque le coût de la production pèse de moins en moins, mais que, parallèlement, le TURPE, qui finance le transport et la distribution, augmente. Cela constitue une difficulté.

(Et fort de ce constat, on fait quoi ?)…

Néanmoins, je continue à défendre l’idée selon laquelle il faut faire du renouvelable, parce qu’à terme on ne peut pas continuer à dépendre à 75 % du nucléaire. C’est impossible, ni les Français ni l’ASN ne le permettront.

(Mais pourquoi donc ? Quelles sont les raisons rationnelles au-delà du YAKA FOKON) ?)

Cette évolution

(qui est peut être stupide est défendue par qui ?)

va nous faire passer d’un système composé d’une centaine de lieux de production – dix-neuf sites nucléaires, quelques grands barrages, quelques grandes usines – à un autre qui en compte de centaines de milliers, voire des millions

(la centralisation est solidaire et efficiente !).

Vous mesurez l’ampleur du défi, (non et surtout pourquoi se le met-on ?) et c’est ce qui amène la CRE à considérer l’autoconsommation avec circonspection. Cette attitude nous est reprochée, mais rappelons que l’autoconsommation induit une importante extension des réseaux, et qu’elle repose sur une inégalité territoriale. Il fait beau dans le Sud, cela ne doit pas dispenser de payer les taxes sur l’électricité !

Les impôts et taxes constituent le premier élément du prix de l’électricité, et nous nous contentons d’appliquer les décisions prises par le législateur en ce domaine.

(Mais qui donc a proposé au législateur de voter ces lois stupides ?)

Transport et distribution constituent le deuxième élément du prix. Le TURPE est cher, et il augmente, par facilité, mais aussi dans un souci de diversification et par mesure de prudence.

(Ben oui… Maintenant que les « experts » ont proposé au législateur de voter n’importe quoi, il faut colmater les brèches à coups de milliards pour compenser les idioties !)

Je tiens à saluer la qualité du dialogue que nous entretenons avec les régulés : nous les supervisons, nous les rencontrons souvent, et nous essayons de mettre en place des systèmes incitatifs.

Le troisième élément du prix, ce sont les coûts de production.

(Dont Emmanuel Soulias nous explique par ailleurs dans ces auditions qu’ils ont baissé ces dernières années…)

Les tarifs réglementés de vente (TRV) d’électricité concernent la production. La CRE ne fait qu’appliquer la loi – ce qui semblera peut-être étrange en ces temps…

La réglementation sur cette question est nationale et européenne, et curieusement, le mot « Europe » ne figure pas dans le rapport de l’Autorité de la concurrence. Le marché intérieur de l’énergie est totalement intégré, et nous nous en portons très bien puisque nous exportons 15 % de notre production électrique et que nous importons seulement 5 % de notre consommation.

(Alors pourquoi encore ajouter de ruineuses EnR intermittentes ?)

Notre balance commerciale est nettement positive, et nous le devons à l’Europe. Les 5 % que nous importons correspondent à ce que j’ai qualifié de « flexibilités », au-delà de l’interruptibilité. Je salue à cet égard la décision de RTE, annoncée le 13 janvier dernier, de mettre en œuvre cette interruptibilité. Le système nous coûte 90 millions d’euros par an, et il a marché.

J’en viens à la réponse à votre question, monsieur le président, mais il fallait la replacer dans le tableau d’ensemble. Comment se décomposent les 5,9 % de hausse des tarifs ? Premièrement, les coûts commerciaux, les CEE et le TURPE ne participent pas de cette hausse. Les marges ont été réduites afin de compenser les CEE, pour une somme nulle.

C’est la composante du prix liée aux capacités de production qui a fortement augmenté.

(Erreur ? Car par ailleurs, messieurs Duseux et Deconinck, et Mme Idir (de l'ANODE, audition n°10 ) nous expliquent que ce sont les taxes qui ont augmenté, et pas le coût de production des centrales pilotables…

Et M. Carenco explique plus loin que les deux tiers de la CSPE vont aux énergies renouvelables, plus les autres taxes…)

La flexibilité impose aux producteurs de garantir qu’en cas d’incident ou de surconsommation, ils sont capables de fournir des capacités de production supplémentaires. On finance donc des capacités de production qui servent uniquement à garantir la sécurité des approvisionnements, et c’est très récent. Dans la hausse annoncée, 2,20 euros TTC par mégawattheure sont dus à l’augmentation de la capacité, soit 1,3 point sur les 5,9 %.

Les 4,6 points restants sont dus à la production. Considérons séparément le marché normal et l’effet du plafonnement de l’ARENH. Le fonctionnement normal du marché induit une hausse de 2,4 points de pourcentage du TRV, et de 2,2 points de l’ARENH.

Le marché est tendanciellement à la hausse depuis quelque temps, après avoir été structurellement à la baisse.

  1. le président Julien Aubert. Les 5,9 % de hausse sont donc dus à l’augmentation de la capacité pour 1,3 point ; pour 2,4 points à l’évolution du marché et pour 2,2 points à l’ARENH.

Procédons par étapes. Vous nous avez dit que les augmentations de capacités de production, responsables de 1,3 point de hausse, étaient très récentes. Mais de mémoire, la facture d’électricité a augmenté de 30 % à 40 % en dix ans.

  1. Jean-François Carenco. Je vais vous donner les augmentations précises des tarifs de l’électricité. Prenons le cas du tarif bleu résidentiel : il a augmenté de 3 % le 15 août 2010 ; de 1,7 % en juillet 2011 ; de 2 % en juillet 2012 ; de 5 % en 2013 ; de 2,5 % en novembre 2014 ; de 2,5 % au 1eraoût 2015 ; puis il a baissé de 0,5 % le 1er août 2016 avant d’augmenter de 1,7 % le 1er août 2017 ; de 0,7 % le 1er février 2018 ; puis de baisser de 0,5 % le 1er août 2018. Et nous préconisons maintenant une hausse de 5,9 %.

Je ne sais pas à combien abouti ces hausses combinées, je vous donne le détail des chiffres.

(= 22% du 08/10 au 08/19, en 9 ans, soit en combiné environ 25%)

Mme Laure de La Raudière. Les pourcentages ne s’additionnent pas, donc ces hausses peuvent faire un total de 35 % sur dix ans (25% en 9 ans).

  1. le président Julien Aubert. L’explication que vous donnez pour la hausse en 2019 vaut-elle également pour les hausses précédentes ? Pouvons-nous considérer que ce sont ces trois facteurs qui jouent, ou qu’il y a une autre tendance ?

  1. Jean-François Carenco. Oui, il y a une autre tendance à l’œuvre. Ni l’augmentation des capacités, ni l’ARENH n’entraient en jeu.

  1. le président Julien Aubert. Seule l’évolution du marché explique donc ces hausses ?

  1. Dominique Jamme, directeur général adjoint de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Non, c’est surtout l’évolution des taxes. Même si aujourd’hui, la contribution au service public de l’électricité (CSPE) est gelée à 22,50 euros par MWh et ne vient plus compenser le surcoût des énergies renouvelables, car la mécanique budgétaire a changé, il faut se rappeler qu’elle était de 3 euros il y a une dizaine d’années. Une part très importante des hausses s’explique donc par les taxes.

Mme Laure de La Raudière. Les taxes pour les énergies renouvelables…

  1. Jean-François Carenco. Non, la CSPE ne finançait pas uniquement les énergies renouvelables, la péréquation pour les ZNI représente 2 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent la cogénération et une composante sociale. Mais la majeure partie des hausses de tarif au cours des dix dernières années tient aux taxes.

  1. le président Julien Aubert. Et une large partie des taxes finance les énergies renouvelables. Savez-vous dans quelle proportion ?

  1. Jean-François Carenco. En gros, deux tiers de la CSPE vont aux énergies renouvelables.

(Hé bé…, plus une partie des autres taxes TICPE, TICGN,…)

Mme Laure de La Raudière. Les deux tiers de l’augmentation ?

  1. Jean-François Carenco. Non, les deux tiers de la masse.

  1. le président Julien Aubert. Pour résumer : 66 % des hausses de tarif passées sont liées à la part de la CSPE consacrée aux énergies renouvelables. En 2019, la hausse ne tient plus aux taxes, mais à la hausse des capacités de production, au marché et à l’effet rationnement de l’ARENH.

Lorsque vous parlez des capacités de production, vous parlez bien des capacités à fournir de l’électricité au moment du pic de consommation ? Et c’est un des problèmes, car les EnR sont, par définition, intermittentes.

  1. Jean-François Carenco. Nous ne faisons pas de certificats de capacité pour régler le problème des intermittences

(Si, aussi, car leur puissance peut être absente les soirs sans vent ! Il faut donc ajouter en béquille des centrales thermiques pilotables… qui fonctionneront seulement ces jours là).

Les certificats de capacité sont faits pour les situations de pics de production ou en prévision des révisions de certaines centrales nucléaires. Mais nous ne faisons pas de certificats de capacité pour les 2 % d’électricité d’origine solaire.

  1. le président Julien Aubert. Pourquoi, en ce cas, est-ce apparu récemment ?

  1. Dominique Jamme. C’est prévu par la loi.

(Mais qui donc a voté ces lois ?)

Le dispositif a été validé par le Parlement, au moment où les prix sur les marchés étaient extrêmement bas.

(Evidemment car les EnR sont subventionnées et déjà payées en arrivant sur le marché où elles doivent obligatoirement être achetées…)

Le souci était simplement d’assurer la sécurité d’approvisionnement, car en France comme en Europe, on a assisté à des fermetures et des mises sous cocon de centrales à charbon et à gaz. De fait, la production permettait de supporter un hiver normal, mais pas un hiver froid. C’est ce que l’on appelle en anglais le missing money : l’activité de production connaissait un déficit très fort. Pour assurer de façon certaine le passage de la pointe de consommation, RTE a calculé la capacité nécessaire lors des dix jours les plus froids chaque hiver. Une mécanique a ensuite été mise en place pour rémunérer ces capacités supplémentaires.

  1. le président Julien Aubert. À l’avenir, si la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique augmente par rapport à celle du nucléaire et que nous n’avons pas de solution de stockage, aurons-nous besoin de capacités de production plus ou moins importantes ?

  1. Dominique Jamme. C’est une question pertinente, et délicate (En fait c’est une question génante…). Les énergies renouvelables apportent leur contribution à la pointe, mais c’est une contribution statistique. Si l’on sait que les capacités « dispatchables » telles que le nucléaire, le gaz ou le charbon ont 90 % de probabilité d’être disponibles, ce pourcentage est de 10 % ou 20 % pour l’éolien. Il y a donc une contribution des énergies renouvelables, mais elle est plus faible, et c’est une contribution statistique

(Autrement dit, on ne peut pas compter dessus et il faudra reconstruire des centrales au gaz… ou au charbon).

  1. le président Julien Aubert. Pour parler très clairement, si le pic de froid a lieu le 5 janvier et qu’il est absolument nécessaire d’avoir de l’électricité, il n’est pas certain que l’ensoleillement ou le vent permette d’en produire.

  1. Jean-François Carenco. Exactement, c’est pourquoi ce qui compte, c’est un ensemble de flexibilité (mais le nucléaire est flexible et remplacer des productions pilotables par des productions intermittentes est une idiotie). RTE doit équilibrer l’offre et la demande d’électricité à chaque seconde, c’est impossible sans flexibilité

(et justement, l’éolien et le solaire ne sont pas flexibles !).

L’interruptibilité est une forme de flexibilité, et elle a été mise en œuvre le 10 janvier dernier. Autre forme d’interruptibilité, l’effacement ne marche pas en France, et il serait intéressant de savoir pourquoi.

(L’interruptibilité et l’effacement sont une bonne chose mais la réponse est à coté de la question…).

J’en viens enfin au rôle de l’ARENH dans la hausse des tarifs. L’ARENH a été fixée à 42 euros le MWh par la loi depuis le début, et plafonnée à 100 térawattheures (TWh). À l’époque, 100 TWh paraissaient inatteignables, alors qu’il n’existait que trois ou quatre fournisseurs alternatifs. Aujourd’hui, on compte 30 ou 40 fournisseurs alternatifs. D’autre part, lorsque la commission Champsaur a décidé de ce tarif, nous étions convaincus que le prix de l’électricité allait monter à 100, voire 200 euros le MWh. Nous imaginions une tendance vers un renchérissement considérable de l’électricité. Nous pensions donc (à tord…) qu’il fallait que tout le monde profite de l’électricité nucléaire à 42 euros le MWh.

(Et si vous vous trompiez encore en croyant aux EnR intermittentes et inutiles ?)

Pourquoi le prix de 42 euros a-t-il été finalement retenu ? Il fallait trancher à un moment, ce n’est pas toujours scientifique à la fin.

  1. le président Julien Aubert. À l’image des certificats d’économies d’énergie (CEE)…

  1. Jean-François Carenco. Exactement. Finalement, nous nous sommes trompés

( !... Comme c’est charmant… Mais qui a nommé ces gens « étranges » à ces postes clés pour la France ?)

et le prix est resté inférieur à 42 euros, tandis que le nombre de fournisseurs alternatifs a augmenté. Puis arrive un moment où le prix et le nombre de fournisseurs sont tels que 42 euros le MWh n’est plus si cher, ils y trouvent un intérêt. Donc les fournisseurs alternatifs font appel à EDF pour avoir accès à l’ARENH à 42 euros plutôt que de se fournir sur le marché. Le volume soumis à l’ARENH est toujours limité à 100 TWh, mais les fournisseurs alternatifs ont demandé 133 TWh. Que faire pour les 33 TWh manquants ? La loi impose de se fournir sur le marché.

Il existait deux façons de faire pour se fournir sur le marché. Le prix du marché retenu pour le tarif régulé est lissé sur les deux dernières années. Nous aurions pu acheter ces 33 TWh au prix régulé sur le marché, ce qui aurait été un peu moins cher. Mais nous avons décidé de ne pas acheter au prix lissé, nous avons acheté ces 33 TWh en novembre/décembre, lorsque les fournisseurs alternatifs ont eu subitement besoin d’acheter. Le décret auquel nous avions travaillé et en faveur duquel nous avons milité, qui prévoit plusieurs guichets ARENH dans l’année, nous aurait permis d’obtenir un prix plus bas, mais il n’a pas été publié, pour des raisons diverses et variées. Et sans guichet, nous avons dû acheter lorsque les fournisseurs ont eu besoin d’électricité.

Il aurait été possible de considérer que les fournisseurs alternatifs allaient perdre de l’argent, et que ce n’était pas grave. Mais la loi française, toutes les décisions du Conseil d’État et toutes les directives européennes imposent d’assurer la contestabilité. Je suis convaincu que si nous avions fait perdre de l’argent aux fournisseurs alternatifs, notre décision aurait été immédiatement annulée par le Conseil d’État en référé. La jurisprudence du Conseil d’État est constante sur la contestabilité.

(Il est quand même étonnant que les « alternatifs » ne soient pas soumis aux règles du marché et de la concurrence !)

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Le besoin de provisionner des capacités pourrait être réglé, à terme, par le stockage et l’effacement.

En investissant dans ces domaines, ne pourrions-nous régler la problématique de ce pourcentage ?

  1. Jean-François Carenco. Cela fait partie de ce que j’appelle les flexibilités. Peut-être sommes-nous excessivement prudents…

(Non, c’est le contraire. Vous engagez la France dans des dépenses folles à coups de milliards d’euros sans savoir si ce stockage sera possible un jour !)

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Vous pensez qu’il s’agit de « sursécurisation » ?

  1. Jean-François Carenco. Selon votre ex-collègue, François Brottes, ce n’est pas le cas. Il pense qu’il faut encore maintenir la centrale à charbon de Cordemais, tandis que je pense qu’il faut la fermer tout de suite. Nous avons prouvé que notre système d’interruptibilité fonctionnait, c’est pour cela que je le mets en avant, d’autant que c’est la moins chère des solutions. Nos interconnexions fonctionnent bien, c’est une bonne chose. Nous avons quelques problèmes avec l’Allemagne, que nous appelons les loop flows. Comme ils n’ont pas une liaison nord-sud, ils n’arrivent pas à exporter leur production chez nous quand nous en avons besoin. Pour que les interconnexions soient totalement efficaces pour assurer la sécurité d’approvisionnement et la flexibilité, il faut aussi améliorer les interconnexions entre la France et l’Allemagne. C’est la multiplication de ces facteurs de flexibilité qui fera que peut-être, le marché de capacité sera moins nécessaire.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Le fait que le marché européen soit interconnecté et que notre balance commerciale soit très positive a-t-il une influence sur le prix pour le consommateur, ou est-ce uniquement un bénéfice pour les entreprises ?

  1. Jean-François Carenco. L’interconnexion influence les prix à la hausse comme à la baisse.

(Pt’êt ben que oui, p’têt ben que non… Monsieur Carenco aurait-il des origines normandes ?)

  1. Dominique Jamme. Tout ce système est optimisé pour réduire l’ensemble des coûts de production à l’échelle européenne. À chaque moment, ce sont les centrales de production les moins coûteuses, les plus efficaces, qui produisent, qu’elles soient en Allemagne, en Espagne, en Italie, au Royaume-Uni ou en France.

Nous avons connu en 2018 une hausse généralisée de l’ensemble des prix de l’énergie : charbon, pétrole, gaz, même les certificats de CO2 ont triplé pour passer de 7 à 20 euros. Dans ce cas, le prix de gros augmente partout en Europe, et aussi en France, du fait de l’interconnexion. Si en moyenne, sur l’année, la France est largement exportatrice, en période de pointe, en période hivernale ou quand le marché est tendu, elle importe. Dans ces situations, les importations permettent de faire baisser les prix en France et de passer la pointe. Donc, dans l’ensemble du marché des capacités, RTE compte sur une contribution très importante des interconnexions à la pointe.

  1. le président Julien Aubert. Nous sommes passés à côté d’un black-out européen il y a quelque temps, n’est-ce pas ?

  1. Jean-François Carenco. Nous avons connu, non pas un black-out, mais une différence de tension qui a provoqué un retard de toutes les anciennes horloges. Je vous invite tous à lire le roman policier Black-out, qui fait froid dans le dos. Son auteur, Marc Elsberg, imagine que tout s’arrête, et que pendant trois semaines, il n’y a plus d’électricité en Europe. Ce n’est pas une hypothèse absurde. Nous surpayons la sécurité pour nous prémunir de cet événement, mais je pense qu’il faut la surpayer de bon cœur.

(Mais qui donc a installé cette instabilité provoquée essentiellement pas les EnR qu’il faut maintenant « surpayer de bon cœur ?

C’est écœurant à la fin d’entendre autant d’âneries concentrées dans la bouche de hauts responsable de la politique énergétique de la France !)

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Pouvez-vous expliciter la notion de contestabilité ?

  1. Dominique Jamme. La contestabilité concerne le marché de détail, pas le marché de production. Le marché de détail est ouvert à la concurrence, donc tous les consommateurs – PME, grandes entreprises, gros industriels, consommateurs résidentiels – ont le choix de leur fournisseur. Ce marché de la fourniture de détail doit être ouvert et concurrentiel, et pour cela il faut que tous les fournisseurs aient des conditions de départ équivalentes.

Pour les consommateurs résidentiels et les petites entreprises, il y a le tarif réglementé de vente, qui concerne encore 77 % des clients résidentiels, soit 25 millions de clients. Néanmoins, plus de 7 millions de clients résidentiels ont fait le choix d’offres de marché. Ils sont alimentés par des fournisseurs, dont le fournisseur historique car EDF propose aussi des offres de marché.

La contestabilité impose que les tarifs réglementés de vente, que la CRE est chargée de proposer au Gouvernement, assurent qu’un fournisseur alternatif…

  1. Jean-François Carenco. Ne fera pas faillite !

(Ils n’ont donc pas le droit de faire faillite ?)

  1. Dominique Jamme. … peut répliquer, s’il est efficace, le tarif réglementé de vente dans des conditions équivalentes. C’est ainsi que le Conseil d’État applique la contestabilité dans sa jurisprudence.

  1. Jean-François Carenco. La formule est la suivante : la contestabilité doit être entendue comme la possibilité, pour des fournisseurs alternatifs, de proposer des offres au moins aussi compétitives que le fournisseur historique.

Nous sommes convaincus que si les tarifs que nous proposons ne répondent pas à cette condition, ils seront annulés.

Monsieur le président, vous demandiez si la concurrence faisait baisser les prix, c’est le sujet principal. Je pense que dans la situation que nous connaissons, la concurrence ne fait pas baisser les prix à court terme. Mais c’est la seule façon de profiter des innovations. Les offres des fournisseurs alternatifs construisent le monde énergétique de demain pour le consommateur. C’est lié à Linky, par exemple. Les offres tarifaires des fournisseurs alternatifs sont plus agiles, plus proches du citoyen, plus proches du consommateur, plus propices à la domotique.

(Et EDF est considérée comme un dinosaure qui n’aurait pas pu faire cela ?)

La charge bidirectionnelle des véhicules électriques ne sera pas possible – vehicle to grid, vehicle to building, vehicle to home – sans les fournisseurs alternatifs.

(Ah bon et pourquoi ?)

La concurrence permet cette inventivité débridée, ce sont les fournisseurs alternatifs qui vont faire baisser la consommation, même si cette idée est contre-intuitive, car on ne demande pas au pompiste de faire baisser la consommation d’essence du véhicule.

J’ai souvent des divergences avec Direct Énergie, mais je reconnais qu’ils sont les meilleurs pour utiliser les données, dans le respect de la loi. Je suis convaincu que la concurrence, c’est d’abord l’innovation. Dans le système énergétique totalement incertain que nous connaissons, il faut regarder vers les étoiles et non pas vers nos pieds, comme le disait Stephen Hawking.

  1. le président Julien Aubert. Nous pouvons aussi regarder les tarifs…

  1. Jean-François Carenco. Nous essayons, et le débat avec EDF est dur.

(A force de lui rajouter des sacs de sable sur le dos, c’est sûr que les tarifs augmentent… )

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. J’en reviens à la hausse des tarifs de 5,9 %. Pour 1,3 point, elle tient à la capacité de production, sur laquelle nous pouvons agir avec les flexibilités offertes par l’Europe, le stockage, et l’effacement.

Une autre part est liée au marché de l’ARENH, et au plafond de 100 TWh. EDF se plaint d’avoir des freeriders sur son réseau, et explique devoir toujours supporter 100 % des coûts de production, mais en ne pouvant plus les répercuter que sur 75 % des clients.

  1. Jean-François Carenco. Je vais vous faire une confidence : le plus grand bénéficiaire du dépassement du plafond de l’ARENH au-delà de 100 TWh, c’est EDF. C’est EDF qui produit, et au-delà de 100 TWh, il vend au prix du marché, supérieur à l’ARENH

(Et en même temps, c’est EDF le producteur !).

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Si les concurrents peuvent avoir 133 TWh au prix régulé au lieu de 100 TWh, c’est EDF qui est perdant.

  1. Jean-François Carenco. Si l’on augmente le plafond, oui. Si le plafond est à 100 TWh et que la demande est à 133 TWh, les concurrents achètent au prix du marché de novembre-décembre et non pas sur un prix lissé. Ils achètent à un prix haut parce que c’est l’hiver.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. C’est bien cela, nous sommes d’accord.

EDF nous explique qu’il ne faut pas réduire leur assiette, car si l’on augmentait le plafond à 130, voire 150 ou 170 TWh, cela réduirait la possibilité de répercuter les prix de production, qui sont inclus dans le tarif auquel ils vendent au client. Le nombre de personnes sur lesquelles ces charges fixes sont répercutées serait réduit. Cela n’appelle-t-il pas à une révision du tarif réglementé ?

(Donc encore une fois, il faut augmenter les tarifs pour permettre à la concurrence, qui devait faire baisser les tarifs, de pouvoir s’installer et de prospérer sur le dos des Français ! C’est proprement incroyable de dire « candidement » des choses pareilles !)

  1. Jean-François Carenco. Cela appelle une révision complète de la régulation nucléaire.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. L’ARENH, actuellement fixé à 42 euros, devra peut-être augmenter si l’on porte le plafond à 130 ou 150 TWh, afin qu’EDF puisse revendre un peu plus cher.

Quelle est la part réelle du coût de production et celle des coûts commerciaux, en augmentation dans un marché devenu concurrentiel ? Les deux sont agrégés de manière un peu floue, si bien que l’on peut se demander si l’augmentation des coûts de production ne cache pas, en réalité, celle des coûts commerciaux.

  1. Jean-François Carenco. Le système actuel de l’ARENH date de 2010. Depuis lors, le paysage a changé : nos centrales ont presque dix ans de plus ; le marché européen s’est intégré et a vu des concurrents apparaître.

Arrive le moment de financer la déstructuration de certaines usines et d’en gérer les déchets. Tout le monde est conscient qu’il faut revoir le système de régulation nucléaire. Les premières réflexions ont été lancées. Le Gouvernement aurait tout à fait pu vous proposer de passer de 100 à 133 TWh, mais il faut tout de même voir que cette question s’inscrit dans une négociation européenne. Le Gouvernement a réussi à obtenir le maintien des TRV, dans le quatrième paquet. Il existe une vraie convergence européenne autour de la nécessité de faire évoluer le système de régulation nucléaire. La variable prix et la variable quantité sont sur la table.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Concernant le prix du nucléaire, la période actuelle est idéale : le prêt de la voiture est soldé, sans qu’il n’y ait encore de réparations à faire. Mais à quel moment devrons-nous changer les plaquettes de frein ? À combien chiffrer les coûts de maintenance ? Les frais de démantèlement sont-ils prévus ? S’ils ne le sont pas, à combien les estimer ?

  1. Jean-François Carenco. C’est plus à EDF qu’à moi qu’il faudrait poser la question ! Aujourd’hui, le programme de grand carénage est un bon investissement.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Notre commission s’intéresse au coût de la montée en puissance des EnR dans le prix de l’énergie. Ce coût, d’abord très fort, est allé en se réduisant. On peut imaginer que ce sera l’exact inverse pour le nucléaire.

  1. Jean-François Carenco. C’est bien pour cela que la part du nucléaire dans le mix énergétique va se stabiliser entre 60 % et 80 %. Nous pouvons aujourd’hui faire sereinement du mix.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Sans le développement des EnR, la perspective de démantèlement ferait donc augmenter le coût

(Non, c’est le contraire… C’est le développement des EnR qui fait augmenter de plus en plus le coût.)

  1. Jean-François Carenco. C’est déjà pris en compte.

  1. le président Julien Aubert. Des provisions ont en effet été prévues. À ce propos, je tiens à faire un peu de publicité pour le rapport que j’ai réalisé sur la faisabilité technique et financière du démantèlement des installations nucléaires de base.

  1. Jean-François Carenco. Quant à savoir si ces provisions sont suffisantes, c’est un autre sujet…
  2. le président Julien Aubert. Tout dépend, de fait, du délai. S’il fallait démanteler demain, ce ne serait pas la même chose que s’il fallait le faire dans quarante ans.

  1. Hervé Pellois. Vous avez donné des prix moyens du photovoltaïque qui vont de 62 à 99 euros par MWh. Pourquoi présentez-vous une fourchette et non pas un prix moyen de 80 euros ? Cela correspond-il à des surfaces particulières ou à des dates d’installation différentes ?

  1. Jean-François Carenco. Il faut d’abord distinguer le coût et le prix. À mon tour de faire un peu de publicité : en février, nous avons publié un rapport intitulé « Coûts et rentabilités du grand photovoltaïque en métropole continentale », que je vais remettre aux membres de votre commission. La notion de photovoltaïque recouvre des réalités complètement différentes : photovoltaïque pour les agriculteurs ou sur les grandes surfaces ; photovoltaïque en vente ou en autoconsommation ; et ainsi de suite. Faudrait-il circonscrire les lieux d’implantation du photovoltaïque, comme nous appelons à le faire pour le gaz, dans la mesure où le réseau de biométhane ne couvre que 30 % du territoire ? Pour l’instant, il n’en est pas question.

  1. Dominique Jamme. Il existe en effet du photovoltaïque posé au sol, sur toiture ou sur ombrière de parking. Il y en a également de différentes tailles – le rapport prend en compte les installations allant de 100 KW à 30 MW. C’est pour ces raisons qu’il existe différentes catégories de coûts. Le rapport se fonde sur l’analyse de 4 600 dossiers déposés en appel d’offres en 2017 et 2018. Le coût moyen de 62 euros est celui du photovoltaïque au sol entre 10 et 30 MW, qui est le moins coûteux. Les 30 % de projets au sol de grande taille les plus compétitifs présentent aujourd’hui des coûts de production d’environ 48 euros. Les coûts les plus élevés correspondent à des installations de moindre puissance, sur toiture ou ombrière. Les coûts des petits dispositifs sur les toits des particuliers sont évalués aux alentours de 150 euros. Pour en savoir plus, je vous invite à lire notre rapport de quarante-six pages, qui est très digeste.

Mme Laure de La Raudière. Pour caricaturer, vous dites que nous produisons des énergies renouvelables à cause des déchets nucléaires. Mais avez-vous étudié l’efficacité écologique de toutes les filières du photovoltaïque et de l’éolien ?

(qui produisent davantage de déchets par kWh produit).

Cela me semble essentiel. Il suffit de penser au repowering de l’éolien terrestre : 10 % d’une éolienne ne seraient pas du tout recyclables, et son béton resterait dans le sol. Est-ce vrai ? Ces aspects sont-ils pris en compte ? Par ailleurs, la provision pour démantèlement est de 50 000 euros, ce qui ne correspond pas du tout au coût réel. Comme j’imagine mal les propriétaires fonciers payer le démantèlement, qui en aura la charge ?

Vous avez mentionné un coût de 65 euros dans les derniers appels d’offres. Mais quel est le coût de production actuel de la puissance installée dans l’éolien ? Et quelle part de l’éolien terrestre est-elle installée sans passer par un appel d’offres ? Un grand nombre de petits projets passent, en effet, sans appel d’offres, ce qui contribue à nourrir ce que vous avez appelé un lobby anti-éolien et que je qualifierais plutôt de faible acceptabilité sociale de l’éolien terrestre. Le lobby est plutôt du côté des promoteurs, à mon sens, que de celui de la société, qui a découvert que la présence des éoliennes pouvait avoir des conséquences sur le prix de leur maison et qu’elle imposait d’indéniables pollutions visuelles. Que préconisez-vous pour que la majorité de l’éolien terrestre soit mieux contrôlée, par le biais des appels d’offres ?

Avez-vous également regardé la rentabilité des acteurs et des promoteurs éoliens ? On parle de 150 % de rentabilité pour l’éolien terrestre. Confirmez-vous que beaucoup cèdent leur autorisation d’exploitation à de grands acteurs, à des prix très élevés de 800 000 euros par mégawattheure ? La CRE suit-elle ces sujets ?

Enfin, vous avez dit qu’il fallait sortir de l’autorité environnementale. Pourriez-vous nous préciser ce que vous vouliez dire par là ?

  1. Jean-François Carenco. Un débat a eu lieu pour savoir si les préfets de région pouvaient être une autorité environnementale. Nous sommes au milieu du gué et ne savons pas quelle est l’autorité environnementale compétente, ce qui bloque tout.

Vous avez raison de vous intéresser à la pollution produite par les énergies renouvelables. On ne peut néanmoins pas comparer la pollution que représente une dalle de béton avec des déchets nucléaires, ce qui ne veut pas dire que ce n’est pas un sujet important. Mais mieux vaut un peu de béton en plus…

(Et quelles sont les réponses aux questions qui viennent d’être posées ?)

  1. le président Julien Aubert. Sans vouloir vous porter offense, monsieur le président, cette question relève plutôt de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) et de l’ASN. Vous nous faites part de votre avis personnel et non pas d’une position de la CRE.

  1. Jean-François Carenco. C’est l’avis de la CRE, en tant que soutien des énergies renouvelables.

Mme Laure de La Raudière. Ne pensez-vous pas qu’il serait intéressant de connaître l’efficacité écologique de l’ensemble des filières, ainsi que les unes par rapport aux autres – éolien terrestre, marin ou marin flottant et photovoltaïque, par exemple ?

  1. Jean-François Carenco. Cette question ne s’inscrit pas vraiment dans le spectre de travail de la CRE.

(Au fait, quel est l’objectif de la TE ? Ne serait-ce pas aussi (un peu) l’écologie ?)

Dans les avis des appels d’offres, nous demandons systématiquement de faire augmenter la note environnementale. Nous nous battons avec la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) et le Gouvernement pour cela. Le sujet est très compliqué : cette note dépendant des fournisseurs, on nous accuse de vouloir favoriser untel ou untel, par le biais de cette disposition. Près de chez vous, madame la rapporteure, des producteurs français se lancent dans la fabrication de petits mâts éoliens ; un autre fait des wafers. Il faut veiller à ce que les critères environnementaux ne soient pas considérés comme des aides d’État.

Mme Laure de La Raudière. Cela peut se régler grâce à un encadrement réglementaire !

  1. Jean-François Carenco. Mais si le cadre réglementaire est attaqué, vous perdez… Je pourrai vous répondre par écrit sur la question de la note environnementale dans les appels d’offres.

  1. le président Julien Aubert. Avec plaisir, monsieur le président !

  1. Jean-François Carenco. L’avenir de l’éolien terrestre est dans le repowering, qui est aux mains de grands groupes rachetant massivement les petits ensembles éoliens de moins de 1,5 MW. Il y aura, à mon sens, très peu d’abandon et de démantèlement de sites

(Sauf si les subventions publiques et l’obligation d’achat s’arrêtent…).

Les machines seront plutôt remplacées, puisque les sites initialement choisis demeurent pertinents.

  1. Dominique Jamme. S’agissant du coût de l’éolien, le dernier appel d’offres est sorti à 65 euros, (Sans la gestion de l’intermittence et le renforcement du réseau et en incluant les subventions de départ)

comme vous l’avez dit, madame la députée, quand le tarif d’achat tourne plutôt autour de 75 euros.

L’instabilité de l’autorité environnementale crée une insécurité juridique et nuit à la sortie de projets, sachant que les délais sont déjà de l’ordre de sept à huit ans. Il peut ainsi arriver que, dans un appel d’offres, la demande des acteurs soit inférieure à la quantité offerte, ce qui supprime toute concurrence. De fait, pour peu que vous le sachiez à l’avance, vous fixez un prix plafond, ce qui fait remonter les prix. Il est difficile d’ajuster la quantité des appels d’offres au potentiel réel de la filière, qui est pour l’instant en baisse. La CRE demande assez régulièrement de faire baisser le seuil des appels d’offres de 18 à 6 MW.

(Alors que d’un autre coté Laurent MICHEL de la DGEC explique qu’il veut éviter le mitage du territoire…).

Pour ce qui est de la rentabilité et du fait que les acteurs se rachètent les uns les autres, c’est la vie de tout marché concurrentiel. Si nous n’avons pas de chiffres récents sur la rentabilité des projets éoliens, dans notre rapport sur le photovoltaïque, nous voyons que, quand la concurrence fonctionne bien, comme c’était le cas ces deux dernières années, la rentabilité peut aller de 4 à 7 %, ce qui nous paraît raisonnable.

Mme Laure de La Raudière. Je me permets de vous demander de nouveau quelle part du parc actuel a été installée sans appel d’offres ? L’appel d’offres suppose une concurrence. Mais beaucoup de parcs sont inférieurs aux 18 MW du seuil fixé.

  1. Jean-François Carenco. Une majorité ! C’est pourquoi nous avons demandé de faire baisser le seuil au-delà duquel l’appel d’offres est obligatoire.

  1. le président Julien Aubert. Monsieur le président, vous venez de nous dire que l’avenir est dans le repowering. Pensez-vous agrandir les petits parcs ou agrandir les mâts ?

  1. Jean-François Carenco. Augmenter la capacité de production, sans agrandir le parc.

Mme Laure de La Raudière. Cela signifie-t-il que vous n’êtes pas favorable à l’installation de nouvelles éoliennes sur de nouveaux sites, mais que vous préconisez de rentabiliser les sites existants ?

  1. Jean-François Carenco. Ce n’est pas à moi de me prononcer sur l’ouverture de nouveaux sites. En revanche, il est rationnel d’optimiser les parcs existants, en augmentant la puissance des mâts des éoliennes arrivées en fin de vie : cela coûtera moins cher et aura des répercussions moindres en matière d’acceptabilité.

(Les voisins de petites éoliennes vont voir arriver des monstres de 200 mètres de haut près de chez eux !)

  1. Vincent Thiébaut. La tarification est parfois un argument électoral. Or, aujourd’hui, nous sommes très dépendants du nucléaire et faisons face à de vrais enjeux en matière de retraitement des déchets. Je suis persuadé que, pour garantir notre souveraineté énergétique, nous devons nous diversifier. Nous oublions en effet que le nucléaire a besoin de matières premières, qui proviennent de régions parfois soumises à des tensions politiques très fortes. Notre politique de tarification, qui est l’une des plus basses d’Europe, est-elle réellement à la hauteur des échéances auxquelles devra faire face le pays dans les décennies à venir ? Nous donnons-nous les moyens de diversifier les sources d’énergie et de garantir une vraie souveraineté énergétique ? Pour prendre le contrepied de nos discussions : les tarifs ne sont-ils pas trop bas ? Comme l’a écrit Antoine de Saint-Exupéry, on ne doit pas tant prévoir l’avenir que le permettre.

  1. Jean-François Carenco. Tout cela est en effet contradictoire. C’est sans doute cette contradiction même qui fait le bonheur de la vie politique et des décisions publiques. Il me semble que l’équilibre actuel est plutôt bon.

  1. le président Julien Aubert. Mon cher collègue, je vous invite à vous pencher sur la question du dysprosium dans les éoliennes…

Mme Véronique Louwagie. S’agissant de l’augmentation du prix de l’électricité ces dix dernières années, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur la part des taxes, alors que la CSPE est devenue un impôt banalisé ? Comment ce prix se décompose-t-il ? Quelle est la place des taxes dans son évolution ces dix dernières années ?

  1. Jean-François Carenco. Je laisserai, à l’issue de la réunion, un tableau de la décomposition des prix au président et à la rapporteure. Au premier semestre 2019, soit après la hausse, le TURPE représente 27,1 % de la facture toutes taxes comprises ;

(Le TURPE inclut déjà une aide de raccordement pour les ENR)

l’énergie 27,5 %, dont 1,6 % dû à l’effet de l’écrêtement ; la capacité, 1,7 % ; les coûts commerciaux et les CEE, 6,6 % ; la contribution tarifaire d’acheminement (CTA), 2,3 % ; la CSPE, 12,5 % ; la taxe sur la consommation finale d’électricité (TFCE), 5,3 % ; et la TVA, 15 %.

Les taxes représentent donc un peu plus d’un tiers de la facture.

(Et même plus de 43% !... Et il faudrait encore rajouter une partie du TURPE qui finance le raccordement des EnR, alors que la production représente seulement à peine un plus d’un quart de la facture.)

Mme Véronique Louwagie. Je voudrais également connaître la différence de coût de production en fonction du type d’énergie. Nous avons bien entendu que, pour l’éolien terrestre, dans les derniers appels d’offres, nous étions à 65 euros le mégawattheure, mais pourriez-vous nous indiquer, pour l’année 2018, non pas le coût moyen mais le coût réel de production de l’énergie émanant du nucléaire, de l’éolien terrestre et des autres énergies non renouvelables ?

  1. Dominique Jamme. Il est assez difficile de vous répondre. En effet, l’éolien et le photovoltaïque – notamment – font l’objet d’un soutien qui est d’ailleurs budgétisé : il vient désormais du budget de l’État. Vous ne retrouvez donc pas directement, que ce soit sur la facture d’électricité ou dans la hausse de 5,9 % du prix de l’électricité proposée par la CRE, l’influence de l’éolien ou du photovoltaïque, pas plus que l’effet d’une hausse ou d’une diminution du coût de production du nucléaire, de l’hydraulique, du gaz ou du charbon.

(Pas facile de savoir combien coûte réellement les EnR, tout compris avec la gestion de l'intermittence…)

  1. Dominique Jamme. Répondre à votre question supposerait, par exemple pour le photovoltaïque, de prendre en compte tous les éléments de production, y compris ceux qui ont été mis en service en 2008, 2009 et 2010, certains à 600 euros le mégawattheure.

  1. Jean-François Carenco. Voici les engagements qui ont d’ores et déjà été pris pour la période 2019-2043 – je vous ferai passer le document : selon les hypothèses de prix du marché, pour le solaire, entre 39 et 41 milliards d’euros; pour l’éolien terrestre, entre 21 et 25 milliards ; pour l’éolien en mer, entre 20 et 23 milliards ; pour la cogénération, entre 7 et 8 milliards ; pour la biomasse, entre 6,2 et 6,8 milliards ; pour le biogaz, entre 4,6 et 4,9 milliards ; pour l’hydraulique – ça, ce n’est pas cher –, entre 2,8 et 3,3 milliards ; pour les autres systèmes électriques, entre 2,5 et 2,7 milliards.

Ainsi, le total des charges, s’agissant des soutiens engagés – et c’est le chiffre qui compte –, à la fin de l’année 2018, varie, selon les hypothèses de prix du marché, entre 104 et 115 milliards. Fin 2019, on sera plutôt à 120 milliards. Je rappelle que, dans ces 115 milliards, le solaire avant moratoire – je bats ma coulpe : ce sont les fameux 600 euros du MWh en 2010, que j’évoquais tout à l’heure – compte pour 25 milliards ;

(Un détail… Les Gilets jaunes, avec leurs quelques millions d'euros de dégâts pour crier qu'ils en ont marre d'être pressuré, sont des amateurs à coté de monsieur Carenco qui dilapide allègrement des milliards d'euros. Cet homme serait-il dangereux pour les finances publiques ?)

le solaire après 2010 ne représente plus, quant à lui, que 13,9 à 15,9 milliards, alors même que les volumes n’ont plus rien à voir. Je pourrais aussi détailler les engagements année par année entre 2019 et 2043 – là encore, je vous ferai passer le document.

Mme Sophie Auconie. J’imagine que, suivant les lieux et les territoires, le rendement d’une éolienne terrestre – ou de panneaux photovoltaïques, évidemment – n’est pas le même. Pourriez-vous m’indiquer quels sont les rendements et, plus spécifiquement, s’il y a une différence entre celui des éoliennes en mer et celui des éoliennes terrestres ?

  1. Dominique Jamme. Les éoliennes en mer ont un rendement bien supérieur à celui des éoliennes terrestres. Nous raisonnons souvent en nombre d’heures annuelles de production. Les meilleures éoliennes atteignent un rendement compris entre 40 % et 50 %. Pour le terrestre, on est plutôt entre 20 % et 30 %.

(Non. Les meilleures éoliennes en mer sont en Ecosse et atteignent à peine 30%. Les éoliennes terrestres, la moyenne est à 22%... C’est de la propagande de faire croire que les éoliennes marines en France atteindront plus de 40%).

https://www.contrepoints.org/2017/10/16/301053-eolienne-offshore-naufrage-sens

  1. Jean-François Carenco. Quand on parle d’un rendement de 30 %, cela veut dire qu’il faut 3 mégawatts pour en produire un.

(Non. Même avec 3 MW, il y a de nombreux jours où il y aura moins d’un seul MW produit et parfois zéro MW les jours sans vent ou de faible brise.

30% (rappel : jamais atteint) veut dire qu’en MOYENNE SUR L’ANNEE 3 MW produiront l’équivalent d’un MW en continu)

  1. Dominique Jamme. Pour le photovoltaïque, cela s’exprime en heures : on est à 1 200 heures, soit un rendement de 15 % environ en moyenne en France. Bien évidemment, dans le sud, notamment le sud-est, c’est un peu mieux – entre 18 % et 20 % – et, dans le nord, un peu moins bien.

(Oui. Et ça ne choque personne ? Comment fournir le besoin de consommation le reste du temps ?...)

Toutefois, vous verrez, dans le rapport que nous vous transmettrons, que l’effet de l’ensoleillement est partiellement compensé par la différence de prix des terrains : dans le sud, ils sont rares – et donc chers –, alors que, dans le nord, on trouve davantage de terrains dégradés disponibles. Il y a davantage de projets qui gagnent des appels d’offres dans le sud, mais ce n’est absolument pas une razzia : il y en a aussi un certain nombre dans le nord.

Mme Sophie Auconie. Pourquoi y a-t-il 3 700 éoliennes en mer sur le littoral nord de l’Europe et une seule sur le littoral français ?

  1. Jean-François Carenco. Parce qu’on a voulu construire le « musée des éoliennes en mer ». On la joue à la française.

  1. le président Julien Aubert. Qu’entendez-vous par là, monsieur le président ?

  1. Jean-François Carenco. Il y a tellement de règles, tellement de recours puis de recours sur les recours que nous n’y arrivons pas. Les leçons en ont été tirées pour l’appel d’offres de Dunkerque, qui est mieux ficelé, en termes de stratégie et de process, avec un dialogue compétitif préalable. Il faut évacuer toutes les questions liées aux autorisations environnementales avant de lancer l’appel d’offres.

(Heureusement (pour une fois) qu’il y a ces recours de particuliers contre ces absurdités ruineuses et inutiles !)

  1. Anthony Cellier. Vous êtes devant une commission d’enquête dont le champ d’investigation est tellement large qu’il est parfois un peu compliqué de le saisir : « commission d’enquête sur l’impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l’acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique ». À la fin, on s’y perd et les questions posées aux invités sont parfois pleines d’imagination…

(Ca veut dire quoi ? Je les trouve au contraire très pragmatiques et au-delà du « politiquement correct » habituel et horripilant)

S’agissant du dispositif « Place au soleil », lancé par Sébastien Lecornu quand il était secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, vous avez fait part de l’importance d’utiliser le foncier militaire, qui représente des surfaces disponibles permettant d’avoir une rentabilité importante. Les engagements pris par les armées, mais également par les grandes et moyennes surfaces (GMS) – concernant leurs plateformes logistiques –, vous semblent-ils suffisants ? Est-ce que l’on va assez vite pour voir des choses se mettre en place rapidement ?

  1. Jean-François Carenco. Le Gouvernement a pris l’engagement, d’ores et déjà rendu public, de supprimer, dans le prochain appel d’offres, le plafond de 30 MW. Ce sera extrêmement positif pour le prix de l’énergie renouvelable d’origine solaire.

(Certes, mais pas pour les Français  qui vont payer beaucoup plus de MWh solaire intermittents dont on ne sait pas quoi faire ce qui va contribuer à augmenter les périodes de prix « négatifs » extrêmement nuisibles pour le système électrique global !)

Toutefois, il faudra faire attention à la préservation des systèmes agricoles : il ne faudrait pas aller piller les terres agricoles pour y mettre des panneaux photovoltaïques : pour cela, il y a les terrains dégradés. Sous cette réserve, je pense que c’est une très bonne nouvelle.

(Pour qui ? Pas pour les finances des Français en tout cas… Il faut arrêter cette monstrueuse gabegie !)

La réflexion sur une transformation de notre système de régulation du nucléaire s’engage peu à peu.

(Pour faire de la place aux EnR intermittentes et faire plaisir aux lobbies des « alternatifs »?)

Il ne suffit pas, d’ailleurs, de mettre en cause l’ARENH, qui n’est rien d’autre qu’une expression factuelle et historiquement datée de la régulation du nucléaire dans notre pays : la question est de savoir s’il faut revoir tout le système. Il appartient au Gouvernement de le dire – encore que la CRE ait certainement exprimé son avis de temps à autre sur le sujet –, et cela d’autant plus que le pays est actionnaire majoritaire d’EDF.

Le système des CEE est désormais incompréhensible : il existe 150 fiches. Le rapport que nous allons vous transmettre montre que le problème vient d’abord de là : le système est trop complexe. Nous formulons des propositions, tout en restant dans le même cadre, pour essayer d’améliorer les choses. Je pense qu’il faut cibler l’utilisation de CEE : quand on constate un problème en particulier, il convient d’avoir recours aux CEE pour ce point précis.

Le total payable par les obligés est de 3 milliards d’euros par an.

(Somme colossale qui se répercute directement dans la poche des Français…)

  1. Dominique Jamme. Environ, mais cela pourrait encore augmenter car le système est en surchauffe.

(Ben voyons ! Il n’y a personne pour crier au scandale et dire stop à la machine infernale ?)

  1. Jean-François Carenco. C’est gigantesque.

(Même lui le reconnaît…)

De plus, ce n’est même pas de l’impôt : les sommes sont disponibles. La véritable question est la suivante : 3 milliards, certes, mais pour faire quoi ?

(En voilà une question qu’elle est bonne… On croit rêver ! Des milliards d’euros d’argent public se baladent et les principaux responsables semblent ne pas savoir quoi en faire…)

Je m’étonne de temps en temps – nous l’avons d’ailleurs écrit – car je ne pense pas qu’en finançant 150 actions avec ces 3 milliards on satisfasse beaucoup d’objectifs.

  1. Dominique Jamme.Évidemment, les réseaux, pour nos concitoyens, c’est avant tout le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE), autrement dit une composante de la facture. Mais ils représentent bien davantage : il s’agit d’acteurs industriels absolument majeurs, notamment dans la transformation. Comment les régulons-nous ? Nous pratiquons, effectivement, une régulation incitative.

Parmi les enjeux futurs, il y a d’abord la maîtrise des investissements : le président Carenco a raison. L’investissement est une forme de drogue.

(Ils sont même « shootés » pour ne pas voir les absurdités des investissements qu’ils encouragent dans les EnR !)

S’il est très important pour assurer la qualité de service et préparer l’avenir, il existe désormais des solutions de flexibilité moins coûteuses ; il convient de les étudier. Il faut donc être certain qu’on réalise les meilleurs investissements, les plus efficaces, et qu’on a bien étudié d’autres solutions, moins coûteuses.

(Et ce n’est pas le cas ! Ce n’est pas le tout d’envisager de le faire, il faut le faire, et vite, ce qui permettrait de voir le non-sens des EnR.)

Le second enjeu est bien sûr celui de l’innovation :

(J’ai l’impression qu’ils se gargarisent avec ce mot « innovation » et qu’ils réinventent l’eau chaude, notamment avec les effacements aux heures de pointe qui existaient déjà il y a 30 ans).

les opérateurs de réseaux doivent être à la pointe. Leur métier change, de même d’ailleurs que celui des personnes qui se raccordent. L’arrivée du véhicule électrique, par exemple, représente une transformation majeure ; il faut que le système électrique y soit préparé.

Jeudi 4 avril 2019

Séance de 10 heures 30

Extraits commentés du compte rendu n° 9

Présidence de M. Julien Aubert, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Umberto Berkani, rapporteur général adjoint de l’Autorité de la concurrence.

(M. Berkani a un raisonnement sain et clair, mais il reste très prudent dans ses propos. Aurait-il peur pour sa carrière ou pour lui-même ?)

  1. le président Julien Aubert. Par leurs objets, ces deux avis paraissent liés. Ils révèlent de profondes divergences de méthode et d’analyse sur les situations de marché entre la CRE et l’Autorité de la concurrence. Dans son communiqué de presse officiel du 25 mars, l’Autorité de la concurrence « déconseille d’augmenter les tarifs réglementés de vente sans clarifier au préalable les objectifs qu’ils doivent poursuivre ». En cela, l’Autorité de la concurrence se déclare opposée à l’entrée en vigueur prochaine de l’augmentation calculée par la CRE. Le même communiqué de presse précise la philosophie de l’Autorité de la concurrence en affirmant qu’« augmenter les TRV et les utiliser pour pallier les limites de l’ARENH » fait « supporter la charge financière aux consommateurs plutôt qu’aux fournisseurs et semblerait donc contraire à la volonté du Parlement ». Selon l’Autorité de la concurrence, il est nécessaire, avant de procéder à l’augmentation que prône la CRE, d’engager une réflexion approfondie sur l’évolution du marché de l’électricité et d’en tirer des conséquences.

Nous souhaiterions savoir si vous considérez, par exemple, que les énergies renouvelables (EnR) ont un rôle important dans l’évolution à la hausse des tarifs réglementés, que ce soit directement, par la production et son impact sur les marchés de gros, ou indirectement, par exemple par l’effet que cela peut avoir sur le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE), ou même, de manière plus générale, à travers des dispositifs comme les certificats d’économie d’énergie (CEE).

Vous voudrez bien, monsieur Berkani, nous faire part de ce qui, selon les analyses de l’Autorité de la concurrence, devrait aller dans le sens d’une meilleure adaptation du cadre juridique de la régulation aux évolutions du modèle économique du marché de l’électricité, lequel est pris entre l’évolution du mode de production et celle de la structuration du marché, avec des fournisseurs alternatifs qui se nourrissent de l’électricité nucléaire et qui proposent des offres dites « de marché ». Ces fournisseurs ont acquis 25 % des parts de marché auprès des particuliers et presque 40 % pour les sites non résidentiels à finalité professionnelle ou industrielle.

L’ARENH a été conçu, dès l’origine, comme un dispositif transitoire d’accompagnement du marché. Son terme est prévu en 2025. Ne conviendrait-il pas de ramener cette échéance à une date moins lointaine ?

Nous aimerions également que vous nous aidiez à résoudre ce mystère : comment se fait-il que la concurrence, qui est censée faire baisser les prix, provoque plutôt, si on en juge par les résultats, une augmentation ? Par ailleurs, et alors qu’on n’est pas censé subventionner des entreprises dans un marché concurrentiel, comment se fait-il que certains modes de production le soient lourdement ? Cela ne fausse-t-il pas le jeu de la concurrence ?

  1. Umberto Berkani, rapporteur général adjoint de l’Autorité de la concurrence.

Comme vous l’avez souligné, ces deux avis ont des points communs. Je ne pense pas qu’il faille se focaliser sur les divergences avec la CRE : il vaut mieux s’intéresser à ce qui ressort de ces avis. En l’occurrence, ce que nous apprennent nos réflexions et les discussions qui ont eu lieu au cours de l’élaboration de ces avis, c’est que le dépassement du plafond de l’ARENH témoigne du fait que le système actuel de régulation a montré ses limites.

En effet, dans notre pays, la situation est particulière, ce qui nous amène à composer pour mettre en place le système de régulation de l’électricité – du reste, on ne retrouve pas les mêmes problèmes pour le gaz.

La commission Champsaur avait posé les bases de la loi NOME, et elle disait très clairement dans son rapport que, de son point de vue, le nucléaire n’était pas ce qu’on appelle une « facilité essentielle ». Dans les discussions qui se sont ensuivies, on a bien vu qu’il y avait une difficulté, ce que l’on appelle une « défaillance de marché » – le terme n’étant, d’ailleurs, pas forcément péjoratif. Le nucléaire crée des avantages non réplicables ayant des conséquences sur le fonctionnement du marché,

(???)

conséquences que le droit de la concurrence, c’est-à-dire le contrôle ex post des pratiques anti-concurrentielles, ne peut ou n’entend pas résoudre.

( ???)

Le droit de la concurrence, c’est-à-dire le contrôle ex post des pratiques concurrentielles, ne peut pas traiter lui-même ces conséquences. C’est dans ce type de cas que l’on a besoin d’un système de régulation.

( ???)

Deux ou trois objectifs, selon les distinctions que l’on établit, ont été fixés. Le premier d’entre eux consiste à permettre la concurrence en aval, c’est-à-dire sur le marché de détail, dans le but – et c’est le deuxième objectif – de faire bénéficier le consommateur de la compétitivité du parc nucléaire.

(Avant aussi avec EDF. Quelle est l’avantage des « alternatifs » qui s’abreuvent au même réservoir nucléaire ?)

Le troisième objectif était de donner le temps aux fournisseurs alternatifs, aux futurs concurrents sur le marché, de mettre en place des capacités de production et de remonter la chaîne de valeur pour être capables de faire concurrence à l’opérateur historique,

(Ce qu’aucun n’a fait parce c’est difficile. Il est il est plus simple et moins cher de « biberonner » au nucléaire au tarif ARENH (42 €/MWh)

à la fois sur le plan de la production et sur celui du marché de détail. L’idée sous-jacente, que l’on retrouve dans une partie des débats parlementaires, était de se dire que lorsque l’on aurait atteint ce plafond, on se trouverait dans une situation où les fournisseurs alternatifs auraient vraisemblablement développé des capacités et seraient en mesure de concurrencer et de se développer d’une manière autonome.

(Raté…)

Dès les premiers rapports et comptes rendus sur le fonctionnement de la loi NOME, notamment dès 2014 et 2015 en ce qui concerne l’Autorité de la concurrence, on a vu que le troisième objectif n’était pas atteint et que le fonctionnement de la loi n’avait pas permis une remontée de la chaîne de valeur et la mise en place de nouvelles capacités de production.

(Mais que fait la police ?...)

  1. le président Julien Aubert. Vous parlez des énergies renouvelables (EnR), n’est-ce pas ? L’idée était d’avoir des fournisseurs qui remontent la chaîne, en produisant.

  1. Umberto Berkani. Oui, je parle des EnR, mais il me semble que l’idée, dans les premières discussions, était également de savoir s’il pouvait y avoir un investissement dans des centrales nucléaires – non pour en construire de nouvelles, mais sous la forme d’un droit de tirage particulier dans des centrales nucléaires. A priori, tout semblait possible, mais on s’est vite rendu compte que ce n’était pas le cas.

(Mais personne n’a rien fait. « On » a laissé filer… Mais que fait la DGEC et la CRE, etc…))

En ce qui concerne l’Autorité de la concurrence, la question de savoir ce que l’on devait faire s’est posée dès 2015. Fallait-il considérer que l’ARENH était un dispositif transitoire, que l’on irait jusqu’au bout de ce dispositif mais que l’on s’arrêterait là ? Dans ce cas, il fallait commencer à anticiper une sortie progressive du dispositif. Ou bien, si l’on se rendait compte que le dispositif n’avait pas fonctionné ou, en tout cas, qu’il n’avait pas atteint tous les objectifs voulus, il fallait penser déjà au coup d’après. Dès cette époque, il nous semblait important de se positionner sur la poursuite ou non de l’ARENH.

En 2019, nous faisons face à une situation inédite dans laquelle le plafond de l’ARENH est dépassé à un moment où – cela n’a pas toujours été le cas, comme en 2016 – le prix sur les marchés de gros est supérieur à celui de l’ARENH. On voit bien qu’il y a une difficulté : ce système ne parvient pas à atteindre en même temps les différents objectifs qui lui ont été fixés. C’est une transposition du triangle d’incompatibilité : on ne peut pas avoir en même temps, dans le système actuel, un plafond qui reste fixé à ce niveau, des tarifs réglementés qui n’augmentent pas et protègent le consommateur, et des alternatifs qui peuvent entrer sur le marché et proposer des offres concurrentielles par rapport à EDF.

(Alors à qui profite le crime ?..)

Le point commun entre les deux avis que nous avons rendus est que nous sommes dans une situation dans laquelle on sent bien la tension entre les objectifs de la loi. On voit qu’il y a une difficulté et que la seule façon de la surmonter, en réalité, est de passer par la loi. Les principales composantes des objectifs ou des façons d’arriver à les réaliser sont, en effet, fixées par la loi.

C’est une des difficultés avec le décret qui fait l’objet de notre premier avis. D’abord, l’esprit qui anime ce décret est présenté, en partie, comme résultant du jeu du droit de la concurrence. Sur ce point, nous essayons d’expliquer la différence entre, d’une part, les objectifs du droit de la concurrence et ce qu’il permet de faire et, d’autre part, d’autres objectifs, notamment de régulation, qui ont été fixés par la loi en France. S’il faut les changer, c’est aussi dans ce cadre. On sent qu’il y a dans le décret un changement de nature du dispositif de régulation, qui est peut-être le bon ou non – c’est peut-être une partie de ce qui pourrait être fait –, mais on voit mal comment ce changement de nature pourrait être réalisé par décret, sans débat public, sans que le Gouvernement et le Parlement se positionnent sur les objectifs que le dispositif de régulation doit atteindre. Autre problème que l’on sent poindre, on risque d’avoir avec cette logique, comme vous l’avez rappelé, une confusion entre les objectifs que les différents outils de régulation doivent atteindre, à savoir l’ARENH et les tarifs réglementés de vente.

Quelles sont nos conclusions dans le cadre du second avis ? Elles sont assez similaires aux précédentes. Pour être honnête, et compte tenu du serment que j’ai prêté, je dois rappeler que si l’Autorité de la concurrence ne s’est pas prononcée sur les tarifs réglementés de l’électricité, elle l’a fait à propos de ceux du gaz, avant le début de la procédure qui a conduit à ce que l’on en recommande la suppression prochaine. L’Autorité de la concurrence n’est pas fondamentalement, ou à l’origine, la plus favorable à ce type de tarifs car ils distordent la concurrence. C’est une exception au droit de la concurrence, et ces tarifs doivent être bien encadrés. Nous nous sommes prononcés, je le répète, sur les tarifs du gaz, mais pas sur ceux de l’électricité.

(le gaz va encore augmenter cette été à cause des taxes pour alimenter les EnR

https://www.contrepoints.org/2018/07/01/319430-le-gaz-augmente-de-745-au-1er-juillet-vive-la-transition-energetique )

Le débat a, de toute façon, été tranché et ce n’est pas à l’Autorité de la concurrence de décider si ces tarifs doivent être maintenus ou non. Ce n’est pas son rôle. La France a défendu leur maintien et elle l’a obtenu, notamment devant le Conseil d’État. Mais il y a une difficulté : si on l’a fait, c’était pour faire bénéficier le consommateur d’une stabilité des prix et, d’une manière générale, de la compétitivité du parc nucléaire français. Or on arrive à une situation dans laquelle la mise en œuvre des différents instruments de régulation aboutirait à ce que les tarifs réglementés ne remplissent pas leur objectif. Il nous a semblé qu’il fallait discuter de cette difficulté, de manière à ce que le Gouvernement puisse se prononcer sur la question de savoir si une telle situation est effectivement une conséquence nécessaire et que, dans ce cas, on dise clairement que les tarifs réglementés, à l’heure actuelle, ne peuvent plus atteindre leur objectif, mais aussi que le Parlement puisse éventuellement se prononcer sur cette question.

Voilà ce qui nous paraît les questions essentielles dans ces deux avis. Il y a, et vous l’avez peut-être vu, des éléments juridiques, mais on peut en discuter, à la rigueur. Au-delà, et quelles que soient les réponses juridiques, il y a des éléments d’arbitrage d’un type plus politique sur ce que l’on veut faire de nos différents outils. Si ceux qui existent à l’heure actuelle conduisent, comme nous le craignons, à une situation dans laquelle les injonctions sont contradictoires, il faut remettre à plat la question en se demandant ce que l’on veut faire. Ce n’est pas l’Autorité de la concurrence qui peut réaliser ce travail, mais plutôt le Gouvernement et le Parlement. J’imagine que c’est en partie la raison pour laquelle vous m’avez demandé de venir devant vous.

  1. le président Julien Aubert. Nous allons essayer de défricher un peu le terrain. Vous avez répondu très prudemment, et je vais maintenant vous poser des questions très précises.

L’Association nationale de défense des consommateurs et usagers dit que « pour maintenir la concurrence, on augmente les prix. Cela va à l’encontre de ce que l’on a présenté comme les bénéfices de la concurrence quand on a ouvert le marché. [...]. En fait, il s’agit d’augmenter le prix de l’électricité de telle sorte que le plus mauvais des fournisseurs privés puisse encore exister face à EDF. Ce n’est pas cela, la concurrence ». Êtes-vous d’accord avec cette affirmation ?

  1. Umberto Berkani. Je n’ai pas les chiffres exacts, mais il me semble que les prix en France restent encore relativement attractifs et compétitifs par rapport au reste de l’Europe. Ensuite, il faut bien distinguer deux points dans notre analyse. Il y a une partie des augmentations de prix, notamment celles dont on discute actuellement, qui sont liées à une augmentation des coûts. S’ils augmentent, il n’existe pas d’autre solution que d’augmenter les tarifs. Il y a effectivement une partie de l’augmentation qui, de notre point de vue, revient à faire payer les consommateurs pour les limites du système de régulation et donc, d’une certaine manière, à faire supporter par eux, plutôt que par les fournisseurs, les limites de l’ARENH. Si c’est ce que veut dire la deuxième partie de la citation, je suis d’accord.

  1. le président Julien Aubert. Pensez-vous que la CRE abuse de son pouvoir en faisant fi des lois existantes pour imposer par voie réglementaire ce qui relève du pouvoir législatif ? C’est ce qu’indique un article de Mediapart qui analyse la dispute entre vos deux institutions et tire notamment de votre avis, très long et argumenté, sur les changements de méthode et d’analyse du marché de la part de la CRE, la citation suivante : « Ces dispositions conduiraient à privilégier un mode de fixation des tarifs réglementés de vente […] qui pourrait porter atteinte à l’objectif de modération et de stabilité des prix de l’électricité que la loi assigne à ces tarifs ».

  1. Umberto Berkani. Je ne le pense pas du tout. La CRE est totalement dans son rôle, qui est de proposer un tarif. Comme je l’ai dit, le système de régulation poursuit différents objectifs. Cela arrive, et ce n’est pas toujours facile. De notre point de vue, ces objectifs sont en partie contradictoires. Cela ne posait pas de problème, et c’était finalement assez neutre, tant que le plafond de l’ARENH n’était pas dépassé, mais il faut traiter les contradictions puisque c’est maintenant le cas.

La CRE doit proposer un tarif. Celui-ci, de notre point de vue, intègre une partie des contradictions du système de régulation. Notre propos n’était pas de discuter les intentions de la CRE, mais de souligner le fait que les textes sont à tout le moins ambigus et en partie contradictoires en ce qui concerne les objectifs. Il y a donc des questions qui se posent sur le plan juridique, et il n’existe pas, selon nous, une seule interprétation possible. Compte tenu des conséquences auxquelles cela conduit, il faut être sûr que l’on retient la bonne interprétation et que celle-ci est consolidée juridiquement.

Le débat va, je le répète, au-delà de la question juridique. La CRE propose un tarif compte tenu de la conception qu’elle a, et en mettant tout sur la table. Nous qui avons forcément une vision un peu différente et qui avions indiqué, dans un précédent avis, qu’il fallait faire un pont entre les TRV et l’ARENH, en regardant bien les conséquences, nous disons au Gouvernement qu’il y a derrière cette proposition tarifaire un choix qu’il faut clarifier et assumer. Ce choix est d’autant plus important que c’est la première fois qu’on se trouve dans cette situation, mais sans doute pas la dernière. La méthodologie qui va être retenue continuera à s’appliquer dans le futur. Ce n’est pas la deuxième fois qu’il faut se poser la question, mais maintenant. Et cette question est à la fois juridique et politique. Chacun doit y répondre.

  1. le président Julien Aubert. On ne fait pas la concurrence pour la concurrence, mais pour atteindre un objectif, dont je rappelle qu’il s’agissait d’avoir des prix plus bas pour le consommateur et des acteurs capables de concurrencer le nucléaire, ou en tout cas l’acteur nucléaire, avec des modes de production alternatifs. À la fin, on a une hausse des tarifs, et le premier objectif n’est donc pas tenu.

Vous nous avez également dit que le deuxième objectif n’était pas atteint.

Si je reprends votre triangle d’incompatibilité, vous nous dites en fait que l’on ne peut pas avoir des tarifs réglementés, l’ARENH et la concurrence. Il m’a semblé comprendre, d’après ce que vous disiez, que les tarifs réglementés sont peut-être le fautif, ou plutôt que s’il fallait choisir et bouger sur un point, ce serait plutôt là, selon vous. J’ai l’impression que pour la CRE ce serait plutôt du côté de l’ARENH. J’ai envie de vous poser une question un peu provocatrice : vu les résultats de la concurrence, n’est-ce pas le troisième objectif qu’il faut faire sauter ?

  1. Umberto Berkani. Jolie question… (Sourires).

(En tout cas, c’est une bonne question qui mérite une réponse franche)

Nous n’avons pas de préférence en la matière. Je vous ai dit, pour que mes propos soient clairs et transparents, que nous avons indiqué en 2013 nos doutes, s’agissant du marché du gaz, sur les TRV et leurs conséquences pour le fonctionnement de la concurrence. Depuis, la question des TRV avait été réglée, du moins jusqu’à ce jour : le choix avait été fait, et validé juridiquement, de les maintenir dans un certain objectif et selon certaines modalités.

Il y a effectivement une première question qui se pose : quid de l’ARENH ? Dans son avis 19-A-01, de janvier 2019, l’Autorité de la concurrence a dit que la solution technique la plus simple, en première analyse, serait de modifier le plafond de l’ARENH, même si cela présente quelques difficultés. La première est qu’il faut passer par la loi, ce qui ne se fait pas comme ça, même si j’ai bien vu qu’un amendement visant à remonter le plafond de l’ARENH a été déposé dans le cadre de la discussion sur le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises (PACTE).

Lors de l’adoption de la loi NOME, on s’était demandé, notamment dans des échanges de lettres et dans les débats qui ont eu lieu, s’il faudrait augmenter le plafond à un moment. On pensait à l’époque que ce serait très lointain et même que cela n’arriverait pas, parce que tout irait bien quand on arriverait au plafond, mais la question peut se poser. Seulement, le plafond actuel repose sur un équilibre qui a été décidé lors de l’adoption de la loi NOME et, si l’on change le plafond, il est possible que cela change l’équilibre – si on modifie un tout petit peu le plafond, peut-être pas, mais si on le change beaucoup ou si l’on déplafonne complètement, on change vraiment le système.

Une première solution consisterait à modifier l’ARENH, effectivement. Le problème qui se pose, en ce moment, est que si on ne le fait pas, cela revient de fait à faire bouger les TRV et à changer leurs objectifs. Nous n’avons pas d’opinion à avoir sur ce point. Nous soulignons quel est l’objectif actuel des TRV et que si l’on augmente ces tarifs, il faut le dire et être clair sur le fait que, parmi tout ce que l’on pouvait changer, on a décidé de faire bouger les TRV. Le problème est qu’en agissant ainsi, on remet en cause leur objectif initial.

  1. le président Julien Aubert. Faire bouger signifie augmenter ?

  1. Umberto Berkani. Bien sûr.

Il reste votre troisième point : faut-il abandonner la concurrence ? Vous imaginez bien quelle va être ma réponse. (Sourires). Néanmoins, il y a effectivement une question à se poser, qui est sous-jacente et même presque explicite dans notre rapport de 2015 sur l’ARENH et dans nos avis actuels : quelle concurrence veut-on, et sur quel bout du marché ?

Il y avait dans la loi NOME, ou en tout cas dans l’ARENH, trois objectifs – ils concernaient le consommateur, le marché de gros et le marché de détail, pour faire simple. Quand un système atteint ses limites, on doit se demander si l’on peut réaliser tous les objectifs fixés et, si on ne le peut pas, s’il faut les hiérarchiser.

Dans notre avis de janvier 2019, on voit bien que le principal « focus » pour tout le monde reste le marché de détail, quitte à ce que la concurrence soit plus régulée ou régulée différemment sur le marché de gros. C’est alors que se pose la question de savoir quel est le type de marché et le type de concurrence que l’on veut avoir : a-t-on besoin de réguler et éventuellement de limiter la concurrence sur un bout pour en avoir un peu plus ailleurs ?

Derrière, il y a la question de savoir ce que l’on fait du nucléaire. Dans le rapport de 2015 sur l’ARENH, nous avons indiqué que pour favoriser le développement et le dynamisme du marché de détail il faudrait peut-être trouver un moyen de rendre plus neutre, ou plus isolée, la question du nucléaire.

  1. le président Julien Aubert. Pouvez-vous préciser ?

  1. Umberto Berkani. Je peux préciser différentes hypothèses, mais elles ont toutes des conséquences et elles doivent toutes être expertisées.

  1. le président Julien Aubert. Nous essayons d’analyser les causes. Ce sont des mesures techniques, mais il faut nous expliquer – en tout cas, il faut m’expliquer : je parle en mon nom propre – ce que cela implique quand on choisit une option. Quand vous parlez de faire bouger l’ARENH, je comprends que l’on donnera accès à des fournisseurs alternatifs à une part plus importante de l’électricité nucléaire, en espérant qu’ils puissent remonter l’amont pour devenir de véritables producteurs – tout en sachant que cela n’a donc pas fonctionné. Quelque part, cela revient à considérer de plus en plus l’énergie nucléaire, alors qu’on veut en sortir, ce qui est peut-être un sujet, comme un bien d’intérêt général servant de moteur de la concurrence pour d’autres énergies. J’aimerais que vous précisiez les conséquences de ce que vous proposez – ou évoquez.

  1. Umberto Berkani. Merci pour cette dernière précision. (Sourires).

La question est effectivement de savoir pourquoi on mettrait à disposition plus ou moins de nucléaire.

Pour l’instant, on a vu qu’il n’a pas été possible pour les alternatifs de remonter la chaîne de valeur, notamment pour de l’énergie de base pouvant concurrencer le nucléaire. Il existe une question qui est de savoir si, dans un futur plus ou moins proche, la part du nucléaire va baisser soit parce qu’on l’aura décidé juridiquement, c’est-à-dire politiquement – indépendamment du coût respectif du nucléaire et des autres énergies, on déciderait une baisse pour des raisons un peu exogènes et, dans ce cas-là, vous voyez bien qu’il serait plus facile pour les concurrents de se positionner sur l’amont – soit parce que les énergies renouvelables vont voir leur coût baisser et que, éventuellement, le nucléaire va voir ses coûts augmenter – mais cela peut être uniquement parce que le renouvelable verrait ses coûts baisser – et leur compétitivité relative évoluerait alors.

Si c’est atteignable à court ou moyen terme et si c’est en accord avec le mix énergétique projeté pour dans quelques années, on peut se dire que le système peut continuer à fonctionner d’une manière transitoire et qu’il faut juste le recalibrer, soit dans le temps soit dans les montants, ou plutôt les volumes, pour aboutir à cet objectif. Si c’est possible, on est bien dans un système transitoire, quitte à ce que la transition dure plus longtemps. Si ce n’est pas possible, ou si la perspective est tellement lointaine que l’on rencontrera des difficultés, alors il faut se poser la question de savoir si l’on doit pérenniser l’ARENH, ou son équivalent.

Il y a ensuite de nouvelles questions à se poser : vous voyez bien que si l’on pérennise l’ARENH, il reste à savoir à qui et à quoi on donne accès. Il existe différents modèles.

Le premier, et c’est sur ce plan que l’Autorité de la concurrence s’est un peu alertée en janvier 2019, consiste à considérer que, quelle que soit la façon juridique de procéder, on a du nucléaire et ensuite des fournisseurs qui se servent, y compris EDF, dans les mêmes conditions. On peut assez bien imaginer ce modèle – il y aura vraisemblablement des conséquences financières pour la gestion de la transition, mais on peut l’imaginer. Ce modèle peut être construit d’une manière clairement patrimoniale, mais aussi financière, etc.

Dans le décret que nous avons analysé en janvier dernier, on voyait un peu ce schéma se profiler. Sur plusieurs points du décret, on observait plus de symétrie par rapport à EDF. C’est un choix possible. Néanmoins, de notre point de vue, il ne se fait pas par décret. Il y aurait en tout cas cette solution, qui consiste finalement à isoler un peu le nucléaire en amont, puis à assurer une égalité entre les différents producteurs. C’est généralement l’image que l’on a en tête pour une facilité essentielle ou une boucle locale : on isole ce qui est au-dessus.

  1. le président Julien Aubert. Que veut dire « isoler le nucléaire » ? C’est comme la louve romaine qui donne la tétée ?

  1. Umberto Berkani. Isoler revient à considérer qu’il y a bien un marché en amont. Je ne suis pas sûr de bien saisir votre comparaison (Sourires), mais je vais quand même répondre à la question.

  1. le président Julien Aubert. C’est le symbole de la louve qui donne la tétée aux petits louveteaux.

  1. Umberto Berkani. EDF serait alors un louveteau à côté des concurrents alternatifs. Vous voyez bien que ce serait un changement assez radical du point de vue patrimonial. Sur le plan théorique, c’est néanmoins un des systèmes que l’on peut envisager.

L’autre système serait de considérer le nucléaire comme une sorte de bien public. Tout consommateur aurait sa part de nucléaire dans sa facture. On répartirait son coût entre tout le monde et la concurrence se ferait sur le reste. Je m’explique : au lieu d’avoir des fournisseurs qui récupèrent une part du nucléaire et la revendent ensuite, il y aurait un service public du nucléaire, ou un service public de la base, car une partie de l’hydroélectricité pourrait éventuellement en faire partie. Une partie du tarif de la facture serait fixée là-dessus, sans que cela puisse représenter, compte tenu de notre parc de production, l’intégralité. Sur l’autre partie, 25 % ou 30 % du total, on choisirait un fournisseur – les gens se fourniraient auprès du meilleur fournisseur sur cette partie.

On peut sans doute imaginer d’autres systèmes théoriques, mais l’idée est de dire, en gros, que si l’on doit pérenniser le fonctionnement de la concurrence, il faut bien admettre que le nucléaire change la donne sur le marché français et trouver une façon de le rendre neutre pour la concurrence sur le marché de détail.

(Le nucléaire est donc bien considéré comme une source massive d’électricité bon marché…)

  1. le président Julien Aubert. Il y a deux choses que je n’arrive pas vraiment à concilier.

D’un côté, on nous dit que les énergies renouvelables, ou en tout cas certaines d’entre elles, deviennent matures, que c’est une question d’années. Le président de la CRE nous a dit que tout le monde serait à un étiage compris entre 60 et 80 euros le mégawattheure. On serait plutôt tenté d’en tirer comme conséquence qu’il faut laisser l’éolien, le photovoltaïque et le nucléaire se concurrencer, en matière de prix. La logique serait de se dire, alors, qu’il faut enlever les petites roulettes – on a un tricycle aujourd’hui – pour que tout le monde soit sur un vélo. En même temps, on nous dit qu’il faut quand même y aller lentement, car c’est mature mais pas tout à fait, et on nous présente la douloureuse, qui est déjà assez élevée.

D’un autre côté, vous faites le pari que le nucléaire pourrait rester compétitif, dans la deuxième option, et qu’il faudrait donc le sortir de l’équation pour ne pas distordre la concurrence. Dans ce cas, le nucléaire aurait quand même une fonction très bizarroïde. On se demande pourquoi on agirait de la sorte si l’on considère que l’on va bien vers une maturation de la concurrence. À la limite, je n’ai pas de religion sur ce sujet, mais nous avons, en tant que représentants de la Nation, une responsabilité en ce qui concerne le coût. Il y a un climat social particulier, sur le plan de l’acceptabilité.

Or toutes les options ne sont pas égales si, dans un cas, la facture d’électricité augmente de 30 % et, dans l’autre, de 5 % ou 10 %. Il faut prendre en compte cet aspect.

J’aimerais comprendre si le fait d’avoir misé sur les énergies électriques vertes, dont on sait qu’on a les a subventionnées en faisant parfois des erreurs, et avec une stratégie descendante, a provoqué une augmentation naturelle du coût de l’électricité produite, ce qui expliquerait tous les problèmes…

Si l’on continue, on va mécaniquement avoir une hausse du prix de l’électricité qui posera des problèmes structurels et systémiques de plus en plus importants : on n’arrivera pas à concilier un prix de l’électricité bas, notamment pour les ménages les plus précaires, le déploiement de l’énergie verte, qui coûterait très cher, et le risque pesant sur le moteur de l’ensemble – celui de voir la fameuse louve, que j’évoquais, devenir un peu rachitique parce que, entre la concurrence qu’elle subit et le fait que l’on partage, elle finit, à un moment, par ne plus arriver à alimenter tout le système. Avez-vous des éléments de réponse qui permettraient de m’éclairer ?

  1. Umberto Berkani. Si j’avais osé, j’aurais moi aussi utilisé la métaphore des roulettes et du vélo dans mon propos liminaire ! Beaucoup de vos questions méritent des réponses techniques et prospectives dont je ne dispose pas. Effectivement, même si les coûts s’harmonisent, on peut se demander s’il ne faut pas conserver les petites roulettes un peu plus longtemps, au motif que tout fonctionnera bien quand on les enlèvera... Je ne suis pas capable de vous le dire. Pourtant, c’est l’une des questions fondamentales à laquelle il faut répondre avant de se projeter dans un système de marché.

Il faut distinguer la réalité industrielle – le coût auquel on va arriver – et la réalité politique. Si, pour des raisons autres que celles du fonctionnement du marché et de la concurrence, on décide de réduire la part du nucléaire, il y aura plus de place pour d’autres producteurs et d’autres productions à moyen terme. Dans ce cadre, il n’y a pas de raison que les fournisseurs alternatifs ne récupèrent pas leur part de cette production.

Cela aura-t-il une conséquence sur les coûts ? C’est une autre question, à laquelle je ne sais pas répondre.

(Mais enfin c’est simple : oui, et à la hausse, et même de manière vertigineuse. Pourquoi ne pas avoir le « courage » de le dire ? Quels sont les risques et les pressions sur ce monsieur pour qu’il n’ose pas le dire ? Je suis sûr qu’il le sait très bien.)

Mais, en tout état de cause, il faut trancher le problème, tant d’un point de vue industriel – de réalité des coûts – que d’un point de vue politique – que veut-on faire avec notre mix énergétique ? Tant que nous n’aurons pas les idées claires, on ne pourra pas dire si l’ARENH ou tout autre système de régulation doit être pérennisé ou si, comme on l’avait imaginé au départ, ce système doit rester transitoire…

C’est une question difficile, mais essentielle.

(La question est certes essentielle, mais elle n’est pas difficile ! Il faut prendre le taureau par les cornes et donner un coup d’arrêt à cette immense gabegie d’argent public !)

On peut aussi parier que cela n’interviendra pas à court terme et qu’il peut donc être utile de repenser un système de type ARENH sur le long terme. Mais cela dépasse mes compétences.

Quant au coût des EnR dans l’absolu, et à leur responsabilité dans l’augmentation de la facture, nous nous y sommes relativement peu intéressés dans nos derniers travaux comme de manière plus générale. Certes, nous avons traité quelques cas contentieux, mais ils n’avaient pas de liens directs avec les énergies renouvelables.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Je vais vérifier si j’ai bien compris les termes du débat concernant les 100 TWh. Il s’agit de trancher une question quasi philosophique : les concurrents ont-ils besoin de plus de soutien ou de plus de temps pour arriver à maturité, au motif que l’on aurait sous-estimé le temps nécessaire dans la première configuration ? La mise en concurrence visait à aboutir à un prix plus bas et à une capacité à compenser à terme, dans une optique de transition. L’a-t-on bien évalué au démarrage ?

En effet, le dispositif est assez récent puisqu’il date de 2010. À cette époque, on pensait que le plafond de 100 TWh était très élevé et qu’il y aurait peu d’acteurs sur le marché. Or beaucoup d’acteurs se sont déployés, sur des volumes plus importants que les estimations initiales, avec des niveaux de maturité différents et une plus grande fragilité que les acteurs historiques initiaux : si six acteurs – et non deux cents – s’étaient réparti les 100 TWh, ils auraient été suffisamment robustes. Nous avons probablement sous-estimé ce foisonnement d’acteurs, leur créativité et leur innovation.

(Donc tout le monde s’est trompé…)

Doit-on veiller à ne pas « rendre la louve rachitique », rester à 100 TWh et demander aux fournisseurs alternatifs de monter en compétence dans ce système contraint ? Dans ce contexte, par le biais de la concurrence, seuls les meilleurs survivront.

Ou doit-on au contraire faire évoluer le système du fait de ces différences de maturité, afin de ne pas tuer l’émergence d’une concurrence plus importante, plus intéressante et plus solide à terme ?

  1. Umberto Berkani. Je ne suis pas capable de vous le dire. J’ai l’impression que vous estimez que le nombre de concurrents a limité leur faculté à remonter la chaîne de valeur. Je ne suis pas sûr que ce soit lié.

Certains concurrents ont une politique active de montée en capacité. Mais quelles capacités de base leur permettent de concurrencer le niveau de compétitivité du nucléaire ? Là est le problème : il n’y en a pas beaucoup. Le nucléaire en fait partie, mais pour différentes raisons, il n’a pas été possible de monter en valeur sur le nucléaire. L’hydraulique en fait aussi partiellement partie – mais seuls 20 TWh d’hydraulique peuvent être considérés comme de la base sans débat, puisqu’il faut faire la différence entre le fil de l’eau et la pointe.

C’est donc moins une question liée au nombre d’acteurs mais une question de compétitivité et de prix de revient des différentes énergies. Si, pour des raisons presque exogènes au système de régulation, à moyen terme, dans une perspective raisonnable, les niveaux de coût se rapprochaient, cela changerait-il la donne ? Dans ce scénario, on considérera qu’au moment où le petit garçon est monté sur son vélo avec ses roulettes, la route était en pente – il n’arrivait donc pas à pédaler. Maintenant qu’il a atteint le plat, il va pouvoir avancer ! Quand il avancera, on pourra enlever ses roulettes et il ira tout droit. Je ne peux vous le dire. Cela peut marcher, auquel cas la première phase ne sera pas représentative de la suite.

En 2015, nous étions arrivés à la conclusion qu’entre 2010 et 2015 il ne s’était pas passé grand-chose du point de vue de la remontée de chaîne de valeur sur les capacités de production de base. Nous ne voyions pas exactement ce qui pourrait changer. En 2016, les prix de gros sont passés sous l’ARENH et cela n’a pas posé de difficultés.

Désormais, parce qu’ils ont été dynamiques et qu’une partie des tarifs a été supprimée, les fournisseurs alternatifs ont besoin de toute l’ARENH disponible, ce qui engendre la difficulté actuelle. Est-ce à l’ARENH de permettre aux fournisseurs alternatifs de contester les tarifs – de marché ou réglementés – d’EDF ? Doit-on rester sur le plafond initial de 100 TWh car c’est la règle du jeu et le dépasser aurait des conséquences ? Ou doit-on le remonter pour permettre à la concurrence de se développer, tout en évitant une hausse des tarifs réglementés ?

C’est la question fondamentale. Il existe au moins deux instruments de régulation sur le marché, chacun doté d’une mission propre : veut-on que chacun continue à jouer son rôle ? Si oui, il faut procéder à un ajustement ; si non, les tarifs réglementés risquent d’augmenter. S’il s’agit de signifier que les tarifs réglementés n’ont plus d’intérêt, autant l’assumer ! Dans le cas contraire, il faut procéder à un ajustement de l’ARENH. Dans les deux cas, il faut se positionner sur la hiérarchie des objectifs et les moyens pour les atteindre.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Vous estimez qu’entre 2010 et 2015 les choses n’ont pas tellement changé. Mais dans la mesure où les temps de sortie des projets EnR sont longs – souvent de trois ou quatre ans –, le statu quo durant cette période n’est pas étonnant. N’est-il pas un peu tôt pour faire un bilan ? Dans quelle mesure est-on capable d’évaluer la fiabilité des projections ? Ces questions recoupent la deuxième partie des travaux de notre commission d’enquête.

En résumé, rester sur ce modèle, est-ce de l’entêtement ou du bon sens – si l’on considère qu’il faut lui laisser le temps de maturer ?

  1. Umberto Berkani. Le système de régulation était prévu pour une durée relativement courte. Certes, le bilan de 2015 a été réalisé rapidement – cinq ans après le démarrage du dispositif – mais cette période représente un tiers de la durée et ce n’est ni en juin 2025, ni en décembre 2024 qu’il va falloir se poser la question de la poursuite – ou non – du dispositif...

C’est pourquoi en 2015, nous avons fait le constat qu’il ne s’était pas passé grand-chose. Par ailleurs, les experts estimaient alors qu’il ne se passerait peut-être pas grand-chose, non parce que les fournisseurs alternatifs n’avaient pas essayé de développer leurs capacités de production, mais parce qu’on ne savait pas s’ils seraient en mesure de devenir compétitifs en développant ces capacités de production.

(Finalement, certains en viendraient presque à regretter que le nucléaire soit si bon marché pour les Français… Si le nucléaire était cher, leurs affaires seraient meilleures, et tant pis pour le portefeuille des Français !)

  1. le président Julien Aubert. Certes, il y a un problème lié à la taille. Mais quand vous savez qu’avec l’ARENH vous pouvez obtenir un bon prix, cela vous pousse-t-il à vous structurer ? En réalité, la concurrence n’est-elle pas virtuelle ? En tout cas, elle est très particulière : il est rare d’aller acheter les tomates du voisin en lui disant : « Tu es obligé de me les vendre moins cher. Je les vendrai ensuite avec une marge, en faisant une meilleure communication que toi. ». Dans ce cas, en effet, pourquoi produire des tomates si on peut en acheter à bon prix et que votre concurrent est obligé de vous les vendre ? Le fonctionnement du système n’est-il pas partiellement vicié, ce qui expliquerait l’absence de fournisseurs associés dans une logique de production – de la production à la consommation – dans le secteur des énergies alternatives ?

(Excellente question… et nous sommes nombreux à nous la poser aussi !)

  1. Umberto Berkani. Pour filer la métaphore, votre question équivaut à se demander si on doit mettre des roulettes au vélo de son petit garçon ou si cela va l’empêcher de se lancer…

Devant l’Autorité de la concurrence, les acteurs prétendent que leur marché est particulier dans quasiment tous les dossiers ! En l’occurrence – et j’ai analysé différents marchés –, on peut dire que le marché français de l’électricité est particulier. D’une certaine façon, si l’électricité était la propriété d’un monopole, ce serait plus simple : on aurait une facilité essentielle et on procéderait comme pour la boucle locale.

  1. le président Julien Aubert. Le monde change…

  1. Umberto Berkani. Qu’il n’y ait pas de malentendu : on pourrait aussi dire « une entente, c’est plus simple, tout le monde est d’accord ! ». Là n’est pas la question. Moins de concurrence, serait-ce une bonne ou une mauvaise chose à court, moyen et long termes ? Quel modèle de concurrence souhaite-t-on ? Il y en a plus d’un possible.

Soyons clairs, la France a une particularité : sa production électrique, même si, sur le détail et la fourniture, il n’y a aucune raison qu’il n’y ait pas de concurrence. Dans ce cadre, comment régule-t-on mieux ? Le système avait été imaginé pour permettre à moyen terme une concurrence sur les marchés de gros et de détail, dans l’esprit des directives. Dans l’avis de 2019, nous soulignons la complexité à anticiper. Ce n’est pas une réussite…

(Quel bel euphémisme !)

Pour autant, certains opérateurs se sont structurés, comme Direct Énergie, racheté par Total, qui est désormais un opérateur disposant d’une force de frappe sur différents segments du marché de l’énergie.

Doit-on se rapprocher d’un système avec plusieurs opérateurs intégrés sur des segments différents ? Comment faire pour que tout fonctionne le mieux possible ? En France, la concurrence sur le marché de détail est prépondérante pour le dynamisme et le bon fonctionnement du marché. Comment régule-t-on son environnement pour que cela fonctionne le mieux possible ?

En l’état actuel de la loi NOME, nous avons fait un choix de régulation, avec des postulats, des objectifs et des moyens. Pour l’instant, les objectifs ne sont pas vraiment atteints, ce qui nous oblige à reposer l’équation : que veut-on faire et comment le fait-on ?

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Suite à la proposition de la CRE d’augmenter le tarif réglementé de 5,9 %, vous indiquez qu’une partie de la hausse dépend du plafond de l’ARENH, ce qui conduit à une sur-rémunération d’EDF. Vous partez donc du principe qu’on engraisse la louve avec ce système. Mais ne s’agit-il pas plutôt de la laisser tranquille ?

  1. Umberto Berkani. Dans un système classique de régulation des prix réglementés, on ajoute simplement ce qu’on appelle une « marge raisonnable » aux coûts de l’opérateur. Mais, dans le cas présent, une partie assez importante de l’augmentation n’a rien à voir avec l’augmentation des coûts de l’opérateur : si le coût est de 10 et que j’ajoute 0,3 de marge, mais que je facture 11 pour des raisons exogènes, la différence de 0,7 est bien une sur-marge.

Vous avez raison, nous estimons que cette augmentation conduit entre autres à rémunérer davantage EDF. Notre analyse ne juge absolument pas de l’opportunité de cette décision. Bien entendu, les pouvoirs publics peuvent utiliser les tarifs réglementés – ce sont des tarifs réglementés – pour mettre en œuvre des impératifs politiques. On considérera alors que le consommateur – dont j’espère qu’il sera quand même un peu protégé – peut payer un peu plus. Mais il faut le dire ! Or ce n’est pas le cas…

  1. le président Julien Aubert. Parlez-vous des tarifs réglementés ou de l’ARENH ? Affirmez-vous que l’augmentation des tarifs réglementés conduit à une sur-rémunération d’EDF ?

  1. Umberto Berkani. On sait que 60 % de l’augmentation prévue résulte de l’augmentation des coûts d’EDF – incluant sa « marge raisonnable ». Cela signifie que 40 % n’est pas liée à l’augmentation des coûts d’EDF, mais à ceux de l’ARENH et aux conséquences du dépassement de l’ARENH pour les alternatifs.

(Les alternatifs doivent donc acheter plus cher leur électricité sur le marché, et donc ils gagnent moins. En augmentant le TRV, ils pourront augmenter leur prix de vente aux particuliers qui se fait par comparaison avec le tarif règlementé EDF. Voilà pourquoi les alternatifs veulent soit augmenter l’ARENH pour s’abreuver davantage à bas prix au biberon nucléaire, soit augmenter le TRV pour pouvoir vendre eux-mêmes plus cher…, soit faire les deux, et là c’est le jackpot pour eux ! Les Français, on s’en fout un peu dans tout çà…)

  1. le président Julien Aubert. Le dispositif de dépassement de l’ARENH induit selon vous une sur-rémunération pour EDF, c’est bien cela ?

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Si je comprends bien, ce sont les 33 TWh qui n’ont pu être livrés à ses concurrents qui induisent la sur-rémunération d’EDF.

  1. Umberto Berkani. C’est la transposition de ce décalage dans les tarifs réglementés qui a abouti à une sur-rémunération d’EDF. Dans la proposition de tarifs, une partie de l’augmentation est justifiée de la manière suivante : compte tenu du fait que les fournisseurs alternatifs ne vont pas avoir toute l’ARENH qu’ils ont demandé, ils vont devoir acheter de l’énergie sur les marchés de gros dans des conditions dégradées – au dernier moment. Ils vont donc la payer plus cher. Afin que les tarifs réglementés ne soient pas contestables par ces alternatifs, il faut les augmenter.

Cette partie de l’augmentation des tarifs réglementés n’est plus le reflet de l’augmentation des coûts d’EDF, mais des contraintes de coût subies par les concurrents. On les fait subir par transposition aux tarifs réglementés de vente (TRV), et donc aux clients, d’EDF.

La CRE l’indique de façon très transparente dans sa délibération – même si c’est plus complexe d’un point de vue juridique et financier –, en complément des habituels coûts, les tarifs comportent une brique additionnelle : le surcoût lié à la transposition de la situation des concurrents. C’est ce que nous considérons comme un effet d’aubaine pour EDF, qui peut avoir des conséquences positives si on prend le système dans sa globalité. Mais si tel est l’objectif, il suffit de le dire, afin d’en discuter en toute transparence.

  1. le président Julien Aubert. Si les fournisseurs alternatifs avaient remonté la chaîne de valeur et disposaient de leur propre mode de production, l’effet aurait-il été le même ?

  1. Umberto Berkani. Non, effectivement, si leurs capacités de production étaient compétitives.

  1. le président Julien Aubert. Le système tourne en rond.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Ils sont donc tous interdépendants. Dans votre avis, vous écrivez qu’avec ce système, la marge réelle passerait de 3,80 à 7,10 euros par MWh pour les tarifs bleus vendus aux ménages, soit une hausse de 87 %, et de 3,20 à 6,50 euros par MWh pour les tarifs bleus des petits producteurs, soit une hausse de 103 %. Comment passe-t-on de 5,9 % à 103 % d’augmentation pour les professionnels et 87 % pour les particuliers ?

  1. Umberto Berkani. Quand votre marge passe de 3,2 % à 6,5 %, elle augmente de 3,3 points, soit 100 %.

Mme Laure de La Raudière. Dans l’absolu, c’est plus grave ! C’est incroyable : je connais peu d’entreprises où l’on constate de telles hausses !

(mais les français sont riches et il y a encore de la laine à tondre sur leur dos.)

Mme Marie-Noëlle Battistel. Je vais revenir sur l’ARENH.

Finalement, ne demande-t-on pas à l’opérateur historique – et donc un peu à l’État qui détient encore 85 % de son capital – de subventionner des concurrents qui captent des actifs existants sans pour autant investir ? Or ce manque d’investissement amont dans les énergies alternatives a pour conséquence l’absence d’une véritable concurrence et l’échec de la troisième partie du triptyque. Cette situation peut-elle durer ? Si l’on peut considérer qu’elle était nécessaire au début de la mise en concurrence, est-ce encore le cas ? Par le biais des tarifs, ne fait-on finalement pas porter aux consommateurs le subventionnement des concurrents ?

(Mais c’est exactement cela, madame la députée !)

  1. Umberto Berkani. Il y aura des choix à faire. Nous sommes prêts à y être associés, mais je ne peux dès à présent répondre à vos questions.

Ces effets d’aubaine n’étaient pas voulus par les pouvoirs publics, ni à l’origine par les alternatifs, mais ils en ont profité autant qu’ils le pouvaient – c’est le jeu.

(« C’est le jeu ma pauvre Lucette », sauf que ce sont les Français qui perdent et qui paient !)

Vous avez raison, si on réforme, prolonge ou pérennise l’ARENH, cela va forcément changer sa nature, donc ses mécanismes et donc les « trous dans la raquette » que sont les effets d’aubaine. Il n’existe pas vraiment d’autres solutions, sauf à tout arrêter, comme vous le suggérez. Mais cela me semble délicat,

(Certes, mais finissons-en avec ces gabegies incroyables !)

car cela sous-entend que les fournisseurs alternatifs sont responsables de ne pas avoir remonté la chaîne de valeur, ce qui n’est pas le cas.

Mme Marie-Noëlle Battistel. C’est un constat, et vous le faites aussi.

  1. Umberto Berkani. Effectivement, ils ne l’ont pas remontée. Mais nous n’estimons pas qu’ils en sont responsables.

(Alors où sont les responsables ? A la DGEC ? Au gouvernement et au ministère de l’écologie ? Aujourd’hui on ne pend plus en place public (heureusement) mais certains méritent de se retrouver dans un placard !)

D’autres difficultés sont en cause : pour remonter la chaîne de valeur, il faut savoir dans quel type de capacités de production investir. Vous connaissez comme moi les difficultés liées aux discussions en cours dans le secteur de l’hydroélectricité. En outre, y a-t-il des possibilités dans le nucléaire ?

(Ca veut dire quoi ?)

Pour répondre à ces questions, nous devons être clairs sur les perspectives à moyen terme – quitte à ce que ce soit un peu plus tard que 2025 – et nous devons trancher : dans quelles capacités de production les fournisseurs alternatifs pourraient-ils investir de manière compétitive, soit parce la part du nucléaire a diminué, soit parce que les coûts sont plus proches. Dans ce cas, prolonger l’ARENH ou son équivalent pourrait être intéressant.

Si ce n’est pas possible, la décision doit être plus radicale et l’architecture du marché intégralement repensée. Mais c’est là un choix politique global…

(A vous de jouer mesdames et messieurs les députés !)

------------------------------------------ ARRET le 10/05 à 16h55

Mme Marie-Noëlle Battistel. Afin qu'il n’y ait pas d'ambiguïté, je vais reformuler mon constat, qui semblait aussi être le vôtre : ce modèle triptyque avait justement été initié pour permettre aux fournisseurs alternatifs de remonter la chaîne de valeur. Or ils n’y sont pas parvenus. N’est-ce pas que le modèle ne convient pas et ne permet pas cette remontée de la chaîne de valeur ? En conséquence, ne faut-il pas en changer totalement ?

Bien sûr, je n’attends pas de réponse de votre part sur le modèle alternatif. Il ne s’agit pas de porter un jugement de valeur concernant les fournisseurs alternatifs, mais simplement de constater que le modèle choisi n’a pas atteint ses objectifs.

Vous avez évoqué l’hydroélectricité. On avait envisagé une ARENH hydroélectrique – c’est-à-dire la possibilité de donner un volume productible aux fournisseurs alternatifs. Pour le moment, cela n’a pas été mis en œuvre. Au regard de l'échec de l’ARENH, peut-être ne faut-il pas aller dans ce sens, mais plutôt refondre intégralement le modèle, sur la base de la sécurisation, afin que ce bien public serve en premier lieu aux consommateurs, le complément d’énergies renouvelables – hors marché de base – pouvant, lui, être totalement ouvert afin que les fournisseurs alternatifs puissent investir sur les capacités.

  1. Umberto Berkani. Je vous rejoins totalement sur la première remarque. C’est le sens du travail de l'Autorité de la concurrence depuis 2014-2015. La seule nuance – nous l’avons évoqué en début d'audition – c’est l’éventuelle perspective d’une réelle concurrence sur la production à moyen terme par les autres modes de production, dont les coûts se rapprocheraient. Nous ne l’avions pas en tête à l’époque ; il convient donc d’expertiser ce point.

Si ce n'est pas le cas, notre intuition était la bonne dès 2015 : doit-on aller au bout de l’ARENH, ou penser un nouveau système global, avec un objectif en moins ? Il s’agirait toujours de faire bénéficier le consommateur de la compétitivité du parc nucléaire et, plus largement, des capacités de production française, tout en développant une concurrence maximale sur le marché de détail, quelle que soit son architecture – qui dépendra en partie de celle qu'on donnera au marché de gros. Ces deux objectifs – sur les trois que comporte la loi NOME – sont absolument indispensables. Je suis convaincu qu’il faut mettre en place un système qui permettra de tirer tous les bienfaits de la concurrence sur le marché de détail.

Mme Laure de La Raudière. Le schéma que vous avez évoqué se rapproche-t-il d’une forme de service universel d’accès à l’électricité de base produite par les centrales nucléaires, qui serait différent de l’ARENH et obéirait à une réglementation beaucoup plus simple ? On a l’impression que le système actuel, très complexe, prive les opérateurs alternatifs d’une vision suffisante pour investir ; sans prédictibilité, ils ont davantage intérêt à utiliser les marges de manœuvre de fonctionnement qui existent.

  1. Umberto Berkani. Je n’ai évoqué que deux pistes et je suis persuadé qu’il en existe d’autres. Ces systèmes tendent à isoler la production nucléaire du fonctionnement du marché, afin d’éviter qu’elle ne soit touchée par d’éventuelles défaillances.

Dans le premier schéma, l’ensemble des fournisseurs, y compris EDF, accèdent à l’énergie nucléaire et le répliquent dans leur offre aux clients : c’est une forme d’ARENH, mais totalement déplafonnée. Il est inutile de revenir sur les problèmes que cela pose, notamment au regard de la situation d’EDF et du statut actuel des centrales nucléaires.

Le second schéma consiste à isoler, de manière verticale, la production nucléaire, jusqu’à la facture du client. Cette part peut être de 70 %. L’autre part est fournie par un opérateur, qui peut être EDF, avec d’autres types de rémunération.

  1. le président Julien Aubert. Cela ressemble au modèle de la sécurité sociale, avec une base et une complémentaire ; le client choisit sa mutuelle.

  1. Umberto Berkani. En quelque sorte.

Mme Laure de La Raudière. Le problème, c’est que la part de l’énergie de base peut changer. Le premier système est sans doute plus simple à faire évoluer dans le temps.

  1. Umberto Berkani. On peut aussi se dire qu’au fur et à mesure que la part du nucléaire baissera, la part complémentaire augmentera et le marché empiètera davantage sur le fonctionnement. Encore une fois, je mesure mal les difficultés et les conséquences de la mise en place d’un tel système ; je ne doute pas que d’autres auditions permettront de mieux vous renseigner sur la faisabilité de cette proposition.

  1. Vincent Thiébaut. Ce que vous contestez, ce n’est pas tant l’augmentation des tarifs préconisée par la CRE mais la méthode de calcul retenue par la commission. L’augmentation de 5,9 % est due, pour 1,3 %, au dispositif qui assure l'approvisionnement en cas de surproduction, pour 2,4 % au marché et, pour 2,2 % au rationnement de l’ARENH. C’est bien la justification du rationnement de l’ARENH que vous critiquez.

Par ailleurs, quels sont les critères que l’Autorité de la concurrence retient lorsqu’elle évalue la concurrence ? Prenez-vous en compte les critères liés aux problématiques environnementales ?

  1. Umberto Berkani. C’est en effet sur la justification et l’évaluation de la part liée au rationnement de l’ARENH que nous avons émis des doutes, car cela risque de changer le message et les objectifs assignés aux différents outils. Si l’on doit prendre en compte le rationnement, il faut le dire et l’assumer. Mais pourquoi aller dans ce sens, alors que nous nous sommes battus pour maintenir en France les tarifs réglementés de vente de l’électricité, les TRV ?

Votre deuxième question est plus large et j’y répondrai en distinguant deux situations. Dans le cadre d’une procédure contentieuse, lorsqu’il appartient à l’Autorité de la concurrence d'évaluer l'existence d'une pratique anticoncurrentielle – entente ou abus de position dominante –, un motif environnemental peut justifier cette pratique s’il est démontré qu’il existe bien un intérêt pour le consommateur, que ce qui a été fait était proportionné à l'intérêt du consommateur, que la concurrence a néanmoins pu jouer, et qu’il n’existait pas de solution moins restrictive de la concurrence. La démonstration est difficile à mener, mais il est arrivé que ce motif soit retenu.

En rendant des avis, l’Autorité de la concurrence joue aussi un rôle de conseil auprès des pouvoirs publics, et au premier chef, du Gouvernement. Si elle juge qu’un texte est de nature à restreindre la concurrence, elle proposera des aménagements pour que l’objectif d’intérêt général, qui peut être de nature environnementale, puisse être atteint sans que la concurrence soit faussée – il ne s’agit pas de réguler l’intégralité du marché pour que les choses aillent mieux. Elle pourra aussi juger que l’intérêt général ne justifie pas une mesure restrictive de concurrence. Ainsi, sur la réforme ferroviaire, la question était de savoir si le projet industriel, d’intérêt général, justifiait de modifier un système jugé plus concurrentiel.

  1. Anthony Cellier. Vous êtes saisis de l’augmentation des tarifs de l’électricité, très présente dans l’actualité puisque même Mediapart s’y intéresse. Je trouve d’ailleurs savoureux que le président trouve son inspiration dans ce média !

  1. le président Julien Aubert. Je vous remercie de souligner mon ouverture d’esprit.

  1. Anthony Cellier. Ne faudrait-il pas introduire plus de concurrence au sein même de l’ARENH ? Fixer le tarif à 42 euros avait pour objet de faire bénéficier les EnR d’un tarif compétitif, celui de l’électronucléaire. Le président de la CRE nous a expliqué que les prix de production du MWh selon le mode de production, nucléaire ou EnR, se rapprochaient et allaient peut-être bientôt se croiser. L’effet d’aubaine que représente pour les EnR le prix compétitif de l’électronucléaire va se réduire. Faut-il prévoir de moduler l’ARENH dans le temps en fonction des projections faites sur le coût du MWh nucléaire ?

  1. Umberto Berkani. L’Autorité de la concurrence n’est pas en charge du calcul du montant de l’ARENH, mais je crois que c’est une tâche difficile. Moduler le prix ajoutera encore à la complexité.

L’ARENH a été mis en place parce que nous partons du principe que les concurrents doivent avoir accès à une partie de l’énergie produite au tarif du nucléaire pour être compétitifs sur le marché. Dans ce cas, nous répliquons le coût de revient de cette énergie pour EDF. Si l’ARENH n’est plus nécessaire à la compétitivité des concurrents, elle n’a plus lieu d’être.

La modulation que vous proposez consiste, j’imagine, à moduler le prix en fonction de l’utilité réelle pour les fournisseurs alternatifs ?

  1. Anthony Cellier. L’échelle de temps n’est pas tout à fait la même. Le président de la CRE déclarait que le prix des MWh produits par les EnR diminuait considérablement, et allait rejoindre le prix du nucléaire.

Plus le prix de production des EnR va descendre, plus l’effet d’aubaine inhérent à l’utilisation des MWh issus de la production nucléaire va augmenter, au bénéfice des producteurs d’EnR.

  1. Umberto Berkani. Il est très difficile de faire des perspectives. Si la convergence des coûts se vérifie dans les faits, et qu’elle se réalise avant 2025, cela prouvera que le système était bon, et que mis à part quelques ajustements parce que le plafond de 100 TWh n’était pas suffisant et qu’il doit être relevé le temps de passer l’obstacle, il n’y a pas de difficulté.

Dans cette hypothèse, si la modulation que vous imaginez devait se faire au détriment des alternatifs, c'est-à-dire que le prix qui leur serait offert serait de moins en moins attractif à mesure que leur rentabilité ou leur compétitivité augmente, c’est moins le prix qu’il faudrait moduler que le volume.

C’est la solution que nous envisagions, car l’Autorité de la concurrence considérait que ce système était transitoire et temporaire. Si ce n’est pas le cas, alors il est préférable de le dire rapidement, et il faut remettre les choses à plat. Mais si nous considérons bien que ce système est temporaire, il faudra gérer la transition car on ne passe pas de 100 TWh à zéro du jour au lendemain.

Après plusieurs années, la situation n’est plus du tout la même. Tous semblent dire que l’ARENH va se pérenniser, certaines déclarations politiques vont dans le sens d’une continuation de l'ARENH tant que les centrales nucléaires existent. Dans cette hypothèse, toutes les possibilités doivent être envisagées, y compris la hausse du plafond de l’ARENH.

En fonction des hypothèses que l’on formule sur l’évolution de la compétitivité relative des différentes énergies, la donne est complètement changée. Et la CRE est bien mieux placée pour avoir une opinion précise sur la question, je suis bien incapable de le dire, et ce point doit effectivement être tranché de manière claire avant de changer le système.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Parmi les opérateurs alternatifs, quelle est la part des pure players négociants, qui ne font que de l’achat-revente sans produire, et des producteurs-distributeurs qui développent une amélioration de la production ? Quels sont les pourcentages respectifs ?

Par ailleurs, est-ce que l’augmentation de TRV de 5,9 % correspond à un rattrapage des gels de tarifs passés ?

  1. Umberto Berkani. Je n’ai pas les chiffres ni les ordres de grandeur pour répondre à votre première question, mais ces informations doivent figurer dans les observatoires des marchés de la CRE qui retracent quels opérateurs produisent pour quels négociants.

Pour répondre à votre deuxième question, un rattrapage est prévu dans la délibération de la CRE, mais les 5,9 % n’entrent pas en compte. Le rattrapage compense le fait que le tarif, au moins virtuellement, devrait s’appliquer depuis le 1er janvier. Ce n’est pas un rattrapage des tarifs décidés lors des années précédentes, mais du délai de mise en œuvre de la proposition tarifaire. D’ailleurs, nous y faisions référence dans notre avis car il faut vérifier dans quelle proportion se fait le rattrapage, et sur quelle base.

  1. le président Julien Aubert. Vous convenez que les factures d’électricité pour les consommateurs ont augmenté depuis l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité. D’après vous, où est allé cet argent ? Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Des montants très importants ont été prélevés sur les consommateurs par les factures. Ces montants ont-ils compensé des coûts, ou ont-ils été captés par un acteur qui aurait profité de la mauvaise organisation du système de la concurrence ?

  1. Umberto Berkani. Vous mentionnez les tarifs réglementés, ou tous les prix ?

  1. le président Julien Aubert. Le montant de la facture a bondi de 30 à 40 % en dix ans. Donc un client qui payait 100 avant l’ouverture à la concurrence paie maintenant 130. Où est allée la différence, qui représente des dizaines de milliards d’euros ?

  1. Umberto Berkani. Chaque fois que nous comparons une situation avant et après, il convient de faire le raisonnement contrefactuel permettant d’évaluer quelle serait la situation sans ouverture à la concurrence.

Ceci étant dit, une part des sommes que vous mentionnez est allée à EDF, une autre est allée à l’État, et une autre aux opérateurs alternatifs. Une grande partie des tarifs de l’électricité est constituée d’éléments régulés, tels que le TURPE. Sur la partie résiduelle, l’essentiel de l’augmentation de la facture lié au jeu de la concurrence est allé vers EDF et l’État pour l’électricité vendue au tarif réglementé ou aux offres de marché d’EDF, et aux fournisseurs alternatifs et à l’État s’agissant des offres de marché des alternatifs.

Si votre question porte sur la part qui a été affectée aux dividendes, et celle affectée aux investissements, je ne peux pas y répondre.

Jeudi 4 avril 2019

Séance de 14 heures 45

Extraits commentés du compte rendu n° 10

Présidence de M. Julien Aubert, Président

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Naima Idir, présidente de l’Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (ANODE) et directrice des affaires réglementaires et institutionnelles d’ENI Gas & Power France, de M. Emmanuel Soulias, président d’Enercoop, de M. Vincent Maillard, directeur général de Plüm Énergie et de Mme Frédérique Barthélémy, directrice de la communication et des relations institutionnelles de Direct Énergie..

(Beaucoup de commentaires dans cette audition où les erreurs se mêlent aux histoires à dormir debout. Ces "alternatifs" se moquent-ils du monde ?)

  1. le président Julien Aubert. L’Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (ANODE) rassemble la quasi-totalité des entreprises traditionnellement appelées « fournisseurs alternatifs » sur les marchés de l’électricité et du gaz.

Direct Énergie, un acteur désormais racheté par le groupe Total. Vous êtes donc une partie du total !

L’ouverture du marché de l’énergie est une donnée désormais établie en France, puisque dans les dix ans qui ont suivi 2007, les fournisseurs alternatifs avaient conquis près de 25 % des parts de marché des particuliers et 40 % des parts du marché des professionnels.

Le marché du gaz suit une même tendance. Vous nous en préciserez les parts de marché. Il est également intéressant de noter que EDF, producteur et fournisseur historique d’électricité, fournit désormais du gaz à plus de 1,5 million de clients résidentiels. Pour sa part, Engie, héritier de GDF-Suez, joue désormais un rôle non négligeable sur le marché de l’électricité.

Les dérégulations du marché de l’électricité et du gaz restent cependant foncièrement distinctes : le marché du gaz, par exemple, n’est pas régi par un dispositif comparable à celui de l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique (ARENH), créé par la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (NOME), sur laquelle nous avons travaillé ce matin.

Ce système de l’ARENH confère un droit de tirage à prix garantis aux fournisseurs alternatifs sur une partie de la production d’EDF – droit de tirage certes plafonné dans ses volumes mais qui autorise aux fournisseurs alternatifs une latitude favorable dès lors que les prix, qualifiés de « spots », dépassent les 43 euros du mégawattheure (MWh).

Je ne doute pas que vous nous ferez part de vos arguments concernant votre revendication de relever ou peut-être d’abaisser – surprenez-nous ! – le plafond de l’ARENH.

L’ANODE est également en pointe dans la critique du dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE), du moins tel que mis en place, au titre de sa quatrième période, à la suite d’une décision du ministre de l’époque, Mme Ségolène Royal.

La commission d’enquête a pu comprendre que les CEE pèsent désormais de façon sensible – cela reste encore à quantifier – sur les factures d’énergie des ménages.

Enfin, il semble utile à la commission d’enquête de savoir comment certains fournisseurs peuvent proposer des offres d’énergies « vertes » ou encore « 100 % renouvelables ». C’est le cas de la société Enercoop, ici représentée, et qui se conçoit comme « un acteur militant, de statut coopératif », ou encore de Plüm Énergie, également représentée.

Mme Naima Idir, présidente de l’Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (ANODE) et directrice des affaires réglementaires et institutionnelles d’ENI Gas and Power France.

L’association ANODE regroupe les fournisseurs alternatifs de gaz et d’électricité, plus précisément onze fournisseurs de gaz et d’électricité issus d’horizons très divers puisque, parmi nos membres, nous comptons aussi bien des filiales de grands groupes d’origine énergétique comme Total, via Direct Énergie, ou ENI, mais également des filiales d’autres groupes français qui interviennent dans d’autres secteurs comme GreenYellow, filiale du groupe Casino. Citons également Gaz Européen qui est une filiale de Butagaz. Nous comptons également des pure players, tels que Enercoop, Plüm, ekWateur, Énergie d’Ici.

L’ANODE représente entre 80 % et 90 % de l’ensemble des consommateurs qui ont fait le choix de quitter le fournisseur historique et donc de se fournir sur le marché concurrentiel.

Nous sommes également – et c’est un aspect qui nous différencie le plus – l’acteur qui met en avant le facteur « innovation ». Nous développons de nouvelles offres : des offres « vertes », des offres pluriannuelles, des offres indexées, des offres à prix fixe. Nous travaillons sur des offres incitatives à la consommation qui permettent aussi bien le suivi que les effacements de la consommation.

Nous considérons que le plafonnement de l’ARENH ne permet plus au consommateur final d’atteindre l’objectif d’accès et de bénéfices de la compétitivité du nucléaire historique.

(Pourquoi puisque le reste du "nucléaire historique est vendu par EDF ? Le consommateur en profite donc bien aussi)

Cela conduit, de fait, à la hausse des prix de l’électricité pour les consommateurs, qu’ils soient en offre de marché ou au tarif réglementé. Pour redonner du pouvoir d’achat aux Français, une mesure très simple pourrait consister à intégrer, dans la prochaine loi sur l’énergie, un déplafonnement ou tout au moins une élévation du plafond de l’ARENH.

(En quoi cela redonnerait du "pouvoir d'achat aux français ? Il suffit qu'ils restent chez EDF qui vend aussi son électricité nucléaire…)

Aujourd’hui, le dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE) traverse une phase de surchauffe. En 2016, les CEE étaient à 2 euros par MWh cumac. Selon les derniers chiffres ont été publiés par l’administration, ils sont à plus de 9 euros. Parallèlement, leur volume entre la troisième et la quatrième période a doublé. Malgré ce niveau très élevé des prix, l’ensemble des acteurs du dispositif, l’ensemble des obligés, n’atteignent que 45 % de l’obligation, plaçant l’ensemble du système en situation risquée. En effet, si à la fin de la quatrième période, fin 2020, nous n’avons pas atteint l’obligation de 1 600 TWh cumac, nous serons soumis à des pénalités de quinze euros par mégawattheure cumac. Ce coût se retrouvera sur la facture du consommateur.

(Quelqu'un avait-il imaginé qu'il pourrait en être autrement ? Il y a à boire et à manger dans la fabrication souvent artificielle de ces CEE et je soupçonne des malversations nombreuses qui enrichissent des malins sur le dos des consommateurs)

Nous avons été plusieurs, aussi bien représentants des obligés que représentants des consommateurs, à avoir écrit à plusieurs reprises au ministre pour l’alerter. Dernièrement, nous lui avons demandé un allongement d’une année de la quatrième période, sans augmentation de l’obligation, afin de réduire la pression sur le dispositif et se donner légalement le temps d’un bilan pour mettre en parallèle son coût qui, selon les derniers chiffres, soit 9 euros le KWh, s’élève à plus de 4 milliards d’euros par an au regard des bénéfices pour l’ensemble de la collectivité.

(Mais de quels "bénéfices pour la collectivité" parlent-on ?)

Le troisième levier est fiscal. L’énergie est un secteur fortement fiscalisé. D’ailleurs, la fiscalité

(Pour subventionner principalement les EnR même si l'état en profite pour remplir ses caisses au passage…)

est l’un des principaux, voire le seul facteur de hausse du montant des factures des Français au cours des dernières années.

(Cette déclaration d'une spécialiste de la question est très importante ? Il faut la relire… car M. Carenco nous explique benoitement (audition n°8) que ce ne sont pas les taxes qui ont augmenté le prix mais l'augmentation du coût de production !)

Quelques exemples : pour l’électricité, le poids de la fiscalité dans la facture est supérieur à un tiers. Cette proportion était historiquement un tiers « fourniture », un tiers « tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE) » et un tiers « fiscalité ». Désormais, la fiscalité se rapproche progressivement des 40 %. En 2010, la contribution au service public de l’électricité (CSPE) se situait à 4,50 euros le MWh pour atteindre 22,50 euros en 2016.

(Oui, et c'est proprement scandaleux que le Parlement n'est quasiment pas eu son mot à dire !)

  1. le président Julien Aubert. Pouvez-vous nous donner une idée de la facture, pour l’électricité et pour le gaz, afin d’avoir une vue de l’évolution depuis 2010 ? Que veut dire la fin du monopole en termes d’évolution de la facture ?

Mme Naima Idir. Ce sont des éléments que nous vous transmettrons. Nous pouvons déjà vous dire que les tarifs hors taxes (HT) de l’électricité ont été quasiment stables ces dix dernières années pour la partie « fourniture » ;

(Rappel : contrairement à ce qu'a dit M. Carenco…)

le TURPE a augmenté, mais dans une moindre proportion que les taxes qui, elles, ont fortement augmenté. La contribution au service public de l’électricité CSPE, ces dix dernières années, a suivi une hausse de plus de 70 %.

(Il me semble que c'est clair…)

Le gaz a suivi à peu près la même évolution, puisque la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN) était à 1,19 euro du mégawattheure en 2013 pour atteindre 8,45 euros du mégawattheure en 2018. Le taux a donc été multiplié par sept.

(Youpiiii ! Allons y folle farandole… dans le silence complice de l'administration DGEC, CRE,…)

La TIGCN est l’équivalent de la TICPE pour les carburants.

Il faut savoir que l’on souffre d’une accumulation de ces taxes.

(Qui servent à subventionner les EnR que l'ANODE soutient ! Et si l'ANODE "souffre", alors que dire des Français sur lesquels sont répercutées toutes ces taxes et qui paient en bout de chaine ?)

D’une part, cette taxe sur la consommation finale d’électricité ou de gaz vient s’ajouter à d’autres taxes prélevées en amont. La production d’électricité, par exemple, est elle-même soumise à l’impôt forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER). L’acheminement lui-même est assujetti à cet impôt. D’autre part, en aval, il convient d’ajouter la TVA.

Nous considérons que le levier qui consiste à jouer sur les taxes spécifiques à l’énergie est à disposition des pouvoirs publics pour limiter la hausse de l’énergie, voire pour abaisser le montant des factures et le prix pour le consommateur final.

(Oui, mais cela passe par l'arrêt des subventions aux EnR… que l'ANODE promeut !)

Par exemple, on peut imaginer de diminuer le niveau de la CSPE. Une telle baisse n’aurait pas d’impact sur la transition énergétique, puisque la CSPE ne sert plus au financement direct des énergies renouvelables : elle vient alimenter le budget de l’État.

(Erreur : elle sert toujours à alimenter le retard de remboursement des achats obligatoires d'EnR par EDF comme l'indique M. Sylvain Durand dans l'audition n°6)

Rappel de sa déclarartion: "Le dispositif CSPE s'est caractérisé à partir de 2009 par un déficit de compensation chronique pour EDF. La dette, qui a atteint 5,8 milliards d'euros en 2015, a été consolidée dans le déficit public. Son remboursement par l'État a commencé en 2016 et s’achèvera en 2020".

Un autre levier pourrait être utilisé, celui de la TVA. Deux taux différents de TVA s’appliquent : le taux de 5,5 %, qui s’applique à l’abonnement, que ce soit pour le gaz ou l’électricité ; le taux de 20 %, qui s’applique à la part énergie et à la part consommation, là aussi pour le gaz et pour l’électricité. Pour la part « énergie, on pourrait envisager de ramener le taux de 20 % à 10 %.

(Non, car comme l'explique M. ??? ces règles sont fixées par l'Europe)

C’est le cas d’autres sources d’énergie, comme le bois de chauffage qui n’est taxé qu’à 10 %. Une telle baisse aurait un impact sur le budget de l’État, mais pas sur le financement de la transition énergétique. Nous avons procédé à une simulation fondée uniquement sur l’électricité. Ramener le taux de TVA à 10 % sur la part énergie permettrait de réduire le prix de l’électricité de 15 euros par MWh et coûterait environ 1,8 milliard d’euros au budget de l’État.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Vous attribuez aux fournisseurs alternatifs plusieurs effets positifs pour le consommateur qui se traduisent par une transparence sur les mécanismes de l’énergie et des offres plus innovantes.

Mais derrière l’innovation, existe-t-il des gains réels pour les consommateurs ? Parfois, l’innovation peut se réduire à un joli habillage et ne pas se traduire par un vrai progrès. Je voudrais que vous développiez les gains réels pour les usagers.

(Bonne question que beaucoup se pose, Mme la députée…)

Vous indiquiez que la facture d’énergie TTC a augmenté et que cette augmentation a été limitée par votre intervention sur la part fourniture. Pouvez-vous développer ce point ?

S’agissant des CEE, avez-vous des obligations ?

Les onze adhérents de l’association constituent-ils l’ensemble du secteur ?

Enfin, parmi les fournisseurs alternatifs, combien sont à la fois dans la distribution et la production ou purement dans la distribution, dans l’achat-vente de l’énergie ?

Mme Naima Idir. La situation s’est améliorée avec le temps, mais il faut garder à l’esprit le point d’où l’on part. Les activités en monopole sont réalisées par des acteurs en monopole, en particulier la partie raccordement au réseau. Quel que soit le fournisseur, le client bénéficie du même service, de la même qualité de service, il n’y a aucun changement lié au changement de fournisseur.

Les Français ont une très mauvaise connaissance de leur consommation. La majorité d’entre eux ignorent leur consommation annuelle et ne savent pas optimiser leur consommation. Certains d’ailleurs ne se posent pas la question de savoir si certains moments de la journée sont plus propices à la consommation, ce qui leur permettrait de réduire leur facture d’énergie.

("Plus propice" en quoi et pour qui ? Va-t-on réinventer l'eau chaude avec les heures creuses et pleines d'il y a 30 ans ?)

S’ajoutent des mauvaises compréhensions de la facture, concernant notamment la part sur laquelle il est possible de jouer, l’utilisation des taxes payées, l’utilité du TURPE, nous faisons de la pédagogie, mais il est dommage que ce soit au fournisseur de le faire.

(Bien mais EDF pourrait aussi le faire. Il n'y a pas besoin "d'alternatifs" pour ça !)

Elle aurait dû être réalisée par les pouvoirs publics. Aujourd’hui, dix ans après l’ouverture du marché à la concurrence, nous sommes toujours confrontés aux mêmes questions. La crainte de changer de fournisseur demeure, alors même que les règles mises en place apportent toute sécurité au particulier, qui peut changer de fournisseur sans aucun engagement pour la suite s’il n’est pas satisfait. Il en va de même pour les tarifs réglementés, puisque la réglementation donne la possibilité au consommateur de renoncer et de revenir au tarif réglementé, sans aucune contrainte. Les conditions ont été mises en place pour permettre aux Français d’expérimenter la concurrence sans aucun risque ni contrainte, mais, dans la pratique, le passage à l’acte a été très lent, même si l’on constate une amélioration qui va de pair avec le travail de pédagogie mené.

Prenons un exemple, qui a trait à la partie innovation. La France a investi des sommes importantes pour que les distributeurs déploient des compteurs communicants autorisant la remontée d’informations précieuses sur la consommation des Français ; ces données permettent aux consommateurs de mieux maîtriser leur propre consommation.

(J'ai un compteur Linky chez moi (et même Gazpar) et je ne vois pas en quoi et comment il me permet de mieux maîtriser ma consommation, ce que je faisais déjà avant Linky)

Aujourd’hui, les fournisseurs alternatifs jouent un rôle moteur dans l’utilisation et l’exploitation des données issues de ces compteurs pour faire des offres permettant d’exploiter au mieux ces nouveaux outils.

(Ca me semble du grand bla-bla vide de réalité…)

  1. Fabien Choné, directeur général délégué de Direct Énergie. Je reviens d’un mot sur la question du prix, car l’innovation et la diminution du prix sont ce que l’on attend en premier de la concurrence. On entend dire très régulièrement que la concurrence n’a pas fonctionné, puisque les factures ont augmenté.

(Et "on" le voit aussi sur les factures d'électricité et de carburants)

Il convient de rappeler les chiffres. Depuis 2010, la facture a augmenté d’environ 30 %. La CSPE est responsable de près des deux tiers de cette augmentation…

(Dont je rappelle qu'elle servait à financer les subventions aux EnR et que s'y sont dorénavant ajoutés la TICPE, la TICGN, une partie du TURPE, et le CEE)

Des hausses sont liées au TURPE, d’autres aux obligations ajoutées au fournisseur depuis la mise en place des CEE. Vous constaterez – et la CRE pourra vous livrer des chiffres très précis – que la part « fourniture », celle qui relève de la responsabilité des fournisseurs, a baissé en euros constants depuis 2010.

(C'est donc bien que les taxes qui plombent les Français !)

Oui, la concurrence a fait baisser l’ensemble des prix, et pas uniquement les nôtres : également ceux proposés par des opérateurs alternatifs dans le cadre d’un tarif réglementé depuis l’ouverture du marché.

(Il ne faut pas se moquer du monde avec des circonvolutions de langage. Le résultat de tous ce remue ménage des "alternatifs" est bien une hausse massive de la facture pour les Français !)

  1. Vincent Maillard, directeur général de Plüm Énergie. Au-delà du prix, l’enjeu réside dans la diminution de la facture et de la consommation des usagers, tant il est vrai que si nous abaissons les prix et qu’ils consomment davantage, nous aurons perdu ce qui aura été gagné au départ. L’innovation passe par là.

(C'est vraiment se moquer du monde… En attendant, "les usagers" paient beaucoup plus à cause de l'augmentation que la baisse de consommation ne leur fait économiser…)

Nous nous sommes battus pour des offres innovantes qui poussent les clients à réduire leur consommation et qui récompensent cette baisse de consommation. Encore une fois, au-delà de la question des taxes, se pose la question de l’accès aux données.

(Ces gens sont bien inquisiteurs... Les français sont capables de réguler leur consommation si on leur donne des règles claires avec des horaires par exemple. Il n'y a pas besoin d'accéder aux données.)

Quel est l’historique de la consommation d’un client qui prend un abonnement chez Plüm Énergie ? Comment puis-je conseiller un client si je ne dispose que de sa consommation sur six mois alors qu’il faudrait disposer de données portant sur plusieurs années ? Nous nous battons depuis des années contre Enedis pour récupérer ces données, qui permettent de conseiller au mieux le client.

(Prennent-ils les "clients" pour des benêts ? pourquoi veulent-ils vraiment toutes ces données ?)

Des mesures simples pour améliorer la situation sont à prendre. Elles ne portent pas sur des taxes ou sur la création d’un nouveau système, mais sur l’accès aux données – bien sûr, avec le consentement du client. L’innovation va de pair avec un système qui la permet et qui la favorise.

(Mais quelles sont donc ces fameuses innovations secrètes qui vont tout changer ? C'est bien beau de se gargariser avec le mot "innovation", mais derrière, il y a quoi ? Rien que du bla-bla ?)

Pour autant, le système concurrentiel présente des résultats. Nous donnons des récompenses à nos clients, ils sont satisfaits et réduisent leur facture.

(On peut avoir des chiffres de récompenses et de baisses de factures ? Finalement, le client idéal est celui qui ne consomme plus rien et que "Plüm" paye… Un monde merveilleux où les clients ne consomme rien et sont payés ! A qui veut-on faire croire ces fariboles ?)

Je formulerai un commentaire sur la notion de pure player. Nous sommes effectivement un pure player, et ce depuis le début. Il y a une échelle : on ne commence pas par construire des centrales, on commence par réussir son corps de projet qui, pour ce qui nous concerne, passe par l’économie d’énergie et le mieux-consommer.

Peut-être, un jour, adopterons-nous un modèle où nous serons producteurs ou associés à un producteur, mais il est important qu’un fournisseur qui incite son client à réduire sa consommation ne soit pas lui-même intéressé à produire. Si mon client consomme moins, j’achète moins d’énergie. Je ne perds en rien. Si je suis producteur, je deviens productiviste, en contradiction avec l’idée d’accompagner les clients dans la réduction de leur consommation.

(Le jour où les clients n'achètent plus d'énergie sera donc le Graal commercial pour Plüm qui donnerait alors beaucoup de récompense ?... N'avez-vous pas l'impression qu'ils se moquent de vous ?)

  1. le président Julien Aubert. Cela devient difficile avec les CEE. Vous incitez les usagers à ne pas consommer une énergie que vous vendez.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. C’est le paradoxe des CEE !

  1. Vincent Maillard. J’aimerais être éligible à faire valoir mon système en termes de CEE. C’est un sujet que nous aborderons. Peut-être cela permettra-t-il de résoudre certaines questions. À ce jour, le système en place fonctionne, mais n’est pas éligible au système des CEE.

J’insisterai sur un dernier point. Au-delà de la question du marché, une des spécificités françaises réside dans le besoin en pointe. Nombre de débats portent sur les mérites comparés des renouvelables et de l’European Pressurized Reactor (EPR). Ni l’une ni l’autre des deux solutions ne résolvent le problème, qui consiste à fournir la France en période de pointe. On ne construit pas des centrales nucléaires pour fonctionner mille heures par an, mais entre 6 000 et 8 000 heures.

(Et justement, pourquoi pas 100 heures pour certains réacteurs dans le futur ? Ca reviendrait moins cher que cette gabegie de dizaines de milliards d'euros en pure perte !)

Quant aux renouvelables, elles ne participent pas toujours à l’approvisionnement en période de pointe.

(Merci de le rappeler. Or, le consommateur à besoin d'électricité même les jours sans vent et les nuits.)

Mais n’exagérons pas : elles sont parfois présentes.

(Parfois, et pas au niveau souhaité d'où le besoin de production pilotables au gaz ou… nucléaire en double !)

Réduire la consommation en pointe consiste à inciter les clients à baisser leur consommation. On ne réinvente pas la roue ! Les offres EJP ont été créées par EDF dans les années 1980, Tempo en 2000. Cette formule a été totalement abandonnée par le service public. Pourquoi ? Je pose la question, mais je n’y répondrai pas à ce stade.

(C'est dommage…)

Je veux simplement affirmer ce que nous voulons faire en soulignant que des barrières s’y opposent. Bien des mesures sont à entreprendre pour inciter et permettre aux clients d’innover, y compris sur les offres qui incitent les clients à réduire leur consommation au moment où le système énergétique est le plus tendu et où les risques de coupure et de black-out sont les plus importants.

  1. le président Julien Aubert. Pourquoi avoir supprimé Tempo?

  1. Vincent Maillard. Tempo n’est pas supprimé, il existe encore pour les clients résidentiels.

  1. le président Julien Aubert. Je reformule : vous avez posé une question en ajoutant que vous n’y répondriez pas. Je vous propose de vous poser la question afin que vous y répondiez !

  1. Vincent Maillard. L’offre « effacement des jours de pointe » (EJP) a été créée dans les années 1980, au moment où se posaient des problèmes de développement du chauffage électrique et une alimentation nucléaire qui couvrait les besoins de base. Il fallait répondre aux besoins en pointe. On a inventé un système intelligent, l’EJP, qui était une formule très novatrice.

De nombreux débats ont porté sur les avantages et les inconvénients du chauffage électrique. Personnellement, je suis un grand adversaire du chauffage électrique, qui crée des situations de pointe et de nombreux problèmes.

EDF était très favorable au chauffage électrique et l’est encore. Pour répondre à la question du chauffage électrique, il a créé Tempo, fondé sur un principe de saisonnalité, les clients payant plus en hiver qu’en été. Cette formule présentait l’avantage de refléter les coûts. Le biais, c’est que Tempo n’était pas obligatoire et n’a pas été imposé à tout le monde, avec une conséquence : EDF ne l’a pas développé. Consultez le site d’EDF et trouvez l’offre Tempo, appelez un centre-clients et voyez s’il le propose. Il faut leur poser la question. Je n’ai pas la réponse, j’ai une interprétation. Je constate simplement que la formule n’est pas favorisée.

  1. le président Julien Aubert. Ne vous arrêtez pas en si bon chemin : livrez-nous votre interprétation !

  1. Vincent Maillard. EDF n’y a pas intérêt. Il veut toujours développer le chauffage électrique, mais il ne veut pas résoudre les périodes de pointe par la demande, il veut la traiter par l’offre. Il veut un système de capacité qui rapporte une rémunération, et non un système qui réduirait ses revenus.

(Ce faisant, EDF s'est tirée une balle dans le pied à vouloir trop tirer sur le consommateur…)

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Je commencerai par une question qui fâche en évoquant un article, paru le 28 septembre dernier, suite au classement par l’organisation Greenpeace des meilleurs fournisseurs d’électricité « verte ».

Pouvez-nous nous éclairer sur les garanties d’origine ? L’article explique : « Les fournisseurs se contentent généralement d’acheter un certificat dit de garantie d’origine qui atteste qu’une quantité équivalente d’électricité renouvelable à celle qui a été vendue au client a bien été injectée dans le réseau d’électricité en France ou ailleurs en Europe. Cela signifie qu’un fournisseur d’offre verte peut se contenter d’acheter de l’électricité produite dans une centrale à charbon ou nucléaire du moment qu’il achète aussi un certificat Vert, critique l’ONG ». J’aimerais que vous nous éclairiez sur cet article qui est quelque peu à charge.

  1. Vincent Maillard. Nous avons choisi comme priorité l’économie d’énergie et l’accompagnement du consommateur. Nous n’avions pas indiqué notre priorité au moment de notre lancement. Or, ce classement porte sur Plüm Énergie au moment de son lancement. Nous comptions alors moins de mille clients – c’était vraiment le début. J’espère qu’un jour nous rejoindrons Enercoop. Et Enercoop reconnaîtra que nous pouvons faire encore mieux que ce qu’il fait aujourd’hui. Il reste encore beaucoup à faire – effectivement !

  1. Fabien Choné. Nous contestons la méthode, notamment parce que le rachat de Direct Énergie par le groupe Total a massivement plombé sa note. Nous trouvons cela vraiment dommage parce que le groupe Direct Énergie, avant le rachat par Total – c’est encore vrai depuis le rachat – investit massivement dans les énergies renouvelables.

(Grace à l'argent des contribuables "taxpayeurs" qui ne vous en félicitent pas !)

Nous investissons plus de 200 millions d’euros dans les énergies nouvelles tous les ans, et ce depuis un moment déjà, et nous prévoyons de continuer au cours des trois ans qui viennent. Il est donc un peu dommage d’attribuer une note aussi mauvaise à un opérateur qui est aussi allant dans le domaine des énergies renouvelables.

(Et quel est l'objectif recherché ? Pomper un maximum de subventions ?)

Je trouve également dommage que, l’entreprise Direct Énergie étant devenue une filiale de Total, on considère que Direct Énergie est forcément très mauvais parce que l’on juge son action en fonction de celle du reste du groupe dans le secteur de l’énergie.

Au moment où Total décide de changer radicalement sa stratégie pour devenir un acteur responsable majeur, décarbonant significativement son activité, on continue de lui taper dessus.

(Il faudrait que Total investissent "massivement" dans le nucléaire décarboné…)

On considère que son activité historique ne plaide pas en sa faveur et que, de toute façon, quoi que fasse Total, il sera le dernier de la classe. C’est dommage, car c’est un très mauvais signal envoyé à ce groupe et une très mauvaise information adressée aux consommateurs qui pourraient choisir les offres « vertes » du groupe, qui fait beaucoup d’efforts pour progresser dans le sens de la transition énergétique.

(Ce n'est peut-être pas la bonne stratégie ?... A moins de courir aussi à la bonne soupe aux subventions ?)

J’en viens à la question des garanties d’origine, une vraie question que vous posez en de très bons termes. Le système électrique est ainsi fait que vous ne savez jamais ce que vous achetez, sauf s’il existe une ligne directe entre le producteur et le consommateur. Cela existe parfois, mais ce n’est pas une généralité en Europe. Vous achetez toujours un pot commun d’électricité que l’on appelle « grise ».

La seule manière d’aider la traçabilité de la production d’énergie renouvelable passe par la création du système des garanties d’origine. Cela ne signifie pas que le système soit parfait. En théorie, un marché qui fonctionne correctement permet un prix d’équilibre entre les garanties d’origine disponibles et les consommateurs qui sont prêts à payer un peu plus pour avoir de l’électricité réputée verte. Voilà pour la théorie. Dans les faits, cela ne marche pas très bien, parce que ces garanties d’origine émanent de l’Union européenne, alors que les réglementations, notamment en matière d’énergie verte, se décident au niveau national. Mais les énergies vertes ne sont pas seules à poser question. Pour atteindre un équilibre entre l’offre et la demande, les marchés doivent être ouverts. Il faudrait que le marché soit correctement organisé pour que le fournisseur puisse se développer loyalement et sainement, ce qui n’est pas du tout le cas en France, notamment avec la persistance des tarifs réglementés qui posent de multiples problèmes. Vous en avez débattu ce matin, peut-être y reviendra-t-on cet après-midi.

Pour l’ensemble de ces raisons, on peut critiquer le dispositif. En théorie, il peut fonctionner. Mais au lieu de critiquer le dispositif, on devrait plutôt essayer de résoudre les problématiques qui empêchent ce dispositif d’être totalement satisfaisant.

(On crée des "problématiques" et ensuite "on" se plaint qu'il faut les résoudre… Et si on abandonnait toute cette usine à gaz inutile et ruineuse ?)

Mme Naima Idir. Je le dis avec conviction, critiquer les garanties d’origine est un mauvais procès qu’on leur fait, car ces garanties d’origine sont destinées à tracer la production de renouvelables.

(Et de financer le racket institutionnel des EnR qui augmente la facture du consommateur… ce dont se plaint aussi Mme Idir !)

Nous considérons que le développement massif des renouvelables nécessite un dispositif de traçage comme le sont les garanties d’origine. Encore une fois, c’est un mauvais procès qui leur est fait.

(Evidemment, ces certificats sont à la base du business des alternatifs pour proposer de l'électricité dite "verte" en payant le racket des producteurs d'électricité principalement éoliennes et PV).

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Pour faire son classement, Greenpeace s’est focalisé sur un prisme unique, celui du développement des EnR, alors qu’en réalité le système concurrentiel permet d’améliorer plusieurs volets à la fois : efficacité énergétique, développement des renouvelables, baisse des coûts grâce à des offres innovantes. Est-ce bien cela ?

(C'est ce qui est déclaré mais ce n'est pas ce qui arrive. Les prix augmentent dangereusement pour alimenter une maffia verte.)

Mme Naima Idir. Oui.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Nous reconnaissons la dynamique impulsée par les fournisseurs alternatifs s’agissant des offres tarifaires, mais également de toutes les innovations, telles que l’effacement – entre autres.

(Effacement qu'EDF pratiquait il y a 30 ans. Belle innovation ! Pourrait-on en citer d'autres plus convaincantes ?)

Je crois que nous nous accordons sur ce constat, et nous vous en remercions.

Ce matin, un débat assez long a porté sur la question de l’ARENH et particulièrement sur la construction de ce modèle, qui repose à l’origine sur trois objectifs, dont le dernier consistait à remonter la chaîne de valeur. Nous avons d’ailleurs dû nous y reprendre à plusieurs reprises, nos interventions n’étaient pas forcément comprises de prime abord.

Nous constatons que ce dispositif a échoué, puisque la remontée de la chaîne de valeur, donc la transformation ou l’investissement des fournisseurs alternatifs dans les renouvelables, n’a pas été au rendez-vous. Il s’agit d’un constat, non d’un jugement. Nous nous interrogeons aujourd’hui sur les raisons de cet état de fait.

Monsieur Maillard, vous nous avez sans doute livré une partie de la réponse en disant que telle n’était pas votre vocation première et que vous préfériez être seulement fournisseur plutôt que producteur et fournisseur. Si tel est le cas, le troisième pied de ce triptyque n’était pas l’objectif à mettre en place. Vous préférez rester fournisseur alternatif et ne pas investir sur le marché des renouvelables. Mais peut-être n’avez-vous tous simplement pas eu le temps de le faire et votre objectif sera-t-il celui-là demain. La réponse n’est pas la même pour chacun d’entre vous, les objectifs non plus. Aussi, vos réponses nous éclaireront sur l’avenir de l’ARENH.

J’ai bien entendu que vous demandiez l’augmentation de son plafond. À un moment donné, il n’a pas pu être répondu suffisamment à vos demandes. Considérez-vous aujourd’hui que ce modèle triptyque soit un bon modèle, ou faut-il le modifier et, si oui, dans quel sens ?

  1. Fabien Choné. Je m’inscris en faux contre l’idée d’un échec de l’ARENH. Ceux qui l’affirment ont d’autres visées que celle d’analyser loyalement l’ARENH.

Trois objectifs lui étaient assignés : premièrement, la compétitivité rendue aux consommateurs. Il s’agissait d’une inquiétude au moment de la loi NOME : l’électricité nucléaire qui serait vendue aux fournisseurs serait-elle bien rendue aux consommateurs ?

(C'est idiot puisque EDF le faisait déjà. Et qu'en faire sinon "le rendre" (comprendre "le vendre") aux consommateurs ?)

Tout le monde reconnaît que cela a bien fonctionné.

(Ah bon ? c'est le contraire puisque la facture a augmenté à cause des taxes pour payer en grande partie les renouvelables et les alternatifs…)

Deuxièmement, cela allait-il permettre de développer la concurrence ? Insuffisamment, à notre goût, mais cela a permis de relancer le développement commercial de Direct Énergie. Juste avant la création de l’ARENH, la situation économique était telle que nous avions arrêté notre développement commercial. L’ARENH a permis de relancer l’activité de fourniture au détail en aval. Force est de constater que, depuis sa mise en œuvre, le nombre de concurrents a augmenté. Ce point ne fait donc aucun doute.

(Exact, mais la concurrence était juste un objectif en lui-même où bien était-ce sensé faire baisser les prix pour "l'usager" ?)

Le dernier objectif était l’incitation à la production. Le fait d’être producteur peut être intéressant, peut être un droit, mais ne doit pas être une obligation. Il ne faut pas oublier que la production et la fourniture sont deux activités totalement dissociées. Je tiens à préciser une chose : la production peut soulever nombre de sujets un peu techniques et complexes de mise en œuvre de la concurrence : autour de la spécificité du nucléaire, autour des renouvelables, qui sont des filières subventionnées,

(C'est bien de le dire…)

autour des concessions hydroélectriques ou encore autour de la question de la sécurité de l’approvisionnement, qui est un bien public.

(Oui. Et les éoliennes sont importés et les PV aussi (de Chine). Bravo pour la sécurité d'approvisionnement)

Tout cela fait que la concurrence dans la production est certes un peu compliquée, mais que, dans la fourniture, ce devrait être très simple et immédiatement bénéfique au consommateur, à la fois en termes de prix – même si la part fourniture dans le tarif n’est pas prépondérante –, mais également en termes d’innovation.

(Innovation, innovation.. ils ne parlent que de ça sans que personne ne sache où elle est !)

Dire que l’ARENH n’a pas incité les opérateurs à investir dans la production, en tout cas pour ce qui nous concerne, est radicalement faux. Grâce à l’ARENH, nous avons pu relancer notre développement commercial et lancer une stratégie d’intégration vers l’amont qui nous a permis d’atteindre plus de 800 MW de production d’énergies renouvelables. Nous investissons 200 millions d’euros dans des énergies renouvelables par an actuellement. Nous avons pu également nous lancer dans la production d’électricité à partir de gaz avec des cycles combiné gaz. Nous disposons aujourd’hui de trois cycles combinés gaz, un quatrième est en projet à Landivisiau, qui représente un investissement de 450 millions d’euros.

(Bravo mais je croyais "bêtement" qu'il fallait décarboner la production d'énergie pour consommer moins de gaz. Ce n'est plus l'objectif ?)

Ne serait-ce qu’en termes d’investissement pour les trois prochaines années, le groupe investira plus d’un milliard d’euros dans les éléments liés à la transition énergétique : le renouvelable et les cycles combinés gaz qui, grâce à leur flexibilité, garantissent la sécurité de l’approvisionnement.

(Que les renouvelables fragilisent.. La boucle est bouclée)

Tout cela est rendu possible par l’ARENH. Dès lors, affirmer que l’ARENH n’a pas fonctionné est un peu étonnant.

Qu’est-ce qui, éventuellement, n’aurait pas fonctionné dans les investissements qu’on attendait suite à la création de l’ARENH ?

S’agissant des concessions hydroélectriques, ce n’est pas à vous que je dirai, madame Battistel, pourquoi nous n’avons pas le droit d’investir dedans. J’ajoute « malheureusement » dans la mesure où nous avions des projets intéressants pour augmenter le productible des concessions en faveur de la collectivité.

(Et peut-on savoir lesquels ? EDF pourrait peut-être s'en charger ?...)

Je vous rappelle qu’il est prévu de rendre à la collectivité le bénéfice des concessions électriques,

(Mais en quoi est-ce "rendre à la collectivité" ce qu'elle possède déjà en le vendant à des "alternatifs" privés ?)

ce qu’on appelle la rente hydroélectrique, via une redevance, de la même manière que l’on rend l’avantage de l’ARENH au dispositif ARENH.

Il y a le nucléaire mais le nucléaire est un monopole en France. Nous ne pouvons pas investir dans le nucléaire et quand bien même le pourrions-nous, je ne suis pas certain que ce serait aisé !

Dire aujourd’hui que l’ARENH n’a pas rempli ses trois objectifs, de notre point de vue, est totalement faux. On ne peut pas entendre cela !

(Et pourtant…)

Mme Marie-Noëlle Battistel. Nous voulons également étudier les éventuels freins qui n’ont pas permis d’atteindre cet objectif.

Peut-être existe-t-il des freins autres ou alors il était erroné d’attendre un tel investissement de votre part au lancement du dispositif. Telle est la question que nous nous sommes posée. En partant du constat, nous nous sommes demandé si la construction de ce modèle était à l’origine d’objectifs intéressants et importants, mais peut-être n’était-ce pas les bons. Peut-être aurait-il fallu les considérer différemment. Tels sont le sujet et l’enjeu.

  1. Fabien Choné. Investir dans la production est un acte très capitalistique et pour asseoir un investissement dans la production, il faut également avoir une activité déjà ancienne.

Je me trompe peut-être, mais, à mon avis, au moment de la mise en œuvre de l’ARENH, les opérateurs qui en ont profité étaient, pour l’essentiel, Direct Énergie et Engie, qui, tous les deux, ont développé des investissements très importants en moyens de production, renouvelables ou hors renouvelables, dans le cadre de la transition énergétique.

(Moyens de productions renouvelables inutiles venat faire doublon avec l'existantet, pire, désorganisant son fonctionnement…)

Je pense notamment aux combinés gaz puisque Engie a également investi dans ce domaine.

(Pour émettre moins de CO2 et importer moins de gaz pour la sécurité énergétique ?)

Personnellement, j’espère que les nouveaux entrants auront les moyens de développer eux-mêmes des moyens de production, notamment renouvelables, Même ceux qui ne développent pas des moyens de production en propre, lient, en général, des partenariats avec des producteurs qui leur permettent de se développer et d’investir, mais peut-être que mes voisins pourront en parler mieux que moi.

  1. Vincent Maillard. Dans notre modèle, nous sommes trop confortables pour dire que si le client consomme moins, cela ne nous impacte pas, puisque nous achèterons moins sur le marché.

(Puisque c'est leur métier, à force de "moins vendre" et de "moins acheter", ils vont disparaître tout seul…)

Nous avons un alignement des intérêts du client et de nous-mêmes à les accompagner dans la réduction de leur consommation, et plus généralement dans le « mieux-consommer ». Cela ne signifie pas que nous ne déciderons pas, à un moment donné, de produire, ou plus exactement de rechercher un partenaire producteur pour travailler avec lui dans la durée. Mais cela revient à la façon d’organiser l’aide au développement des énergies renouvelables.

Aujourd’hui, toutes les énergies renouvelables se développent grâce à un régime d’aide, que ce soit sous la forme d’un complément de rémunération, d’une obligation d’achat ou d’appels d’offres.

(Oui, et ça nous coûte cher)

Seules les productions très anciennes peuvent sortir de ce système. Mais pour développer de nouvelles installations, par définition, on doit faire du nouveau.

Si, en tant que fournisseur seul, nous voulions nous associer à un producteur, il conviendrait que celui-ci sorte du système de subventions. Sans quoi, il n’aurait pas besoin de nous ; sans subventions, nul besoin de travailler avec un fournisseur pour récupérer une subvention et développer un projet éolien ou photovoltaïque.

(Oui. L'esprit de monsieur de Lapalisse plane au dessus de cette évidence…)

Si un producteur veut s’allier avec un fournisseur, d’autres questions se posent, parce que c’est la double peine. Il ne récupérera pas la subvention du système de complément de rémunération et devra payer, via le fournisseur, la CSPE. C’est un problème qu’il conviendra de soulever à un moment ou à un autre. Peut-être ce modèle devrait-il être pensé dans la durée.

(Ou peut-être faudrait-il penser à le supprimer pour supprimer le "problème" ?)

Comment accompagner des fournisseurs qui souhaitent s’allier à un producteur, dans un modèle plus intégré ? Encore une fois, nous ne chercherons pas des intégrations à cent pour cent. Nous restons dans l’idée que nos intérêts doivent être alignés sur ceux des clients et ne pas trop verser « du côté productiviste de la force », si je puis dire.

(Parce que l'intérêt du client ne serait pas dans une production bon marché ?... Sans production, il est sûr que le "problème" sera résolu ! Comment peut-on dire autant de bêtises devant votre assemblée ?)

  1. Emmanuel Soulias, président d’Enercoop.

Madame Battistel, vous nous avez interrogés sur notre capacité à nous porter sur la phase de la production, en amont. C’est un souhait d’Enercoop, cela fait partie de son projet. Nous sommes un peu atypiques dans le sens où nous n’avons pas de lien direct avec l’ARENH, puisque nous n’avons pas passé de contrat.

(Effectivement c'est atypique puisque tout les autres alternatifs se ruent dessus quand le prix du marché grimpe)

La conséquence, c’est que nos tarifs sont un tout petit peu plus élevés, mais les clients qui viennent chez nous le font en connaissance de cause.

(Libre à eux et c'est très bien puisqu'ils le font volontairement.)

C’est une vertu de la diversité des offres et de la transparence du cycle de vie de production, de la distribution et de la fourniture d’électricité. Chacun choisit son fournisseur en conséquence et en libre choix en fonction du sens qu’il veut donner à son acte de consommation. Il est important de le rappeler.

(Très bien mais il ne faudrait pas que ce "modèle" imposé deviennent ruineux pour tout le monde, surtout pour ceux qui ne demandent rien !)

Le modèle que nous avons choisi incite les citoyens à investir dans les moyens de production : les citoyens en tant que tels, les citoyens regroupés en coopérative, en association, les citoyens constitués en société d’économie mixte, au travers de collectivités.

(S'ils le font avec leur argent sans que cela ne coute rien aux autres, alors très bien…)

Nous sommes convaincus que la transition énergétique se décide sur les territoires, et elle ne se fera que si les citoyens agissent en pleine conscience sur le financement, sur la gouvernance et sur le cycle de vie de l’énergie de manière globale. Nous nous appuyons en contrat direct avec 240 producteurs qui ne nous appartiennent pas mais qui signent des contrats à moyen et long terme avec nous. La durée moyenne des contrats est de quatre ans. Nous essayons de fonctionner le plus possible avec eux dans une démarche de commerce équitable,

(Mais ce n'est pas équitable du tout, car c'est toute la collectivité qui finance ces bizarreries qui se désolidarisent d'une production centralisée qui, elle, est équitable et solidaire !)

c’est-à-dire de ne pas rémunérer uniquement au prix du marché, mais de donner une plus-value à une dimension citoyenne, à une dimension locale, à une dimension de rénovation des installations. Voilà pour le premier élément.

Second élément, avec d’autres acteurs, nous avons contribué à la création d’une structure qui s’appelle « Énergie partagée » et qui incite les citoyens à investir directement dans les moyens de production et à participer à la gouvernance de ces moyens de production. Le fait est important à deux titres : d’abord, en termes d’acceptabilité sociale des énergies renouvelables.

(Et si on faisait pareil avec l'énergie nucléaire ? J'ai demandé à EDF qui voulait me fournir en "100% renouvelables" de me fournir, au contraire, en "100% nucléaire". Je n'ai jamais eu de réponse…)

Nous pourrons faire un focus sur l’éolien. Mais de manière générale sur cette question de la transition, l’acceptabilité sociale dans les territoires passe par l’implication financière et la gouvernance des citoyens dans les projets qui sont développés : qui vient s’installer ici ? Quel est le modèle économique ? Quel est le profit généré, à qui profite-t-il ? Ce sont des questions qui se posent et qui peuvent être des freins à l’essor et au développement des énergies renouvelables.

(Suggestion: faire de même pour le nucléaire !)

La troisième question est celle de la fiscalité autour de la dimension participative et d’investissement citoyen dans les énergies renouvelables. Nous considérons que l’État, au travers notamment de dispositions fiscales ad hoc, pourrait inciter à un investissement dans des actifs durables, un investissement bon pour la planète, bon pour la créance et la création d’emplois dans les territoires. L’État pourrait fiscalement soutenir ces investissements, longs et moyens, des citoyens.

(Excellent pour le nucléaire qui coche tous les critères précités !)

  1. le président Julien Aubert. En quoi investir dans les renouvelables est-il bon pour la planète ? Le président de la CRE nous a expliqué que cela n’avait strictement aucun rapport avec le CO2.

  1. Emmanuel Soulias. La planète ne se limite pas à la question du CO2. On trouve les enjeux environnementaux d’un côté, les enjeux du changement climatique ou des dérèglements climatiques de l’autre. Il ne faut pas réduire cela uniquement au CO2. L’approche décarbonée est large. D’autres impacts touchent à l’amont, pendant la phase de production et d’exploitation et pendant la phase de recyclage.

Les énergies renouvelables, je suis un peu surpris de votre question, monsieur le président, s’appuient sur une source qui a priori est inépuisable, peu chère, qui est le vent, le soleil, l’eau, et sur les processus de dégradation et de méthanisation. La source en elle-même est inépuisable et non polluante. Une fois dit cela, il faut convenir du fait que tout est polluant. Pour exploiter ces sources et faire marcher des turbines, il faut développer des équipements divers et variés qui peuvent s’appuyer sur des ressources, qui sont, de manière générale, moins polluantes à l’usage, en amont et en aval, que certaines technologies, telles que le fioul, le gaz, le charbon et, dans une certaine mesure, le nucléaire.

(Il faudrait le prouver et beaucoup pensent le contraire…)

https://www.contrepoints.org/2015/07/05/209752-eolien-les-dessous-nauseabonds-des-filles-deole

https://www.contrepoints.org/2016/01/08/234983-eolien-vent-nest-pas-ecologique

  1. le Président Julien Aubert. On parlera un jour du charbon de bois et du silicium.

Mme Naima Idir. Un dernier complément sur le sujet des investissements. Nous sommes venus à quatre, l’objectif étant de partager la diversité de ce que l’on entend par « fournisseur alternatif ».

ENI, dans son ADN, est un acteur qui se rapproche de Total. ENI a largement contribué à la sécurité d’approvisionnement et à la diversification du sourcing pour le gaz. Il est arrivé il y a plus de dix ans sur la partie fourniture d’énergie par la fourniture de gaz.

(Je trouve qu'on parle beaucoup de gaz (de schiste ?) pour sauver la planète…)

https://www.contrepoints.org/2019/05/03/343249-transition-energetique-et-le-grand-gagnant-est-le-gaz

La société s’est lancée sur le marché de l’électricité à la mi-2017. Son arrivée sur le marché électricité est donc récente. À l’instar de Total, les objectifs du groupe sont très volontaristes en termes de production d’énergie renouvelable. Nous sommes en discussions avec le groupe pour nous assurer qu’il choisira de consacrer une partie de ce son budget à des projets en France. Nous pensons qu’il est important d’avoir une réglementation en France et de donner des signaux pour attirer les investissements des acteurs européens. Pour cela, le marché français de l’énergie doit être suffisamment attractif, il ne doit pas être fermé. Ses règles ne doivent pas conduire à des distorsions de concurrence entre acteurs pour permettre à l’ensemble des investisseurs, notamment européens, d’investir sur le marché français.

  1. Vincent Thiébaut. L’objectif de l’ARENH doit vous permettre d’accéder au marché concurrentiel.

Vous dites que vous réinvestissez 3 milliards d’euros dans la transition énergétique. Cela ne signifie-t-il pas que le dispositif arrive à maturité puisqu’il vous permet de reverser trois milliards à la transition énergétique ? Mon propos n’a pas valeur de jugement, je m’interroge.

J’en viens à ma seconde question, qui reprend votre très intéressant propos, monsieur Soulias. Moi aussi, je crois beaucoup à la participation citoyenne et à la définition du bon périmètre des politiques nationales énergétiques. Je crois à la territorialisation des politiques énergétiques.

Aujourd’hui, en voulant être dans un cadre national un peu trop contraint, ne bride-t-on pas ce type d’initiatives qui sont très pertinentes du point de vue local, notamment sur certains territoires qui présentent des spécificités et qui sont plus en cohérence avec les renouvelables que d’autres ?

(En tout cas je suis "bridé" pour acheter de l'électricité "100% nucléaire"…)

  1. Fabien Choné. Pour répondre à votre première question sur les investissements, je précise qu’il s’agit d’un milliard d’euros par an sur les trois prochaines années et non de 3 milliards par an.

Les énergies électriques ne sont pas toutes substituables les unes aux autres. Le nucléaire, les énergies renouvelables, la production d’électricité – avec des cycles à partir de gaz et des cycles combinés gaz –, les centrales hydroélectriques ont toutes une fonction spécifique dans le mix électrique. Certaines sont dispatchables, les autres intermittentes.

(Hélas oui…)

Certaines fonctionnent en base, d’autres en pointe, toutes ont un rôle à jouer. Aujourd’hui, nous investissons dans des moyens de production qui sont complémentaires au nucléaire mais qui ne remplacent pas le nucléaire, en tout cas pas significativement dans le mix énergétique d’aujourd’hui.

(Exact, et c'est pour cela que ces "doublons" coutent si cher. Ils s'ajoutent mais ne remplacent pas !)

Le constat qui porte sur la nécessité d’un accès régulé à l’énergie nucléaire historique de 2010 est encore valable aujourd’hui. Tout le monde le dit. L’approvisionnement est proportionné à la part du nucléaire dans le mix. Il est aujourd’hui un peu en dessous de 70 % ; en 2035, il avoisinera les 50 %, mais nous aurons encore besoin d’ARENH, et il sera à 50 % en 2035 parce que le nucléaire ne peut être remplacé par l’ensemble de ces autres technologies, notamment d’un point de vue économique, tout cela étant lié à l’économie de la filière.

  1. Emmanuel Soulias. Oui, les territoires c’est important parce que l’on ne produit pas et que l’on ne consomme pas l’énergie de la même manière selon que l’on habite les Hauts-de-France ou la Nouvelle-Aquitaine.

(Pour les particuliers ? Ah bon ? En quoi est-ce important ?)

Le débat public sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui a été organisé par la Commission nationale du débat public (CNDP), a montré que les Français sont très attachés à la dimension locale et aux circuits courts.

(Ah bon ? Pas pour l'électricité ! Ce qui les intéressent surtout, pour la grande majorité, c'est d'avoir de l'électricité quand ils en ont besoin au moindre coût ! C'est le prix qui les intéresse et c'est la communauté d'équipement qui est social et solidaire.)

Ils veulent être informés sur l’énergie, comme sur leur alimentation ou d’autres biens de consommation courants. Ils veulent savoir comment elle a été produite, par qui, où, en privilégiant le lien local.

(Non. C'est faux. La plupart s'en moque pour l'énergie. Le gaz vient de loin et personne ne veut l'extraire à coté de chez lui !... Surtout par fracturation. )

C’est la raison pour laquelle Enercoop s’est organisée en coopératives locales. Nous disposons d’un réseau de coopératives avec cette volonté, à terme, d’organiser des circuits courts entre les producteurs et les consommateurs. Nous voulons apporter un plus. C’est le cas de certains membres de l’ANODE qui ont choisi la dimension locale en créant un lien le plus direct possible entre des producteurs et des consommateurs. Nous y croyons fortement. Il faudrait que les politiques publiques incitent à cette spécification ou à cette liberté par territoire.

Les collectivités également sont très demandeuses. Nous travaillons beaucoup avec des sociétés d’économie mixte ou des collectivités qui sont très demandeuses de traçabilité ou d’histoires à raconter autour de la production et de la fourniture d’électricité.

(Il faut bien faire de l'affichage vert pour l'image (Greenwashing) en s'acquittant du racket des écologistes…)

Mme Naima Idir. La transition énergétique sera un succès si on laisse s’exprimer les différentes approches dans sa dimension européenne, nationale et locale.

(C'est pour l'instant un fiasco pour les France et l'Europe.. et ce n'est malheureusement qu'un début)

Pour aller dans le sens que j’ai exposé sur les garanties d’origine, je pense qu’on y arrivera, notamment sur la partie renouvelable, si nous parvenons à concilier, d’une part, une approche locale, directe avec un certain nombre de Français qui sont volontaires et qui sont prêts à payer une énergie un peu plus chère parce qu’ils sont animés de convictions ; d’autre part, une approche plus large, qui permet de développer des renouvelables en maintenant les moyens de traçabilité et en donnant la possibilité aux Français de participer à cette démarche un peu plus globale.

(Pour ceux qui veulent, bien. Les autres en ont "marre" de se faire faire les poches "légalement" !)

Mme Marie-Noëlle Battistel. Je reviens à la territorialisation de la production. Dans ce contexte, auquel je ne suis pas défavorable, bien au contraire, comment envisagez-vous l’articulation entre la production centralisée et la production décentralisée ? On peut dire que le système centralisé est l’assurantiel de la production décentralisée, mais on pourrait tout aussi bien dire, à l’inverse, que le système décentralisé peut être, par moments, l’assurantiel de la production centralisée. Comment anticiper cette articulation ?

  1. Fabien Choné. Vous avez raison de noter que le système électrique est massivement en train de se décentraliser.

(Ah bon ? C'est 5%...)

C’est vrai du point de vue de la production. Nous ne pourrons atteindre nos objectifs en matière de transition énergétique que si nous développons la production renouvelable, y compris de manière très décentralisée, et quand je dis « décentralisée » c’est au sein même de l’installation électrique des consommateurs – je parle d’autoconsommation.

(Et c’est quoi déjà l'objectif ? En quoi cette "décentralisation" couteuse fera baisser la consommation d'énergie fossile ?)

Il faudra articuler l’ensemble des moyens de production, dont certains seront très centralisés, d’autres très décentralisés, certains très dispatchtables, d’autres intermittents. À cet égard, le rôle des gestionnaires de réseaux est crucial. Ils devront continuer à assurer l’équilibre dans un contexte un peu plus compliqué, mais avec des outils plus sophistiqués qu’autrefois, tels que les outils liés à la digitalisation et au comptage.

(Et qui a mis le bazar dans le système ?)

Les gestionnaires de réseaux pourront s’appuyer sur les alliés que seront les opérateurs nouveaux entrants qui proposeront des innovations répondant aux enjeux.

(Toujours ce gargarisme avec des innovations dont on se demande bien où elles sont !)

Je pense notamment à toutes les innovations qui seront proposées aux consommateurs pour adapter leur consommation à la production. Historiquement, la production s’adaptait à la consommation ; demain, avec le développement des énergies renouvelables de plus en plus intermittentes et grâce aux nouvelles technologies, grâce au déploiement du compteur Linky, il sera possible de proposer aux clients des services qui adapteront leur consommation à la production, ce que certains opérateurs ont déjà commencé de faire.

(Donc, dites moi de quoi vous avez besoin et je vous apprendrai comment vous en passer, de force si nécessaire ! Je crains que le futur "vert" de leur vision de la TE soit rude et même totalitaire…)

Pour que cela fonctionne, la concurrence doit être efficace. Si les opérateurs à même de proposer ces services sont asphyxiés sur leur activité de base qu’est la fourniture, ils n’auront pas les moyens d’investir dans ces services ni dans la production.

  1. Emmanuel Soulias. Je suis en accord avec le propos de Fabien Choné.

Le rôle des gestionnaires de réseau est fondamental. Il faut progresser sur la capacité à faire vivre des expérimentations locales, des boucles locales ou des expérimentations d’autoconsommation individuelle ou collective.

(Évidemment, c'est leur "business", mais en fait, ça ne veut rien dire. C'est une déclaration creuse)

Veiller aux enjeux de solidarité, notamment entre les consommateurs, est un rôle qui revient aux gestionnaires de réseaux et à l’État.

(Oui. Ils reconnaissent que ce n'est pas leur souci. Alors gestionnaire de réseau et l'Etat, défendez les citoyens démunis face à ces prédateurs !)

Je pense notamment à tous les publics qui sont en situation de précarité énergétique. Ils n’auront pas forcément la capacité d’expérimenter des innovations, de s’intéresser à l’autoconsommation ou à des équipements particuliers.

(Oui…)

Il faut pouvoir faire vivre cette complémentarité entre le centralisé et le décentralisé qui répond à des besoins d’équilibre du réseau en période de pointe ou à d’autres moments.

(Non, le décentralisé ne répond pas au besoins d'équilibre du réseau ! C'est le contraire. C'est la mise en commun de moyen centralisés pilotable et disponibles qui est efficace pour l'équilibre du réseau.)

L’État doit rester vigilant afin que le consommateur ne soit pas lésé et que les plus précaires d’entre eux ne soient pas exclus de ce système, ce qui pose la question de la contribution de cette mission de service public et de la gestion des réseaux.

(Il faut alors arrêter de désintégrer le service public au profit de margoulins privés "alternatifs" qui sucent les subventions dans les poches des Français!)

Mme Naima Idir. En effet, le trait d’union entre la production centralisée et décentralisée passe par les réseaux. Je formulerai un dernier point d’alerte sur la place de ces réseaux, en rappelant la nécessité de ne pas tomber dans certains extrêmes en créant des poches de production décentralisée qui ne seraient pas raccordées au réseau et qui ne payeraient pas à ce titre leur part du réseau. Le réseau étant le trait d’union, la sécurité d’approvisionnement des consommateurs, en termes de consommation ou de production décentralisée, passera par le réseau. Il est, par conséquent, important de s’assurer que le coût du réseau est payé de façon équitable par l’ensemble des consommateurs.

(Oui et ce sont les "autoconsommateurs" qui vont être contents…)

  1. Vincent Maillard. J’insisterai sur un point soulevé par M. Choné. Le modèle traditionnel de l’utilisation d’électricité fonctionnait ainsi : on allumait son sèche-cheveux et, quelque part, une centrale produisait davantage. Il en ira différemment demain : il faudra pousser les usagers à consommer lorsque l’éolienne fonctionnera ou lorsqu’il y aura du soleil. Bien sûr, on ne leur demandera pas d’allumer leur sèche-cheveux quand il y aura du soleil, mais de brancher leur recharge de véhicule, certains équipements comme le chauffe-eau, et cela au bon moment.

(C'est déjà le cas avec les heures creuses et des chauffe-eau fonctionnent la nuit. Où est l'innovation révolutionnaire ?)

Cette inversion du système actuel qui incite les clients à consommer au moment de la production et les centrales à ne pas produire quand les clients consomment est la clé. À ce jour, nous ne savons pas comment cela fonctionnera. Nous ne savons pas encore quelles seront les meilleures pratiques. À cet égard, la recherche joue son rôle. Aussi est-il important qu’un nombre suffisant d’acteurs innovent pour faire émerger les solutions les plus pertinentes.

(Encore "innover"… Et EDF n'est plus capable d'innover ?)

  1. le président Julien Aubert. Reprenons les chiffres. Monsieur Choné, vous avez indiqué que le montant de la facture a bondi de 30 %, dont deux tiers des CSPE.

Sur le site quelle énergie.fr, j’ai trouvé d’autres chiffres. « Augmentation de la facture d’électricité entre 2008 et 2018 : plus 44 %. Augmentation de la facture de gaz : plus 28 % pour le tarif B1, plus 45 % pour le tarif B0. » Comment expliquez-vous l’écart ? Ce matin, notre collègue Laure de La Raudière évoquait une progression de 35 %. Vous avancez plus 30 %. Il serait utile de clarifier les chiffres et de savoir de combien la facture a augmenté.

  1. Fabien Choné. Je n’ai pas les chiffres en poche.

(Ca ne l'intéresse pas ? Pourtant il en est aussi à l'origine)

Je vous promets de refaire les calculs. Si je me suis trompé, j’enverrai l’information à tout le monde. Mais il s’agissait des chiffres que j’ai retenus de la CRE. Mais peu importe, peut-être est-ce 40 % et non 30 %. Je me suis référé à la période 2010-2018 et non à la période 2008-2018, mais l’augmentation n’a pas été de 14 % en deux ans. La différence tient peut-être au fait de retenir les particuliers et non les particuliers ajoutés de tous les autres clients. Je ne sais pas. Mais une chose est certaine, la part fourniture liée à notre activité a baissé en euros constants. Dire que la concurrence a fait augmenter les prix est soit faux, soit mensonger.

(Ni l'un ni l'autre, c'est exact. Sans EnR, qui plus est promus par les "alternatifs", la facture n'aurait pas bondi ainsi !)

  1. le président Julien Aubert. Vous bénéficiez de l’ARENH pour l’électricité. Il n’existe pas de mécanisme comparable pour le gaz. Pourquoi faudrait-il le conserver pour l’électricité si l’on s’en passe pour le gaz ? Quelles sont les contingences pratiques qui ont poussé à organiser différemment ces deux marchés ?

  1. Fabien Choné. Si l’opérateur historique disposait d’un gisement de gaz en France particulièrement compétitif et totalement inconcurrençable par des approvisionnements à l’extérieur, il serait nécessaire, à l’instar du nucléaire, de mettre en place un « sourcing », un accès à ce gisement de gaz afin de permettre la concurrence en aval de la production.

Il existe deux activités : la production et la fourniture de gaz. La production de gaz en France n’existe plus ou quasiment plus – et l’on n’en veut plus. Ce sujet ne se pose donc pas pour le gaz. S’agissant de l’électricité, non seulement le nucléaire est très compétitif mais nous voulons le faire perdurer, voire allonger la durée de vie des centrales. Cette spécificité doit être traitée pour permettre la concurrence en aval qui, encore une fois, est bénéfique au consommateur.

(Donc, le nucléaire décarboné pilotable produit massivement et il est compétitif. Pourquoi ne pas augmenter sa production ?)

Je suis même étonné que l’on continue à en discuter aussi longtemps après l’ouverture du marché !

  1. Vincent Maillard. Il existe une explication pratique. Le gaz voyage des milliers de kilomètres, l’électricité quelques centaines de kilomètres. La production du nucléaire se situe en France, et non à 10 000 kilomètres avec des obligations d’achat à même distance.

Par ailleurs, l’énergie nucléaire est très compétitive au vu des conditions des marchés actuels.

(Re soulignons ce constat)

Les tarifs sont fixés sur cette base et l’on a toujours considéré que le nucléaire était un bien national dont tout le monde doit bénéficier. Je suis toujours étonné quand j’entends le président d’EDF déclarer : « C’est nous qui avons le nucléaire. » Le nucléaire appartient à tout le monde. Certains de mes clients habitent à la pointe de Givet, où est implantée la centrale de Chooz. Pourquoi dirait-on à une personne qu’elle ne peut s’abonner à Plüm Énergie ? Elle a la centrale nucléaire à côté de chez elle ; en cas de problème, elle prendrait des pastilles d’iode. Et elle serait obligée de s’abonner chez EDF pour bénéficier de la compétitivité de l’offre ? Ce n’est pas évident.

  1. Fabien Choné. C’est exactement la même chose pour les concessions hydroélectriques.

  1. le président Julien Aubert. NégaWatt propose 100 % d’énergies renouvelables. Quel est votre avis ? Cela correspond à l’attrition du grand gisement de gaz. Imaginons que la France ait un grand gisement de gaz et que l’on décidait en 2040-2050 que plus aucun pipeline ne partirait de ce gisement. Quel est votre avis sur ces stratégies qui visent la disparition du moteur nucléaire dans le dispositif ?

  1. Fabien Choné. L’accès régulé à l’énergie nucléaire historique est absolument indispensable, en proportion de la part du nucléaire dans le mix.

(Pas copains avec Négawatt qui est antinucléaire ?)

Aujourd’hui, la part est de 110 ; en 2035, elle sera a priori de 50 %. Le jour où elle sera à zéro, l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique ne sera plus utile. En revanche, si on atteignait 100 % d’énergie renouvelable sans aucun moyen de production flexible – nous disposerions cependant de concessions hydroélectriques qui, je l’espère, seraient partagées entre tous les consommateurs et tous les fournisseurs –,

(Et pourquoi donc ? Pour capter la manne d'un bien qui appartient à l'Etat et donc à tous les citoyens ?)

il faudrait développer de nombreuses solutions et services pour piloter la consommation des Français.

Mme Naima Idir. Soit d’autres moyens de production existeront qui pallieront l’intermittence des EnR, soit on aura réussi à développer les technologies de stockage.

(Donc soit du stockage massif ruineux qui n'est pas en vue, soit des centrales à gaz que développe ENI… Autant conserver le nucléaire dont chacun s'accorde à dire qu'il est bon marché…)

  1. le président Julien Aubert. En l’état, vous ne croyez pas à ce scénario, ou en tout cas vous ne le souhaitez pas ?

Mme Naima Idir. Non, nous vous livrons les conditions pour que ce scénario puisse se produire, sans remettre en cause la sécurité d’approvisionnement des consommateurs.

(Donc c'est reconnaître que le développement des EnR ne sert à rien aujourd'hui !)

Je ne me permettrais pas de porter de jugement de valeur.

  1. le président Julien Aubert. Vous êtes un acteur du marché. Si vous étiez sur le marché du gaz et que vous aviez un accès aux grands gisements de gaz, vous pourriez émettre un avis justifié si le Gouvernement décidait de fermer le gisement de gaz à l’horizon de 2050. Il ne s’agit pas d’un jugement de valeur ; fondamentalement, cela vous obligerait à revoir votre modèle économique.

  1. Emmanuel Soulias. Je veux bien illustrer la diversité qui vit parmi nous ; je le souligne à nouveau, c’est notre richesse.

NégaWatt fait partie des fondateurs de Enercoop. Pour répondre à votre question, nous sommes totalement en phase avec le scénario de NégaWatt. J’ajoute que ce n’est pas le seul ; le scénario de l’ADEME aboutit à peu près aux mêmes conclusions à l’horizon 2050.

(Oui, ils ont repris le scénario antinucléaire de Négawatt pour satisfaire leur haine viscérale du nucléaire…)

La réponse à cette question ne concerne pas uniquement le sujet du nucléaire. Se pose de manière plus générale le problème de l’efficacité énergétique et de la sobriété, donc de la prise en compte du lien entre résidentiel et transport et de notre capacité à investir dans des solutions de stockage innovantes susceptibles de répondre à la question de l’intermittence.

(Dont personne n'a le début d'une idée de solution et ni de son coût !)

https://www.contrepoints.org/2018/10/25/328644-le-mirage-ruineux-du-stockage-massif-delectricite

Celle-ci n’est pas uniquement attachée aux renouvelables, elle peut l’être aussi au nucléaire, notamment en période de forte chaleur.

(Non, le nucléaire se contente des barrages hydroélectriques déjà en place, et sa baisse pour quelques réacteurs en cas de forte chaleur est faible (3% à 5% de la production nationale au pire des cas).

Le scénario de NégaWatt comme celui de l’ADEME revêtent un sens dans une vision globale qui envisage un mix énergétique large, des usages plus larges et qui prend en compte la transversalité entre les différentes sources de consommation d’énergie.

Je reviens d’un mot sur cette manne nucléaire qui aurait un coût moindre et que l’on pourrait donc se partager. Le coût de cette manne nucléaire doit être considéré dans son ensemble. On parle beaucoup des consommateurs et de leur pouvoir d’achat. J’entends aussi parler des contribuables citoyens qui, en payant leurs impôts, contribuent significativement à l’entretien des équipements nucléaires, qu’il s’agisse du grand carénage, du démantèlement, de la mise en sécurité ou de l’enfouissement des déchets.

(Non, c'est faux ! Quel culot ! La Cour des comptes a indiqué dans son rapport sur le coût du nucléaire en 2012 que le nucléaire "s'auto payait" et que tous les frais, y compris du stockage géologique, étaient provisionnés sur les factures d'électricité.)

Je pense qu’il faut réévaluer le coût global du nucléaire, que l’on considère comme un coût aujourd’hui faible, à l’aune de l’ensemble de ces éléments.

(Il pense mal et il faut l'inviter à lire les rapports des la Cour des comptes…)

  1. le président Julien Aubert. Selon les travaux parlementaires, ce sont 40 milliards et 25 milliards d’euros. Le montant pour le renouvelables est évalué à 100 milliards d’euros. Le coût pour le consommateur n’est pas tout à fait le même.

Autre question : le tarif B0 du gaz a augmenté de 45 % ; le tarif B1 du gaz de 28 %. Je rappelle que le tarif B0 correspond à la cuisson et à l’eau chaude et le B1 au chauffage individuel.

Le tarif B0 du gaz a augmenté dans la même proportion que le tarif électrique ; en revanche, l’augmentation du tarif B1 est moins forte. Vous avez expliqué que des taxes nourrissaient l’augmentation. Entre 2008 et 2018, qu’est-ce qui justifie cette évolution divergente ?

Mme Naima Idir. Des évolutions « structures » ont été appliquées par le régulateur, souvent à la demande du fournisseur historique car le tarif B0 ne couvrait pas ses coûts. Lorsque la CRE fait le calcul des coûts de l’opérateur historique, elle constate une évolution en niveau. Elle peut alors décider de répartir les hausses tarifaires différemment en fonction des tarifs, l’objectif étant que chaque tarif couvre ses coûts. Un effet de rattrapage a été mis en œuvre par la CRE ces dernières années pour que le tarif B0 qui, historiquement ne couvrait pas les coûts, progressivement les couvre davantage.

  1. le président Julien Aubert. L’an dernier, en 2019, certains d’entre vous, à l’exception d’Enercoop, ont été amenés à se fournir sur le marché au-delà des 100 TWh. Vous avez donc été amenés à vous fournir sur le marché de gros. Quelles ont été les pertes que vos entreprises ont subies en raison de ce dépassement du seuil de l’ARENH ? Chacune des entreprises présentes peut-elle nous donner une évaluation du coût que cela a représenté ?

  1. Fabien Choné. Je réponds très simplement : cela dépendra du choix du gouvernement en matière d’évolution des tarifs réglementés. Si le Gouvernement assume la législation actuelle et intègre dans le tarif réglementé les conséquences de la mise en œuvre de l’ARENH, la réponse sera : zéro. Nous y reviendrons si vous le souhaitez. Effectivement, ce matin, les choses, en tout cas, de mon point de vue, n’étaient pas suffisamment claires.

  1. le président Julien Aubert. Nous avons compris ce matin que dans l’augmentation annoncée de 5,9 %, 2,2 % représentaient l’effet de rationnement de l’ARENH. Des propos de la CRE, je retiens que l’augmentation du tarif prend en compte l’effet de rationnement. Selon vous, si c’est pris en compte, pour vous, cela devient neutre.

  1. Fabien Choné. Absolument, pour toutes nos offres qui sont indexées. Ce n’est pas forcément le cas pour les fournisseurs qui n’ont pas d’offres indexées au tarif réglementé. Mais pour nous, c’est le cas.

(Donc, c'est bien en partie pour payer les "alternatifs" que le coût augmente, après nous avoir clamer le contraire auparavant…)

  1. le président Julien Aubert. Y aurait-il parmi vous un fournisseur qui ne serait pas indexé ?

Mme Naima Idir. Effectivement, ENI propose des offres fixes pluriannuelles. Nous garantissons un prix de l’électricité fixe pendant la durée des contrats. Cette offre a été développée pour les clients. Un certain nombre de consommateurs français, au-delà de la compétitivité d’un prix, souhaitait avoir une visibilité dans le temps. Nous proposons donc des offres à prix fixe sur des durées d’un an, deux ans, trois ans.

  1. le président Julien Aubert. Mécaniquement, le fait de vous servir sur le marché de gros représente-t-il pour vous des pertes ?

Mme Naima Idir. Je suis dans l’incapacité de vous livrer des chiffres, tout dépend de l’anticipation de nos équipes en charge du sourcing vis-à-vis de ce plafond de l’ARENH. Lorsque l’on est présent sur ce marché, toute la difficulté tient à ce plafond. Nous sentions bien que nous nous en rapprochions.

Ce plafond réduit la capacité de développement de l’activité de nos entreprises. Soit on prend en compte la perspective d’un plafonnement et, dans ce cas-là, à un moment donné, on est moins compétitif, car nos prix sont comparés aux tarifs de vente réglementée qui n’intègrent pas un écrêtement ARENH. Soit on ne le prend pas en compte, et là c’est un risque que nous prenons sur nos marges, puisque le prix d’approvisionnement proposé dans notre offre ne sera pas en adéquation avec le coût de notre sourcing. En effet, au moment où nous allons demander de l’ARENH, nous allons être écrêtés et nous devrons prendre davantage d’électricité sur le marché.

(Donc il faut augmenter soit le plafond de l'ARENH, soit le tarif régulé de vente TRV soit les deux pour que ces alternatifs puissent exister au coté d'EDF ! Les Français ne vous disent pas merci…)

En cas d’écrêtement, nous subissons un impact en amont et en aval, puisque nous sommes confrontés aujourd’hui à la même difficulté vis-à-vis de nos clients, auxquels nous proposons des offres, par exemple, à deux ans. Mais l’impact immédiat nous conduit à prévoir le volume d’ARENH que nous pourrons obtenir par nos demandes ARENH et donc l’écrêtement potentiel susceptible d’en résulter pour essayer de minimiser le risque pour l’entreprise puisque nous assumons ce risque que nous ne transférons pas à nos clients.

  1. Emmanuel Soulias. Nos offres n’ont pas augmenté depuis la création de Enercoop il y a dix ans de cela, nous n’avons pas eu recours à l’ARENH. Enercoop absorbe jusqu’à présent le risque des fluctuations de marché. Même si nous fonctionnons avant en contrat direct avec les producteurs sur des durées moyennes et longues, chaque renouvellement de contrat est impacté par les évolutions du marché. En 2018, le marché a augmenté significativement, on est passé de 35 euros le MWh de base à près de 65 euros, et puis il est un peu redescendu. Cela a eu un impact sur le renouvellement de nos contrats. Cette année, nous ferons évoluer nos tarifs en raison de l’augmentation de notre coût d’approvisionnement ; de l’augmentation du coût des capacités que nous répercutons auprès de nos clients ; enfin, dans la mesure où nous dépassons cette année le seuil des 400 gigawattheures (GWh), nous sommes obligés de faire porter le coût des CEE à nos clients.

(Tout augmente ma bonne dame… Mais leurs clients pourront toujours revenir vers EDF si c'est trop cher…)

  1. le président Julien Aubert. Monsieur Soulias, vous représentez un peu le modèle pure player, vous êtes vraiment un modèle concurrentiel, c’est-à-dire que vous ne profitez pas des avantages offerts par l’ARENH et vous répercutez au consommateur l’intégralité des coûts réels « de la transition verte » au sens large de l’expression, avec tous ses outils.

Êtes-vous viables ?

  1. Emmanuel Soulias. Oui, nous sommes viables. Il existe plusieurs éléments de réponse à cette question. Il y a un effet d’échelle. Nous comptons 75 000 clients, ce qui est très peu. Nous n’avons pas encore atteint l’effet de seuil de 150 000 clients, au-delà duquel notre modèle économique atteindra sa pleine puissance. Nous sommes en train d’y parvenir.

Nous devons également intégrer le fait que nos clients viennent en toute confiance, en toute transparence s’agissant de la redistribution de l’argent que nous payons à des producteurs d’un système un peu particulier. Si d’aventure le coût d’approvisionnement devait augmenter, les clients en paieraient les conséquences.

Le coût augmente en fonction des effets de marché ; en revanche, tendanciellement, le coût de production du photovoltaïque et de l’éolien, pour ne citer que ces deux technologies, diminue très rapidement.

(Puisqu'ils ne paient pas la gestion et les coûts de leur intermittence…)

Selon notre projection, partagée par nos clients et nos sociétaires, ce coût baissera de manière significative dans la durée et le prix baissera également.

  1. le président Julien Aubert. L’État perçoit une partie du coût sous forme de taxes qui sont prélevées pour subventionner les énergies dont vous nous dites qu’elles arrivent à maturité. En abaissant les taxes et donc en aidant moins les énergies vertes, on pourrait penser que le coût d’approvisionnement baissera. Avec l’arrivée à maturité de ces énergies, le dispositif fonctionnerait « naturellement », avec peut-être un tarif moins distordu du fait de moindres taxes. S’agissant du mode de production, cela mettrait fin à des dispositifs d’aide.

D’autres acteurs, à l’instar de M. Choné, marquent la nécessité de conserver l’ARENH, mais quand je vois Enercoop, je me dis que si certains acteurs arrivent avec un modèle qui leur est particulier mais en adéquation avec les valeurs que porte le verdissement, pourquoi conserver ce dispositif ? Bien sûr, il y a ceux qui survivent et il y a ceux qui ne survivent pas, mais fondamentalement, c’est le jeu du marché.

(Tout à fait d'accord…)

  1. Emmanuel Soulias. S’agissant des taxes, nous n’en sommes que les collecteurs ; elles ne viennent pas s’ajouter au chiffre d’affaires. Notre modèle économique ne se base que sur 30 % de la facture. Sur 100 euros que payent nos clients, nous redistribuons, via le TURPE ou les taxes, environ 70 euros. Nous n’avons la maîtrise que de 30 euros.

Si notre coût de production ou d’approvisionnement augmente en toute transparence, nous le ferons savoir à nos clients et l’impacterons sur une partie minime de la facture.

J’entends bien la réflexion qui sous-tend votre question, monsieur le président. Je me pose une question que je partage avec vous. Elle s’adresse à la collectivité des citoyens français : pourquoi s’empêcherait-on aujourd’hui de subventionner d’une manière ou d’une autre l’émergence des énergies renouvelables, alors que nous l’avons fait de manière significative il y a quelques dizaines d’années en faveur du programme électronucléaire français, avec des ambitions et des enjeux justes, à savoir l’autonomie énergétique et les multiples sujets qui en découlent et qui restent d’actualité ?

(Mais c'est encore faux ! Il ressort les erreurs répandus par la propagande de Greenpeace ! Le programme nucléaire a été payé par l'emprunt et remboursé sur les factures d'électricité dont l'amortissement a été fait sur 30 ans puis rallongé à 40 ans. Lire les rapports de la Cour des comptes… Et si des aides indirects ont pu être attribués à ce programme très utile aux Français depuis 40 ans, elles n'ont jamais atteints les sommes pharaoniques dilapidés dans les ENR inutiles qui devront subir un "Repowering" tous les 15 ou 20 ans !)

Nous disposons aujourd’hui de technologies qui sont matures, qui deviennent économiquement rentables, voire très rentables, qui sont des aubaines en termes d’investissement,

(Oui pour les lobbies verts mais pas pour les Français !)

de créations d’emplois – on le voit dans le monde entier.

(Non, les emplois 'envolent avec le temps qui passe. Ils ne sont pas "durables"…)

https://www.contrepoints.org/2014/08/25/178251-la-farce-tragique-des-emplois-verts

Dès lors, pourquoi l’État s’interdirait-il d’investir dans ces nouvelles technologies créatrices d’emplois, bonnes pour la planète et pour la territorialisation ?

(J'aimerais vraiment comprendre en quoi elles sont bonnes pour la planète ?)

https://www.contrepoints.org/2018/12/28/333420-energies-renouvelables-cette-couleur-verte-qui-ne-veut-rien-dire

  1. le président Julien Aubert. Vous dites « investir ». Créeriez-vous un opérateur public « vert » qui investirait dans ces technologies ou souhaiteriez-vous que l’on continue de subventionner tel qu’on le fait par appels d’offres ?

  1. Emmanuel Soulias. Investir est un terme général, qui peut revêtir plusieurs sens. Je n’ai pas la réponse à votre question. Faut-il un opérateur ? Oui, il y a l’outil fiscal ; oui, il y a les aides ; oui, il y a l’investissement, direct ou indirect, de l’État dans des technologies, en faveur d’acteurs ou de champions nationaux.

L’État est en situation de devoir comparer et peut-être d’arbitrer différents types de coût ou différents types d’investissement entre les énergies renouvelables – je vais vite, c’est probablement très caricatural – et le maintien d’une technologie nucléaire coûteuse et qui ne présente plus aujourd’hui les mêmes avantages, notamment économiques et financiers, par rapport aux renouvelables qu’il y a encore quelques années.

Votre question relève, en l’occurrence, d’un choix politique.

  1. le président Julien Aubert. Monsieur Choné, peut-être pourrez-vous nous sortir de l’ambiguïté : soit le nucléaire est rentable, soit il est moins rentable. Si c’est la vache à lait, l’ARENH doit être maintenue ; si ce n’est pas le cas, il faut arrêter les subventions.

  1. Fabien Choné. S’agissant des subventions en faveur des énergies renouvelables, depuis la loi de finances de 2016, la CSPE ne finance plus les énergies renouvelables, c’est-à-dire que les taxes que nous collectons au titre de la facture de l’électricité sont versées directement dans le budget de l’État.

(Qui sert en partie à rembourser la dette d'EDF sur ses achats antérieurs d'énergies renouvelables…)

  1. le président Julien Aubert. Vous vendez du gaz chez vous.

  1. Fabien Choné. Oui, mais le produit de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel ne finance pas directement les énergies renouvelables. En tout cas, la proposition que nous avions présentée sur l’électricité de baisser la CSPE ne visait pas à baisser l’aide aux énergies ouvrables.

Vous avez interrogé sur le modèle de soutien aux énergies renouvelables. La richesse de l’ANODE est d’avoir plusieurs modèles d’offres « vertes ». Le modèle d’Enercoop est un modèle de soutien fort aux offres « vertes », mais il demande plus d’efforts aux consommateurs et son périmètre est un peu moins large. Enercoop vise 150 000 clients, mais d’autres modèles de soutien aux énergies existent, un peu moins forts mais qui permettront à plus de consommateurs de participer. Je ne crois pas que l’on puisse mettre en concurrence les deux modèles ou choisir l’un ou l’autre entre un soutien fort à 150 000 clients ou un soutien, peut-être un peu moins accentué, en tout cas différent, à 1,5 million de clients, notamment parce que les consommateurs n’ont pas tous des moyens élevés pour soutenir l’énergie. Pour autant, nous pensons nécessaire que la majorité des Français, quelle que soit leur capacité à soutenir les énergies renouvelables, puissent y participer. Il est important de maintenir cette diversité de modèles. C’est pourquoi nous la soutenons.

(Alors les cochons de contribuables n'ont qu'a payer puisque les "alternatifs" pensent que c'est pour leur bien… et surtout celui de leur "modèle")

  1. le président Julien Aubert. Le principe de l’ARENH repose sur l’idée que le nucléaire peut tracter le marché. On le maintient parce qu’on pense que l’on peut produire de l’énergie nucléaire à bas coût. Dans le même sens, on nous explique que les énergies renouvelables sont matures et que le coût du nucléaire, en réalité, n’est pas aussi bas et qu’il peut tendanciellement augmenter : la rentabilité du nucléaire serait plutôt derrière nous que devant nous. Mais on ne peut pas défendre simultanément l’idée que le nucléaire est rentable et qu’il faut maintenir un tarif historique pour financer le marché, et l’idée que le nucléaire sera de moins en moins rentable et qu’il faut investir dans les énergies « vertes ». Soit le nucléaire a un avenir, et dans ce cas il faut conserver l’ARENH et tracter le marché. Soit on considère que le nucléaire est fragile, et dans ce cas il faut peut-être arrêter de fonctionner avec l’ARENH.

  1. Fabien Choné. Je crois qu’il faut distinguer le nucléaire ancien et le nucléaire nouveau. La vraie question est là.

  1. le président Julien Aubert. On n’est pas obligé de faire du nucléaire nouveau. On peut faire un grand carénage et prolonger la vie des centrales de soixante ans.

  1. Fabien Choné. De mon point de vue, même si le grand carénage suppose des financements élevés et soulève des questions, il est rentable sur la durée pour la collectivité.

La question de la compétitivité des énergies renouvelables se pose, selon moi, davantage en rapport au nucléaire nouveau qu’au nucléaire ancien. Des déclarations du Président de la République, je comprends qu’il est envisagé, au titre de la programmation pluriannuelle de l’énergie, de relancer le nucléaire nouveau en fonction des conditions économiques du moment. La question se posera, je crois, à la fin des années 2020, mais le grand carénage est confirmé. L’ARENH et son évolution, en tout cas dans le cadre de la régulation nucléaire après 2025, ont été cités par le Président de la République.

  1. Vincent Maillard. Je vais vous poser une question que vous pourrez peut-être poser à d’autres intervenants. Le propos de M. Soulias était intéressant. Même si l’on produit du renouvelable, on est très sensible à la situation des prix du marché de gros, qui sont passés de 35 à 65 euros le MWh pour descendre à 50 euros. C’est la question que vous pourriez poser à des spécialistes du sujet. En France, les coûts de production globaux ont-ils évolué de la même manière sur les différentes scènes ? Avec un mix énergétique qui comporte 400 TWh de nucléaire, pourquoi les coûts de production sont-ils passés de 35 à 65 euros le MWh ? Que s’est-il passé ? Pourquoi, globalement, les marchés ne reflètent-ils pas la situation des coûts ? C’est là un vrai problème : si on ne sait pas prévoir les conditions de marché, si les prix de marché explosent à 70 ou 80 euros le MWh, M. Soulias aura beaucoup de mal à atteindre 150 000 clients !

(Vae victis, c'est la loi du marché, et si on lui laisse le choix, le client est roi… et moi je veux de l'électricité abondante et bon marché !)

Jeudi 4 avril 2019

Extraits commentés du compte rendu n° 11

Présidence de M. Julien Aubert, Président, puis de Mme Marie-Noëlle Battistel, Vice-présidente.

– Table ronde, ouverte à la presse, réunissant des économistes de l’énergie, avec la participation de Mme la Professeure Anna Creti (Université Paris-Dauphine), de M. Cédric Philibert, analyste expert des énergies renouvelables à l’Agence internationale de l’énergie (AIE) et de M. Nicolas Berghmans, chercheur à l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI).

  1. le président Julien Aubert. Une des préoccupations de notre commission d’enquête est de mieux comprendre les raisons pour lesquelles la transition énergétique trouve, particulièrement en France, une traduction massive en termes de fiscalité, car la transition énergétique est davantage une transition fiscale qu’écologique. Ces propos, je le précise, n’appartiennent qu’à moi… Les niveaux d’imposition pèsent de plus en plus sur les consommateurs, au point de générer des doutes et, chez certains, un réel rejet de la transition écologique.

Le climat social actuel traduit pour partie ce désarroi de l’opinion. Vous comprendrez qu’il nous importe de connaître vos analyses et observations, notamment si vous disposez de comparaisons internationales. Pour l’heure, nous avons largement éclairé le sujet des recettes, ce que l’on prélève au nom de la transition énergétique.

Le coût complet des énergies renouvelables, qui reste à définir plus précisément, est, bien évidemment, un des thèmes de réflexion de notre commission.

Mme Anna Creti, professeure à l’université Paris-Dauphine. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, madame la rapporteure, je débuterai mon propos en vous présentant notre association, notre contribution sur le marché de l’énergie au titre de la transition énergétique ainsi que les propositions que nous formulons, notamment sur la préservation du pouvoir d’achat des Français.

L’Italie marque une volonté forte d’intégrer les renouvelables dans le mix énergétique d’un pays qui est essentiellement consommateur de gaz. Sa consommation est très pauvre en matières fossiles. Il consomme du charbon en faible proportion.

Les énergies renouvelables portent leurs effets tout au long de la filière. Des coûts sont liés à l’investissement, d’autres sont liés, de façon plus subtile, à la modification du paysage énergétique en termes d’acteurs, d’autres encore au financement de ces investissements. La France a opéré une transition fiscale. L’Italie n’a pas utilisé de la même façon l’instrument fiscal.

Un deuxième effet se répercute en amont. Quel est l’apport de ces énergies dans les marchés de l’électricité ? L’Italie a bénéficié d’un avantage sous la forme d’une baisse des prix de l’électricité. En dix ans, en moyenne, les prix de l’électricité sont passés, sur les marchés amont, de 70 et 80 euros par mégawattheure (MWh) à moins de 30 euros aujourd’hui, s’alignant ainsi quasiment sur les prix français.

(??? Sans inclure les subventions aux EnR ? Mais le prix de l'électricité vendu aux particuliers est le double de celui en France !)

S’il faut évaluer les coûts et les avantages de l’intégration des énergies renouvelables, il convient de ne pas oublier d’évaluer les bénéfices en amont sur l’ensemble de la filière, aussi bien que les coûts pour les consommateurs en aval.

(Oui, ça semble élémentaire…)

Un consommateur français qui s’équipe de panneaux solaires ne le fait pas pour obtenir uniquement un gain, y compris futur, sur sa facture d’électricité actuelle, mais aussi parce qu’un fournisseur aura réussi à le convaincre qu’il s’agit d’un investissement intéressant et parce qu’il est animé d’une conscience verte.

(Mon voisin équipé de panneaux solaire sur son toit n'a aucune conscience verte mais il vend son électricité à plus de 500 €/MWh à EDF et lui rachète 150 € (TTC!)/MWh. Et c'est pour ça qu'il le fait… et ce sont tous les autres qui paient la différence pour le rembourser.)

  1. Cédric Philibert, analyste expert des énergies renouvelables à l’Agence internationale de l’énergie (AIE).

Dans tous ces scénarios, les énergies renouvelables ainsi que les économies d’énergie jouent un rôle décisif : elles représentent entre les deux tiers et les trois quarts de la production mondiale d’électricité à l’échéance 2040 ou 2050.

(C'est n'importe quoi ! Mais d'où sort cet intellectuel ? Quelqu'un veut-il croire ça alors que 80% de l'énergie produite dans le monde aujourd'hui est toujours issue des énergies fossiles ?)

D’autres scénarios s’appuient sur une augmentation de la production nucléaire au plan mondial, sur une part non négligeable de thermique fossile avec la capture et le stockage de CO2, et de fuel switching, c’est-à-dire plus de gaz et moins de charbon – en proportion, beaucoup moins de charbon. Mais dans toutes les hypothèses, l’essentiel de la production électrique mondiale sera assuré par les énergies renouvelables.

(Il a bu ???)

Parmi ces énergies renouvelables, quatre sont majeures.

La bioénergie n’est pas forcément majeure dans l’électricité, mais l’est dans le bilan énergétique global. Elle représente aujourd’hui à peu près la moitié de la production de la contribution des énergies renouvelables au bilan énergétique mondial. J’évoque la bioénergie sous toutes ses formes : liquide, solide, via l’électricité, via les transports, et surtout via la chaleur – la chaleur industrielle en particulier.

Ensuite, nous avons l’hydroélectricité, qui ne date pas d’aujourd’hui mais qui reste une énergie en croissance, notamment grâce aux grands barrages dans les pays émergents. Elle représente à peu près 20 %.

(Plutôt 17% en 2016, et le nucléaire tout de même 11%)

https://www.edf.fr/groupe-edf/espaces-dedies/l-energie-de-a-a-z/tout-sur-l-energie/produire-de-l-electricite/l-hydraulique-en-chiffres

Enfin, les « deux petits nouveaux » que sont l’éolien et le solaire sont sur des pentes de croissance extrêmement fortes et représenteront à terme 20 % à 25 % de la production électrique mondiale.

(Si chacun veut bien continuer à le subventionner, sinon la chute va être rapide…)

Ces scénarios sont des scénarios d’optimisation économique sous contrainte. Par exemple, on pose une contrainte de CO2 et on cherche les solutions les plus économiques. De ce point de vue, à long terme, les renouvelables font partie du panier des mesures économiques indispensables pour atteindre les objectifs que l’humanité s’est fixés à Paris en 2015 dans le cadre de la COP21.

(Le nucléaire décarboné aussi. Pourquoi ne pas l'évoquer ?)

Il existe des variantes mais elles sont plus ou moins mineures. Les autres scénarios, ceux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) comme d’autres instituts, convergent en ce sens.

(Mais le GIEC dit aussi que le nucléaire est bon pour le climat et que c'est l'avenir…

https://www.contrepoints.org/2018/10/16/327800-le-giec-persiste-et-signe-le-nucleaire-est-lavenir-de-lhumanite

Comment se fait-il que les renouvelables, qui, il y a quelques années, paraissaient si coûteux, figurent à une place aussi importante dans des bilans qui sont économiquement les moins coûteux ? La raison tient à l’effondrement des coûts.

(Hors coûts soigneusement cachés et mis sous le tapis comme la gestion de l'intermittence, du stockage, des CEE, des subventions pour maintenir des capacités pilotables en doublons,…)

Je m’en explique dans la mesure où vous avez évoqué la notion de coût complet. Nous mesurons le coût actualisé de ces énergies, ou plutôt leur coût lively, c’est-à-dire réparti sur la durée de vie, technique ou économique, des investissements. Ce coût s’est effondré ces dernières années : de 40 % pour l’éolien et de 75 % pour le solaire photovoltaïque, ce qui est considérable. En dix ans, l’effondrement est de plus de 80 %.

(Il serait gratuit qu'il serait encore ruineux pour les causes évoquées ci-dessus ! Personne ne le voit ?)

https://www.contrepoints.org/2019/03/20/339697-a-quoi-servent-donc-les-energies-renouvelables

Bien sûr, il faut distinguer le coût comptable du coût économique. C’est ce dernier qui est déterminant. Il convient de définir combien coûtera, dans les trente ans à venir, une installation que nous mettons en service aujourd’hui, sachant qu’au départ l’investissement est important, mais les dépenses de mise en œuvre extrêmement faibles dans le cas du solaire et assez faibles dans le cas de l’éolien et de l’hydraulique.

(Mais que raconte-t-il ? La durée de vie de l'éolien et du solaire est de 15 à 20 ans. Dans 30 ans l'installation aura été renouvelée (ou pas) presque 2 fois !)

Aujourd’hui, en France, le solaire est produit par des installations qui ont été créées, conçues et financées il y a quatre ans, cinq ans, six ans, quand l’électricité coûtait quatre, cinq, six fois plus cher. Des engagements ont été pris pour rémunérer cette électricité sur la base de tarifs élevés, qui s’élevaient en France à plus de 300 euros par MWh

(Et même presque 600 €/MWh pour mon voisin… qui est très content)

alors que le KWh mis aux enchères aujourd’hui dans les centrales au sol trouve des offres à 55 euros, voire inférieures. On retrouve les mêmes prix un peu partout, le phénomène est mondial. Selon l’ensoleillement, les prix oscillent entre 25 euros, parfois moins, et 55 ou 60 euros maximum. Je parle des grandes centrales au sol. Le prix est plus élevé si l’énergie est produite par de petites centrales. Mais on arrive, pour les énergies massives, à des coûts extrêmement compétitifs. Le coût comptable moyen du KWh solaire avoisine aujourd’hui 200 euros. Vous pouvez trouver ces données dans un rapport de la Cour des comptes. Le coût prend en compte des KWh qui ont été rémunérés au départ à 360 euros le MWh. Il est important d’opérer cette distinction.

Quand vous nous interrogez sur le coût complet, j’imagine que vous nous interrogez sur les coûts éventuellement induits par la variabilité du solaire et de l’éolien. La question est tout à fait légitime.

(Heureusement…)

L’interaction entre ces énergies et le reste du système est éventuellement source de problèmes, la variabilité des énergies renouvelables n’étant pas seule en cause. Je m’explique : nous sommes confrontés à une variabilité naturelle de la demande, qui diffère le jour et la nuit, en hiver et en été.

Le système est déjà doté d’une certaine flexibilité, apportée par les centrales électriques, le thermique, l’hydroélectricité, les interconnexions, la présence de réseaux, certains systèmes de stockage, tels que les centrales de transfert d’énergie par pompage, importantes en France puisqu’elles produisent près de cinq gigawatts.

(Oui, et cette flexibilité est mise à mal par les EnR…)

Aujourd’hui, le KWh marginal éolien ou photovoltaïque ajouté dans le système n’a, en gros, aucun coût d’insertion.

(C'est culotté de dire ça ! De plus, monsieur Brottes (RTE) dit le contraire le 9 avril dans son audition)

Il induit des coûts de connexion, qui sont supportés par les développeurs,

(Et donc au bout par les consommateurs qui paient, mais c'est bien de le reconnaître)

mais n’induit aucun coût lié à la variabilité.

(Faux. Le renforcement du réseau RTE et d'Enedis pour refouler les bouffées de productions, le fonctionnement erratique des centrales thermiques obligées de faire varier rapidement leurs productions et qui ne fonctionnent plus de manière nominale, le coût de paiement des capacités mis en place,… Tout ça est compté pour rien ?)

La question est de savoir quand des investissements supplémentaires commencent à poser des problèmes particuliers d’insertion. D’après les expériences étrangères, les problèmes peuvent survenir au-delà d’un taux de pénétration de 20 % ou 30 % dans la consommation annuelle,

(Mais là on aborde des problèmes de disfonctionnement graves…)

sauf exception, sauf poches localisées, sauf implantation de l’ensemble des structures photovoltaïques dans un seul département. Globalement, il faut que les réseaux suivent, mais cela ne représente qu’une toute petite part des investissements dans les réseaux. Pour l’heure, il n’y a pas de coûts spécifiques d’insertion, et il n’y en aura pas avant d’atteindre un taux de pénétration de 20 % ou 30 %.

(Alors que RTE et ENEDIS qui savent de quoi ,ils parlent ont expliqué le contraire dans leur audition…)

  1. Nicolas Berghmans, chercheur à l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI). La taxe carbone, qui est souvent présentée par les économistes comme une solution idéale, une solution à moindre coût, n’est pas facilement comprise par le citoyen.

(Il doit être un peu bête dès qu'on lui fait les poches…)

Parallèlement, il attend des actions visant à réduire les émissions de CO2 et au fait que la France respecte ses engagements climatiques.

(Par exemple de développer le nucléaire décarboné ?)

La taxe carbone est un instrument utile et central de la transition, parce qu’il permet de changer les prix relatifs, d’investir dans des solutions vertueuses et de faire évoluer les comportements.

(Ben voyons, cochon de pollueur. Je te taxe pour que tu puisse moins te déplacer et tu vas être content… C'est de la restriction de liberté de se déplacer par l'argent ! C'est scandaleux !)

Néanmoins, la taxe carbone présente des limites, assez bien connues. L’hypothèse de la taxe carbone est appelée, en termes économiques, l’« élasticité prix », la capacité des gens à s’adapter à ce prix. Premier constat : tout le monde n’est pas égal face à cette capacité d’adaptation. La taxe carbone est régressive, elle touche une plus grande part des revenus des gens qui perçoivent le moins de revenus. Pour les 10 % de Français les plus modestes, elle représente 15 % de leurs revenus ; en comparaison, elle représente beaucoup moins pour les Français les plus aisés.

(Les salauds. Il faudra penser à taxer plus fortement "les plus aisés" (à définir car c'est toujours l'autre).

Deuxième constat : la possibilité de s’adapter dépend d’arbitrages collectifs – présence de transports en commun à proximité de son domicile, possibilité de se connecter à un réseau de chaleur.

Troisième constat : la taxe carbone n’est pas la seule taxe sur l’énergie. Il faut prendre en compte l’ensemble de la facture pour déterminer l’impact sur les ménages.

(Perspicace, ce "chercheur"…)

Nous constatons que la France a bien rattrapé son retard en matière de taxation des carburants par rapport à d’autres pays qui ont mis en place une taxe carbone.

(Et on en est content ? La France ne pourrait pas rester "en retard" ?)

Il ne faut donc pas s’attacher uniquement au prix de la taxe carbone, mais à l’ensemble de la taxation. Cela nous amène à dire que la taxe carbone est importante, mais que son gel, en soi, ne doit pas être dramatique pour la transition.

Il faut, au contraire, travailler à d’autres conditions nécessaires à la mise en place de la transition écologique. À cet égard, nous avons repéré quatre priorités.

(Résumé : il y en a une de bloquée, mais il y en a d'autres à augmenter !...)

Premièrement, il faut investir dans la transition écologique, qui réclame des moyens supplémentaires.

(Bien sûr, toujours plus !)

Un think tank publie des panoramas sur les financements climatiques qui montrent que des investissements font défaut à la transition, notamment dans le bâtiment et les transports. Cela suppose de dégager les moyens pour y arriver. Autre exemple : le projet de loi d’orientation des mobilités (LOM). Si l’on veut pousser ou aider les gens à modifier leur façon de se déplacer, il faut investir pour encourager des moyens alternatifs comme le vélo. Cela demandera de mobiliser des moyens – également sur les budgets publics. Comme je le disais précédemment, les gens ne peuvent pas faire tous les arbitrages par eux-mêmes.

(Non mais on croit rêver devant ces apprentis dictateurs en herbe qui veulent dicter aux Français leur comportement..! Ca va être pratique pour aller faire ses commissions au supermarché à 10 km… ou plus. Ca va mal finir si on laisse aux manettes de la France des olibrius pareils… Il faudrait donc que les Français paient volontairement pour avoir moins de confort et de liberté de circuler… Mais pourquoi donc ?)

Deuxièmement, la nécessité s’impose d’éviter de placer nos concitoyens les plus modestes dans une situation contrainte en raison de la transition.

(C'est gentil d'y penser mais ça va leur faire très mal. Vous voulez paupériser les classes moyennes en les ponctionnant pour éviter que les "plus modestes" meurent devant l'autel des EnR qu'il "faut" subventionner" et "insérer" ! C'est proprement scandaleux.)

Vous citiez la tribune de M. le Professeur Geoffron. Il existe un consensus assez fort à l’heure actuelle entre de nombreux acteurs et experts sur la nécessité de réfléchir à une redistribution des recettes de cette taxe vers les citoyens, en particulier les plus modestes.

(Ca me rappelle Coluche : "on s'autorise à penser en haut lieu…")

Troisième point : il y a un intérêt économique à supprimer les exemptions de la taxe carbone, nombreuses dans certains secteurs. C’est le cas du secteur de l’aviation et de celui du bâtiment et des travaux publics (BTP).

(Pourquoi ? Toujours payer plus ! Bien sûr, cela n'impactera pas l'économie…)

D’un point de vue strictement environnemental, la meilleure manière de procéder consiste à étendre ce signal à l’ensemble des secteurs.

(Les français vont apprécier…)

C’est aussi une question de justice sociale.

(Alors là NON ! Appauvrir toute la population n'a jamais été une question de justice sociale. "Quand le foin manque dans le râtelier, les chevaux se battent". Ces gens veulent une guerre civile ?)

Enfin, il conviendrait d’envoyer des signaux sur la transition aux secteurs. Des exercices nationaux sur la stratégie nationale bas carbone visent à placer la France sur une trajectoire de neutralité carbone en 2050. Que cela implique-t-il à l’échelle des secteurs et des individus ? Quelques signaux ont été émis. Par exemple, il est annoncé, pour 2040, la fin des véhicules thermiques, mais à quel moment un individu devra-t-il passer au véhicule électrique ou rénover son logement ? Ce sont des éléments utiles pour organiser les filières et pour que les gens anticipent leur changement de comportement, au-delà du fait d’imposer un prix.

(Ces gens là raisonnent "hors sol". C'est complètement fou ! Il parle bien d'obliger les comportements au-delà du fait d'imposer un prix ? Il y a une école pour devenir petit dictateur dans les bureaux ?)

  1. le président Julien Aubert.

Je voudrais clarifier un point. Nous sommes confrontés à une petite contradiction. Nous avons reçu, ce matin même, le président de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), qui nous a expliqué qu’investir dans les énergies vertes électriques ne contribue pas à l’objectif de réduction du CO2. Il ajoute qu’en France le nucléaire est décarboné, et qu’investir dans des éoliennes ou le photovoltaïque n’a pas d’impact sur le CO2. Par ailleurs, nous appliquons une taxe carbone qui finance le développement de ces énergies en disant aux usagers qu’elle sert à la planète. S’il s’agit d’un choix autre de diversification énergétique, pourquoi l’habiller d’une approche environnementale ? Vous avez déclaré que nos scénarios futurs prenaient en compte la bioénergie, l’hydroélectricité, l’éolien et le solaire. Tout dépend à quoi ils se substituent. Au niveau mondial, on parie sur une substitution des énergies fossiles vers des énergies renouvelables. En France, ce n’est pas le cas puisque la transition est plutôt vue sous l’angle du nucléaire vers les énergies renouvelables.

Je voudrais que vous réagissiez à cette première question : quel est l’objectif de la transition énergétique ? Pourquoi, finalement, « transitionne-t-on » ? J’avais longtemps cru que c’était pour sauver la planète. Or, je me rends compte, un peu comme Brassens, que l’on s’est trompé d’idée... Je voudrais avoir votre point de vue.

J’y joins une seconde question : pourquoi introduire la concurrence ? J’avais compris que c’était pour faire baisser les prix. Mais, en discutant avec les différents acteurs, on s’aperçoit que, globalement, les prix de l’électricité n’ont pas forcément baissé en France. D’ailleurs, personne n’est capable d’expliquer comment nous sommes passés de 65 à 35 euros le MWh au niveau européen, alors qu’en France les coûts de production n’ont pas évolué dans les mêmes proportions ? D’où vient cette augmentation des prix. Est-elle due, éventuellement, à des investissements subventionnés dans les énergies « vertes » ? Vous aurez compris que c’est un questionnement intériorisé… J’aimerais que vous puissiez réagir et éventuellement m’expliquer pourquoi on pratique la concurrence et pourquoi on fait la transition énergétique, afin que tout cela soit cohérent pour le citoyen.

Mme Anna Creti. L’impact des énergies renouvelables a été plus fort que celui de la concurrence. Le marché électrique est très complexe et y introduire la concurrence n’a pas été aisé. Pendant dix ans, on a tapé sur les doigts des anciens opérateurs historiques. Il s’agit d’un secteur très intensif en capital. Il s’est constitué pour être un marché où la concurrence ne peut être très forte et très dispersée comme l’avait imaginé la Commission européenne quand ont été élaborées ses directives ; elles ont en fait été plaquées sur le modèle des télécommunications. Or, on n’arrivera jamais à avoir une concurrence aussi dispersée.

L’intensité de la baisse du prix de l’électricité a donc été relative.

La position de ces opérateurs historiques a été bousculée par l’entrée de nouveaux opérateurs parce que les investissements dans les énergies renouvelables ont été subventionnés.

Les énergies renouvelables peuvent présenter des défauts, dont l’intermittence. Il n’en reste pas moins qu’on a constaté une baisse du prix sur tous les marchés européens de l’énergie et une petite augmentation de la volatilité, qui est inhérente au marché de l’électricité.

(Mais uniquement parce que le coût des productions EnR ont été subventionné en amont que leur surproduction avec insertion et achat obligatoire sur les réseaux ont déclenché un effondrement des prix artificiel et nuisible pour tous !)

Cela répond en partie à votre question, qui est de savoir pourquoi nous faisons tout cela. L’objectif européen est très important, il vise à la fois la concurrence et le verdissement du secteur de l’électricité.

(La concurrence "verte" est donc un but en lui-même ?)

https://www.contrepoints.org/2018/12/28/333420-energies-renouvelables-cette-couleur-verte-qui-ne-veut-rien-dire

Bien sûr, les modèles ne sont pas toujours adaptés aux deux objectifs en même temps. Mais, selon moi, la réponse est claire : si l’on se reporte au montage des prix de l’électricité en amont, là où les opérateurs échangent – offre et demande –, les prix ont baissé. La composante « hors énergie » du prix pour le consommateur final, en revanche, a augmenté, en différenciant les prix pour les industriels et ceux pour les résidentiels. Les premiers sont peu touchés par la fiscalité, qu’il s’agisse de la répercussion des subventions aux énergies renouvelables ou d’autres formes de fiscalité comme la TVA. Les prix pour les industriels ont donc très fortement baissé, ce qui est une bonne chose pour la compétitivité, et les prix pour le consommateur final européen sont restés stables ;

(Et si on restait en France ? Mme Créti manie bien la langue de bois. Mais elle se moque de qui ?)

s’ils ont un peu augmenté au cours des quatre dernières années, c’est en raison de mécanismes différents de taxation.

(Tout de même 44% en 10 ans…)

Je terminerai en citant l’exemple du Danemark, qui est intéressant. Le Danemark a un mix énergétique composé à 95 % de renouvelables. Il a beaucoup investi dans l’éolien et utilise l’hydraulique de la Norvège et de la Suède pour pallier l’intermittence des autres énergies renouvelables. Le prix au consommateur final danois figure parmi les plus élevés en Europe parce que la fiscalité énergétique est concentrée sur le consommateur final résidentiel, les industriels ne payant quasiment aucune taxe sur l’énergie.

(Oui, l'électricité y est trois fois plus cher qu'en France. Et le système tient pour ce petit pays 10 fois plus petit que la France et de 6 millions d'habitants grâce aux énormes échanges avec la Suède et la Norvège qui ont beaucoup d'hydroélectricité. Le consommateur final est captif..)

Si l’on se reporte aux statistiques, le prix moyen du KWh en Europe est estimé à 20 centimes d’euro. La France se situe juste en dessous et le Danemark quasiment au double.

(Soit 40 c€/ kWh contre 15 c€ pour la France (encore pour le moment) !)

  1. le président Julien Aubert. Donc, ce n’est pas lié au choix énergétique, mais au choix fiscal ?

Mme Anna Creti. Oui.

  1. le président Julien Aubert. Vous confirmez aussi qu’en mettant en place la concurrence, la Commission européenne avait l’intention de faire baisser les prix ?

Mme Anna Creti. Cela n’a jamais été formulé ainsi. L’objectif des directives sur la concurrence était de permettre aux consommateurs européens d’accéder aux mêmes conditions d’achat de l’électricité partout en Europe. Il s’agissait d’un alignement des prix plutôt que d’une volonté de faire baisser le prix de l’électricité, qui n’est écrite nulle part.

(C'est réussi ! La France a augmenté ses prix de l'électricité pour s'aligner sur les prix élevés européens. Chapeau bas pour cette idée géniale…)

  1. le président Julien Aubert. Les prix en France étaient déjà très bas.

Mme Anna Creti. Ce n’étaient pas les plus bas en Europe. Aujourd’hui, les prix les plus bas sont ceux de certains pays de l’Est qui, il est vrai, avaient des prix historiquement bas.

  1. le président Julien Aubert. Lorsque les prix augmentent tendanciellement en France, on peut dire que la concurrence a rempli son objectif. Si l’idée était de les harmoniser, on constate que certains ont baissé et que ceux de la France ont augmenté.

Mme Anna Creti. Les prix s’alignent, en effet, pour le consommateur final.

  1. le président Julien Aubert. Dans la pensée de la Commission, l’objectif du verdissement était-il la diminution des émissions de CO2 ou la diversification industrielle ?

Mme Anna Creti. La diminution du CO2. C’était un objectif explicite de la directive de 2008.

  1. Cédric Philibert. Monsieur le président, je reviens à votre première question : qu’est-ce que la transition ? L’objectif est-il le climat ? D’un point de vue mondial et européen, il y a aucun doute, c’est bien le climat.

Les renouvelables, en essor en Allemagne, ont progressivement remplacé le nucléaire

(Non, c'est la production de gaz en augmentation qui l'a principalement remplacé avec des appoints EnR quand elles produisent…)

mais n’ont pas permis la décroissance de la consommation d’énergies fossiles, du moins jusqu’à présent. On a même enregistré une légère augmentation de 2 % pendant deux années consécutives.

(Oui…!)

Ce n’est pas considérable, mais c’était une augmentation et non une réduction. Les Allemands ont donc choisi de réduire le nucléaire avant de s’occuper des émissions de CO2. En France, on a décidé de mettre en place des éoliennes et du solaire pour remplacer le nucléaire.

(Ou est ce écrit qu'en France quelqu'un a décidé ça ? Et qui ? Ce n'est pas écrit dans la LTECV qui parle uniquement de diminuer la consommation d'énegies FOSSILES !)

Selon moi, il faut s’attacher à la perspective des trente années qui viennent.

On a construit un parc impressionnant en un temps extrêmement court. Personne ne pense possible de réitérer le même exploit aujourd’hui avec les renouvelables ou quelque autre source d’énergie décarbonée que ce soit. Personne n’imagine qu’on va faire du nucléaire neuf, encore moins dans des quantités comparables à celles du passé.

(Mais pourquoi donc ? On investit bien davantage dans les EnR à fond perdu, on pourrait le faire aussi bien dans le nucléaire ! Monsieur Philibert ne l'imagine pas, alors il en déduit que "personne" ne l'imagine…)

Une des questions est donc de savoir combien de temps on peut prolonger les centrales actuelles, dont l’âge moyen avoisine aujourd’hui les trente ans. On va certainement les prolonger, sous réserve des investissements supplémentaires qu’exigera l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) pour amener les centrales actuelles au niveau de sécurité, plus élevé, qui avait été exigé au moment de la conception de l’European Pressurized Reactor (EPR), et dont je ne pense pas qu’il puisse ni doive être réduit. On parle des investissements du grand carénage à hauteur de 40 milliards d’euros. Le montant des investissements ne sera sans doute pas le même dans toutes les centrales. J’exprime là une opinion personnelle et non pas une vue officielle.

(Elle a donc un intérêt relatif…)

Lorsque l’on se réfère à ce qui s’est passé dans le monde en matière de centrales nucléaires, on constate qu’en général, c’est, in fine, l’exploitant qui les arrête, rarement l’autorité responsable de la sûreté nucléaire. En général, celle-ci autorise la poursuite sous réserve, par exemple du remplacement des générateurs de vapeur ou autres, pour un coût de 1 ou 2 milliards d’euros. On peut donc garantir dix ans de fonctionnement, mais cela reste à la merci d’un incident qui ferait que l’autorisation serait retirée du jour au lendemain. In fine, les exploitants ne souhaitent pas prendre ce risque, trop onéreux par rapport aux bénéfices.

(Ils peuvent aussi décider d'en construire des nouvelles comme en Grande Bretagne, Chine, en Inde, en Russie, … 54 réacteurs sont en construction dans le monde.)

https://pris.iaea.org/PRIS/WorldStatistics/UnderConstructionReactorsByCountry.aspx

La situation d’autres centrales est meilleure, qui ne nécessitent que 300 millions ou 500 millions d’euros d’investissements. L’exploitant sera heureux de le faire et de prolonger ainsi leur fonctionnement. Tout cela entraînera une décroissance progressive du nucléaire, que cela participe ou non d’un objectif politique, tout simplement parce que c’est inscrit dans les faits et qu’il peut difficilement en être autrement sur un plan pratique. On en prolongera certaines, non toutes, ce qui engendrera un déficit d’énergie.

(C'est pour ça qu'il faut songer à en construire de nouvelles…)

La question est de savoir si ce déficit d’énergie sera complété par d’autres énergies sans carbone, ou si l’on remettra plus de carbone dans le système, par exemple avec des centrales à gaz.

(Bravo ! Et le grand gagnant sera le gaz et le CO2 !)

  1. le président Julien Aubert. Vous excluez donc le nouveau nucléaire.

  1. Cédric Philibert. Non, je ne l’exclus pas. À l’heure actuelle, le nouveau nucléaire est beaucoup plus cher que les énergies renouvelables. Pour prendre l’exemple de l’EPR de Hinkley Point, sur un marché transparent sur trente-cinq ans, le coût est à plus de 100 euros. C’est cher, comparé au prix des renouvelables qui, y compris pour l’éolien offshore en Mer du Nord, dont les Anglais sont les leaders, atteint 70 euros.

(Mais encore une fois, cet homme compare des pommes et des poires. Il faut comparer à échelle et à coûts et services compris comparables !)

D’une certaine manière, à court terme en tout cas, tant que le niveau de pénétration des énergies renouvelables n’aura pas dépassé les 50 %, ce qui supposerait éventuellement des coûts d’intégration importants, les renouvelables constituent l’offre économique qui s’imposera.

(A coûts de subventions, quitte à ruiner les Français ! Puisque monsieur Philibert le dit, alors ça doit être vrai… C'est incroyable d'entendre un haut responsable déclarer ça !)

La transition est une bonne solution pour éviter de remettre du carbone dans le système dans les dix, vingt, trente ans qui viennent, à mesure que la part du nucléaire décroîtra inexorablement en France.

(Pourquoi inexorablement ?... C'est un souhait de Cédric Philibert de coller à la LTECV qui préconise 50% ?)

Si nos scénarios suggèrent qu’elle va augmenter, c’est parce que d’autres pays passeront éventuellement de 1,5 % à 1, 2 ou 3 % de nucléaire dans leur mix.

  1. le président Julien Aubert. Vous avez expliqué que le solaire était très cher il y a quelques années. Si j’avais déclaré il y a quelques années que le solaire ou l’éolien ne pourrait remplacer le nucléaire parce que trop onéreux, on m’aurait répondu quatre ans plus tard que les prix ont baissé… Pouvons-nous nous fonder sur les coûts des premiers EPR pour justifier le coût du nouveau nucléaire, sachant que les Chinois vont en construire et que, si l’on construisait dix en France, il est probable que le dixième n’aura pas le coût du premier, au même titre que le démantèlement ?

  1. Cédric Philibert. Oui, encore que l’expérience historique du nucléaire montre plutôt une hausse régulière du coût qu’une baisse drastique.

  1. le président Julien Aubert. Savez-vous combien a coûté le parc nucléaire français ?

  1. Cédric Philibert. Non, mais il se mesure en milliards d’euros.

En raison de l’accroissement continu des exigences de sécurité après les catastrophes de Three Mile Island, de Tchernobyl et de Fukushima, nous avons plutôt constaté une augmentation continue des coûts. Quand on est passé d’un palier de 900 MW à un palier de 1 300 MW, sans doute a-t-on assisté à une réduction des coûts au MW. On ne peut pas exclure une réduction des coûts si nous produisons beaucoup de réacteurs du même type.

(Alors pourquoi déclarer que le futur nucléaire sera trop cher ?)

Je pense que les Chinois vont construire d’autres EPR, ils vont aussi construire leur propre modèle de pressurized water reactor (PWR), qui sera plus économique mais qui ne correspond pas à nos exigences de sûreté.

(Qu'en sait-il ? Ils le souhaitent ?)

Il est possible que l’on assiste à des réductions de coût lié à la sûreté, mais je ne sais pas si elles seront du même ordre que celles que connaît le solaire ou l’éolien.

(Selon ceux qui ont été auditionnés auparavant, vous vous trompez ! Tout inclus, le nucléaire sera moins cher que l'éolien et le solaire comme l'ont déclaré les "alternatifs" qui veulent continuer longtemps à biberonner à l'ARENH nucléaire..)

  1. Nicolas Berghmans. Comme l’a expliqué Mme Creti, nous sommes sur un marché électrique européen interconnecté. Les énergies renouvelables ne se substituent pas nécessairement au nucléaire, mais elles peuvent aider à substituer des synergies fossiles au-delà de nos frontières.

(Et pas le nucléaire ?)

Nous sommes, à mon sens, dans une perspective de décarbonation.

(Alors, vive le nucléaire !…)

Je reviens à votre question sur la facture des ménages. Les prix de l’énergie sont élevés, mais ce n’est pas le seul facteur qui impacte la facture des ménages. Le consommateur veut bénéficier des services que rend l’énergie.

(Lapalisse n'aurait pas dit mieux…)

Cela dépend aussi beaucoup de l’efficacité du fournisseur de services selon qu’est concernée sa maison, sa voiture, etc. Dans cette optique, on ne peut pas se limiter aux prix pour évaluer la facture des ménages, il faut aussi s’attacher à la consommation, par exemple, des bâtiments. Le sujet-clé en Europe et pour la France est la rénovation énergétique. Rénover les logements permet de vivre dans un monde où l’on peut supporter des prix de l’énergie plus élevés parce qu’on en consomme moins.

(C'est une tarte à la crème pour réclamer encore plus de taxes et de subventions. Si on économise 10% sur sa consommation grâce à l'isolement (et non 30% comme la publicité le clame), mais que les prix de l'électricité, du carburant automobile, du fuel et du gaz augmente de 40% en 10 ans, alors où sont les économies ? C'est gens là ne savent pas calculer où il le font exprès pour enrichir copains et coquins ?)

https://www.contrepoints.org/2018/07/01/319430-le-gaz-augmente-de-745-au-1er-juillet-vive-la-transition-energetique

Vous avez indiqué que la taxe carbone est affectée aux énergies renouvelables (Enr). Ce n’était pas le cas jusqu’à récemment. Les EnR étaient financées par une taxe sur l’électricité, la contribution au service public de l’électricité (CSPE), née d’un jeu d’arbitrages. L’État a décidé que les recettes de la taxe carbone seraient destinées aux énergies renouvelables.

(Eh oui puisque la CSPE qui est maintenu ne les finances plus directement)

Dans les faits, les contrats ont été passés avec les exploitants et une large part de la rémunération des producteurs d’énergies renouvelables, hors marché électrique – car ils se rémunèrent aussi par le marché électrique –, est issue des coûts des contrats passés. Si, demain, on décidait de ne plus financer les énergies renouvelables par la taxe carbone, il faudrait trouver une autre ressource pour les financer.

(Jamais à court d'idées pour trouver des sous dans la poche des Français !)

Une partie est liée aux futurs développements des EnR, mais elle est relativement modeste en raison de la forte baisse des coûts des énergies renouvelables ces dernières années.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteur. Dans le secteur du bâtiment, on parle du label « E+ C- », pour désigner des bâtiments à énergie positive et bas carbone. Un débat est ouvert pour savoir s’il faut favoriser l’objectif C- par rapport à l’objectif E+ ou s’il faut viser les deux en même temps. En d’autres termes : courir les deux lièvres risque-t-il ou non d’affaiblir l’objectif carbone ? décarbonation ? J’aimerais avoir votre avis.

Il existe en effet un paradoxe de double effet : les personnes précaires sont victimes des coûts liés au changement climatique et de ceux liés à l’inaction face au changement climatique. Ces deux aspects sont-ils évalués aujourd’hui ? Y a-t-il des études sur ce sujet ? Puisqu’il est question d’acceptabilité, que faire si le coût de l’inaction se révélait plus important que le coût de l’action ?

Plutôt que de dépenses liées à la transition énergétique, je préfère, pour ma part, parler d’investissements. Vous avez opéré une distinction entre le coût comptable et le coût économique. Cela remet en question notre lecture annuelle des dépenses relatives à la transition énergétique, domaine dans lequel le retour sur investissements se fait sur des durées plus longues. La contrainte européenne doit-elle demeurer à 3 %, dépenses d’investissement compris ? Ne devrions-nous pas libérer de cette contrainte les collectivités territoriales qui voudraient investir ? Sur ce sujet, le retour sur investissement peut être rapide et d’une durée plus facile à évaluer qu’elle ne l’a été.

  1. Cédric Philibert. La transition énergétique consiste à passer d’un système de dépenses récurrentes de combustibles à un système fait d’investissements dans les économies d’énergie et dans des technologies qui, par nature, sont assez capitalistiques, qu’il s’agisse du nucléaire ou des renouvelables.

(Tiens, le nucléaire est cité dans la transition énergétique… c'est un exploit !)

Si le coût initial est élevé ou très élevé, les dépenses récurrentes sont en revanche extrêmement faibles.

(Oui, c'est le cas du nucléaire. Mais la durée de vie des éoliennes et du solaire étant de 20 ans, il faudra recommencer de manière "récurrente" tous les 20 ans !)

C’est ce qui crée cette difficulté optique à propos des coûts de l’électricité : à un moment, le prix de marché s’effondre quand la part du renouvelable s’élève dans la production.

(J'aime bien: ce n'est qu'un effet "d'optique'… Il faudra que le citoyen y pense en regardant sa facture)

De plus en plus souvent, le coût marginal de production de l’énergie renouvelable est quasiment nul.

(Oui, mais pas le coût réel payé par les citoyens. L'uranium ne coûte quasiment rien dans la production d'électricité nucléaire)

En même temps, des mécanismes ont été instaurés pour financer l’investissement de départ sous la forme d’une taxe sur l’électricité. La partie relative à la taxe sur l’électricité a donc augmenté alors que la partie énergie sur le marché de l’électricité a diminué.

(Oui, il y a des transferts ruineux pour subventionner des doublons !)

  1. le président Julien Aubert. C’est le coût du passé.

  1. Cédric Philibert. De fait, c’est largement le coût du passé, c’est-à-dire que si l’on continue d’investir fortement dans les renouvelables, même en recourant à des systèmes de taxe carbone, même en fléchant les recettes de la CSPE, l’apport sera très faible par rapport à l’investissement passé, qui a été d’une tout autre ampleur. Pour l’avenir, il faut effectivement parler d’investissements lourds, la question étant de savoir comment financer ces investissements.

(Je ne comprends pas : le passé est "lourd" mais l'avenir aussi ?)

J’entends bien la question portant sur les 3 %, mais elle sort quelque peu de mon champ de compétence, car il faut définir ce qu’est un investissement et ce qu’est une dépense de fonctionnement ? Le salaire d’un professeur est-il une dépense de fonctionnement ? Un équipement sportif qui ne sera utilisé qu’une seule fois pour un grand événement est-il un investissement ? On pourrait dire que c’est exactement l’inverse. Il est, par conséquent, difficile de distinguer une dépense de fonctionnement d’une dépense d’investissement.

(Non, pour la production d'électricité, la Cour des comptes fait ça très bien)

Le faible loyer de l’argent aujourd’hui, le niveau extrêmement bas des taux d’intérêt, démontrent la présence, dans le monde, d’une abondance d’épargne qui ne demande qu’à se porter sur des investissements longs mais sûrs.

(Le nucléaire a donc de l'avenir à cette aune)

On le constate aujourd’hui avec le faible coût des énergies renouvelables. J’en parlais il y a peu avec un banquier qui finance ce type d’investissement en Espagne, où les énergies renouvelables sont désormais un investissement privé totalement rentable. Les gens investissent et vendent l’électricité sur le marché de l’électricité ou via des accords bilatéraux avec des acheteurs. Il n’existe aucun système public de subventions ou de financements cachés, et le solaire est à 30 ou 35 euros le MWh.

(Faisons pareil donc !)

Cela s’explique, certes, par la bonne ressource espagnole, mais aussi par le très faible coût du capital exigé pour y parvenir. L’Espagne signe en effet un accord d’achat sur quinze ans, à un prix garanti pour des quantités garanties et une technologie totalement garantie. Elle sait donc exactement quel sera le retour sur investissement. Elle trouve auprès des banques des prêts aux mêmes taux que ceux qui s’appliquent à l’achat d’un logement, soit 1,5 %. Elle finance ainsi du solaire avec un coût moyen pondéré du capital de l’ordre de 3,5 % ou 4 %, taux qui couvre à la fois la rémunération de la part d’investissements propres et la rémunération du banquier. L’épargne abonde, il faut donc trouver le moyen de la diriger vers la transition énergétique. Il ne s’agit pas forcément de dépenses publiques.

(Alors pourquoi ne pas le faire en France ? Les alternatifs" disent que ce n'est pas possible dans les auditions précédentes)

Mme Anna Creti. Qui investit dans quoi ?

Nous disposons de nouveaux instruments, de nouvelles conceptions, de nouvelles façons de revitaliser les territoires, de les rapprocher des citoyens, de proposer des modèles de vie différents. Voilà pour la potentialité. Il convient ensuite de contrôler les effets redistributifs et d’éviter que l’activisme de certains territoires ne soit qu’un exemple isolé.

Avoir accès au PTEC suppose d’être une agglomération, donc d’atteindre un certain niveau d’agrégation, mais certains effets peuvent « percoler » jusqu’au citoyen.

(Qui récupère quelques miettes des taxes et impôts divers qu'il a payé…)

Il n’y a pas seulement des dépenses et des investissements, il y a aussi de nouvelles opportunités, qu’il s’agisse de bâtiments ou de nouveaux modes de vie sobres en carbone.

Les investisseurs ne sont pas ceux du passé. L’investissement peut être diffus et porté par des financements verts.

(Et pourquoi seulement "vert" ? Ca veut dire quoi ? Décarboné je comprends, mais "vert" ? Le nucléaire n'est-il pas vert ?)

Cyniquement, je dirais qu’il y a de l’argent à gagner,

(sur le dos des citoyens)

qui viendra soutenir des investissements revêtant une dimension intéressante parce qu’ils sont adaptables, et d’une taille moindre que celle, massive, du nucléaire.

J’ajoute qu’il est très difficile de comparer les investissements dans le nucléaire et les investissements dans les renouvelables. Aujourd’hui, si vous demandez à un opérateur neutre, autre que l’opérateur dominant qui a construit son passé dans ce secteur, s’il veut investir dans le nucléaire, votre proposition ne suscitera pas un grand enthousiasme, pour toute une série de raisons que je pourrais détailler.

(Il faut donc créer des conditions favorables pour l'encourager ! Non ?)

Les montages financiers pour les énergies renouvelables, dans une optique de marché, sont en revanche perçus avec intérêt, et attirent des investissements, petits ou grands.

(Les subventions ont juteuses…)

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Faut-il prioriser les économies d’énergie ou se focaliser sur le carbone ? Pensez-vous que l’on sera plus efficace si l’on se focalise sur le carbone, ou que la synergie ne sera que meilleure si l’on se focalise à la fois sur le carbone et l’efficacité énergétique ?

  1. Nicolas Berghmans. Je pense qu’il faut traiter les deux aspects en même temps. L’efficacité énergétique relevant de l’enveloppe des bâtiments, nous saurons rapidement si nous parvenons à améliorer la performance du parc de bâtiments ou s’il est préférable de passer à une solution plus axée sur le switch technologique vers une consommation d’énergie moins réduite mais plus décarbonée.

(Qu'est ce que c'est que ce charabia. L'électricité est déjà presque totalement décarboné ! Que faut-il de plus ?)

Pour autant, il me semble important de porter l’accent sur ces deux aspects qui sont complémentaires.

(Lapalisse n'aurait encore une fois pas dit mieux mais l'isolation des bâtiments coûte très cher en rénovation et n'est presque jamais rentable)

Une fois la rénovation faite, le consommateur sera face à sa facture énergétique. Cette aide doit donc être associée à une obligation de résultat, ce qui n’est pas forcément le cas dans le dispositif français actuel.

Mme Laure de La Raudière. Monsieur Philibert, vous avez dit que le scénario prenait en compte quatre énergies renouvelables majeures : la bioénergie, l’hydroélectricité, l’éolien et le solaire. Vous avez précisé que 50 % de la contribution passait par la bioénergie, 20 % à 25 % par l’hydroélectricité et 20 % à 25 % pour l’éolien comme pour le solaire – soit un total, si l’on vous suit, de 125 %.

  1. Cédric Philibert. La bioénergie participe à hauteur de 50 % de la contribution des renouvelables à l’approvisionnement énergétique global de l’humanité – il ne s’agit pas uniquement de l’électricité. Il ne s’agit pas de 50 % de l’énergie, mais de la contribution des renouvelables.

Si nous envisageons l’avenir de l’électricité, les trois technologies que sont l’hydroélectricité, le solaire, l’éolien contribuent à peu près à égalité, aux environs de 20 % chacun, au bilan électrique global à long terme.

(Si le long terme est 2050, monsieur Philibert lui même voyait pourtant précédemment les renouvelables fournir "entre les deux tiers et les trois quarts de la production mondiale d’électricité à l’échéance 2040 ou 2050 "… C'est confus.)

Mme Laure de La Raudière. Ma deuxième question, importante pour la commission d’enquête, concerne la baisse des prix des énergies renouvelables comparée au prix du nucléaire en France. Par rapport au parc existant et installé, à quel moment les courbes se croiseront-elles ? Le prix d’un appel d’offres sur le solaire se situe aujourd’hui à 65 euros le MW. Le parc existant, lui, tourne plutôt aux alentours de 200 euros. À quel moment pouvons-nous imaginer que les courbes se croiseront et, surtout, à quel rythme faudra-t-il implémenter l’énergie renouvelable ? Il ne sert à rien d’aller trop vite si les prix continuent de baisser et que le coût du nucléaire augmente. Peut-être convient-il de prévoir cette séquence dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui intègre ces calculs économiques.

Ma troisième question concerne l’investissement en matière d’énergies renouvelables, donc d’investissement d’argent public. Si on parle d’investissement, on peut parler de rentabilité. Quelle serait la rentabilité d’un euro d’argent public investi dans les renouvelables aujourd’hui, si l’on se réfère aux coûts actuels, en comparaison d’un euro d’argent public investi dans la rénovation des bâtiments ? Quelle est la meilleure rentabilité de la dépense publique de notre pays, entre rénovation des bâtiments et énergies renouvelables ?

  1. Cédric Philibert. Si nous devons préparer de nouvelles énergies pour remplacer les anciennes, il convient de comparer les coûts des constructions actuelles, que ce soit dans le nucléaire, dans le thermique, ou dans le solaire ou l’éolien qui sont à construire. Celles du solaire et de l’éolien sont aujourd’hui moins onéreuses que celles du nucléaire.

(En prix du MW installé oui, mais pas en prix de production tous les coûts inclus car le MW installé nucléaire produit beaucoup plus de MWh ! L'éolien et le solaire coûtent beaucoup plus cher que le nucléaire et c'est pour ça qu'ils sont subventionnés et que les "alternatifs" veulent s'alimenter à l'ARENH nucléaire. Comment faut-il le dire ?)

Excusez-moi, mais il n’y a pas beaucoup de sens à comparer l’électricité et ce qui est amorti, car l’hydraulique, par exemple, est de loin l’énergie la moins chère : elle supporte très peu de coûts de fonctionnement, contrairement au nucléaire.

Mme Laure de La Raudière. Il faut prendre en compte la durée de vie et le coût du grand carénage. Je ne parle pas du nouveau nucléaire, mais du nucléaire actuel, en intégrant le coût du grand carénage.

  1. Cédric Philibert. Ce coût serait probablement très différent d’une centrale à l’autre. On ne le dit pas assez, mais l’état des centrales varie grandement de l’une à l’autre. Pour l’heure, l’ASN n’a pas encore publié les critères généraux qui s’appliqueront au grand carénage, mais quand on examinera l’état de chacune des centrales en vue de prolonger leur durée d’exploitation, on s’apercevra que la rénovation de certaines d’entre elles coûtera 500 millions d’euros, contre 1,5 milliard pour d’autres.

(D'où tient-il ces chiffres sortis du chapeau ?)

Il n’y aura donc pas un coût du nucléaire, mais des coûts différents. Il sera économique de prolonger certaines centrales et anti-économique d’en conserver d’autres. Je suis prêt à parier aujourd’hui

(Facile, ça ne lui coutera rien…)

que c’est l’exploitant qui décidera lui-même d’en arrêter certaines parce qu’il sera confronté à un coût trop élevé du grand carénage. Il faudra remplacer le parc, mais je ne peux pas vous dire à quel rythme ni même exactement comment cela se passera. C’est très au-delà de ma compétence.

(soulignons: "il faudra renouveler le parc nucléaire". Cette phrase a dû lui gratter la gorge en sortant…)

Une autre question se pose par rapport aux combustibles fossiles, avec ou sans taxation. La réponse est délicate car, au fur et à mesure de la transition énergétique dans le monde, les coûts des énergies fossiles peuvent baisser. Il y a dix ans, les partisans des EnR affichaient toujours des coûts en décroissance. Ils avaient parfaitement raison, les coûts ont même décru plus vite qu’ils ne l’avaient espéré. Et ils affichaient des coûts croissants du pétrole et des fossiles en raison de la rareté. Mais la rareté est un mirage : plus on s’en rapproche, plus elle s’éloigne.

(Alors pourquoi avoir agité l'épouvantail de la pénurie depuis 30 ans ?)

Plus on produit de renouvelables, et plus cette rareté de l’énergie fossile s’éloigne, car les renouvelables abaissent le coût des fossiles.

(C'est faire trop d'honneur aux "nouvelles" EnR (hors hydraulique) compte tenu de leur production mondial. C'est surtout la grosse production de gaz de schiste aux Etats-Unis… et aussi au nucléaire qui se substitue au charbon et au gaz dans le monde)

C’est involontairement se tirer une balle dans le pied ! Si l’on ne taxe pas le carbone, je ne peux pas vous dire si les courbes se croiseront, ce qui nous ramène à la question de la taxe carbone.

(Autrement dit "jamais" si on ne taxe pas "à mort" les énergies fossiles ! mais à qui profitera le "crime financier" ?)

Mme Laure de La Raudière. Sur le plan de la rentabilité, qu’en est-il de l’argent public investi dans les renouvelables par rapport à celui investi dans la rénovation de bâtiments ?

Mme Anna Creti. L’énergie renouvelable est rentable dans une optique de marché, ce n’est pas spécifiquement un problème qui se pose à l’État. L’investisseur investira dans les renouvelables.

(Seulement si les subventions sont juteuses. Sinon, il n'y a aucune raison comme l'ont dit les alternatifs qui ne veulent pas "enlever les roulettes du vélo")

Les critères reposeront sur la parité réseau. Les coûts de l’investissement dans les énergies renouvelables sont-ils similaires au coût de l’électricité produite par les énergies fossiles et que l’on peut acheter sur les réseaux ? Nous avons quasiment atteint cette parité réseau.

(Non, c'est un leurre… qui fait parti des 30 mensonges sur les énergies renouvelables)

http://ventsetterritoires.blogspot.com/2016/12/les-30-mensonges-sur-leolien.html

Dans la mesure où nous sommes en retrait et en retard sur les objectifs de rénovation des bâtiments, il faudrait …

Mme Laure de La Raudière. Diminuer les subventions aux renouvelables ?

  1. le président Julien Aubert. Ces énergies vertes électriques étant matures, la décision publique devrait être d’orienter l’argent public, non pas vers le subventionnement des énergies « vertes » électriques mais plutôt vers d’autres priorités, comme le bâtiment.

Mme Anna Creti. C’est cela.

(Wouaouh ! Alors là, les bras m'en tombent. Mme Creti vient de dire qu'on peut supprimer les subventions aux Enr "maintenant matures" pour les orienter ailleurs…)

  1. Nicolas Berghmans. Les contrats de renouvelables passés prenant fin, nous connaîtrons mécaniquement une baisse des besoins de financement public pour ces énergies, qui est inhérente à la conception des contrats.

  1. le président Julien Aubert. Êtes-vous tous d’accord avec ce constat ? Pardonnez-moi d’insister, mais c’est l’une des questions que nous nous posons, d’autant que certains nous disent : « Oh ! malheureux, surtout pas ! »

Mme Anna Creti. Cela dépend de qui investira.

  1. Cédric Philibert. Ce qui est nécessaire n’est pas tant l’argent public qu’un cadre politique permettant le financement des renouvelables, ce qui n’est pas la même chose. En fait, les consommateurs d’électricité ou d’énergie, en finançant l’investissement, éventuellement par le jeu de la taxe carbone, pourront disposer à terme d’une électricité dont le coût marginal sera nul.

(Oui mais dont le coût réel pour la collectivité sera immense et ruineux !)

C’est une façon d’investir. On peut dire, si l’on veut, qu’il s’agit d’argent public. Mais si l’on dit cela, je fais une mise en garde : non, il ne faut pas supprimer tout argent public, car les renouvelables ne peuvent pas se financer en totalité sur le seul marché de gros de l’électricité, car lorsque l’ensemble des sources d’énergie sont mobilisées, le prix de l’électricité de gros s’effondre. Même s’il s’agit de l’énergie la moins chère, l’énergie renouvelable suppose un cadre politique et financier qui permette d’en poursuivre le développement.

(C'est "fort de café" ! Il faudra toujours "cracher au bassinet"…)

Mme Anna Creti. Et il faudra toujours aider les petits consommateurs. Les subventions pour installer les panneaux solaires des petits consommateurs sont toujours nécessaires.

(Quel est l'objectif ? de leur fournir une rente ou de produire à bas coût ?)

  1. le président Julien Aubert. Vous voulez dire les toits solaires ?

Mme Marie-Noëlle Battistel. La France a été mise en demeure de mettre en concurrence l’hydroélectricité ; il y a une quinzaine de jours, sept autres pays ont été mis en demeure. Pensez-vous que cette ouverture du marché bénéficierait aux consommateurs, alors que des éléments nous montrent que, de par sa flexibilité et sa capacité de stockage, le marché de l’hydroélectricité est un pilier majeur de l’équilibre du système électrique ? Si l’on déstabilise cet équilibre, connaîtrons-nous in fine une baisse de tarif ? Ce n’est pas ce que je crois, mais je voudrais avoir votre avis.

(Mme Marie-Noëlle Battistel, vice-présidente de la commission d’enquête, remplace M. Julien Aubert à la présidence.)

Mme Anna Creti. Si les mécanismes prescrits par la mise en demeure, qui sont une mise en concession suivant des critères environnementaux et techniques, sont respectés, il n’y a pas de raison de s’inquiéter de la déstabilisation des marchés. Le bon fonctionnement des centrales hydroélectriques ne dépend pas de tel ou tel opérateur, car le mécanisme repose sur des arbitrages de marché. Qu’il s’agisse d’un opérateur X ou Y, cela devrait suffire pour réguler l’apport, surtout dans un monde où il y a des renouvelables. L’hydroélectrique, utilisé à bon escient, est de plus en plus précieux.

(C'est peut-être pour ça que les alternatifs en veulent ?)

Par ailleurs, avec le renouvellement des concessions, une forte pression pèse sur les critères environnementaux, qui n’étaient pas à l’ordre du jour quand ces centrales ont été construites. C’est un dossier difficile. Si plusieurs pays ont tardé à mettre en œuvre la concurrence, c’est parce qu’il faut déterminer les centrales à mettre en concurrence, les logiques de bassin et les synergies à créer au sein du système.

Mme Marie-Noëlle Battistel, présidente. Vous dites que des obligations seront imposées quel que soit l’opérateur. Peut-être, si ce n’est que l’on enregistre une désoptimisation dès lors que plusieurs opérateurs sont sur une même chaîne hydraulique, ce qui entraîne probablement une augmentation des prix. Qu’en pensez-vous ?

Vous dites qu’il faudra sélectionner les ouvrages à mettre en concurrence. Telle n’est plus la demande de la Commission européenne ; elle demande la mise en concurrence des ouvrages. Dès lors qu’ils arrivent à échéance de concession, on ne choisit pas. Dans la mesure où ils ont été construits de manière très étalée dans le temps, un ouvrage au milieu d’une chaîne hydroélectrique peut être mis en concurrence telle année, et le suivant quinze années plus tard. Il peut donc arriver que, pendant plusieurs années, plusieurs opérateurs soient sur la même chaîne d’ouvrages.

La question de la réciprocité entre les pays est plus politique. Quels pays s’ouvriraient à la concurrence ? Quels pays ne s’ouvriraient pas ? Et qui pourrait investir sur les marchés des autres ?

  1. Cédric Philibert. L’hydroélectricité comprend l’énergie, des services annexes et la capacité de blackstart – c’est-à-dire celle de redémarrer un réseau qui s’est effondré. L’hydroélectricité est l’un des garants de la stabilité parce qu’il y a des machines tournantes, ce qui n’est pas le cas, étrangement, de l’éolien et certainement pas du photovoltaïque.

(C'est exact et c'est un des problèmes pour assurer la stabilité quand il y a beaucoup d'éolien et de PV sur le réseau. Mais le nucléaire est une production à "machines tournantes" qui participe à la stabilité du réseau…)

Mme Marie-Noëlle Battistel, présidente. Être le garant de la stabilité, n’est-ce pas une mission de service public ?

  1. Cédric Philibert. Oui et non car, encore une fois, on peut se fonder sur des mécanismes de marché ; en soi, ce n’est pas impossible, à condition qu’ils soient assez complets, c’est-à-dire qu’ils expriment l’ensemble des attributs de l’électricité, et pas seulement de l’énergie à l’instant T.

(Qui a compris la réponse qui me semble tordue ? Bien sûr que le service public doit être garant de la stabilité du réseau afin qu'il ne s'effondre pas )

L’enjeu est aussi de faire émerger ou non des marchés de capacité – on peut en discuter. Il y a des débats interminables sur la nécessité d’avoir des marchés « énergie seulement » ou des marchés plus complets. Je pense qu’il faut des marchés complets. En Espagne, des exploitants d’éoliennes ont répondu à des enchères pour des services de régulation tout à fait explicites, des réserves primaires et secondaires. Même les renouvelables peuvent participer à ces marchés, a fortiori le secteur de l’hydraulique qui est très bien équipé pour y participer. De toutes les énergies renouvelables, l’hydraulique est la plus flexible et celle qui offre le plus d’attributs.

(Oui, c'est la meilleure, les autres étant à rejeter à la poubelle…)

Mme Marie-Noëlle Battistel, présidente. Nous n’allons pas engager un grand débat sur l’hydroélectricité, mais je rappellerai simplement qu’elle présente une particularité. Trop souvent, on la considère uniquement sous l’angle de la production, mais elle est aussi un enjeu pour l’eau et la gestion de l’eau, les « multi-usages » et la ressource. Cela en fait une production qui ne repose pas uniquement sur sa production d’énergie : c’est un bien commun de long terme. C’est une particularité qu’il convient de prendre en compte.

(OUI)

Mardi 9 avril 2019

Extraits commentés du compte rendu n° 12

Présidence de M. Julien Aubert, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. François Brottes, Président du directoire de Réseau transport électricité (RTE), accompagné de M. Philippe Pillevesse, directeur des relations institutionnelles, de M. Arthur Henriot, chargé de mission au cabinet du Président, et de Mme Lola Beauvillain-de-Montreuil, attachée de presse.

  1. le président Julien Aubert. RTE est l’entreprise publique en charge de la gestion du réseau de transport d’électricité à haute et très haute tension. À ce titre, elle doit veiller en permanence à l’équilibre entre la production d’électricité, ou plus précisément sa disponibilité sur le réseau, et la consommation nationale. La montée en puissance des énergies renouvelables (EnR), majoritairement intermittentes, représente un défi d’adaptation du réseau de RTE et justifie à elle seule cette audition. Elle suppose, pour votre entreprise, de programmer d’importants investissements.

(Qui seront donc répercutés sur la facture finale contrairement aux affirmations de Cédric Philibert le 4 avril sur la neutralité financière d'insertion des EnR aujourd'hui)

L’insertion sur le réseau n’est-elle pas « la grande oubliée », « la Belle au bois dormant », lorsque l’on évoque la question du coût complet des EnR ?

  1. François Brottes, président du directoire de RTE. RTE n’est pas un acteur parmi d’autres ; nous sommes en situation de monopole. Ce n’est pas un gros mot : il ne peut y avoir plusieurs opérateurs de lignes à très haute tension en France, pas plus que nous ne pouvons organiser à plusieurs l’équilibre du système. De façon permanente, seconde après seconde, RTE doit veiller à ce qu’il n’y ait pas de black-out – le dernier est survenu en 2006. Nous disposons de quatre secondes pour éviter le black-out.

(Et les EnR, éolien et photovoltaïque aggravent ce déséquilibre)

https://staging.contrepoints.org/2017/12/05/304701-photovoltaique-brisera-canard

Commençons par rappeler que la consommation en France est stable depuis six ans.

Ne l’oublions pas, la maîtrise de la demande d’énergie est la première des énergies renouvelables. Si jamais un infléchissement survenait et que la consommation repartait à la hausse, la situation serait encore plus difficile qu’elle ne l’est aujourd’hui.

(Pourvu qu'on "décroisse" et que nos industries aillent s'installer à l'étranger…)

La fermeture des centrales au fioul et au charbon, depuis 2012, a représenté 13 gigawatts. La fermeture annoncée de Fessenheim et, potentiellement, de cinq tranches au charbon représenterait 5 GW supplémentaires. Or le pic de consommation en 2018 était de 96,66 GW. On aura donc fermé l’équivalent de 19 % des besoins aux moments des pics de consommation.

Les interconnexions, sur lesquelles je reviendrai si j’en ai le temps, ont un potentiel de 11 GW, mais il faut imaginer devoir partager avec nos voisins : il peut arriver qu’ils en aient besoin en même temps que nous. Cela donne une idée du gap auquel nous sommes confrontés : même si la consommation reste somme toute raisonnable, la situation risque de se compliquer si l’on se dégrée de moyens de production sans leur substituer d’autres éléments.

Les États européens sont eux aussi confrontés à ce phénomène : la Grande-Bretagne a réduit son parc au charbon de 13 GW depuis 2012, l’Allemagne veut réduire son parc au charbon lignite de 15 GW d’ici à 2025, avec une sortie annoncée en 2038, l’Italie veut réduire son parc au fioul de 15 GW d’ici à 2025 et la fermeture en 2020 de dix centrales au charbon a été annoncée en Espagne.

Autrement dit, nos marges de manœuvre se réduisent fortement

Le gisement hydraulique reste très faible. Les centrales thermiques ne font pas partie de l’avenir car elles sont polluantes.

(Rappel : le nucléaire est aussi "thermique". Il faudrait dire les centrales "à flammes")

Quant au parc nucléaire, il vieillit et ses performances diminuent. Dans les cinq ans qui viennent, 32 visites décennales sont programmées, dont 17 sur des centrales quarantenaires. Chacune durera au minimum trois mois, le plus souvent plus de six mois.

Le Gouvernement se prononcera sur l’opportunité de lancer un programme de renouvellement des installations nucléaires à l’issue du programme de travail présenté par la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) en 2021.

Le développement du solaire et de l’éolien répond aujourd’hui aux enjeux de sécurité de l’approvisionnement et de sûreté du système électrique. Ne pas avoir de solaire et d’éolien nous coûterait sûrement très cher.

(Et encore plus d'en avoir ! car si l'éolien et le PV sont absent à la pointe de consommation, on fait quoi ?)

Les progrès technologiques, notamment dans l’éolien, sont nombreux : le facteur de charge, autrement dit, pour parler clair, la productivité, est de 25 % pour les nouvelles installations terrestres – et sur certains territoires, comme l’Occitanie où les vents sont réguliers, il atteint 35 % – alors qu’il était autrefois estimé entre 18 et 20 %. Il peut être de 45 % pour l’éolien en mer, comme le montre l’expérience dans les autres pays.

(Non, l'expérience dans les autres pays ventés comme l'Ecosse montre un facteur de charge qui atteint à peine 30%)

https://www.contrepoints.org/2017/10/16/301053-eolienne-offshore-naufrage-sens

Trop souvent, les producteurs, forts de l’accord des élus et de la population, demandent à être raccordés rapidement, sans songer que le premier poste électrique auquel leur installation serait raccordable peut se trouver à 50 ou 70 kilomètres de distance, que cela suppose des travaux de raccordement, des délais pour trouver les voies et moyens juridiques d’éviter les recours, etc. Autant de considérations qui souvent ne faisaient pas partie des pensées premières des promoteurs.

Ensuite, ce n’est pas parce que les installations sont raccordées au réseau de distribution – ce qui est le cas de plus de 92 % des capacités en GW – que l’on n’a pas besoin du réseau de transport. Il faut savoir que, lorsque la consommation n’est pas suffisante pour écouler la production locale, le réseau de distribution refoule la production vers le réseau de transport, chargé de l’équilibre de l’ensemble. La part de l’énergie refoulée est de 25 %, en hausse de 40 % en 2018 par rapport à 2016. En décembre 2017, le refoulement a été de 180 % supérieur à ce qu’il était en décembre 2016.

Il faut savoir que les auto-consommateurs ne sont pas coupés du monde ni du réseau : ils l’utilisent moins, ce qui les amène à penser qu’ils devraient moins payer ; à ceci près qu’ils ont besoin d’y avoir accès à tout moment… Le réseau de transport ou de distribution doit donc être disponible en permanence, ce qui suppose des charges fixes. L’autoconsommation n’est pas une façon de réduire le coût des nouvelles lignes ; elle permet uniquement d’éviter de payer des taxes sur la propre électricité. Il y a donc un effet de transfert vers les autres consommateurs, puisque le fonctionnement des réseaux induit essentiellement des charges fixes. Le bilan prévisionnel de 2017 montre que si 4 millions de foyers étaient équipés d’un système d’autoproduction en 2035, le gain pour chacun d’entre eux serait d’environ 100 euros par an, mais que le surcoût pour les foyers qui ne pourront pas s’équiper atteindra 17 euros par an. Quant au surcoût net pour le système électrique, il sera de 150 millions d’euros.

(Alors que Cédric Philibert vous a affirmé le 4 avril qu'il n'y avait aujourd'hui aucun coût d'insertion pour les EnR… Je cite " Aujourd’hui, le KWh marginal éolien ou photovoltaïque ajouté dans le système n’a, en gros, aucun coût d’insertion". )

Cela pose des questions d’équité, dont le débat récent montre qu’elles sont centrales. La péréquation, un élément important de notre pacte républicain, demeure d’actualité. Pour ma part, je suis fier que RTE assume et cette mission régalienne de fournir le même service au même prix et sur l’ensemble du territoire. C’est une notion qu’il nous faut impérativement préserver, fût-ce à l’aune de volontés d’une autoconsommation qui n’est pas totalement indépendante.

Il faut commencer par relier le parc de production considéré au réseau de transport et de distribution. Les coûts de raccordement sont pris en charge à 100 % par le producteur, dès lors que l’installation fait plus de 5 MW. Cela concerne environ 94 % des capacités d’éoliennes et un tiers des capacités photovoltaïques. Les installations plus petites bénéficient d’un taux de réfaction de 40 %, couvert par le TURPE.

Mais le raccordement des installations suppose souvent, pour évacuer les nouvelles capacités de production, de créer de nouveaux ouvrages dédiés aux énergies renouvelables sur le réseau de distribution ou de transport. Ces ouvrages sont identifiés dans le cadre du S3RENR

Les vingt et un premiers schémas S3RENR, élaborés entre 2012 et 2016, prévoient, pour la France continentale, la création d’ouvrages dédiés pour un montant de 772 millions d’euros, dont 317 millions d’euros pour les ouvrages RTE, financés par la quote-part. Fin 2018, 53 % de ces montants avaient été dépensés ou engagés. Les travaux de renforcement d’ouvrages dédiés, financés via le TURPE, atteignent 261 millions d’euros, dont 189 millions pour les ouvrages RTE. Fin 2018, 56 % de ces montants avaient été dépensés ou engagés.

Ces schémas sont dimensionnés pour accueillir 26 GW de production d’énergie renouvelable. La quote-part « transport et distribution » varie entre 0 euro le MW, quand aucun aménagement supplémentaire n’est réalisé, et 70 000 euros le MW. Le coût total des investissements pour le raccordement au réseau des énergies renouvelables, financé par le TURPE, représente 4,3 milliards d’euros par an, soit 8 % du tarif de vente résidentiel.

Au total, les coûts d’adaptation du réseau de RTE au nouveau mix énergétique seront de 2,1 milliards d’euros sur la période 2019-2022, dont 1,2 milliard pour l’éolien en mer. Les producteurs rembourseront 300 millions d’euros ; le reste sera répercuté sur les tarifs, donc sur les consommateurs, via le TURPE.

(Mais à part ça, le coût d'insertion des EnR est compté pour rien par l'expert de l'AIE Cédric Philibert…)

Je rappelle que les règles des premiers appels d’offres concernant l’éolien en mer ont été modifiées : le raccordement des parcs, autrefois financé par la CSPE sous son ancienne forme, est désormais « turpé » et assumé par RTE. La partie financée aujourd’hui est la partie « transport ». Le glissement n’est pas que sémantique.

Ces investissements représentent 70 % des objectifs de la PPE option haute – 35 GW d’éolien terrestre et 45 GW de photovoltaïque en 2028 – et 100 % des objectifs de la PPE option basse – 34 GW d’éolien terrestre et 35 GW de photovoltaïque. Cela signifie que si la PPE tient sa trajectoire, au-delà des besoins liés aux seules adaptations structurelles requises pour le branchement de nouvelles sources d’énergies renouvelables, il faudra prévoir quelques bricoles en plus…

(Sous entendu, mettre quelques "milliards d'euros" à la place de "bricoles" ?)

Comme je l’ai expliqué, c’est le TURPE qui financera les coûts de raccordement et de transport de l’éolien en mer, qui s’élèvent à 300 millions d’euros en moyenne pour un parc de 500 MW, auxquels il convient d’ajouter le coût d’un poste en mer, de l’ordre de 100 millions d’euros. La part du transport et du raccordement, de 400 millions d’euros pour un parc estimé à 1,8 milliard d’euros, est significative. Le fait qu’elle soit prise désormais en charge par le TURPE, donc le tarif – ce qui est le cas dans la quasi-totalité des autres pays d’Europe – permettra aux candidats du projet au large de Dunkerque de faire une offre de tarif moins élevée.

Ces actifs seront amortis sur quarante-cinq ans avant d’être éventuellement démantelés.

(Rappel : l'EPR est prévu pour durer 60 ans, et les réacteurs américains, qui sont les mêmes que les réacteurs français, sont déjà prolongés à 60 ans et des études sont encours pour une prolongation à 80 ans…)

À l’origine, on pensait devoir provisionner les coûts liés au démantèlement dès la première année, ce qui renchérissait le coût et accréditait l’hypothèse que la concession de vingt ans ne serait pas renouvelée. Nous sommes parvenus à un accord très pragmatique, et j’en remercie les services de l’État : trois ans avant la fin de la concession, nous aurons rendez-vous pour évaluer, selon les conséquences sur l’environnement, la nécessité ou non de démanteler. Je suis de ceux qui pensent que l’on provoque parfois plus de dégâts en démantelant qu’en laissant les choses en l’état, lorsque les câbles sont ensouillés par exemple. Nous saurons alors si le parc pourra encore être exploité. Le coût du démantèlement, qui sera forcément « turpé », n’est pas intégré dans les prix que je vous ai indiqués.

(Alors qui paiera si les sociétés d'éoliennes ont fait faillite d'ici là ?)

C’est le quotidien de RTE : nous gérons en permanence 200 contentieux, car nous sommes toujours les premiers arrivés dans les projets d’installation de parcs. Je rappelle que l’éolien en mer est toujours pénalisé par les recours : aucune procédure n’est close pour le moment.

(Peut-être parce que les gens n'en veulent pas et qu'il y a un gros problème "d'acceptabilité sociale"…)

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. J’aimerais revenir sur deux points que vous vouliez développer, sans en avoir eu l’occasion, à savoir la flexibilité et l’intelligence numérique, en y ajoutant une question relative au stockage.

  1. François Brottes. La flexibilité est d’abord l’obligation, pour nous, d’équiper le réseau en capteurs et en intelligence artificielle en back-up, dans des proportions considérables.

(Oui, les EnR intermittentes et fatales demandent beaucoup de "soutien "back-up")

Je rappelle qu’il y a quasiment 3 000 postes électriques et 105 000 kilomètres de lignes : ce n’est pas un petit boulot…

De fait, nous sommes confrontés à une situation qui nous oblige à bien des acrobaties.

Le fait, par exemple, de pouvoir écrêter 1 % d’une énergie dont on n’a pas besoin dans le réseau, et qui pourrait venir, par exemple, de l’éolien, permet de réaliser un gain significatif : on divise par deux les coûts d’adaptation. Il est inutile de surdimensionner une infrastructure pour véhiculer des électrons dont on n’a pas besoin, sinon deux ou trois fois par an : c’est complètement idiot.

(oui, et c'est aussi idiot d'accepter sur le réseau et de payer toute la production EnR lorsqu'on en n'a pas besoin)

Les producteurs de renouvelable ont compris qu’ils étaient des partenaires du système et ils jouent le jeu. Ils sont d’ailleurs rémunérés au prorata de ce qu’ils perdent, quand on écrête, mais cela coûte moins cher à la collectivité que de laisser arriver un pic de production.

(Et pourquoi pas les autres, notamment le nucléaire qui ne coûte quasiment rien à produire et qui, lui, doit s'effacer ?)

La flexibilité est aussi liée à l’interconnexion. Je ne vois pas ce que l’on ferait sans les interconnexions avec les pays voisins. Nous en avons aujourd’hui 50 et il en existe 420 dans toute la zone européenne. Pendant une dizaine, voire une vingtaine de jours par an, ce qui n’est pas beaucoup, nous sommes sauvés par les importations, alors que nous sommes des exportateurs nets, très fortement. Ce n’est pas intuitif : les gens se disent que l’on n’a pas besoin de production complémentaire puisque nous sommes largement exportateurs – on a même battu cette année un record d’exportation. Mais ce ne sont que des moyennes : cela ne résout pas le problème qui se pose en temps réel, à la seconde près. Ceux qui raisonnent, les commentateurs, les experts économistes et tous ceux qui ont un avis sur ces questions oublient parfois de raisonner sur le temps réel, sur ce que nous vivons. Notre sport consiste à gérer seconde par seconde.

(Oui et notamment l'ADEME dans ses "études" pour insérer "au chausse-pied" 100% d'électricité renouvelable, et qui raisonne en pas horaire, voire mensuel…)

J’en arrive à l’effacement, qui ne figurait pas dans votre question. Je pense que nous avons là un gisement important, de l’ordre de 3 GW. Il faut y ajouter ce que l’on appelle l’interruptibilité, qui représente 1,5 GW – cela concerne 21 sites industriels, que l’on arrête en une seconde. Nous l’avons fait pour éviter un black-out le 9 janvier dernier, à 21 heures 03
– de mémoire. Heureusement que nous avions cette possibilité sous le pied. Sinon, il aurait été compliqué de maintenir la fréquence à 50 Hz sur l’ensemble du réseau européen. Le problème ne se trouvait pas chez nous, mais comme tout le monde attrape la grippe quand l’un d’entre nous éternue, on est bien obligé d’avoir des mesures de solidarité.

L’effacement est un gisement qui n’est pas encore à son maximum dans le secteur tertiaire et, par exemple, dans les équipements électroménagers. Je vous invite à auditionner des constructeurs français, si vous en avez le temps, qui travaillent sur l’idée consistant à introduire dans les réfrigérateurs, les congélateurs et d’autres équipements fonctionnant en permanence des éléments de pilotage. Si on arrête cinq minutes un réfrigérateur, ce n’est un problème ni pour celui-ci ni pour ce qu’il contient. Si l’on multiplie cinq minutes d’arrêt par des millions de réfrigérateurs, on obtient une capacité de pilotage assez remarquable sur le plan de l’interruptibilité.

(Oui, c'est une voie raisonnable et efficace qui ne coûtera pas cher et facile à mettre en œuvre qu'il faut encourager avec des bornes de temps…)

Il faut pousser plus loin ce type de raisonnement. L’industrie commence à s’y intéresser, elle est volontaire. Nous sommes tout à fait disposés à aider une entrée sur le marché de l’effacement. Il faudra peut-être certaines adaptations, étant entendu que notre problème est la pointe, le matin et le soir : tout ce qui pourra limer cette pointe nous évitera des productions complémentaires. Cela représente un chantier considérable. J’ai le sentiment que le Gouvernement en a parfaitement conscience et qu’un certain nombre de propositions pourraient être faites. On voit qu’il y a des gisements qui ne sont pas complètement exploités. Le modèle économique n’est pas nécessairement facile car cela suppose de faire du porte-à-porte. Mais si c’est le constructeur qui met en place le système en amont, c’est moins compliqué que d’aller frapper à la porte de tout un chacun pour installer un petit capteur dans les réfrigérateurs.

Il y a aussi les gestes écocitoyens. Nous pratiquons Écowatt en Bretagne et dans la région Sud.

Dans ces péninsules historiquement électriques, même si c’est un peu moins vrai pour la dernière, les citoyens – plusieurs dizaines de milliers – sont au rendez-vous quand on leur envoie un petit message par SMS : ils acceptent de laver un peu plus tard à la machine leur vaisselle ou leur linge, ce qui représente 1 ou 2 % de la consommation. Ce n’est pas mal : enlever 2 % en période de pic permet souvent de passer la difficulté.

En ce qui concerne le stockage, il faut évoquer les différentes techniques plutôt que parler de cette question de manière générale. Les technologies se caractérisent notamment par différents dimensionnements, selon la puissance de la capacité de stockage d’énergie. L’énergie, c’est le stock ; la puissance, c’est la capacité à charger ou à décharger le stock rapidement. C’est très important : on ne peut pas comparer deux stockages si l’on ne regarde pas comment ils libèrent l’énergie, à quelle vitesse et avec quelle puissance. En fonction du ratio puissance/énergie des batteries, les moyens de stockage peuvent rendre différents services aux réseaux.

(Oui, et c'est bien de le rappeler. C'est une notion qui échappe à beaucoup de monde, y compris à certains "experts"…)

RTE s’intéresse à l’ensemble des technologies. Nous avons, bien entendu, des stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) dans le réseau, qui représentent environ 4,5 GW
– Mme Battistel le sait bien ; mais les nouveaux gisements sont assez limités. Des batteries lithium-ion sont en cours de raccordement au réseau, notamment pour participer au réglage de la fréquence, avec des capacités de stockage de plusieurs dizaines de minutes. Je rappelle que l’électricité est l’énergie, la puissance, la fréquence et la tension : il faut que tout ce petit monde fonctionne selon des normes bien précises si l’on ne veut pas que le réseau s’écroule.

(Oui, là encore c'est bien de le dire car beaucoup semble l'oublier au ministère de l'écologie, à l'ADEME, DGEC, AIE…)

Ceux qui entrent sur le réseau, y compris dans le cadre du déstockage, doivent épouser l’intérêt commun qui est lié à ces curseurs.

(Ce n'est leur problème… Ils considérent que c'est celui de l'Etat et de RTE. Eux sont là pour faire fonctionner leur" modèle" et gagner des parts de marché et de l'argent. Quant à l'intérêt commun…)

Certains de nos clients s’intéressent aussi à l’installation de volants d’inertie – on en fabrique en France, d’excellente qualité – mais ils ne stockent pas beaucoup et libèrent très vite – en sept secondes.

(Avec ça, on va aller loin… ponctuellement oui.)

https://www.contrepoints.org/2018/08/11/322136-le-stockage-denergie-en-beton-une-utopie-de-plus

Cela peut néanmoins permettre de régler des problèmes de tension. Certains industriels ne se privent pas de s’y intéresser, mais on voit bien qu’il s’agit d’un usage marginal par rapport à d’autres techniques.

(Oui)

RTE a obtenu l’autorisation du régulateur, qui est pragmatique, je l’ai dit, pour installer des batteries sur le réseau afin de gérer des problématiques locales : c’est le projet RINGO. Nous sommes en train d’installer des batteries en trois points du territoire continental pour stocker du trop-plein d’énergie qui arrive dans le réseau à un moment où l’on n’en a pas besoin dans une région, tout en déstockant ailleurs le même volume dans le même temps.

(Encore une usine à gaz qui sera payée par les consommateurs pour "insérer" au chausse-pied des EnR fatales et intermittentes sur le réseau… alors que RTE n'en avait pas besoin avant et que ça fonctionnait bien.

Encore une fois, les EnR crées des problèmes que d'autres s'échinent ensuite à résoudre avec des procédés "innovants" payés par les français !)

On le fait car, sinon, les producteurs pourraient dire que RTE perturbe le marché. En réalité, cela ne change rien à la demande de production au niveau global : c’est seulement une façon de ne pas avoir à réaliser des infrastructures. C’est pourquoi nous parlons de « lignes virtuelles » dans notre jargon. Avec l’accord de la CRE, nous avons permis l’émergence, ou la valorisation, de la filière industrielle française du stockage, qui compte peu d’acteurs, il faut le reconnaître. Nous allons pouvoir tester en vraie grandeur. Le régulateur nous a demandé de mettre la part de stockage que nous n’utiliserions pas pour nos propres besoins à la disposition des acteurs de production, afin qu’ils aient un hub de stockage à prix coûtant, sous le contrôle du régulateur. C’est en cours.

L’hydrogène, c’est un peu une tarte à la crème, si vous voulez bien me pardonner cette vulgarité, et cela prête à bien des confusions.

(Oui, c'est même un hallucinogène tellement certains voient la vie en rose lorsqu'ils en parlent…)

https://www.contrepoints.org/2018/06/04/215595-lhydrogene-cet-hallucinogene

Celle-ci porte d’abord sur les différentes sources d’hydrogène. Il y a de l’hydrogène « gris », pas propre, produit à partir du méthane selon un processus de vaporeformage émetteur de CO2, de l’hydrogène « bleu », produit selon le même processus de vaporeformage mais avec une capture du CO2 émis – c’est presque de l’hydrogène propre –, et de l’hydrogène « vert », complètement propre, produit par électrolyse après d’électricité issue d’énergie renouvelable.

(Ou de nucléaire ?... car il faudra beaucoup d'électricité pour alimenter les immenses électrolyseurs couteux qui ne seront rentables que s'ils sont utilisés quasiment en continu…)

Il existe aussi une confusion en ce qui concerne les usages. On distingue les usages directs actuels, dans l’industrie, comme la fabrication d’engrais ou d’ammoniac, les usages directs futurs, par exemple la mobilité grâce à l’hydrogène, et les usages indirects via une injection dans le réseau de gaz, avec du méthane dans de faibles proportions – de 2 à 10 %. Dans ce dernier cas, on l’injecte après transformation en méthane de synthèse – c’est ce que l’on appelle la méthanation – en utilisant les infrastructures actuelles, avec beaucoup de perte.

(Je crains qu'il y ait ici une erreur de monsieur Brottes. Si l'hydrogène est injecté directement, alors l'insertion doit se faire dans les proportions indiquées. Si l'H2 est transformé en méthane identique au gaz naturel dans les canalisations, alors il n'y a plus de raison d'en limiter la proportion)

Nous sommes proactifs sur l’ensemble des éléments de stockage, car il ne faut pas perdre de temps pour comprendre. Nous avons un partenariat avec GRTgaz à Fos-sur-Mer pour tester la mise en œuvre de l’hydrogène dans le réseau de gaz – c’est le « Power-to-Gas ».

Il y a une confusion, je l’ai dit, sur les différentes justifications des développements de l’hydrogène. On parle de « verdir » le système gazier. L’alternative serait l’électrification des usages.

(Et d'où viendra l'augmentation de la production d'électricité ?)

Il est question de soutenir la flexibilité du système électrique en apportant une solution de stockage-déstockage – c’est ce que j’ai évoqué.

J’ai senti que vous vouliez aussi m’interroger sur le véhicule électrique du point de vue de la flexibilité. Nous estimons qu’il y aura environ 16 millions de véhicules électriques en 2035. En tant que gestionnaires du réseau et garants de l’équilibre du système électrique, nous disons que cela peut être une chance considérable, à condition que le pilotage soit vertueux. Si tout le monde recharge où il veut, quand il veut, à la vitesse qu’il veut et pour obtenir le volume qu’il veut, on n’y arrivera pas : ce sera très compliqué. Pour donner une idée de la consommation d’énergie, 16 millions de véhicules représentent 35 térawattheures, soit l’équivalent de ce que consomme la région Nouvelle-Aquitaine – mais c’est moins que le chauffage électrique. Quel serait l’impact des appels de puissance sur le réseau et des pointes de consommation ? L’enjeu est là : un million de véhicules électriques représentent une pointe de près de 700 MWh s’il n’y a pas de pilotage. 

(Une pointe se défini en puissance MW et non en MWh. Y a-t-il une erreur de Monsieur Brottes ou de transcription ?)

Seize millions de véhicules électriques, ce sont 16 millions de batteries que l’on peut piloter pour soutenir le réseau.

(Mais à quel prix du kWh les propriétaires accepteront d'user leurs couteuses batteries qui a un nombre de cycles limité sachant qu'il faudra payer une interface pour "refouler" ?)

C’est l’équivalent en énergie de dix fois les STEP dont on dispose aujourd’hui. Il faut bien avoir conscience que c’est colossal, si c’est bien piloté. L’intérêt est de pouvoir stocker et déstocker : on stocke quand il y a une abondance d’électricité, typiquement la nuit, et on déstocke dans des moments où une question de pointe va peut-être demeurer. Si l’on pilote bien, on peut réaliser entre 1 et 1,5 milliard d’euros d’économies par an pour le système électrique européen.

(Ou de dépenses supplémentaires pour le contribuable…)

Il y a donc un enjeu de pilotage. Le législateur et ceux qui font les règlements devront certainement adopter une approche un peu coercitive

(???)

afin que ce ne soit pas « open bar » – pardonnez-moi cette expression triviale. Sinon, nous ne réaliserons pas les gains considérables que je suis en train d’évoquer.

Mme Marie-Noëlle Battistel.  Vous avez souligné à juste titre que le développement des ENR répond à un enjeu de sécurité et de sûreté du système électrique

(Permettez-moi de m'inscrire en faux contre cette réflexion. Depuis le début, monsieur Brottes explique que les EnR mettent le bazar dans le système électrique de RTE et qu'il faut maintenant "innover" pour maintenir la stabilité mise à mal ! Où voyez-vous que les EnR répondent à " un enjeu de sécurité et de sûreté du système électrique" ?

Elles sont au contraire dangereuses pour la système électrique à cause de leur intermittentes fatales)

et que l’on va aussi avoir besoin, finalement, de plus en plus d’interconnexions dans ce cadre.

À combien évaluez-vous les interconnexions supplémentaires au regard de cette évolution et de la complexité de la coordination des échanges entre pays ?

Autrement dit, quel est le « delta » en matière de coût en ce qui concerne les interconnexions ?

Pour ce qui est de l’effacement et de l’interruptibilité chez les industriels, considérez-vous que la rémunération est suffisante à ce stade ? On sait qu’il coûte vraiment très cher d’importer quand on en a besoin. L’effacement et l’interruptibilité sont rémunérés toute l’année même si l’on ne s’en sert pas, mais cette rémunération est-elle suffisante ? Si elle était plus élevée, ferait-on par ailleurs des économies ?

  1. François Brottes. Nous avons d’abord travaillé sur les circonstances dans lesquelles on peut être garant au plan national, et pas seulement dans la région Ouest, du maintien de l’équilibre du réseau, ou non. Mais on peut aussi parler des coûts : je vous ai montré que l’on chiffrait des choses. Je voudrais d’ailleurs corriger une bêtise que j’ai dite tout à l’heure sous serment : le montant de 1,8 milliard que j’ai évoqué ne correspond pas au coût d’un parc. Nous n’avons pas le droit d’en savoir le coût, car il est soumis au secret des affaires. Il s’agit, en réalité, du cumul de ce tout ce que nous coûte le raccordement.

Vous avez évoqué le coût des interconnexions. Oui, une interconnexion coûte cher. Nous sommes en train de lancer une interconnexion entre Bordeaux et Bilbao ou à peu près, qui passera par le Golfe de Gascogne, pour un coût d’environ 2 milliards d’euros ; on en est au stade de l’appel d’offres Il y a aussi un projet de 550 kilomètres entre l’Irlande et la Bretagne qui devrait coûter 1 milliard d’euros. Nous sommes en train de terminer une interconnexion de 190 kilomètres entre l’Italie et la France, à peu près dans la même fourchette de prix. Par ailleurs, nous construisons une nouvelle interconnexion entre le Royaume-Uni et la France

L’Europe fait obligation aux États d’avoir un pourcentage d’interconnexion par rapport à leur production. Le premier motif invoqué est de rendre fluide le marché. Il est vrai que plus il y a d’acteurs qui peuvent jouer sur le marché de l’électricité, plus il y a d’interconnexion possible, et que moins l’intermittence ou la variabilité des renouvelables est grande – je pense à l’éolien –, plus il y a d’interconnexion aussi. Comme il y a toujours du vent quelque part, on est sûr qu’il y a quand même de l’énergie « intermittente » dans le réseau.

(Eh bien non… C'est faux ! Le foisonnement est une vue de l'esprit des promoteurs ! Ou alors parfois si peu lorsque le besoin est grand… Et l'étude de l'association Sauvons le Climat le montre bien !)

https://www.sauvonsleclimat.org/images/articles/pdf_files/etudes/A%20Eolien%20en%20Europe,%20foisonnement%20et%20production%20de%20H2.pdf

Même nous, qui sommes le plus grand exportateur d’Europe, nous avons vraiment besoin des autres de temps en temps. Quel est le prix à payer d’un black-out ?

(Que les EnR favorisent avec leur variabilité fatale…)

L’interruptibilité est-elle suffisamment rémunérée ? Soyons prudents : cette audition est publique et peut-être la regarde-t-on à la Commission européenne…

  1. le président Julien Aubert. Pouvez-vous préciser, pour l’éducation de tous les membres de cette commission ?

  1. François Brottes. Cette contestation nous a amenés à plaider, à RTE, qu’il s’agissait plus d’un pré-délestage que d’une interruptibilité. En gros, on déleste des industriels qui sont d’accord pour l’être plutôt que des citoyens qui n’ont rien demandé. Quand on est un peu ric-rac au niveau de l’offre et de la demande, il ne nous reste plus qu’à couper le courant de 20 % des consommateurs d’électricité. Nous avons dit à la Commission européenne qu’il valait mieux délester des gens qui ont donné leur accord plutôt qu’aller embêter des Européens qui n’ont rien demandé.

Cela concerne vingt et un sites, ce qui n’est pas beaucoup, pour à peu près 90 millions d’euros. Est-ce suffisant ? Les industriels diront que non, la Commission que c’est beaucoup trop. La preuve est faite en tout cas, et nous n’avons pas forcé le trait, que cela peut être très utile.

La contrainte, rappelons-le, dure entre 1 et 5 secondes ; mais on coupe sans prévenir. Cela suppose d’adapter son mode de production industrielle pour être sûr que l’interruption soudaine du process ne crée pas de casse. Ce n’est tant un travail visant à économiser de l’énergie qu’à préserver l’outil industriel. On a expérimenté ce dispositif : il y a eu quelques « bobos » chez un industriel, mais lui-même a reconnu qu’il n’avait peut-être pas pris toutes les précautions nécessaires. En tout cas, c’est extrêmement pratique d’avoir un tel dispositif sous la main : c’est presque l’équivalent d’un réacteur nucléaire et demi. On ne peut certes pas interrompre pendant trois heures, mais dix minutes, vingt minutes, une heure tout au plus. Ou alors, il faudrait trouver un autre système et cela renchérirait considérablement les coûts. Je suis, en tout cas, très partisan de ce dispositif car il est très utile et il aide beaucoup à la sérénité.

Il n’est pas dans la culture des équipes de RTE de couper. C’est d’ailleurs un automate qui le fait. Il ne s’agit pas d’un acte humain, car on n’a pas le temps de faire un brain storming ou une réunion pour gérer le problème des 50 Hz : si on ne réagit pas en trois secondes, on est sûr d’avoir une catastrophe. Cela se fait automatiquement, en fonction de réglages préétablis, et cela a montré son utilité.

Je ne répondrai donc pas vraiment à la question de savoir si la rémunération est assez élevée. Sans doute faudrait-il la revaloriser si l’on demandait des arrêts plus longs.

Mme Laure de La Raudière. Je voudrais vous poser une question sur l’éolien terrestre. Avez-vous mesuré l’impact, pour les investissements, des raccordements récents qui sont à la charge de RTE, voire des producteurs – puisque, in fine, ce sont les Français qui vont payer, soit par le biais d’une taxe, soit par le prix de l’électricité –, du fait de l’absence de toute planification territoriale pour l’installation des éoliennes terrestres ? Elles s’implantent là où les promoteurs trouvent un accord avec les maires, les agriculteurs ou les propriétaires fonciers, là où il y a du vent, bien sûr, mais pas en fonction de l’organisation du réseau.

Je pose cette question pour deux raisons. D’abord, nous avons supprimé les zones de développement éolien (ZDE), qui permettaient d’avoir une certaine planification. Ensuite, l’acceptabilité sociale de l’éolien terrestre est devenue nulle compte tenu des pratiques des promoteurs. C’est un peu l’anarchie dans nos territoires. Plusieurs grands élus, comme Dominique Bussereau et Xavier Bertrand, ont lancé des alertes sur ce sujet. J’aimerais savoir combien coûte réellement le raccordement de tous ces petits projets éoliens dans l’ensemble du territoire – qu’ils soient supportés par RTE ou par les producteurs, dans la mesure où, au bout du compte, ce sont tout de même les Français qui paient.

  1. François Brottes. Comme je l’ai indiqué, le raccordement coûte 300 millions d’euros sur un montant total de 3 milliards. J’ai également indiqué le coût des quotes-parts et le coût qui revient à RTE.

Mme Laure de La Raudière. Je ne suis pas sûre que le SRADDET soit un document d’urbanisme opposable et suffisamment élevé dans la hiérarchie des normes. Ensuite, il n’est pas possible, en instruisant un plan local d’urbanisme (PLU), d’interdire l’éolien sur la totalité du territoire d’une collectivité. C’est la situation qui prévaut aujourd’hui. Même si tel n’était pas le cas, il n’y a aucune planification : nombre de PLU sont mis en œuvre sans même que la question de l’éolien ne soit abordée par les élus sur le plan local, souvent par méconnaissance. Concrètement, il n’y a donc pas de planification.

  1. François Brottes. Sous réserve de vérification, les zones que le SRADDET ne désigne pas parmi celles qui peuvent accueillir de l’éolien ne le pourront pas – car dans le cas contraire, ces schémas régionaux ne serviraient à rien. Selon moi, ils sont prescriptifs.

Cette planification se fait dans un cadre respectueux du SRADDET pour éviter toute approche désordonnée.

En ce qui concerne les PLU, il ne s’agit pas de plans interdisant globalement l’éolien ; il peut néanmoins être prévu d’interdire les installations classées dans certaines zones de développement économique, dont les éoliennes, mais pas seulement. En clair, les territoires ont la main tout à la fois grâce aux SRADDET et grâce aux PLU. S’y ajoute le S3RENR – c’est le préfet, de mémoire, qui valide le montant de la quote-part. Le processus est donc sous contrôle de manière à ce qu’il ne soit pas fait tout et n’importe quoi. En tout état de cause, je ne saurai laisser dire que l’anarchie complète prévaut.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Les élus sont-ils consultés même lorsque les installations sont en deçà d’une certaine taille ?

  1. François Brottes. Les SRADDET autorisent ou interdisent ; le critère du volume n’intervient pas.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Concrètement, comment envisagez-vous la coordination entre le SRADDET et le S3RENR ?

  1. François Brottes. Nous faisons une proposition différente : il faut maintenir les SRADDET, qui ont leur importance dans la hiérarchie des normes puisqu’ils ont été instaurés par la loi.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Ils ne sont pas prescriptifs.

  1. François Brottes. Lorsqu’un SRADDET ne prévoit pas de possibilité d’installation à tel endroit, alors l’installation n’est pas possible. Certes, le SRADDET ne prescrit ni le nombre de gigawatts ni la localisation exacte des installations, mais il identifie dans le territoire des endroits où l’implantation d’unités de production d’énergies renouvelables est possible et d’autres où elle ne l’est pas. Encore une fois et sous réserve de vérification, il n’est donc pas possible d’en implanter sans l’autorisation prévue dans le SRADDET.

Mme Véronique Louwagie. Vous nous avez indiqué le montant des investissements nécessaires pour mettre en place les ouvrages de production d’énergie renouvelable, mais vous avez également dit que plus la production est décentralisée, plus le réseau de distribution est utilisé. Outre les investissements initiaux, existe-t-il un surcoût d’utilisation lié à la décentralisation croissante de la production ?

D’autre part, vous nous avez tendu une perche en indiquant que les coûts sont moindres en Allemagne. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

  1. François Brottes. Permettez-moi d’abord de confirmer à Mme de La Raudière que les schémas régionaux climat air énergie (SRCAE) n’étaient pas prescriptifs ; en revanche, les SRADDET le sont.

  1. François Brottes. La décentralisation progressive de la production, madame Louwagie, sollicite davantage le réseau de transport, et non de distribution. Autrefois, le réseau de transport servait à acheminer depuis les grands centres de production vers les réseaux de distribution une énergie que l’on n’avait pas en local. Aujourd’hui, cette logique s’inverse à mesure que se développe la production décentralisée. C’est donc un nouveau métier.

Mme Véronique Louwagie. Y a-t-il un surcoût ?

  1. François Brottes. Les contraintes nouvelles génèrent forcément un surcoût, encore que : lorsque certaines centrales de production historiques manquent à l’appel, les productions locales sont bien utiles pour s’y substituer !

(Quand il y a du soleil ou du vent… On ne peut pas compter dessus !)

Dès lors que l’on dégrée certains moyens de production, parce qu’ils sont polluants ou vieillissants, il est très utile de disposer d’une production décentralisée pour prendre le relais.

(Si elle est fiable et pilotable ! Mais si c'est un soir sans vent, on fait quoi ?)

Le réseau s’adapte ensuite pour maintenir son équilibre.

(Par magie ? Non, mais grace à l'hydroélectricité, aux centrales à gaz et nucléaires…)

Il faut donc dresser un bilan coût-bénéfices en tenant compte de l’évolution des productions, y compris les plus traditionnelles. Je ne peux guère vous répondre que ceci : des adaptations au réseau sont nécessaires mais les choses seraient sans doute pires autrement.

Mme Véronique Louwagie. Qu’en est-il des coûts en Allemagne ?

  1. François Brottes. Il arrive que le secteur éolien allemand paie pour que nous absorbions sa surproduction ; c’est l’effet de marché. Le fonctionnement des interconnexions repose sur deux facteurs : le premier tient au fait que certains pays, comme la France, sont en déficit de production pendant dix à vingt jours par an, lors des pics. Deuxième facteur : l’énergie est moins chère ailleurs. Je vous renvoie à la rubrique « éco2mix » du site internet de RTE, qui présente l’état en temps réel des échanges et indique le prix de l’électricité dans chaque pays. Les acheteurs achètent ensuite l’électricité là où elle est la moins chère.

La question du prix fait débat : poids du charbon, subventionnement des énergies renouvelables – un argument qui a du sens… Pour toutes ces raisons, la France importe souvent de l’électricité en provenance d’Allemagne.

(Et payée par le consommateur allemand qui paie son électricité deux fois plus chère…)

  1. le président Julien Aubert. Revenons aux chiffres et soyons clairs, monsieur le président. Vous avez indiqué que le surcoût lié aux énergies renouvelables pour 2019-2022 s’élevait à 2,1 milliards d’euros, dont 1,2 milliard au titre de l’éolien en mer et 300 millions sont remboursés par les producteurs. Le surcoût total des énergies renouvelables pour cette période s’élève donc à 1,8 milliard. Cependant, vous avez évoqué un autre montant de 1,8 milliard qui correspond au raccordement d’un parc éolien.

  1. François Brottes. Ce montant de 1,8 milliard couvre la totalité du coût lié aux ENR.

  1. le président Julien Aubert. Soit, les choses sont claires. Reprenons : l’éolien en mer représente 1,2 milliard sur un total de 2,1 milliards et, partant du principe que les producteurs de ce secteur remboursent à RTE à peu près dans les mêmes proportions que les autres, le surcoût de l’éolien en mer doit donc s’élever à environ 1 milliard, selon une règle de trois des plus basiques.

  1. François Brottes. Non, ce n’est pas le cas.

  1. le président Julien Aubert. Autrement dit, le montant de 1,2 milliard qui correspond à l’éolien en mer est un coût brut, sans remboursement aucun. Résumons : sur un surcoût total de 1,8 milliard lié aux ENR, 1,2 milliard provient de l’éolien en mer. Est-ce le cas ?

  1. François Brottes. Oui.

  1. le président Julien Aubert. Très bien. Ma deuxième question découle de la première : au-dessus de 5 mégawatts, la prise en charge du raccordement, nous avez-vous dit, incombe à l’opérateur d’ENR, ce qui représente 94 % des unités de production. Qu’en est-il du surcoût de 1 milliard pour l’éolien que nous venons d’évoquer ? D’autre part, l’éolien en mer n’est pas pris en charge par l’opérateur mais quid des autres éoliens ?

  1. François Brottes. En ce qui concerne les parcs d’une puissance supérieure à 5 mégawatts, l’opérateur supporte 100 % des coûts de raccordement. Pratiquement 95 % des parcs éoliens et 33 % des parcs photovoltaïques sont dans ce cas de figure ; les autres n’y sont pas et paient en gros 40 % des coûts de raccordement au lieu de leur intégralité.

  1. le président Julien Aubert. Autrement dit, les 5 % de parcs éoliens dont l’opérateur ne couvre pas la totalité des frais de raccordement génèrent 1,2 milliard d’euros de surcoût pour le seul éolien en mer et sans doute une autre part pour l’éolien terrestre.

  1. François Brottes. Ils remboursent 300 millions sur un total de 2,1 milliards.

  1. le président Julien Aubert. Certes, mais ce montant de 300 millions englobe l’éolien en mer, l’éolien terrestre et le photovoltaïque. Quelle est la part de chacun de ces trois secteurs ?

  1. François Brottes. Je ne peux vous faire une réponse improvisée sur ce point ; je vous adresserai une réponse écrite. Je sais néanmoins avec certitude que la plus grosse part de ce montant est assumée par l’éolien.

  1. le président Julien Aubert. Il reste néanmoins une charge importante pour RTE.

  1. François Brottes. Oui.

  1. le président Julien Aubert.  Pour comprendre la transition énergétique, cependant, on raisonne souvent en coûts de production. Il faut aussi rappeler que les choix qui sont faits ne se fondent pas seulement sur le critère de la production mais aussi sur celui de l’organisation. Toute la difficulté consiste à identifier les surcoûts générés par la modification de l’organisation électrique.

(OUI !)

Pour 2019-2022, ce surcoût est de 600 millions d’euros par an, mais il risque d’augmenter à court terme en cas d’amplification de l’éolien, comme le prévoit clairement la PPE.

Ma deuxième question porte sur l’évolution du prix de sortie de l’éolien en mer ou de l’éolien terrestre. J’ai cru comprendre que ce coût ne tient pas compte du fait qu’en « turpant » une partie des coûts, on les transfère de la production vers le transport. Autrement dit, le « turpage » de l’éolien en mer, notamment à Dunkerque, se traduit par un meilleur ratio économique pour les opérateurs. Sans trahir votre pensée, j’ai également cru comprendre qu’en réalité, le provisionnement du démantèlement n’est pas inclus dans le coût de production puisqu’il est décalé à trois années avant la fin de la concession. En clair, la construction d’un parc à 60 euros par mégawattheure n’engage pas sur le démantèlement et que le « turpage » d’une partie du coût a permis d’alléger la facture. Est-ce bien le cas ?

  1. François Brottes. Je n’ai pas connaissance du coût de production. Vous avez néanmoins raison de rappeler que le coût de raccordement – voire celui de la plateforme – est « turpé ». C’est donc au titre de ce tarif d’utilisation qu’est assumé le coût de cette partie du démantèlement, qui n’incombe donc pas au producteur – lequel a tout de même à sa charge le coût du démantèlement du parc, étant précisé qu’il l’intègre certainement dans sa demande de tarif.

(On n'en est pas sûr ? C'est inquiétant. Qui va payer le démantèlement à la fin ?)

J’entends votre raisonnement et je connais l’objectif de cette commission. Vous aurez néanmoins à cœur de vous pencher sur cette question : avons-nous besoin des ENR alors que nous dégréons des moyens polluants ou traditionnels qui ne sont plus au rendez-vous ?

(La réponse est non car on ne remplace pas des moyens pilotables par des moyens fatals et intermittents ! C'est aussi simple que cela !)

Je maintiens ce raisonnement que j’ai tenu en début d’audition. Le raisonnement en termes de coût doit tenir compte du coût dans son ensemble.

(Mais oui ! Et personne ne veut le voir car cela disqualifierait les EnR fatales !)

On nous dit que l’interruptibilité coûte 90 millions d’euros, mais ce coût est couvert par le tarif. Autrement dit, ce sont en partie les ménages qui paient cette disposition. À ceux qui s’en choquent, je réponds que si les industriels disparaissent ou cessent de rendre ce service, le coût résiduel sera le même et les ménages paieront encore plus ! Il faut donc accepter cette mutualisation.

(Oui et l'interruptibilité est un bon service et son coût est une goutte d'eau dans l'océan des subventions et du coût des EnR !)

Si nous n’avions pas les ENR, en particulier l’éolien en mer dont le facteur de charge, de l’ordre de 45 %, est significatif –

(Non, déjà indiqué précédemment)

et en faveur duquel je plaide

(A tort… Dommage à ce niveau de responsabilité !)

car il me semble que nous en avons besoin

(Non car elles ne sont pas fiables et que nous produisons suffisamment d'électricité "fiable")

( – et que nous dégréions dans le même temps les énergies carbonées, c’est toute l’économie d’ensemble qui s’en trouverait menacée.

(Et c'est bien le cas à cause de ces décisions stupides sur le développement des EnR !)

Je ne peux me substituer à votre commission et mon propos porte sur le raccordement, mais je me dois de vous encourager à adopter une approche d’ensemble.

(Oui. Et là, au vu des résultats, ce sera le drame…)

  1. le président Julien Aubert.  L’article L. 100-4 du code de l’énergie prévoit que la politique énergétique vise entre autres à « réduire les émissions de gaz à effet de serre ». Lors de son audition devant cette commission d’enquête, le président de la commission de régulation de l’énergie nous a déclaré d’emblée que le développement des énergies renouvelables ne poursuivait pas un objectif carbone. Vous avez quant à vous parlé de sécurisation du réseau. Pensez-vous que tous ces investissements visent encore un objectif carbone, ce qui justifiait un surcoût, ou que d’autres dimensions ont pris le pas sur cet objectif initial prévu dans la loi relative à la transition énergétique et qu’il est désormais plutôt question de s’adapter à l’évolution du marché de l’électricité et de sécuriser les réseaux ?

  1. François Brottes. Je suis de ceux qui pensent qu’il faut toujours se fixer des objectifs ambitieux car le volontarisme aide à trouver une trajectoire.

Cela étant, il est tout aussi vrai qu’il est rare d’atteindre les objectifs que l’on se fixe, quel que soit le domaine concerné.

J’ai indiqué tout à l’heure que la fermeture des centrales à fioul et à charbon représentait un potentiel de 13 gigawatts, à quoi s’ajoutent cinq tranches de centrales à charbon, soit 3 gigawatts supplémentaires. Ce sont donc bien 16 gigawatts de production très carbonée qui disparaissent. Je vous ai également dit que nous étions dans une situation de plus grande vulnérabilité pour deux raisons : non seulement ces unités appelées à fermer représentent un volume de production significatif, mais elles se caractérisaient par un facteur de charge de 100 %, ce qui n’est le cas ni du nucléaire, où il est de l’ordre de 70 % à 80 %, ni des ENR où il est très variable.

(Et surtout subi (fatale) et même intermittent)

Enfin, aux yeux du gestionnaire du système électrique, les centrales au fioul ou au charbon sont extrêmement pratiques dans la mesure où elles peuvent être déclenchées très rapidement et fournir un service dans les meilleurs délais. RTE n’a naturellement pas d’autre obligation que d’adhérer à la politique nationale en matière énergétique et je comprends parfaitement le souci de décarboner, mais la décarbonation suppose, en plus des mesures d’efficacité énergétique, que certaines ENR soient au rendez-vous.

(Et pas le nucléaire décarboné ?)

  1. le président Julien Aubert.  Au fond, n’y a-t-il pas deux phases dans cette transition ? La première consiste à fermer des centrales à fioul ou à charbon et à les remplacer par de l’énergie intermittente qui garantit la décarbonation,

(Non, elle ne garantit rien du tout car il faut les adosser à des centrales pilotables au gaz pour pallier la "variabilité fatale")

ce qui génère un coût lié à la modification du réseau qu’il faut mettre en regard de l’objectif carbone.

(D'où un prix prohibitif du "carbone évité")

Dans un deuxième temps, une fois les énergies les plus carbonées remplacées par du nucléaire – donc de l’énergie décarbonée –, le calcul économique est-il le même dès lors que l’objectif carbone a disparu ?

  1. François Brottes. Ce que je sais, c’est que la construction d’une nouvelle centrale thermique ou nucléaire génère un coût de raccordement. Nous sommes bien placés pour savoir que quel que soit le mode d’énergie choisi, il faudra un raccordement au réseau. Il faut ensuite faire des comparaisons : les montants comparés, que je tiens à votre disposition, sont assez raisonnables.

  1. le président Julien Aubert. Je suis preneur, en effet, des coûts de raccordement des parcs éoliens maritimes et terrestres comparés à ceux d’une centrale nucléaire.

  1. Vincent Thiébaut.Pour vous résumer, si surcoût il y a par rapport à la diversification des moyens de production et notamment par rapport à la décentralisation de la production, ce surcoût est aussi un investissement sur l’avenir.

(Les EPR aussi… et pour une bien meilleure efficacité !)

Deux visions s’opposent : soit on s’arrête à une appréciation banale de ce que coûte l’électricité aujourd’hui sans prévoir l’avenir, soit on adopte, comme toute bonne entreprise, une logique de R&D en se disant qu’il faut investir dans l’avenir et que ce surcoût en fait partie.

(D'où l'EPR qui rentre dans cette logique…)

La France est un des pays qui utilisent le plus le chauffage électrique. Vous avez évoqué les dix à vingt jours de pic par an. Pensez-vous qu’il faille envisager des alternatives au chauffage électrique, ou bien une politique de rénovation thermique plus offensive permettrait-elle de répondre à ces problématiques de pointe ?

  1. le président Julien Aubert. Connaissez-vous le coût du raccordement de Flamanville ?

  1. François Brottes. Il a été de 343 millions d’euros, rachat des maisons comprises.

S’agissant du chauffage électrique, nous représentons à nous seuls 50 % de la thermosensibilité européenne. Pendant les pointes de consommation, notamment en hiver, nous sommes très thermosensibles : un degré en moins, c’est automatiquement 2 400 mégawatts en plus, soit la consommation de Paris intra muros.

termes d’investissement, le chauffage électrique est une modalité relativement accessible pour ceux qui construisent les appartements. Je constate également que les modes de chauffage électrique font des progrès significatifs et que, bien que nous soyons très thermosensibles, la consommation électrique n’augmente pas, car nous avons avancé en matière d’efficacité énergétique, y compris avec la RT 2012 dans les nouveaux appartements.

Nous pouvons réaliser des économies significatives sur le chauffage en continuant l’effort d’isolation thermique.

Quel que soit le mode de chauffage, quand on isole bien, on réalise des économies. Reste que nous sommes très thermosensibles et je pense que cela peut durer.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Je ne comprends pas très bien la théorie des prix négatifs. Y a-t-il un lien avec la question du refoulement ? Les deux sont-ils liés

  1. François Brottes. Si votre production devient surabondante, si cela coûte plus cher d’arrêter vos machines ou si cela doit mettre en péril votre système de production, vous préférerez évacuer votre production, donc la donner, voire payer pour qu’on vous l’évacue… Surtout lorsque tous les systèmes ne sont pas pilotables, comme c’est le cas dans les anciens modes de production éolienne. C’est comme cela que se fabrique un prix négatif.

Avec le stockage, nous aurons demain un potentiel important pour éviter cet écueil. Je suis de ceux qui pensent qu’il aurait fallu dès l’origine associer stockage et production variable, mais ce ne sont pas les choix qui ont été faits.

(Mais tout simplement par que le stockage supplémentaire massif n'existe pas et qu'il aurait donc fallu renoncer aux EnR si les deux devaient être associés !)

À présent que nous sommes à peu près matures sur les technologies de stockage,

(Ah bon ? Et où et combien par rapport au besoin ? C'est fou d'entendre ça !)

https://www.contrepoints.org/2018/10/25/328644-le-mirage-ruineux-du-stockage-massif-delectricite

ce genre de situation devrait disparaître.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Dans une interview, vous avez déclaré que les interconnexions « donnent la possibilité de mutualiser les moyens de production en faisant fonctionner ceux qui offrent le meilleur prix. Le réseau, colonne vertébrale de l’Europe de l’électricité, permet ainsi de bénéficier d’une électricité plus économique, plus sûre et moins carbonée. » On est donc sur le triptyque « économique », pour que cela coûte moins cher, « plus sûre », pour la fiabilité, et « moins carbonée », car, grâce au système européen de répartition, on ne déclenche les outils les plus carbonés qu’en dernier recours. Est-ce un peu cela, l’idée ?

  1. François Brottes. C’est l’idée et, comme je l’ai dit, cela réduit l’intermittence ou la variabilité. Dans l’éolien, plus les parcs foisonnent, plus ils sont reliés à un réseau, plus il y a de l’éolien tout le temps sur le réseau.

(Mais pas tout le temps et pas forcément quand on en a besoin !)

Ce n’est pas possible avec le photovoltaïque car il fait nuit à peu près partout en même temps en Europe…

C’est une réussite européenne que d’avoir su mettre en place un réseau électrique maillé.

(Oui)

Cela sécurise la montée en puissance du renouvelable et facilite la vie pour se décarboner.

(Il existait avant les EnR et il était suffisant et il fonctionnait bien…)

Les gestionnaires des réseaux de transport sont chargés de la sûreté des systèmes mais pas de la sécurité de l’approvisionnement. Cette donnée est à la main des États et les États ne se parlent pas assez pour coordonner leur mix électrique. Si les choses ne s’améliorent pas sur ce plan demain, nous pourrons nous retrouver en grande difficulté.

(Oui, et à cause… de qui ? Des enR !)

  1. le président Julien Aubert. Vous nous avez cité le coût de raccordement de l’EPR de Flamanville. Pouvez-vous donner le coût du raccordement d’un parc éolien en mer pour RTE ? Vous avez donné tout à l’heure un coût global.

  1. François Brottes. C’est 300 millions, plus le coût du poste, pour une capacité de 500 mégawatts.

Mardi 9 avril 2019

Extraits commentés du compte rendu n° 13

Présidence de M. Julien Aubert, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Édouard Sauvage, directeur général de GRDF, accompagné de M. Bertrand de Singly, délégué à la stratégie, et de Mme Muriel Oheix, chargée des relations institutionnelles, et de M. Thierry Trouvé, directeur général de GRTgaz, accompagné de M. Philippe Madiec, directeur stratégie et régulation, de M. Anthony Mazzenga, directeur gaz renouvelables, et de Mme Agnès Boulard, responsable des relations institutionnelles

  1. le président Julien Aubert. Le gaz naturel est une énergie fossile, à l’exception des biogaz dont celui issu de méthanisation principalement d’origine agricole. Sa consommation enregistre une croissance soutenue en Europe.

Une différence fondamentale avec l’électricité est que le gaz est une ressource importée à 98 %, la production française restant très faible.

  1. Thierry Trouvé, directeur général de GRTgaz. Premièrement, si l’on consomme en France environ 500 térawattheures d’énergie sous forme d’électricité, on en consomme pratiquement autant – entre 450 et 500 térawattheures – sous forme de gaz. Il y a donc autant d’enjeux à s’intéresser à l’électricité qu’au gaz.

Deuxièmement, puisque vous vous focalisez sur les énergies renouvelables, il est important d’examiner la problématique des énergies renouvelables du point de vue du gaz et pas seulement de celui de l’électricité, d’autant plus que la caractéristique du système gazier est que la pointe de consommation, élément extrêmement important quand on dimensionne un système énergétique, est entre 1,5 et 1,7 fois plus « heurtante » que la pointe de consommation du système électrique. Autrement dit, quand la pointe d’hiver chez RTE atteint 100 gigawatts, – record historique enregistré en 2012 –, nous enregistrons, le même jour, entre 150 et 170 gigawatts si l’on inclut le deuxième transporteur qui existe en France. Il est extrêmement important d’avoir cela en tête : la question de la pointe est cruciale.

Le troisième élément qu’il faut avoir en tête, c’est la question du stockage. Dans le système gazier, nous disposons de stockages souterrains qui permettent de stocker un tiers de la consommation annuelle de la France en gaz, soit l’équivalent d’un tiers de la consommation annuelle en électricité. C’est extrêmement important à un moment où l’on a des problématiques d’intermittence à gérer, avec un certain nombre de nouvelles énergies renouvelables électriques.

Comme vous l’avez dit, le gaz est une énergie fossile. Si l’objectif est de décarboner notre système énergétique, il faut s’intéresser tout particulièrement au secteur du gaz car, alors que le système électrique est déjà largement décarboné grâce au nucléaire, le secteur du gaz utilise encore 99,9 % de gaz fossiles, émetteurs de gaz à effet de serre, même si le gaz naturel est l’énergie fossile qui émet le moins de CO2, comparé au pétrole ou au charbon.

La première idée qui peut venir à l’esprit quand on réfléchit à la manière de décarboner ces 500 térawattheures, c’est de se dire que, puisque l’électricité est largement décarbonée, il suffit de remplacer le gaz par l’électricité pour résoudre le problème. C’est une idée que l’on entend parfois, un peu plus en France qu’ailleurs ; elle a circulé en Europe il y a quelques années mais n’a plus vraiment de succès dans la plupart des États européens et au niveau de Bruxelles. Quand on y réfléchit sérieusement, on s’aperçoit qu’augmenter de manière significative la consommation d’électricité et, du coup, encore plus significativement la pointe de consommation, car il faudrait remplacer la pointe gazière par une pointe équivalente, pose des tas de problèmes.

A l’horizon 2050, dans un monde totalement décarboné en gaz et en électricité, selon qu’on a électrifié au maximum ou que l’on a décarboné le gaz, la différence de prix pour la collectivité au niveau européen est de 200 milliards d’euros par an – en ordre de grandeur s’entend. Et cela se comprend : comme je le disais tout à l’heure, si on électrifie tout, il faut remplacer les systèmes de chauffage des gens équipés de chauffage au gaz, probablement renforcer les réseaux électriques de distribution et de transport, revoir le système de production… Tout cela représente énormément de charges additionnelles. Notre message consiste donc à dire que, si l’on veut décarboner l’énergie en France, il faut décarboner le système gazier plutôt que de le supprimer.

Il est intéressant de regarder ce que l’on consacre comme argent à la décarbonation du gaz. En 2018, on y a consacré, par le biais du soutien au biométhane, 64 millions d’euros, une technologie encore relativement peu diffusée, sachant que le gaz, au travers de la taxe carbone qu’il paye pour alimenter le compte d’affectation spéciale (CAS), a contribué l’an dernier à hauteur de 2,2 milliards d’euros.

Ainsi, seulement 64 millions sur ces 2,2 milliards ont servi à décarboner le gaz ; le reste est consacré en réalité à des énergies renouvelables électriques, c’est-à-dire à décarboner une énergie qui l’est déjà largement. Ne ferait-on pas mieux d’utiliser cet argent à décarboner le gaz en priorité plutôt que de décarboner une énergie qui l’est déjà largement ?

(C'est une bonne question…)

C’est une énergie dont la production est stable : contrairement à l’éolien ou au photovoltaïque, on produit toujours la même quantité toute l’année. Qui plus est, elle est stockable : notre système permet, j’en ai parlé, de stocker le tiers de la consommation annuelle, et donc constituer des stocks pour l’hiver pendant l’été. On ne peut donc pas comparer directement le prix des énergies renouvelables électriques et des énergies gaz sur ce simple critère « énergie ».

Le gaz renouvelable, c’est en France aujourd’hui essentiellement le biométhane, par méthanisation, mais d’autres technologies sont en cours de développement : ainsi la pyrogazéification, qui consiste à chauffer des déchets, des combustibles solides de récupération ou des déchets de bois, pour en extraire le gaz. C’est une technologie intéressante, utilisée dès le XIXsiècle et qui revient aujourd’hui de manière plus moderne. Elle devrait venir épauler la méthanisation. Derrière se profile l’hydrogène ; il existe des scénarios dans lesquels l’hydrogène, qui est une molécule non carbonée, vient se substituer partiellement au méthane.

Une des questions que vous avez posées porte sur le coût d’adaptation des réseaux. Là aussi, nous avons une bonne nouvelle : nos réseaux sont largement dimensionnés.

Pour ce qui est des coûts de raccordement les installations de biométhane, nous sommes, pour donner un ordre de grandeur, sur un rapport dix en moins : autrement dit, parce que notre réseau est puissant, nous estimons que, pour accueillir 30 térawattheures, soit à peu près l’équivalent de 10 % de la consommation de gaz à l’horizon 2030, conformément au projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), il faut, au niveau du transport, à peu près 600 millions d’euros d’investissement jusqu’en 2030. Divisé par une dizaine d’années, vous voyez donc que ce n’est pas énorme : une soixantaine de millions par an. Cette question est donc pour nous plutôt secondaire.

  1. Édouard Sauvage, directeur général de GRDF.  La pointe hivernale en France est globalement quatre fois plus élevée que la consommation d’été, ce qui pose d’emblée la question du stockage de l’énergie, question d’autant plus cruciale que l’on s’inscrit dans une logique de décarbonation.

Permettez-moi ici une incidente de pur bon sens : si nous avons besoin en France de plus d’énergie en hiver qu’en été, c’est tout simplement qu’il y a moins de soleil en hiver qu’en été… Ce qui, selon moi, donne une idée de ce qui ne peut pas être une solution pour atteindre la décarbonation totale, quand bien même on peut continuer de développer la production d’énergie thermique ou électrique à partir de solaire !

Compte tenu de la part prépondérante du gaz dans l’équilibre énergétique de notre pays, si l’on souhaite décarboner notre consommation énergétique, il est indispensable d’envisager la décarbonation du gaz.

Dans les années 2016-2017, la consommation de gaz servant à produire de l’électricité – environ 73 ou 74 térawattheures – a représenté pratiquement la moitié de la consommation de gaz dans le secteur résidentiel, soit 155 térawattheures.

Sachant que le rendement de la production d’électricité à partir de gaz centralisé offre un rendement deux fois moindre que celui de la production d’énergie à partir de chaudières à gaz performantes qui chauffent directement un logement, on aboutit au paradoxe suivant : pour économiser la consommation de gaz dans le pays, il est préférable, en l’état actuel des choses, d’isoler les logements chauffés à l’électricité plutôt que les logements chauffés au gaz…

on a donc besoin d’un volant très significatif de gaz, y compris en base annuelle, pour faire fonctionner le système électrique.

  1. le président Julien Aubert. Pourriez-vous reprendre votre démonstration sur l’isolation et les chaudières ?

  1. Édouard Sauvage. Dans un logement, le rendement d’une molécule de gaz utilisée dans une chaudière à condensation est pratiquement de 100 %. Mais si vous la brûlez dans une centrale à gaz pour produire de l’électricité, le rendement tombe à 50 % – les plus performantes, assez minoritaires, ne dépassent pas 60 %. Ce à quoi il faut ajouter les pertes liées à l’effet Joule sur le réseau électrique, même si elles sont assez marginales. Globalement donc, le rendement d’une molécule de gaz est deux fois plus élevé si vous brûlez cette molécule directement dans le logement que si vous la brûlez de manière centralisée dans une centrale électrique.

La seconde erreur consiste à ne pas tenir compte dans le bilan carbone de l’ensemble du cycle de vie d’un produit. Or les données sont connues : on sait, par exemple, que le biométhane, le nucléaire et l’éolien présentent des résultats à peu près similaires, soit une vingtaine de grammes de CO2 par kilowattheure, tandis que le photovoltaïque atteint cinquante-cinq grammes de CO2, dans la mesure où une partie des panneaux solaires est fabriquée dans un pays où le mix électrique est très carboné.

De ce point de vue, nous sommes convaincus, à GRDF, que le développement de la méthanisation doit être fortement encouragée, et ce pour plusieurs raisons.

Dans un coût de revient qui tournait autour de 100 euros par mégawattheures, la part liée aux réseaux était de l’ordre de 3 euros… En vérité, l’enjeu est bien davantage dans la production et, comme pour GRTgaz, toutes nos simulations effectuées à partir de l’hypothèse des 10 % de gaz renouvelables à l’horizon de la PPE convergent vers des montants d’investissement stables par rapport à notre niveau actuel, parfaitement en ligne avec nos investissements historiques.

En ce qui concerne enfin le coût lui-même du gaz renouvelable, la filière prioritaire est évidemment celle du recyclage des déchets, dont nous maîtrisons la technologie, qu’il s’agisse de méthaniser les boues des stations d’épuration, les déchets ménagers putrescibles ou les déchets agricoles, qui représentent 80 % du potentiel de la filière.

L’approche de la méthanisation en termes d’impact environnemental est indissociable du développement d’une agriculture durable : non seulement elle permet le recyclage des déchets et favorise donc la réduction des gaz à effet de serre, mais elle a également l’avantage de réduire les engrais azotés, grâce à l’utilisation des digestats. Il est donc essentiel de prendre en compte ces externalités positives lorsqu’on évalue l’intérêt de cette filière par rapport aux autres.

En termes de compétitivité stricto sensu ensuite, elle apparaît également tout à fait compétitive par rapport à d’autres filières renouvelables : selon les chiffres de la CRE, le tarif de rachat du mégawattheure produit est en légère progression depuis une dizaine d’années, il est en diminution pour le photovoltaïque, mais demeure très élevé – autour de 300 euros le mégawattheure, contre 90 euros pour l’éolien ; quant au gaz renouvelable, son tarif de rachat est de 95 euros par mégawattheure, et son coût de production proche de celui de l’éolien.

Il faut bien distinguer ici le coût de production du mégawattheure et sa valeur. Or nous disposons pour le gaz d’infrastructures permettant de le stocker sans difficultés, ce qui fait que, globalement, compte tenu de la flexibilité des réseaux et du fait qu’il est techniquement simple d’installer des compresseurs « rebours » permettant de renvoyer le gaz produit vers le stockage, il est possible de l’utiliser à n’importe quel moment de l’année pour un coût additionnel quasiment minime.

Si le gaz se stocke sans difficulté, on sait au contraire que le stockage de l’électricité renouvelable pose un problème majeur : à titre d’illustration, sur ces six derniers mois, les prix du marché de gros de l’électricité ont varié en France entre 250 euros, à la pointe de dix-neuf heures en novembre, et des prix négatifs, dimanche en huit à quinze heures. On a donc affaire à des prix extrêmement volatils, alors que, pour le gaz, les prix des marchés de gros sont restés stables sur les six derniers mois, entre 15 et 24 euros. De ce fait, le coût de production du gaz correspond peu ou prou à sa valeur, alors que la valeur de l’électrique renouvelable dépendra évidemment du prix de marché au moment de la production. À cet égard, le gaz renouvelable est moins cher aujourd’hui que l’énergie renouvelable dernière génération : l’éolien a légèrement augmenté avec les nouvelles mises en service de 2018.

S’il est donc exact que le gaz renouvelable est plus cher que le gaz importé – 90 euros contre 20 euros –, en revanche, dans l’optique de la décarbonation, il est aujourd’hui tout à fait compétitif par rapport aux renouvelables électriques, a fortiori si l’on prend en compte les externalités positives pour un modèle agricole durable. Nous sommes donc convaincus que c’est cette énergie que les pouvoirs publics auraient intérêt à subventionner le plus largement.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. J’aimerais que vous reveniez sur la méthanisation, la pyrogazéification et le power to gas, qui représentent respectivement 30, 40 et 30 % des gisements, pour distinguer les avantages et les problématiques propres à chacune des filières.

(Non, qui représenteront peut-être en 2050 selon une hypothèse de travail de l'ADEME et probablement jamais…)

  1. Thierry Trouvé. En ce qui concerne les trois filières de production de gaz renouvelable, vos chiffres reprennent ceux de l’étude prospective de l’ADEME parue l’an dernier et axée sur l’hypothèse d’un gaz d’origine verte à 100 % à l’horizon 2050, produit à partir des trois technologies que vous avez citées : la méthanisation, la pyrogazéification et le power to gas.

La méthanisation produit exactement le même méthane d’origine fossile qui circule aujourd’hui dans le réseau. Il s’agit d’une technologie qui, bien qu’elle soit plus récente que l’éolien ou le photovoltaïque, est plus que mûre, puisque les premiers mètres cubes de gaz issus de ce type de méthanisation ont été introduits dans le réseau il y a maintenant sept ou huit ans.

La seconde technologie, la pyrogazéification, n’est pas encore industrialisée à l’heure actuelle mais demeure, en France ou en Europe, au stade de démonstrateurs ou de pilotes, sur lesquels travaille d’ailleurs GRTgaz. Il s’agit pourtant d’une vieille technologie, puisque c’est celle que l’on utilisait dans les usines à gaz. En effet, avant d’utiliser du gaz naturel extrait du sous-sol, la France utilisait du gaz de ville, c’est-à-dire un gaz manufacturé fabriqué dans des usines à gaz. Ces usines utilisaient des matières carbonées – le charbon, puis le pétrole – que l’on chauffait pour en tirer le gaz envoyé dans les réseaux. Dans le cas du gaz renouvelable, la technologie est la même, mais c’est la matière première qui change : au lieu de matières fossiles, on utilise de la matière renouvelable ou des déchets, notamment les combustibles solides de récupération parmi lesquels les plastiques qui posent de vrais enjeux environnementaux, mais également le bois de récupération, dont on ne sait souvent que faire et que l’on enfouit, ce qui est une aberration écologique. Une fois chauffées, ces matières produisent un gaz qui, comme dans le cas précédent, peut être injecté dans les réseaux.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. L’ADEME table sur une production de gaz renouvelable à 100 % en 2050, mais à quel pourcentage en est-on aujourd’hui ?

  1. Thierry Trouvé. Aujourd’hui, les quantités de biogaz injectées dans les réseaux sont extrêmement faibles, inférieures à 1 % ; il s’agit uniquement de gaz issu de la méthanisation.

On peut également utiliser l’hydrogène en tant que tel à des fins thermiques, pour produire de l’électricité ou encore dans les transports comme substitut du méthane.

J’ajoute, dans une perspective plus prospective que certains chercheurs travaillent actuellement sur d’autres filières liées au gaz décarboné, notamment chez les gaziers norvégiens, qui ont un projet assez avancé de création d’hydrogène à partir de gaz naturel, le CO2 étant capté et renvoyé vers des gisements souterrains.

(Autant utiliser directement le méthane pour éviter les pertes de rendements et les coûts élevés. Et personne ne sait où stocker pour l'éternité des millions de tonnes de Co2…)

Nous-mêmes sommes engagés, avec d’autres acteurs, dans des recherches sur un procédé consistant à casser la molécule de méthane (CH4) avec une torche à plasma, pour obtenir, d’un côté, de l’hydrogène et, de l’autre, du carbone solide, ce qui résout le problème du stockage du CO2, car il est beaucoup plus simple de stocker un solide qu’un gaz.

  1. le président Julien Aubert. Pourriez-vous rappeler les coûts de production pour chacune des trois technologies citées dans l’étude de l’ADEME, car je suppose que les coûts que vous avez donnés tout à l’heure ne concernent que la méthanisation ?

  1. Thierry Trouvé. Les deux autres technologies ne sont en effet pas encore opérationnelles, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas encore en phase d’exploitation. Cela étant, avec la pyrogazéification, le coût tourne aux alentours de 150 euros le mégawattheure, sachant que le coût du photovoltaïque solaire qui, dans certains cas, descend jusqu’à 50 euros, était à ses débuts de 700 euros le mégawattheure. En matière de gaz renouvelable, nous sommes encore au début des courbes d’apprentissage.

Les coûts du power to gas sont encore supérieurs – aux environs de 200 euros le mégawattheure – sachant, là encore, qu’il y a toujours cette histoire de courbe d’apprentissage ; de surcroît, nous ne sommes pas encore fixés sur ce que sera la technologie gagnante pour l’hydrogène.

  1. Édouard Sauvage. Lorsqu’on parle de 95 euros, il s’agit d’un tarif de rachat moyen, puisque, en fonction de la taille des projets et de l’origine des produits méthanisés, ce tarif varie entre un peu moins de 140 euros et un peu plus de 40 euros par mégawattheure : pour une méthanisation en décharge, il est de 40 euros ; pour ce qui concerne de grosses installations, il est au-dessus de 60 euros le mégawattheure. Le calcul du tarif de rachat est remarquablement complexe, car il dépend tout à la fois des intrants utilisés – produits de décharges, de stations d’épuration ou de l’agriculture – et de la capacité de production du méthaniseur.

Il est évident, par exemple, que les installations de production développées pour le recyclage de fermes à taille humaine seront plus petites et moins efficaces qu’un méthaniseur unique, adossé à une ferme gigantesque type « ferme des mille vaches » ; elles seront plus appropriées néanmoins au développement d’une agriculture durable.

Mme la rapporteure. La technologie power to gas permet de transformer l’électricité en hydrogène, mais cette transformation entraîne une importante déperdition, c’est bien cela ?

  1. Thierry Trouvé. Il y a deux façons de procéder. Si l’on se contente de produire de l’hydrogène, le rendement est de l’ordre de 80 %. C’est assez bon dans le monde de l’énergie : le rendement est de 30 % dans les centrales nucléaires, et de 50 à 60 % pour le cycle combiné gaz.

En revanche, pour faire de la méthanation, donc produire du méthane à partir de cet hydrogène, il faut en passer par une deuxième étape dont le rendement se situe également aux environs de 80 %. La succession de ces deux étapes dégrade le rendement pour aboutir à des niveaux proches du cycle combiné gaz aujourd’hui. Ce sont des rendements acceptables, mais ils entraînent des coûts.

(Attention : l'hydrogène est difficile à manipuler et à utiliser (compression, liquéfaction, fuites importantes,…)

https://www.lemondedelenergie.com/hydrogene-energie-idyllique-hallucinogene/2018/06/07/

Mme la rapporteure. Donc quel est le rendement au final ?

  1. Thierry Trouvé. Avec la méthanation, il est de 60 %.

Mme la rapporteure. Vous avez fait état de milliards d’euros d’amélioration de la balance commerciale si l’on arrivait à produire 100 % de gaz d’origine renouvelable en 2050. Pourriez-vous être plus précis ?

  1. Thierry Trouvé. L’étude du cabinet Navigant se place à l’échelle européenne. Elle fait état d’une économie de 200 milliards d’euros, mais qui ne porte pas uniquement sur la balance commerciale.

L’autre scénario consiste à verdir le gaz, avec les solutions que nous venons d’évoquer. Ce qui entraîne aussi des dépenses, puisque le gaz renouvelable coûte plus cher que le gaz fossile.

Après comparaison, l’étude conclut qu’à l’échelle européenne, le scénario d’électrification intégrale coûterait 200 milliards d’euros de plus par an à l’Europe que le verdissement du gaz.

S’agissant de la balance commerciale, si l’on remplace le gaz importé par du gaz vert produit localement par nos agriculteurs, ce sera bénéfique non seulement pour nos agriculteurs, mais aussi pour la balance commerciale de la France. Il s’agit d’une des externalités citées par M. Sauvage, mais elle n’est pas prise en compte dans le chiffre de 200 milliards que je citais tout à l’heure. De mémoire, nous importons entre 10 et 15 milliards d’euros de gaz naturel en France ; si nous produisons 100 % de gaz vert, c’est autant que nous pouvons espérer économiser sur la balance commerciale.

  1. Édouard Sauvage.

Compte tenu de la robustesse du réseau gazier et du fait que les consommations énergétiques, notamment dans le résidentiel, sont en réduction régulière grâce à l’efficacité énergétique, chaque client nouveau représente un coût marginal presque nul pour le réseau. Nous avons donc un modèle extrêmement vertueux et efficace, et nous sommes convaincus que son maintien sera une bonne solution en termes de pouvoir d’achat.

J’en profite pour rappeler que l’efficacité énergétique est la clé de la décarbonation. Remplacer les vieilles chaudières à gaz par des chaudières plus efficaces offre un gain immédiat aux consommateurs en réduisant leur consommation d’environ 30 %. Si la France avait le parc de chaudières à gaz des Pays-Bas, nous économiserions pas loin de 50 TWh, soit presque 10 % de la consommation. Nous avons calculé l’efficacité du coût de remplacement d’une ancienne chaudière gaz ou – mieux encore – d’une chaudière fioul par une chaudière à haute performance énergétique, et la tonne de CO2 évitée revient entre 40 et 60 euros.

Dans les zones desservies en gaz, remplacer les chaudières à fioul par des chaudières à gaz sera la solution la plus efficace pour réduire le bilan carbone et éviter de créer une tension sur la pointe du réseau électrique.

Pour ce qui est de l’acceptation au plan local stricto sensu, on constate parfois des phénomènes locaux de rejet, mais relativement limités. Sur la centaine de méthaniseurs en fonctionnement, je n’ai pas connaissance d’un projet véritablement bloqué ou fortement ralenti par des recours. Si le projet est bien expliqué en amont – nous avons un partenariat avec les chambres d’agriculture pour mieux conseiller les agriculteurs à ce sujet – il est possible d’expliquer aux riverains que les odeurs seront moins gênantes qu’avant parce que les digestats produisent moins d’odeurs que les boues d’épandage. Le procédé est parfaitement contrôlé, l’obstacle visuel est très limité si le méthaniseur est bien placé – cela ne prend pas plus de places qu’une grange agricole. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de réactions de rejet, mais elles sont aujourd’hui minimes par rapport à l’ensemble des projets. Là aussi, la course à la réduction des coûts ne doit pas se traduire par une baisse de la qualité des projets. Il me semble donc très important que, dans les réflexions à venir sur les tarifs de rachat, nous prenions soin d’intégrer des bonus en cas de financement participatif ou pour les projets particulièrement bien intégrés dans leur paysage et s’insérant dans une agriculture durable et soutenable.

  1. le président. On pourrait objecter à votre argument sur les 200 milliards d’euros par an d’économie en Europe que des stratégies bonnes à l’échelle européennes s’avèrent parfois mauvaises marginalement. Par exemple, il est possible que l’impact CO2 soit fort dans un pays qui n’a pas de nucléaire, mais nul dans un pays qui compte un important parc nucléaire.

Cette analyse à l’échelle européenne s’adapte-t-elle au système français ? La France est-elle représentative de ce qui se passe au niveau européen ?

  1. Thierry Trouvé. Vous avez raison de mentionner que la France a un parc de production d’électricité différent de beaucoup d’autres, du fait de son énergie nucléaire qui est décarbonée. On peut imaginer que les conclusions que j’ai citées soient un peu moins favorables pour la France que pour d’autres pays qui utilisent beaucoup le charbon.

Cela étant, il serait très imprudent de mettre tous ses œufs dans le même panier, et donc de tout miser sur l’électrique, nucléaire ou autre. Il faut bien mesurer la fragilité qui en résulte, notamment la problématique de la pointe. J’ai mentionné la pointe de la consommation de gaz, mais nous pourrions aussi parler de la pointe de la consommation de fioul, dont nous cherchons à nous débarrasser. La gestion de la pointe pour un gestionnaire de réseau électrique est un véritable casse-tête : or la pointe est aujourd’hui extrêmement élevée en France car nous avons fait le choix il y a quelques années de donner une large place au chauffage électrique, qui représente la moitié de la pointe en Europe.

  1. le président. Sachant que le black-out gazier n’existe pas. Les conséquences d’une mauvaise gestion de la pointe ne sont pas les mêmes.

  1. Thierry Trouvé. Ce ne sont pas les mêmes, mais notre métier de gestionnaire de réseaux est de veiller à tout instant, comme le font nos collègues électriciens, à l’équilibre entre l’offre et la demande. Mais les constantes de temps sur un réseau de gaz sont beaucoup plus lentes que sur un réseau d’électricité ; et surtout, nous avons des stocks sous les pieds, ce qui nous permet d’envisager les choses avec plus de sérénité que nos collègues électriciens. Malgré tout, il nous faut toujours équilibrer l’offre et la demande, mais si la production est locale, c’est plus facile à faire.

Ensuite, je ne suis pas spécialiste de l’électricité, mais nous devons mesurer les investissements qui seront nécessaires pour le grand carénage des centrales nucléaires et les nouvelles centrales. Si nous nous placions dans l’hypothèse d’un système électrique qui remplace toutes les autres énergies, il faudrait construire beaucoup de centrales nucléaires ou d’énergies renouvelables, et tout cela a un coût qu’il sera compliqué de payer.

  1. le président. J’ai l’impression que ce n’est pas le scénario retenu : la PPE retient une part pour le gaz. S’il faut comparer deux options comme le fait l’étude à l’échelle européenne, ne faudrait-il pas plutôt chercher quel serait le coût pour couvrir les nouveaux besoins avec du gaz, ou avec de l’électricité nucléaire, ou de l’électricité intermittente ? N’est-ce pas plutôt cette étude qu’il faudrait faire, et à l’échelle de la France, plutôt qu’une étude européenne sur l’hypothèse d’une électrification à 100 % ?

  1. Thierry Trouvé. Ma présentation était forcément simplificatrice, le scénario ne parlait pas d’électrifier à 100 %, mais d’installer l’électricité partout où c’est vraiment possible, et de ne continuer à utiliser le gaz que lorsque l’électricité n’a pas de sens, ou est techniquement impossible, notamment dans l’industrie lourde ou les transports lourds pour lesquels nous ne savons pas utiliser l’électricité. Le scénario n’est pas 0 % de gaz et 100 % d’électricité, mais la plus grande proportion d’électricité possible.

  1. le président. Entre 2008 et 2018, la facture d’électricité en France a bondi de 48 %. La facture de gaz a augmenté de 45 % pour le tarif B0, et de 28 % pour le tarif B1.

L’augmentation de la facture d’électricité des années passées est essentiellement due au financement des énergies vertes électriques. Vous nous avez expliqué que dans le même temps, nous n’avions pas autant investi dans le gaz. Dès lors, comment expliquer que la facture de gaz ait augmenté dans les mêmes proportions que celle d’électricité ?

  1. Thierry Trouvé. Le prix du gaz a augmenté ces dernières années avant de connaître une baisse de 2 à 3 % au 1er avril. Les deux années précédentes, le prix avait beaucoup baissé.

(Ah bon ? )

https://www.contrepoints.org/2018/07/01/319430-le-gaz-augmente-de-745-au-1er-juillet-vive-la-transition-energetique

Plus le gaz sera produit localement, plus son prix sera stable, car il ne dépendra plus des prix de marché et de la volonté de tel ou tel grand producteur de gaz russe, norvégien ou algérien.

(Mais ce sont surtout les taxes pour alimenter les subventions aux renouvelables qui augmentent)

Les plans du Gouvernement prévoient d’augmenter le prix du gaz de manière significative pour payer les énergies renouvelables électriques. Nous ne sommes pas opposés à ce que le gaz supporte une taxe carbone – si les gilets jaunes y consentent –, mais dans ce cas, consacrons cet argent à décarboner une énergie qui a besoin de l’être, plutôt qu’à une énergie déjà décarbonée.

  1. le président. On a beaucoup parlé d’électricité dans ce pays ; les énergies fossiles ont été laissées de côté à l’heure de penser la transition énergétique. La facture d’électricité a massivement augmenté, notamment par le jeu de la CSPE, car c’était la manière de financer ladite transition énergétique.

Mais dans le même temps, la facture de gaz aussi a augmenté, alors qu’elle n’était pas encore affectée par la TICGN. Et il n’est pas question de volatilité du prix du gaz, mais de la tendance moyenne. Et la tendance moyenne est de + 28 % et + 45 %, indépendamment de la volatilité du prix du gaz, par ailleurs bien moindre que celle de l’électricité qui oscille entre des prix négatifs et 250 euros du MWh dans la même année.

  1. Édouard Sauvage. Pour juger de l’évolution du prix de la facture, il vaut mieux juger le tarif B1, qui correspond à un usage du gaz pour le chauffage. Le B0 s’applique aux tout petits consommateurs, qui historiquement payaient peu au regard de leur coût sur le système. Pour simplifier, le régulateur a souhaité faire évoluer la facture pour que la partie abonnement prenne de l’importance par rapport à la partie résidentielle. Cela vaut autant pour les distributeurs que pour les fournisseurs. Le coût de gestion d’un client est à peu près le même quelle que soit sa consommation, et les tarifs ont convergé.

La hausse des taxes, et l’instauration d’une TICGN à un niveau beaucoup plus élevé pèsent aussi dans cette hausse des prix.

De plus, même si la hausse est globalement plus contenue que celle du TURPE, les tarifs des réseaux de transport et de distribution ont également augmenté. M. Trouvé rappelait les investissements très importants demandés aux gestionnaires de réseaux de transports pour passer à une zone de tarif unique, qui se répercutent dans la facture.

S’agissant de la volatilité du prix, le gaz a été extrêmement stable sur les marchés internationaux et sur le marché de gros en France ces derniers temps, ce qui n’a pas toujours été le cas. De même, nous avons connu des prix du pétrole beaucoup plus élevés, et ils sont en ce moment dans une phase de stabilité. Nous ne pouvons pas affirmer avec certitude que ce prix sera stable pour les vingt prochaines années, même si un certain nombre d’éléments sur les réserves prouvées et l’amélioration de la compétitivité du développement de certaines réserves nous incite à le penser. Nous ne sommes jamais à l’abri d’aléas géopolitiques.

  1. le président. La TICGN a augmenté sur dix ans, était-ce dans l’objectif de lutter contre les émissions de CO2, ou un pur effet fiscal ? Pouvez-vous nous expliquer la transformation en cours ?

  1. Thierry Trouvé. Le changement en cours porte plutôt sur le nom… Quant à l’objet de cette mesure, il faut plutôt poser la question aux gouvernements successifs.

Aujourd’hui, la TICGN représente 8 euros du MWh. Le prix sur le marché de gros est d’environ 20 euros du MWh. Le rapport n’est pas négligeable.

  1. Édouard Sauvage. J’ajoute que sur les six dernières années, le prix du gaz est resté stable.

(Sur le marché de gros, pas sur les factures des clients…)

  1. le président. Si je résume, l’usager paie des montants de plus en plus importants sur ses factures d’électricité et de gaz, du fait d’un système fiscal qui s’est alourdi et qui a été à un moment donné habillé de la volonté de financer la transition énergétique.

(C'est bien résumé…)

On aurait pu imaginer que les taxes sur l’électricité soient progressivement réduites car cette énergie est décarbonée, et que l’on augmente celles sur le gaz, qui ne l’est pas ; mais ce n’est pas la solution qui a été retenue. On a le choix entre deux transitions énergétiques, on n’a pas fait de choix à la base permettant d’orienter les usages, ni arrêté exactement l’effet recherché. Pour vous, la transition électrique ne décarbone pas, tandis que la transition par le gaz décarbone.

  1. Édouard Sauvage. De la même manière, pour décarboner la chaleur, utiliser de la biomasse, du réseau de chaleur ou du gaz renouvelable est beaucoup plus économique que de passer par un vecteur électrique, qui n’est pas fait pour cela.

Aujourd’hui, le prix des marchés de gros de l'électricité en hiver est significativement plus élevé qu’en été, entre 15 et 20 euros du MWh, ce qui est tout à fait normal. Or ce n’est pas répercuté dans le tarif réglementé électrique : le client final paie le KWh au même prix à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, tous les jours de l’année. Le signal envoyé au consommateur est très mauvais. Vous estimez qu’il est important d’envoyer de bons signaux au consommateur pour permettre la décarbonation, et je vous rejoins ; encore faut-il trouver le moyen de prendre en compte le fait que le prix de l’électricité sur les marchés de gros n’est pas du tout la même en fonction de l’heure de la journée et du jour de l’année. Et cela va s’aggraver avec le développement des énergies renouvelables solaires ou éoliennes, qui vont encore augmenter cette volatilité.

(Il a raison !)

Voilà qui ramène au débat sur les moyens d’améliorer l’efficacité énergétique par l’effacement de la demande. Il n’y a aucune incitation à décaler sa consommation si elle est payée au même prix à toute heure du jour et de la nuit, toute l’année. Aujourd’hui, les outils vers le client final n’existent pas pour les réseaux électriques. De facto, ils n’existent pas non plus pour le gaz, mais le problème ne se pose pas, dans la mesure où il n’y a pas de variation du prix du gaz dans la journée, et la variation entre l’hiver et l’été est limitée, le coût du stockage étant réduit à quelques euros.

  1. Thierry Trouvé. Je suis tout à fait d’accord avec votre synthèse, monsieur le président. Au départ, la CSPE était prévue pour que le consommateur électrique paie pour la production d’électricité renouvelable. Mais comme cette solution ne suffisait plus car la production d’électricité renouvelable coûtait très cher, les gouvernements successifs ont mis en place un système permettant de faire payer le consommateur de gaz pour la production d’électricité renouvelable.

Si nous nous plaçons du côté de la consommation, j’ai cru comprendre que vous vous estimiez que l’électricité étant déjà décarbonée, il serait préférable qu’elle soit faiblement taxée et que l’on taxe fortement les énergies carbonées.

  1. le président. Vous avez bien interprété…

  1. Thierry Trouvé. Je ne comprends déjà pas que le gaz fossile paie pour décarboner l’électricité, vous imaginez d’alourdir sa fiscalité et d’alléger celle de l’électricité ! Cette solution rétroagirait sur la production. En répondant au signal économique, les consommateurs vont se tourner vers l’électricité et se détourner du gaz. Et de nouveau, nous serons confrontés à la problématique monstrueuse de la gestion de la pointe. Cela aurait pour effet d’augmenter de manière très significative le prix du système électrique. Cette solution coûte plus cher.

  1. Édouard Sauvage. Monsieur le président, votre raisonnement ferait sens économiquement si des signaux adaptés étaient adressés aux consommateurs en matière de prix. Or, aujourd’hui, le prix du CO2 n’est pas le même selon que vous l’appliquez à une centrale à charbon qui produit de l’électricité ou au consommateur final qui brûle du gaz dans sa chaudière. Le premier est sur le marché Emission Trading Scheme (ETS), où le prix du CO2 est de l’ordre d’une dizaine d’euros, alors que la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN) atteint, elle, déjà les 40 euros… Pour que votre raisonnement soit valable, il faudrait imposer le même prix du CO2 au sein de toutes les filières : ainsi, en taxant de plus en plus le CO2, ses producteurs comme ses utilisateurs prendraient progressivement les bonnes décisions, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Ensuite, votre raisonnement ne peut fonctionner que si on adresse aux consommateurs utilisant de l’électricité pour se chauffer en hiver des signaux les informant clairement sur la réalité du signal prix et du signal carbone. Or ce n’est pas le cas : les tarifs réglementés prévoyant un prix unique, appliqué toute l’année – n’allez pas croire que je sois en train d’en souhaiter la suppression –, celui qui se chauffe électriquement n’est pas suffisamment conscient de ce que cela implique en matière de prix et d’empreinte carbone. Son choix individuel est pertinent sur le plan économique, puisqu’on ne lui fait pas payer personnellement l’incidence de son choix en matière d’empreinte carbone : le coût correspondant est payé par l’ensemble des utilisateurs par l’application d’un tarif totalement péréqué, géographiquement et fiscalement, par le biais d’une répartition sur tous les clients de l’électricité.

  1. le président Julien Aubert. Mettons-nous un instant à la place de l’usager, qui paye déjà une grosse facture d’électricité et une grosse facture de gaz : on peut difficilement envisager de lui expliquer qu’après avoir investi 100 milliards d’euros sur les ENR, on va développer le gaz afin de réduire l’impact carbone ! Comment voulez-vous lui faire accepter une nouvelle augmentation des taxes pour financer le soutien à la filière gaz ?

Certes, le recours au gaz produit en France viendrait se substituer à des importations d’énergies fossiles, ce qui engendrerait quelques gains en matière de balance commerciale, mais cela ne réglerait pas complètement le problème.

Dès lors qu’on s’en remet à votre argument, selon lequel la transition par le gaz est meilleure en termes d’émissions de CO2 que la transition par l’électricité, quelles solutions envisagez-vous pour réorienter la transition ? En d’autres termes, en admettant que le Gouvernement soit d’accord avec vous, ce qui ne semble pas vraiment être le cas au vu de la PPE, où le gaz est un peu le parent pauvre des énergies, comment le changement que vous appelez de vos vœux peut-il s’opérer sans que l’usager se retrouve taxé deux, voire trois fois ?

  1. Thierry Trouvé. L’usager, le citoyen, le contribuable, sont-ils prêts à payer pour la transition énergétique, c’est-à-dire pour décarboner l’énergie à l’horizon 2050 ? Or, cette question ne me paraît pas complètement réglée, même à l’issue du grand débat, puisque si les gens se disent favorables à la transition énergétique, ils refusent catégoriquement que cela se traduise par une augmentation des taxes. Chacun doit prendre conscience du fait que décarboner l’énergie – qu’il s’agisse du gaz, de l’électricité, du pétrole ou du charbon –, cela coûte de l’argent…

Dès lors, soit on le fait, et il faut alors qu’on détermine le moyen de répartir le coût qui en résulte, soit on ne le fait pas. En défendant le gaz vert, on se place dans l’hypothèse où on veut le faire à l’horizon 2050 ; pour cela, on estime qu’il faut essayer d’emprunter la voie la moins coûteuse pour la collectivité – la répartition du coût global constituant alors une deuxième question.

Si vous optez pour une transition énergétique en installant des panneaux solaires dans les campagnes – une solution qui ne me paraît être celle que vous envisagez –, vous allez devoir acheter des panneaux photovoltaïques aux Chinois, ce qui va aggraver le déficit de la balance commerciale sans créer d’activité locale.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Les panneaux, nous pouvons aussi les produire nous-mêmes…

(Non car notre industrie français et européenne n'est pas compétitive par rapport aux Chinois et les entreprises de PV ont fait faillite)

https://www.contrepoints.org/2017/08/07/296327-la-transition-energetique-en-allemagne-est-un-echec

http://fr.friends-against-wind.org/realities/energies-renouvelables-arnaques-en-vue-en-bretagne

  1. Thierry Trouvé. À l’inverse, si vous optez pour le biométhane, vous créez de l’emploi dans les campagnes, vous sauvez des exploitations agricoles et vous réglez des problèmes de déchets. Tout cela a une valeur. Sans oublier les autres aspects du problème, notamment au fait que le biométhane se stocke beaucoup plus facilement que l’énergie tirée de l’énergie solaire.

  1. le président Julien Aubert. Vous admettrez que tout le monde ne partage pas votre diagnostic. Ainsi le président de la CRE nous a déclaré que, si les opérateurs d’énergie réalisaient des investissements dans le cadre de la transition énergétique, ce n’était pas dans l’objectif principal de décarboner : dès lors, tout votre raisonnement s’écroule !

En admettant même qu’on achète votre raisonnement – en partant du principe selon lequel le biométhane présente des avantages spécifiques, notamment la création d’emplois en milieu rural –, vous ne nous dites pas comment vous procédez au basculement : certes, si on ne peut pas augmenter, on peut réallouer, mais encore faut-il savoir comment !

  1. Vincent Thiébaut. Je commencerai par rappeler que l’environnement, ce n’est pas que les gaz à effet de serre…

  1. le président Julien Aubert. Vous avez tout à fait raison de le souligner – la présence de CO2 est d’ailleurs nécessaire dans l’environnement, puisque c’est lui permet la photosynthèse…

  1. Vincent Thiébaut. J’entends bien ce que vous dites sur le coût de la taxe carbone et sur le fait que sa répartition ne se fasse pas de façon optimale mais, dès lors qu’on admet la nécessité de retenir un mix énergétique, il me semble que la question du coût n’est pas la seule à prendre en considération : les choix à faire doivent tenir compte de différents facteurs et d’un équilibre global à maintenir, ce qui implique que les différents acteurs sachent travailler ensemble.

Par ailleurs, on sait que le gaz présente des risques particuliers en termes de sécurité, notamment dans les villes – chacun se souvient de l’accident dramatique survenu à Paris il y a quelques mois.

Enfin, la loi de décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement a fixé de nouveaux objectifs en matière de stockage du gaz naturel, puisque nous sommes passés de 90 TWh en 2017 à 138 TWh en 2018. Cet objectif a-t-il été atteint, et comprend-il le stockage du gaz issu de la méthanisation ? Sur le plan technique, comment le gaz produit à la campagne est-il acheminé vers les sites de stockage ? Le réseau permettant cet acheminement est-il déjà en place, ou faut-il prévoir des investissements destinés à permettre son installation ?

  1. Thierry Trouvé. Pour ce qui est de l’opposition entre le gaz et l’électricité, Édouard Sauvage et moi-même sommes convaincus que la transition énergétique passe par une approche système, une vision holistique et une bonne complémentarité entre le gaz et l’électricité.

Un autre exemple de notre complémentarité est la mise au point de chaudières hybrides associant gaz et électricité.

Durant l’été et l’hiver derniers, les stockages ont été très bien remplis, et les opérateurs de stockage viennent de procéder à la deuxième campagne de vente en vue de l’hiver prochain – le remplissage a d’ailleurs déjà commencé –, qui leur a permis de vendre aux enchères la totalité de leurs capacités : de ce point de vue, la réforme produit donc ses effets. Comme l’a souhaité le législateur, un complément est ensuite reversé par les opérateurs de transport aux opérateurs de stockage, ce qui leur permet de boucler leur budget. Grâce à la mise en place de ce système, nous n’avons plus autant d’inquiétudes que par le passé, car nous démarrons la campagne d’hiver en ayant déjà sous nos pieds le gaz que nous allons devoir fournir.

Deuxièmement, le stockage du biométhane est techniquement possible. Les opérateurs de stockage ont procédé à des études montrant qu’ils sont capables d’accueillir du biométhane dans leur système de stockage. Aujourd’hui, ce n’est pas encore le cas de manière très concrète en raison du fait que peu d’installations de biométhane sont déjà raccordées au réseau permettant le stockage de la production. Si le biométhane est donc le plus souvent directement injecté dans le réseau de distribution, il arrive qu’en été, la consommation de gaz soit plus faible sur un petit réseau de distribution, ce qui peut aboutir à la constitution d’excédents. Transporteurs et distributeurs ont donc conçu ensemble des systèmes dits de rebours qui permettent de renvoyer l’énergie du réseau de transport à basse pression vers le réseau de distribution, où la pression est plus forte, grâce à de petits compresseurs – le coût correspondant est déjà intégré dans les chiffres que nous vous avons donnés tout à l’heure. Nous sommes actuellement en train de construire les deux premiers rebours dans l’ouest de la France, et prévoyons d’en mettre en place beaucoup d’autres, en collaboration avec les distributeurs. Ainsi, nous dessinons progressivement les réseaux qui vont permettre de collecter la production de méthane et de l’acheminer vers les sites de stockage.

J’insiste sur la nécessité de prendre dès aujourd’hui les bonnes décisions. Si le signal politique émis, c’est qu’on n’a pas besoin du biométhane et que cette énergie n’est pas une solution d’avenir, on risque de voir les infrastructures de stockage, qui sont une chance pour la transition énergétique, fermer les unes après les autres, et ce seront autant d’investissements perdus pour la collectivité. En outre, le fait d’être en mesure de stocker un tiers de la production représente une capacité décisive, sur laquelle le réseau électrique a d’ailleurs intérêt à s’adosser, notamment sous la forme de systèmes hybrides au stade de l’utilisation finale, car de telles solutions permettent de lisser l’effet de pointe que j’évoquais tout à l’heure.

  1. Vincent Thiébaut. On compte de nombreux projets de biométhanisation en Alsace et, en tant que député du Bas-Rhin, je m’interroge sur le maillage de ces projets, au financement desquels l’ADEME participe largement – je crois que le Grand-Est représente actuellement 75 % des projets de biométhanisation en France. Est-il cohérent d’avoir des installations distantes les unes des autres de dix à quinze kilomètres, et ne faudrait-il pas prévoir des projets moins nombreux, mais plus importants ?

  1. Édouard Sauvage. Cela renvoie un peu à la question que j’ai évoquée précédemment de l’optimum à trouver entre la proximité du réseau et la taille du projet, qui est aussi celle de l’équilibre à trouver pour concilier acceptabilité et efficacité.

Cette idée de la recherche d’un optimum économique global me permet de faire la transition avec la question posée par M. le président sur la mise en œuvre concrète du basculement. L’une des difficultés de ce sujet, c’est de déterminer ce que l’on cherche à obtenir avant tout : s’agit-il de procurer un bénéfice à l’État et au contribuable, ou à l’économie en général ?

(Serait-ce antinomique ?)

S’il semble assez évident que l’efficacité énergétique profite en priorité au client, qui va consommer moins et récupérer ainsi du pouvoir d’achat– préoccupation majeure en ce moment –, cela va également permettre d’importer moins d’énergie, ce qui est bon pour le solde commercial. Cela dit, une baisse de la consommation de gaz va également se traduire par une perte de recettes fiscales…

Certains arbitrages ont été rendus en faveur des énergies renouvelables électriques en suivant une vision uniquement budgétaire – ces énergies ne coûtent pas beaucoup plus cher que l’électricité produite par d’autres sources – alors que, pour le gaz, on n’a pas pu appliquer le même raisonnement, l’écart à combler par le contribuable étant beaucoup plus important entre, d’une part, un gaz importé coûtant deux fois et demie à trois fois moins cher que l’électricité et, d’autre part, un gaz provenant de sources renouvelables. Le débat est en fait pollué par cette question : faut-il raisonner en termes budgétaires ou en termes macroéconomiques ? Nous estimons pour notre part que la bonne approche consisterait à raisonner en termes macroéconomiques pour, au bout du compte, se demander quel est le coût global en euros par tonne de CO2 évitée, que le résultat soit obtenu au moyen d’un investissement purement privé ou complété par des investissements publics.

  1. le président Julien Aubert. Si vous disposez de scénarios intégrant le coût de la tonne de CO2 évitée, qui permettraient de comparer toutes les hypothèses en tenant compte de l’intégralité des coûts, je vous invite à les communiquer à notre commission d’enquête, qui en prendra connaissance avec un grand intérêt…

Mme Laure de La Raudière. Il faut vraiment tenir compte de tous les coûts, y compris de celui du démantèlement des panneaux solaires et des éoliennes, qui n’est pas neutre !

  1. le président Julien Aubert. Si on devait réorienter la politique actuelle, quel serait d’après vous le niveau d’investissement public ou de soutien public adéquat pour verdir la production de gaz français ? Vous nous avez indiqué dépenser des sommes assez élevées, mais peut-être cela ne suffit-il pas…

  1. Thierry Trouvé. Comme l’a dit tout à l’heure Édouard Sauvage, à l’horizon 2028, la PPE prévoit un soutien aux énergies renouvelables s’élevant à environ 8 milliards d’euros. Sur cette somme, il est prévu de consacrer 700 millions d’euros au gaz ; tout le reste va à l’électricité, déjà décarbonée. En conservant la même échéance, il nous semble qu’il ne serait pas anormal de multiplier par deux ou trois l’effort consacré au gaz – ce serait d’autant moins indécent qu’il y a plus à gagner en décarbonant le gaz, puisque ce n’est plus à faire pour l’électricité.

  1. le président Julien Aubert. Dans la mesure où on substitue du gaz produit en France à du gaz importé, il y a sans doute une part du coût public qui se trouve minorée, du fait de la moindre importation de gaz fossile. Si vous devez justifier ce rééquilibrage, il serait donc intéressant que vous puissiez le faire au moyen d’une analyse économique annexe qui permettrait de déterminer ce qui relève réellement du soutien public et ce qui, d’un point de vue macroéconomique, va pouvoir être récupéré par la baisse des importations.

  1. Édouard Sauvage. Sur ce point, le cabinet E-CUBE Strategy Consultant a réalisé une étude que nous pourrons vous communiquer, d’où il ressort que, lorsqu’on produit du biométhane, le plus important c’est que la valeur ajoutée est 100 % européenne et très massivement française – seuls certains éléments, notamment les filtres, provenant de pays voisins. En tout état de cause, il n’y a aucune importation d’origine extracommunautaire et la quasi-totalité de la valeur ajoutée revient aux territoires. Je ne connais d’ailleurs aucun cas d’agriculteur qui, après avoir reçu des aides pour l’installation d’un méthaniseur, se serait empressé de vendre son entreprise et de s’exiler dans un paradis fiscal…

L’argent investi dans les territoires ruraux ne l’est donc jamais à fonds perdus.

D’un point de vue macroéconomique, le retour est globalement positif si on tient compte des émissions de carbone évitées et de l’amélioration de la balance commerciale.

La valeur ajoutée finira bien par être récupérée, puisqu’elle va à des acteurs implantés sur le territoire… C’est bien ce qui ressort de l’étude réalisée par E-CUBE, étant précisé que dans d’autres filières, la valeur ajoutée n’est jamais 100 % locale, comme elle peut l’être dans le cas de la méthanisation.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Enfin, en ce qui concerne le bon prix au bon moment, on se souvient de l’offre Tempo d’EDF, qui prévoyait des prix différents en fonction des différents moments de l’année, auxquels correspondaient des besoins plus ou moins importants. Beaucoup trop complexe, ce dispositif n’a finalement jamais vraiment pris auprès des consommateurs. Selon vous, serait-il opportun de réfléchir à un système similaire, mais mieux conçu, afin de tenter de gagner en efficacité sur l’adaptation du prix au moment où il est appliqué ?

  1. Édouard Sauvage. Tout le monde s’accorde à reconnaître que la voie la plus soutenable est celle de l’efficacité et de la frugalité énergétiques. Or, selon l’ADEME, un grand nombre de rénovations énergétiques réalisées n’améliorent pas la classe énergétique des bâtiments rénovés.

La stabilité des politiques d’incitation est primordiale pour que les acteurs concernés s’engagent. Cela vaut pour la méthanisation, où la production de gaz issu de cette filière coûte aujourd’hui 90 euros le mégawattheure : les prix vont baisser régulièrement, mais seulement à condition que les acteurs de la filière puissent compter sur une certaine stabilité des règles du jeu.

  1. Thierry Trouvé. À terme, notre vision de la décarbonation correspond d’ailleurs à un mix comprenant moins de gaz et davantage d’électricité. En effet, le gaz porte ses économies en lui-même, puisque la mesure la plus efficace consiste à changer les anciennes chaudières, ce qui permet de réaliser immédiatement 30 % d’économie en termes de consommation d’énergie. Nous prévoyons donc peu de nouveaux usages du gaz – ils ne sont actuellement envisagés que dans le secteur des transports –, mais plutôt une baisse de la consommation, alors que les usages de l’électricité seront certainement amenés à se multiplier dans les années qui viennent.

Si nous voulons décarboner l’économie, nous devons d’abord nous demander quel est le chemin le moins cher pour y parvenir. Pour cela, il faut se référer à cet indicateur qu’est le prix de la tonne de CO2 évitée, ce qui doit logiquement nous conduire à la conclusion selon laquelle c’est le gaz qui constitue la solution à retenir.

  1. le président Julien Aubert. Vous avez fourni au rapporteur spécial du budget de l’énergie que je suis un excellent indicateur pour mesurer l’effet d’aubaine, lorsque nous avez expliqué qu’en raison de l’instabilité du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), seules les personnes n’en ayant pas besoin y avaient recours : cela va me permettre de chiffrer assez précisément ce que cet effet d’aubaine nous a coûté.

Mardi 9 avril 2019

Séance de 17 heures

Extraits commentés du compte rendu n° 14

Présidence de M. Julien Aubert, Président

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Catherine de Kersauson, présidente de la deuxième chambre de la Cour des comptes, accompagnée de M. Éric Allain, président de section, et de Mme Isabelle Vincent, rapporteure

Mme Catherine de Kersauson, présidente de la 2e chambre de la Cour des comptes.  Durant la période récente, la Cour a publié plusieurs rapports traitant des questions qui intéressent votre commission d’enquête. Le 16 mars 2018, elle a ainsi remis au président de la commission des finances du Sénat un rapport relatif au soutien aux énergies renouvelables, qui lui avait été demandé en décembre 2016 et porte sur la période 2013-2017.

Par ailleurs, les notes d’exécution budgétaire relatives au compte d’affectation spéciale (CAS) « Transition énergétique », ainsi qu’à la mission « Ecologie, développement et mobilité durable » et en particulier au programme 345 « Service public de l’énergie » complètent et actualisent certains des éléments figurant dans le rapport de mars 2018.

Je souhaite également vous signaler le référé du premier président du 22 décembre 2017 relatif à l’évaluation de la mise en œuvre de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH), qui a occupé une partie de vos auditions et a été adressé au ministre de la transition écologique et solidaire et au ministre de l’économie et des finances, ces derniers y ayant répondu conjointement le 14 mars 2018.

La Cour a en outre effectué en octobre 2013 une communication au Premier ministre sur les certificats d’économies d’énergie, qui a fait l’objet d’un suivi dans le cadre d’une insertion au rapport public annuel de 2016.

Je vous signale également d’autres rapports de la Cour susceptibles d’éclairer vos travaux : le rapport préparé par la cinquième chambre et remis à la commission des finances de l’Assemblée nationale en mars 2019 sur les dépenses fiscales en faveur du logement, ou encore le rapport de la cinquième chambre de la Cour remis à la commission des finances du Sénat en février 2018 sur le programme « Habiter mieux » de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH). Citons également, parmi les travaux les plus récents, une insertion au rapport public annuel de 2018 relative à Linky et aux autres compteurs communicants.

Concernant les objectifs poursuivis par la politique énergétique, notre rapport de mars 2018 sur le soutien aux EnR avait mis en évidence le retard persistant, déjà documenté dans le rapport précédent de 2013, entre les objectifs assignés par la loi de transition énergétique pour la croissance verte et la place des EnR dans le mix énergétique. Il a également mis en lumière la non-compatibilité entre l’objectif et la trajectoire de développement des EnR de 32 % de la consommation brute d’énergie en 2030, arrêtée en 2016, et l’objectif de réduction de la part du nucléaire à 50 % dans le mix électrique en 2025.

(On a l'impression que personne au Gouvernement ou au Parlement ne lit les rapports de la Cour des comptes, ou ne les prends en compte pour action…)

La Cour constatait dans ce rapport que l’objectif premier de la politique énergétique ainsi tracée était de réduire la place du nucléaire dans le mix énergétique plutôt que de lutter contre le réchauffement climatique, dans la mesure où les deux objectifs assignés ne réduisent pas les émissions de gaz à effet de serre. Pour y contribuer, la politique énergétique aurait dû se concentrer sur les EnR thermiques en substitution principalement des énergies fossiles, fortement émettrices de dioxyde de carbone.

(Manifestement, tout le monde s'en fout au gouvernement et dans les directions, à commencer par la DGEC…)

La Cour a en outre, dans son rapport de mars 2018 sur les EnR, cherché à apprécier l’impact économique et industriel des énergies renouvelables. Son appréciation est la suivante : faute d’avoir établi une stratégie claire et des dispositifs de soutien stables et cohérents, le tissu industriel français a en définitive peu profité du développement des EnR.

(Personne ne l'a évoqué dans les auditions jusque là…)

Constatant que la France, contrairement à d’autres États européens, n’était pas parvenue à se doter de champions dans ce secteur, la Cour exprimait diverses recommandations. Elle préconisait ainsi, à l’occasion de la révision de la PPE prévue initialement en 2018, mais intervenant de fait en 2019, de définir une stratégie énergétique cohérente entre les objectifs de production d’énergies renouvelables électriques et l’objectif de réduction de la part de l’énergie nucléaire dans le mix, et de clarifier les objectifs industriels français associés au développement des EnR.

(La PPE va-t-elle suivre ces recommandations ou bien sont-elles trop dérangeantes pour le business de "l'entre-soi" des EnR qui se gavent de subventions tant que personne n'y mettra le holà ?)

Il est difficile d’apprécier à ce stade la suite donnée à cette double recommandation, la PPE n’étant à ce jour qu’un projet dont l’adoption ne pourra intervenir avant la discussion et l’adoption de la petite loi sur la transition énergétique, dont le projet sera prochainement présenté par le Gouvernement.

(A suivre avec attention…)

Concernant les modalités, la maîtrise et la transparence des financements des politiques de transition énergétique, je rappellerai en introduction quelques éléments clés sur les différentes modalités de soutien par l’État et leur répartition. Le coût budgétaire du soutien est nettement en faveur des EnR électriques, dans un rapport de 1 à 10 environ.

Les modes de soutien sont différents, fondés sur des subventions à l’investissement et des dispositifs fiscaux pour le thermique : je pense au fonds chaleur pour les subventions à l’investissement et, pour les dispositifs fiscaux, au crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) et au taux réduit de TVA. Pour l’électrique, les soutiens sont basés sur des subventions d’exploitation, sous la forme de compensations et d’obligations d’achat visant à garantir un niveau de prix aux producteurs, l’État prenant à sa charge le risque pris. Le soutien à la production d’EnR électriques est désormais alloué après appel d’offres. Les soutiens aux EnR sont, depuis 2015, financés par le contribuable et retracés dans deux supports budgétaires. Le premier est le compte d’affectation spéciale « transition énergétique », financé en recette par une partie de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), qui assure le financement du soutien aux EnR électriques et au biométhane, des charges liées au remboursement aux opérateurs du déficit de compensation de leur charge de service public de l’électricité cumulé au 31 décembre 2015 et des charges d’effacement de consommation.

(Mais il est "bien connu" que le coût d'insertion des EnR ne coûte rien selon monsieur…)

Le second instrument est le programme 345 « Service public de l’énergie », qui finance notamment les intérêts de la dette auprès des opérateurs, les dispositifs propres aux zones non interconnectées, le chèque énergie, le budget du médiateur de l’électricité et quelques autres éléments.

Le rapport de la Cour des comptes de mars 2018 sur les EnR et l’examen de l’exécution du budget de l’État ont conduit à formuler des observations et recommandations à l’adresse des pouvoirs publics. Le premier constat est celui d’une forte dynamique des dépenses publiques de soutien aux EnR, avec 5,3 milliards d’euros en 2016 et une projection pour 2023 estimée à l’époque à 7,5 milliards d’euros. La Cour notait également une forte concentration sur le soutien aux EnR électriques, avec 4,4 milliards d’euros sur 5,3 milliards d’euros en 2016. La Cour soulignait en outre le poids des engagements passés, les charges contractées avant 2011 représentant environ deux tiers du volume de soutien annuel en 2017. Elle relevait également la disproportion entre certains montants de soutien et la contribution aux objectifs de développement des EnR, notamment pour le photovoltaïque et l’éolien offshore.

(Et le ministère de l'écologie a pris quelles mesures depuis mars 2018 pour corriger le tir ?)

Ce déséquilibre en faveur du soutien aux EnR électriques était rappelé dans ce rapport, de même que les insuffisances du dispositif de connaissance des coûts de production. Le rapport de la Cour pointait enfin, parmi les trois principaux vecteurs de soutien public aux EnR – le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), le Fonds chaleur et la compensation des charges de service public – la place particulière de cette compensation récemment mise à la charge du contribuable et dont les dynamiques sont imparfaitement retracées dans le CAS et le programme 345.

Nous en tirions les recommandations suivantes : il importait tout d’abord selon nous de renforcer l’efficacité et l’efficience du soutien au développement des EnR par un net renforcement de la transparence quant aux déterminants des choix opérés et par une meilleure association du Parlement à la définition des objectifs de développement des EnR et des volumes financiers de soutien aux EnR.

(Que s'est-il passé depuis ? La DGEC continue à faire la pluie et le beau temps avec le ministre de l'écologie et la CRE ?)

À cet égard, si la création du compte d’affectation spéciale transition énergétique a constitué un progrès, ceci ne permet pas de faire apparaître l’ensemble des coûts de long terme et se limite à donner une vision annuelle, si bien que le Parlement n’est pas en situation de se prononcer sur les nouveaux engagements, ni d’apprécier la dynamique d’évolution des charges du fait des engagements passés ou nouveaux. La Cour préconisait également de publier le calcul des coûts de production et des prix actuels et prévisionnels de l’ensemble du mix énergétique programmé dans la PPE et de l’utiliser pour contenir le volume des soutiens publics associés aux objectifs de la politique énergétique à court, moyen et long terme. La Cour recommandait de créer, à l’image du Conseil d’orientation des retraites (COR) et en remplacement d’autres instances existantes, un comité chargé d’éclairer les choix gouvernementaux relatifs à l’avenir de la politique de l’énergie : cette instance de pilotage interministérielle serait placée auprès du premier ministre, considérant que la conduite de la politique de soutien aux EnR s’appuyait presque exclusivement sur la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) et justifierait un dialogue interministériel renforcé.

À notre connaissance, les suites données à ces recommandations sont les suivantes. Sur le premier point visant à mieux associer le Parlement, la Cour a, dans le cadre de ses travaux sur l’exécution budgétaire, été amenée à préciser ses critiques sur l’absence de transparence et les pistes pour y remédier. Nous constatons que l’information du Parlement sur le fonctionnement du dispositif de compensation de charges du service public de l’énergie reste incomplète

(En résumé, ça traine des pieds pour changer les mauvaises habitudes…)

 : en effet, le rapport annuel de performances (RAP) 2017 mentionne l’existence de charges à compenser et le projet annuel de performances (PAP) 2019, même s’il apporte des informations un peu plus détaillées sur le chaînage, ne détaille pas la répartition des paiements entre exercices.

Concernant la publication des coûts, de leurs modalités de calcul et de la mise en transparence des engagements de long terme, la Cour constate que la situation n’a pas évolué

(Il n'y a plus de pilote dans l'avion ? Le navire courre sur son ère par inertie et mauvaise volonté ?)

 : les travaux conduits par les instances administratives ne sont pas publics et n’associent pas le Parlement, en dépit de la nomination au sein du comité de gestion des charges du service public de l’électricité d’un représentant de l’Assemblée nationale.

(Une petite mesure cosmétique et hop, le tour est joué ! Ce n'est quand même pas la Cour des comptes qui va venir déranger nos affaires juteuses et notre pouvoir…)

Pour ce qui est de la gouvernance, de l’instauration d’une instance analogue au COR et du renforcement du pilotage interministériel, la Cour ne dispose pas formellement d’éléments permettant d’établir que ses recommandations ont été suivies. A été ajouté aux instances existantes un Haut conseil pour le climat, composé de treize experts, qui ne remplit pas exactement les missions attendues d’un conseil d’orientation de l’énergie, de par sa composition, mais aussi sa mission, qui est centrée sur la lutte contre le réchauffement climatique et n’embrasse donc pas toutes les composantes d’une politique en faveur des EnR.

(La charge est sévère… mais puisque ce ne sont que des recommandations, qui s'en soucie ?...)

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure.  Pourriez-vous tout d’abord nous faire part de vos recommandations relativement au dispositif des CEE ?

  1. Eric Allain, président de la section « Énergie » de la Cour des comptes. En l’état actuel des constats et recommandations de la Cour, les dernières données remontent à 2016. Les constats effectués en 2013 et ayant fait l’objet d’un suivi en 2016 pointaient les insuffisances des modalités de contrôle et d’évaluation de ce dispositif, qui donnaient matière à un certain nombre de dérives de la part des éligibles ou des obligés et conduisaient à ce que le dispositif ne garantisse pas l’atteinte des objectifs assignés. Nous avions à cet égard formulé plusieurs recommandations, dont le dernier suivi ne permet pas de penser que la situation a grandement progressé.

(Donc depuis 2013, les dérives signalées continuent… Comment voulez-vous que les "petites gens" ne soient pas ulcérées ?!)

Concernant les études sur les économies réellement obtenues grâce aux CEE, nous avions formulé, en 2013 comme en 2016, la recommandation qu’elles soient rendues obligatoires ; or ceci n’a toujours pas été mis en œuvre.

Il était également préconisé d’engager des contrôles a posteriori par sondage, qui n’avaient toujours pas été mis en œuvre en 2016, et de développer des procédures de contrôle a posteriori sur les justifications d’attribution de certificats. Nous avons constaté en 2016 que les contrôles restaient quantitativement insuffisants.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Quelles sont, selon les évaluations et analyses prospectives que vous avez pu mener, les conséquences de la transition énergétique sur l’emploi en France ?

Mme Catherine de Kersauson. Nous avons traité de ce sujet au travers du rapport sur le soutien aux EnR, lequel comporte des informations sur les retombées économiques du développement des EnR et notamment l’impact sur l’emploi, reprenant des estimations effectuées par l’ADEME. Un graphique montre ainsi l’existence d’un impact en termes d’emploi entre 2006 et 2016, passant de 60 000 à 80 000 emplois liés à la filière des EnR. Je vous renvoie à la page 37 du rapport.

(Et combien d'emplois détruits par la perte de productivité et la hausse du coût des énergies ?)

https://www.contrepoints.org/2017/11/15/303211-renouvelables-emplois-promis

  1. Éric Allain. La Cour n’a en effet pas étudié en tant que tel l’impact en termes d’emploi de la transition énergétique. Les travaux que nous avons menés sont essentiellement basés sur des constats dressés par l’ADEME. L’un des principaux constats effectués sur ce sujet résidait dans la faiblesse des outils de suivi de l’impact du soutien aux EnR en matière d’emploi et plus globalement sur l’économie et le tissu industriel. Ce constat est à rapprocher de celui fait par la Cour des comptes dans son rapport précité sur les dispenses fiscales en faveur du logement, qui montre de manière générale sur ce sujet un déficit en termes d’évaluation des impacts des dispositifs fiscaux, y compris de ceux, dont le CITE, qui contribuent à la transition énergétique, dont on est aujourd’hui bien en peine d’indiquer quelles sont leur véritable efficacité et leur efficience réelle, concernant notamment les retours sur l’emploi et l’activité économique du pays.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Avez-vous, dans le cadre des études que vous avez conduites, réfléchi à la question des coûts de l’inaction ?

(Vu le fiasco actuel de la TE, il doit être très inférieur aux dizaines de milliards d'euros gaspillés qui mettent un boulet économique à la France et la tire vers le bas !)

La transition énergétique a un coût, qui doit être calculé en considérant l’ensemble de la chaîne, depuis la construction jusqu’au démantèlement ou à la déconstruction, avec tous les impacts indirects que ceci peut avoir. Si l’on veut être absolument exhaustif, il faudrait de la même façon être en mesure de chiffrer les coûts de l’inaction. De tels travaux ont-ils été menés ? Si non, envisagez-vous de les conduire ?

Mme Catherine de Kersauson. Non, nous n’avons pas mené de tels travaux.

Mme Laure de La Raudière. Ma question concerne les subventions d’argent public entre les filières. Avez-vous comparé un euro d’argent public dépensé sur l’éolien terrestre, le photovoltaïque ou les énergies thermiques en termes d’efficacité au regard de l’objectif recherché et du coût complet de la filière, incluant le démantèlement ?

Avez-vous par ailleurs effectué une comparaison entre un euro d’argent public investi par exemple pour réaliser des économies d’énergie par la rénovation thermique de bâtiments et un euro d’argent public investi dans les énergies renouvelables ? J’ai l’impression que l’on poursuit toujours deux objectifs en France, à savoir à la fois le taux d’énergies renouvelables et la réduction des émissions de CO2. Avez-vous effectué des analyses et produit des recommandations relativement à ce double objectif ?

Mme Catherine de Kersauson. Le soutien au photovoltaïque coûterait aux finances publiques, à l’époque où nous avions rédigé ce texte, 38,4 milliards d’euros sur vingt ans, pour un volume de production représentant 0,7 % du mix électrique.

(Le coût de "l'inaction" aurait été préférable. Ne rien faire dans ce domaine aurait couté beaucoup moins cher !…)

Nous soulignions également qu’en matière d’éolien offshore, la pleine réalisation des appels d’offres lancés en 2011 et 2013 pèserait 2 milliards d’euros par an sur vingt ans, pour un volume de production représentant à terme 2 % du mix électrique.

(Monsieur Brottes est toujours favorable à l'éolien en mer ?...)

Nous mettions ainsi en évidence la disproportion entre le coût pour les finances publiques de ces investissements et leur part dans le mix électrique. D’une manière générale, la Cour a pointé le déséquilibre entre le coût pour les finances publiques du soutien aux EnR électriques vs. les EnR thermiques.

  1. Éric Allain.  Bien qu’il soit assez rare que la Cour des comptes propose d’augmenter les dépenses publiques, le rapport de synthèse sur les EnR recommandait en l’occurrence à l’État d’augmenter les moyens consacrés au fonds chaleur. Ceci nous paraissait parfaitement légitime, compte tenu des objectifs que par ailleurs le législateur avait assignés à l’action publique en la matière.

  1. Anthony Cellier. Il est spécifié dans le rapport que, pour les EnR électriques, l’État a d’abord mis en place des tarifs garantis, l’engageant financièrement lourdement sur le long terme. Les charges contractées à la suite de décisions antérieures à 2011 représentent ainsi près de deux tiers du volume annuel de soutien supporté aujourd’hui par les finances publiques. Le rapport fait état de 5,3 milliards d’euros de dépense publique de soutien aux EnR, dont 3,6 milliards d’euros ne correspondant pas à un soutien actuel, mais à des charges antérieures. Pouvez-vous me donner une temporalité ? Depuis quand est-on passé sur ce volume ? Quel est le montant exact de ces charges ? Quel est le tendanciel ?

  1. Éric Allain.  Il apparaît qu’un plafond est atteint aux alentours de 7 milliards d’euros pour la totalité des engagements pris jusqu’en 2017 inclus et que, fort heureusement, la courbe décroît ensuite progressivement. L’effet stock pèse assez lourdement sur la trajectoire.

Aujourd’hui les mécanismes sont un peu différents. Il s’agit de mécanismes de compensation de prix, réputés moins coûteux pour les finances publiques, mais qui induisent un transfert du risque de marché des opérateurs privés vers l’État. Ceci correspond au principe même de l’incitation et constitue l’une des difficultés de la mise en transparence de ces questions. Il est en effet difficile de se projeter dans l’avenir et d’anticiper l’évolution de ces charges, puisqu’elles dépendent, dans une mesure assez importante s’agissant en tout cas de l’électrique, de l’évolution des marchés de l’électricité.

Mme Catherine de Kersauson. Le montant des charges prévisionnelles sur longue période, estimé dans notre rapport à 121 milliards d’euros en euros courants entre 2018 et 2046, est actualisé par la commission de régulation de l’énergie (CRE). Il est de 104 à 115 milliards d’euros fin 2018 et 120 milliards d’euros en 2019.

(C'est fou, non ?)

  1. le président Julien Aubert. Concernant les objectifs, vous avez expliqué que la France avait fait le choix, au travers des moyens employés, de ne pas privilégier l’objectif carbone. Or selon moi, la transition énergétique a avant tout pour but de lutter contre le réchauffement climatique. Sur les sommes que vous avez mises en avant, quel pourcentage irait selon vous à l’objectif carbone par opposition aux autres objectifs ?

  1. Éric Allain. Pour le thermique, le rapport est d’environ 1 à 10. Les chiffres donnés dans le rapport, qui mériteraient d’être actualisés, faisaient état en 2016, sur un soutien total d’un peu moins de 5,3 milliards d’euros, de 4,5 milliards d’euros alloués à l’électrique et 689 millions d’euros au thermique. Si l’on raisonne en grandes masses, on peut considérer que les sommes dévolues au thermique bénéficient à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

  1. le président Julien Aubert. En fait, lorsque l’on additionne les grandes masses que représentent le soutien au thermique et le CITE, on obtient finalement une somme voisine de 1,4 ou 1,5 milliard d’euros consacré à l’objectif CO2.

  1. le président Julien Aubert. Dans la sobriété énergétique, figure la réduction d’énergie. L’un des intervenants entendus ce matin nous indiquait qu’il était différent de réduire une consommation au gaz et à l’électricité. L’objectif de maîtrise de l’énergie peut donc avoir un impact carbone ou ne pas en avoir. Or il me semble que l’on ne discrimine pas forcément, aujourd’hui, parmi les outils de sobriété énergétique. Dans les outils de CEE, il n’existe aucune prime différenciée selon que vous fassiez de l’efficacité énergétique pour réduire les émissions de CO2ou pas. Grosso modo, 1,5 milliard d’euros concerne l’objectif CO2, contre trois fois plus pour le soutien à l’électrique. L’une des difficultés tient au fait que l’on dispose d’outils qui se superposent. Avez-vous étudié, en matière d’efficacité, le doublonnement potentiel ? Avez-vous par exemple regardé si, entre les CEE et le CITE, deux dépenses ne se superposaient pas ? Comment avez-vous abordé ce sujet, plus complexe que celui du soutien direct ?

Mme Catherine de Kersauson. Nous n’avons pas examiné cet aspect.

  1. le président Julien Aubert. Les CEE sont un outil de l’État extrêmement pratique, que l’on retrouve partout, dans l’électricité, le gaz, le pétrole, qui compte dans la facture, sur lequel l’État perçoit des taxes et dont il fixe lui-même le volume, ceci induisant une augmentation et un prélèvement, dans la mesure où tout ceci est répercuté auprès des consommateurs. Puisque vous avez mentionné le fait que, sur le soutien aux EnR, le Parlement n’avait pas son mot à dire, ne pensez-vous pas qu’il existe un sujet sur les CEE, dont il nous est dit qu’il ne s’agit pas d’une taxe, d’une quasi-taxe, d’une accise, sachant que le ministre décide, dans le secret de son ministère, d’augmenter un volume, ce qui produit mécaniquement, de facto, une augmentation pour les obligés, une répercussion financière pour les consommateurs finaux ? Il existe de plus un conflit d’intérêt, puisque lorsque le ministère de l’écologie augmente les CEE, le ministère des finances perçoit une TVA sur cette augmentation. Or le Parlement n’est en rien consulté. On voit bien, sur les EnR, comment essayer de contrôler le volume, avec éventuellement des systèmes de complement for differenceou en tout cas le vote de volume maximum d’aides aux EnR. Mais comment procéder relativement aux CEE ?

  1. Éric Allain. Vous posez là une question difficile, à laquelle je ne saurais répondre. Les CEE sont un objet étrange, ni budgétaire, ni fiscal, dont même la qualification en termes comptables peut susciter quelques interrogations.

  1. Vincent Thiébaut. En dehors des EnR, il est bien question d’un mix énergétique global, dont les EnR ne sont qu’une partie. Vous nous avez communiqué des coûts relativement à la partie EnR. Je sais que la Cour des comptes a aussi travaillé sur les problématiques des autres énergies, qu’il s’agisse notamment du démantèlement ou de la prolongation des centrales nucléaires. Ce coût est également supporté par les contribuables.

(Non, c'est faux… Il est inclus dans la facture d'électricité qui est une des moins chères d'Europe… avant que les subventions aux EnR ne la fasse grimper ! La Cour des comptes l'a indiqué dans son rapport de 2012 sur le coût du nucléaire…)

Avez-vous pu effectuer une comparaison entre ce que coûtent d’une part les EnR, qui sont des énergies émergentes, pour certaines encore en phase d’innovation et de perfectionnement, et ont logiquement besoin de soutien, d’autre part le maintien de l’énergie nucléaire ? L’idée n’est pas nécessairement d’opposer les deux, mais d’avoir un aperçu de ce que coûte l’un par rapport à l’autre. Je pense en effet que l’avantage des EnR est que si l’on parvient, à un moment donné, à un coût de marché intéressant, comme dans le secteur du photovoltaïque où les coûts ont bien baissé depuis dix ans, alors on aura moins de problématique dans la prolongation ou en tout cas dans le renouvellement.

  1. Éric Allain. La Cour des comptes s’est en effet penchée en 2012, ce qui constituait un travail alors assez original et inédit, sur l’appréciation du coût de l’électricité nucléaire, qui représente aujourd’hui trois quarts de la production électrique nationale. Ces travaux ont été réactualisés en 2014 et il est prévu qu’ils le soient régulièrement. L’approche de la Cour est une approche en coût complet, qui n’est pas directement à relier au coût de marché, ni même au prix de vente de l’électricité du parc nucléaire historique, à laquelle la présidente a fait allusion précédemment dans le cadre du dispositif de l’ARENH, qui est à 42 euros le mégawattheure. Lorsque nous avons évalué le coût complet en 2014, il s’établissait aux alentours de 65 euros le mégawattheure. On parle bien ici du parc nucléaire existant, soit les 58 réacteurs nucléaires aujourd’hui en activité.

Le deuxième sujet est d’apprécier les différents vecteurs et leurs positionnements relatifs. Concernant les EnR, les coûts ont pu être largement supérieurs à 100 euros du mégawattheure et le sont d’ailleurs restés pour certaines techniques, tandis qu’ils sont en décroissance forte pour d’autres : tout dépend de l’évolution des différentes technologies et des économies d’échelle. Dans cette question de ce que les spécialistes qualifient de « foisonnement », qui renvoie à la manière dont on articule les différentes sources d’énergie pour assurer une régularité de l’approvisionnement et un équilibrage permanent du marché entre l’offre et la demande d’électricité, il faut considérer que ces énergies n’ont pas les mêmes caractéristiques : certaines, comme le nucléaire, mais aussi les centrales à gaz et à charbon, sont dites « pilotables », ce qui n’est pas le cas des EnR. Des appréciations peuvent être menées sur la part des énergies non pilotables susceptibles d’être acceptées dans le mix électrique sans que cela n’ait forcément de conséquence sur la capacité des gestionnaires de réseaux à assurer en permanence l’adéquation entre l’offre et la demande. On entend dire aujourd’hui que 20 % à 30 % d’EnR ne posent pas de difficulté particulière. Au-delà, ceci peut générer des difficultés ou nécessiter des investissements supplémentaires, qui seraient répercutés sur le consommateur, par le biais notamment du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE). Il ne s’agit pas de questions que la Cour a réellement investiguées en tant que telles.

L’aspect des coûts est évidemment important et a été développé dans notre rapport sur les EnR, pour indiquer que la problématique des coûts de revient devait être mieux prise en compte dans les choix faits par la France lorsqu’elle décide de développer tel ou tel type d’énergie renouvelable. Pour autant, ceci est à comparer avec d’autres vecteurs énergétiques qui assurent aujourd’hui une base de production solide.

  1. Vincent Thiébaut. Lorsque vous parlez de coût complet, je suppose que ceci inclut la production, la maintenance, le démantèlement, le stockage, etc.

  1. Éric Allain. Absolument : ce coût inclut les opérations de fin de cycle, c’est-à-dire la gestion des opérations de démantèlement, donc le provisionnement effectué chaque année par EDF pour assurer sa capacité à démanteler les installations une fois qu’elles seront en fin de vie, ainsi que la gestion des déchets telle qu’elle est aujourd’hui estimée.

(Bien. Est-ce bien compris et pour tout le monde au Parlement, y compris à la DGEC et au gouvernement ?)

  1. Vincent Thiébaut. À65 euros le mégawattheure, la tarification actuelle va-t-elle permettre de couvrir l’ensemble de ce coût complet ? Ne faudra-t-il pas, à un moment donné, faire appel à l’argent public pour assurer l’ensemble des opérations ?

(Ce n'était pas encore assez clair?...)

  1. Éric Allain. J’ai pris soinde préciser précédemment que le coût complet et le prix de vente étaient deux éléments différents, qu’il ne fallait pas comparer strictement l’un à l’autre. Un prix de vente se raisonne plutôt en coût marginal, tandis qu’un coût complet, par construction, ne le peut pas. Il ne s’agit pas d’un travail instruit par la Cour, si bien qu’il me faut être très prudent sur ce sujet. Le tarif de l’ARENH a été conçu, à l’origine, pour couvrir les coûts de production de l’électricité nucléaire d’EDF et n’a pas évolué depuis quelques années déjà. Je rappelle toutefois que nous n’avons pas instruit ce sujet. Il existe de même aujourd’hui une problématique sur l’évolution de l’ARENH, qui peut en effet poser question. On parle bien là du parc historique ; la question se pose bien évidemment dans des termes similaires sur le principe, mais assez différents en termes de masse financière, pour un futur parc nucléaire. Il y aurait là aussi un dispositif de prix à imaginer.

  1. le président Julien Aubert.  Vous constatez dans votre rapport que le Parlement voit passer le flux annuel, mais n’a de vision ni sur l’amont, ni sur l’aval, ni sur le long terme. Vous aviez d’ailleurs annoncé à ce propos des chiffres quelque peu effrayants, de l’ordre de 120 milliards d’euros.

Mme Catherine de Kersauson. Dans notre rapport, nous soulignions que la PPE était adoptée par décret et était trop imprécise en matière d’impact sur les soutiens par les finances publiques. Nous n’en avons pas fait une recommandation, mais il ressort clairement du rapport que l’une des solutions pourrait être que le Parlement puisse se prononcer sur les éléments de programmation contenus dans la PPE et que cette dernière soit plus précise s’agissant des soutiens publics liés aux objectifs affichés.

  1. Anthony Cellier. Je me permets de préciser à l’attention de nos concitoyens qui regarderaient cette audition retransmise sur le site de l’Assemblée nationale que les parlementaires ne sont malgré tout pas complètement démunis et peuvent agir a posteriori, dans le cadre de leur mission de contrôle.

  1. le président Julien Aubert. Une fois que le train est passé, donc.

Il existe donc des gisements d’amélioration non exploités.

Mardi 9 avril 2019

Séance de 18 heures 30

Extraits commentés du compte rendu n° 15

Présidence de M. Julien Aubert, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Pierre Mongin, directeur général adjoint et secrétaire général du groupe ENGIE, accompagné de Mme Valérie Alain, directeur institutions France et territoires auprès du directeur général, de M. Jean-Baptiste Séjourné, directeur régulation, de Mme Gwenaelle Huet, directeur général de la Business unit France renouvelables et de M. Damien de Gaulejac, attaché de presse 2

  1. le président Julien Aubert.Engie est aujourd’hui un groupe d’envergure mondiale dans le secteur énergétique, et plus précisément dans la production d’électricité et de gaz naturel ainsi que dans leurs infrastructures. Fort de 160 000 collaborateurs et d’un chiffre d’affaires de plus de 60 milliards d’euros, le groupe développe également de nombreuses solutions de service à destination des entreprises et des collectivités publiques.

  1. Pierre Mongin, directeur général adjoint et secrétaire général du groupe.  La transition énergétique est au cœur de notre stratégie. La première preuve en est que nous avons divisé par deux, entre 2012 et 2018,les émissions de CO2 dont nous étions les responsables directs, pour l’ensemble du groupe dans le monde. Notre ambition est en effet de rendre possible le passage à une autre énergie, compétitive et à terme sans carbone, pour tous les clients, partout dans le monde. Voici la définition de la transition énergétique, simple pour l’instant, à laquelle je me réfère.

Engie est le leader incontesté du renouvelable en France, avec 7,2 gigawatts (GW) de capacité installée en éolien, solaire, mais surtout pour moitié en hydraulique, grâce notamment à la Compagnie nationale du Rhône (CNR) et la Société hydro électrique du midi (SHEM). Le mix énergétique de production électrique d’Engie en est déjà à 70 % d’origine renouvelable et nous entendons aller encore au-delà.

Engie est aussi le premier fournisseur d’offre d’électricité verte à ses clients et premier challenger d’EDF dans la vente d’électricité en France. Nous fournissons ainsi de l’électricité verte à 2,2 millions de nos clients.

N’oublions pas le biogaz : nous nous sommes engagés à mobiliser 800 millions d’euros d’ici cinq ans et 2 milliards d’euros d’ici 2030 pour développer des projets en biométhane, en coopération avec le monde agricole. C’est toutefois déjà une réalité, puisque nous disposons de neuf méthaniseurs en fonctionnement, dont six en injection de biométhane et trois en cogénération, ce qui représente la consommation de 12 000 foyers. Cinq projets sont par ailleurs en construction et cinquante en développement. Le groupe a pour objectif d’accompagner l’industrialisation de la filière, pour baisser les coûts d’environ 30 % d’ici 2030 et d’atteindre la parité avec le gaz naturel, en termes de prix et compte tenu bien entendu de la valorisation du carbone, élément qu’il importe d’ajouter à la comparaison. L’objectif est d’atteindre 1,5 térawattheure (TWh) injectés dans nos réseaux en 2023.

Engie est aussi un acteur de la géothermie en France, avec plusieurs réseaux de chaleur en opération et en construction, dont certains outre-mer, et une position de leader en Ile-de-France, avec dix réseaux en opération pour 100 mégawattheures (MWh). Ainsi, en mars 2018, a été inaugurée une nouvelle centrale de géothermie qui alimente 85 % du réseau de chaleur de Dammarie-les-Lys, en Seine-et-Marne.

Parmi les outils existants en matière d’économies d’énergie, figurent les fameux certificats d’économies d’énergie (CEE), qui permettent théoriquement de mener des actions de maîtrise de l’énergie telles que travaux d’amélioration des installations de chauffage, actions de sensibilisation et d’information des acteurs. La vérité est que les investissements des particuliers en matière d’économies d’énergie devraient trouver leur propre rentabilité sans ces certificats.

L’augmentation des gisements de projets éligibles dans le cadre de ces CEE gérés par l’administration, tels que les changements de chaudière et le développement de ces certificats dans l’industrie, devrait avoir pour effet de mieux maîtriser les coûts des CEE. Je vous rappelle que les fournisseurs d’énergie doivent racheter ces certificats aux enchères ou sur le marché, quand ils ne sont pas capables eux-mêmes de produire les actions préconisées par l’administration. On a ainsi assisté au doublement du prix de ces certificats en quelques mois, passé à 9 euros le MWh « cumac », c’est-à-dire « cumulé actualisé », à cause du nombre insuffisant d’actions éligibles autorisées décidées par l’État par rapport aux objectifs à atteindre, d’un contrôle des opérateurs insuffisant et de la répercussion de cet impôt qui ne dit pas son nom sur le consommateur. Comme vous le constatez, mon propos est assez sévère.

Sachez que, chez Engie, 43 000 salariés travaillent en France sur de telles solutions clients d’efficacité énergétique.

La politique énergétique qui ressortira en termes d’objectifs de la PPE doit aussi être cohérente avec la politique industrielle, au travers notamment du comité stratégique de filière « Industries des nouveaux systèmes énergétiques », créé par le premier ministre et auquel Mme Kocher participe personnellement. Il a pour priorités de développer les industries des nouveaux systèmes énergétiques en France, afin de réussir la transition énergétique tout en développant l’emploi dans notre pays.

Prenons l’exemple de l’éolien en mer. Avec la filière impulsée notamment par Engie du Havre au Tréport, ce sont 750 emplois directs, notamment pour la fabrication des turbines, autant d’emplois indirects, dans le génie civil et autres composants, et une centaine d’emplois permanents dans l’exploitation et la maintenance des parcs qui seront créés.

(Si c'est créer des emplois pour faire des emplois sans plus-value pour la collectivité, on revient aux Ateliers nationaux de triste mémoire, ou on pourrait aussi penser au Sapeur Camenbert qui creusait des trous pour les reboucher…)

Le verdissement du mix énergétique est la condition de l’atteinte de nos engagements nationaux. Il est souhaitable, dans ce contexte, de mettre l’accent sur les énergies renouvelables les plus compétitives, à savoir l’éolien et le photovoltaïque, et sur les plus prometteuses d’entre elles, notamment l’éolien en mer, demain l’éolien flottant, et le biogaz.

(Encore une fois en quoi sont-elles prometteuses, à part en subventions juteuses et garanties ?)

Les mesures de soutien restent nécessaires afin que les entreprises réalisent les investissements indispensables pour atteindre les objectifs sur lesquels la France s’est engagée auprès de l’Union européenne. Il convient toutefois de considérer que ces mesures cesseront dès l’arrivée à maturité des technologies concernées.

(Quel bel enfumage pour défendre les intérêts de sa société et vendre ses produits avec l'argent des contribuables…)

Dès la prochaine période de la programmation pluriannuelle de l’énergie, de 2019 à 2023, une partie des énergies renouvelables n’engendreront plus d’impact sur les finances publiques et seront même contributrices au budget de l’État.

(Ca fait 10 ans qu'on entend la même litanie !)

Le coût de production est en effet aujourd’hui proche des prix de marché de gros de l’électricité pour le photovoltaïque et l’éolien terrestre et maritime ; ainsi, le mécanisme de soutien passera rapidement du mode subventionné à un mode contributeur, grâce à la mise en place en 2016 du fameux système du contrat pour différence, appelé en France « complément de rémunération ».

(Bon ce n'est pas la peine d'aller plus loin pour entendre débiter autant d'âneries… Ceux qui veulent lire son long plaidoyer "langue de bois" de deux pages se référeront à l'audition complète)

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Vous avez mentionné à la toute fin de vos propos la réglementation thermique des bâtiments, la RE2020. En quoi cela poserait-il un problème en termes de couverture de pointe ? Pourriez-vous préciser ce point ?

  1. Pierre Mongin. Il existe aujourd’hui une certaine ébullition professionnelle visant à essayer de modifier le coefficient de conversion thermique, élément qui permet, pour un bâtiment neuf, de fixer la norme d’isolation de l’immeuble, et notamment des moyens de chauffage, obligatoire dans le cadre d’un permis de construire. Ces projets de modification des normes existantes auraient pour effet d’inciter à produire davantage de moyens de chauffage directement électriques dans les logements, par simple effet arithmétique, alors qu’en réalité cela n’intègre pas le coût de la pointe. Nous savons malheureusement, bien que la France ait la chance d’avoir une énergie très décarbonée grâce à la base nucléaire, qu’en période de pointe, il est impératif de faire appel à des moyens beaucoup plus émetteurs et polluants, notamment ceux situés en dehors de nos frontières.

(Mais ce n'est qu'à la pointe, ce qui représente très peu (10% ?). Le reste du temps le chauffage électrique est décarboné !)

Ce raisonnement

(Qui est faux…)

nous conduit à penser que l’équilibre trouvé dans le domaine des coefficients qui servent de base au régime de la construction en France sont bons et n’incitent pas inutilement à aller vers une situation telle que celle que nous avons connue dans les années 1980, avec les fameux radiateurs « grille-pain ».

(C'est un plaidoyer "pro-domo" qui est biaisé !)

https://www.contrepoints.org/2019/05/03/343249-transition-energetique-et-le-grand-gagnant-est-le-gaz

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Je souhaiterais justement revenir sur le dispositif de chaudière à 1 euro, qui semble assez vertueux à de nombreux points de vue. Il comporte toutefois deux risques : le premier consiste en une difficulté, sous l’effet de la demande, à fournir des équipements qualitatifs en nombre suffisant, le deuxième dans la garantie de disposer d’installateurs fiables, susceptibles d’effectuer le travail de manière efficace et véritablement correcte. Comment travaillez-vous pour éviter ces deux écueils ?

  1. Pierre Mongin. Lorsque nous avons pris connaissance des débats autour du coût de l’énergie et de la taxe carbone, nous nous sommes très rapidement mobilisés et avons repéré, chez des industriels français, notamment en Bretagne, des fournisseurs de très grande qualité, en capacité d’accélérer fortement leurs chaînes de production de chaudières. Nous avons ainsi anticipé la production en France de ces équipements pour nos clients.

Nous avons en outre essayé d’accompagner la croissance exceptionnelle d’activité que cette offre a occasionnée au sein du service clients par de nombreuses embauches, notamment par le biais de l’apprentissage.

Enfin, une file d’attente se crée, afin de réguler les interventions chez les clients. Mais nous ne rencontrons pas aujourd’hui de souci majeur pour délivrer ce service.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Vous avez évoqué la problématique d’efficacité énergétique. Il est en effet important, lorsque vous intervenez chez des particuliers, que vous leur parliez des enjeux autour de l’isolation. Il faut mettre en avant le binôme enveloppe – élément. Est-ce bien un aspect que vous valorisez auprès de vos clients ?

  1. Pierre Mongin.  Changer la chaudière permet en effet de gagner 25 % à 30 % de pouvoir d’achat et d’énergie, mais coupler cette opération avec une amélioration de l’isolation peut être source d’un gain supérieur.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Pourriez-vous revenir sur la question du complément de rémunération lié au solaire ? Vous avez indiqué qu’une bascule se produisait à un moment donné, permettant de passer du mode subventionné au mode contributeur. Je ne cerne pas totalement la partie concernant le complément de rémunération et souhaiterais que vous m’éclairiez sur ce point.

  1. Pierre Mongin. On est passé d’un prix garanti immuable à un système beaucoup plus exigeant, qui prévoit que l’aide du budget de l’État par le compte d’affectation spéciale n’intervient que pour couvrir la différence entre le prix de marché, s’il est inférieur, et le prix de revient accepté, validé par appel d’offres après appel à la concurrence des fournisseurs d’énergies renouvelables. Si l’on considère les parcs solaires par exemple, le prix de marché est aujourd’hui inférieur des coûts des fournisseurs ; concernant les résultats des appels d’offres lancés par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) pour avoir de la production française de solaire, nous savons que si nous prenons les « forwards inflatés »,c’est-à-dire les prix prévisionnels achetés à terme sur le marché, qui sont des indications du futur non théoriques, que des gens sont prêts à payer en termes de transaction de marché, et que l’on prévoit une inflation de 2 % par an de ces prix, ce qui correspond à une prévision assez générale de la profession, alors, pour un parc solaire créé en 2019, l’État commencera à encaisser de l’argent à partir de 2029, puisque si le prix de marché devient supérieur au prix de revient qui est celui du contrat passé par appel d’offres de la CRE, alors le producteur rendra de l’argent à l’État. Ce phénomène fait que, dans un premier temps, une subvention publique est allouée, et dans un second temps, à partir du moment où les courbes se croisent, une restitution est effectuée au budget de l’État. L’opération devient alors contributrice nette au budget de l’État.

  1. le président Julien Aubert. Àcondition que le prix du marché devienne supérieur au prix de revient. Que se passe-t-il si le prix du marché baisse fortement ? Il n’y a pas alors de limitation du coût pour l’État.

  1. Pierre Mongin. L’État garantit le prix de revient de cette génération de solaire après appel d’offres. Or à chaque appel d’offres, les prix baissent, parce que les technologies le permettent.

  1. le président Julien Aubert. Il nous a été indiqué au contraire que lors des derniers appels d’offres, le prix avait augmenté.

  1. Pierre Mongin. Absolument pas : lors de l’appel d’offres de la CRE de 2015, le mégawattheure était en France à 100 euros, alors que lors de l’appel d’offres de 2018 il était à 52 euros. La tendance sur les prix des appels d’offres est à la baisse.

  1. le président Julien Aubert. Les représentants deGRDF, que nous avons auditionnés ce matin, nous ont transmis une courbe des appels d’offres montrant une récente remontée des prix, en raison notamment du fait que l’on ne trouvait pas preneur dans le domaine éolien par rapport au volume proposé.

Mme Laure de la Raudière. Ma question prolonge celle-ci et porte en particulier sur l’éolien terrestre. Il existe une partie ne nécessitant pas d’appel d’offres, lorsque la puissance installée est inférieure à 18 MW. Dans ce cas, quel est le prix ?

  1. Pierre Mongin. Une légère remontée s’est en effet produite récemment, qui traduit peut-être la difficulté de déployer les énergies renouvelables dans le pays. Il s’agit d’un sujet qu’il convient d’aborder sérieusement. Mais pour l’instant, je me réfère aux propos du président de la CRE, qui a indiqué que l’on se situait dans un bandeau de 60 à 80 euros du mégawattheure pour toutes les énergies renouvelables ayant un effet de masse.

L’intérêt de cette deuxième couche d’EnR, qui viendrait s’additionner à celle du nucléaire, serait de permettre le foisonnement. En effet, nos éoliennes en Bretagne ne tournent pas en même temps que celles installées dans la région Provence-Alpes-Côte-D’azur : le climat français est complexe et cette diversité fait que tous les équipements ne fonctionnent pas en même temps. On a donc tout intérêt à organiser le foisonnement des technologies et des sites pour être statistiquement sûr qu’une source d’énergies renouvelables fonctionne toujours quelque part.

(Toujours le même faux refrain…)

  1. le président Julien Aubert. Vous me permettrez de souligner que c’est la conséquence de l’intermittence. Par définition, si nous n’avions pas affaire à des énergies intermittentes, le fait que les sources de production se situent en Bretagne ou en Provence ne ferait aucune différence.

  1. Hervé Pellois. La loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2015 prévoyait de porter la part des EnR à 10 % de la consommation de gaz. Or la nouvelle PPE de 2019 donne sur ce même sujet le chiffre de 7 %, témoignant d’un certain désagrément pour la filière, qui croyait au développement de la méthanisation. Pouvez-vous nous indiquer quelles sont les raisons de ce revirement ? S’agit-il de problèmes liés au prix de revient ? Est-ce dû à la difficulté de développer des outils ou encore à celle d’atteindre les réseaux de gaz, qui ne se situent pas nécessairement à proximité des installations ? Avez-vous des éléments d’explication ?

  1. Pierre Mongin. Engie partage la déception des professionnels que vous évoquez, liée à une baisse d’ambition en matière de biogaz. Le gisement de biogaz en France est colossal.

Cela cache manifestement une décision budgétaire, visant à limiter les coûts pour la collectivité ; un objectif de 10 % a dû paraître trop cher dans les arbitrages. Ce point de vue est respectable, mais à budget identique, notre conviction est qu’il faut mettre en œuvre cette démarche en début de période, et ce afin de faire le plus possible la démonstration que cela fonctionne pour entraîner ainsi le monde agricole et disposer d’outils de moins en moins chers. Aujourd’hui, les méthaniseurs viennent presque tous d’Allemagne, alors que l’on pourrait en fabriquer en France. Il faut créer cette filière, sur le modèle de ce qui a été mis en œuvre pour les turbines de l’offshore. Investissons l’argent au début, déclenchons une baisse des prix

(Il est étonnant que personne ne propose ce raisonnement pour le nucléaire…)

et nous pourrons ensuite aller plus facilement vers l’objectif des 10 %.

Il faut en outre avoir en tête l’existence d’une solution européenne, bien que la question n’ait pas encore été abordée à cette échelle : cela concerne le taux d’incorporation obligatoire. Je vous rappelle qu’a été créée partout en Europe l’obligation de mettre dans l’essence ou le diesel des voitures un peu de biocarburants. Peut-être faudra-t-il un jour pour le gaz parvenir également à une obligation d’incorporation de biogaz dans les réseaux gaziers, de manière à inciter sans subvention à la création d’une filière permettant de satisfaire cette obligation. Aujourd’hui, ce sujet ne peut être traité qu’à l’échelle européenne ; la France ne peut prendre une telle décision isolément, d’autant que les réseaux sont européens.

  1. Vincent Thiébaut. Aujourd’hui, l’État a, comme vous l’avez expliqué, besoin de soutenir les EnR pour permettre notamment le développement des filières industrielles. Ce soutien est essentiel au démarrage.

(Ca fait longtemps que le démarrage patine malgré un engagement de 121 milliards d'euros…)

Disposez-vous d’estimations permettant de savoir quelles pourraient être les filières les plus rapidement autosuffisantes, c’est-à-dire en capacité de ne plus bénéficier de soutien public et de financer le renouvellement des équipements dans la durée ? Avez-vous effectué ce travail pour chacune des énergies ?

Mme Gwenaëlle Huet.  Dans d’autres pays du monde, on voit déjà ce phénomène se produire : certains parcs se construisent sans subvention, uniquement tirés par un contrat de rachat de toute la production d’électricité. Cela existe notamment aux États-Unis, où de grands industriels sont prêts à racheter la production. La question est de savoir quand cela va advenir en France. Pour en avoir une idée, on compare les prix de marché et le coût de la technologie : au moment où les courbes se croisent, alors cela incite fortement les industriels à contracter de l’énergie verte et pour nous à construire des parcs totalement liés à ces contrats d’achat d’électricité, sans subvention. Notre message consiste à dire qu’avec la baisse du coût des technologies renouvelables et l’augmentation des prix de marché, on n’en est plus très loin. Donner une date et une technologie est plus difficile.

(Cette date recule au fur et à mesure qu'on avance, comme un mirage…)

  1. le président Julien Aubert. La question n’est pas seulement celle du « quand », mais aussi celle du « pourquoi » : pourquoi cela arrive-t-il dans d’autres pays et pas en France ?

  1. Vincent Thiébaut. C’était précisément l’objet de ma question : aujourd’hui, nous avons en France un tarif régulé, autour de 42 euros. Malgré tout, assurer le renouvellement ou la prolongation des équipements impliquerait d’avoir un coût réel de 60 euros : l’écart entre les deux montants est d’une certaine façon payé par le contribuable. Ce tarif de 42 euros ne devrait-il pas être débloqué pour parvenir au véritable coût de l’énergie, permettant d’envisager un renouvellement ?

  1. Pierre Mongin.  Concernant l’ARENH, EDF a une obligation, en vertu de la loi du 7 décembre 2010 portant sur la nucléaire ; nous considérons ainsi qu’il faudrait débloquer dans le mixénergétique le plafond global, quantitatif, de cette ARENH, afin de faire baisser le prix pour le consommateur final. Aujourd’hui, cette ARENH est plafonnée, alors même que des fournisseurs devant fournir du courant à leurs clients ne trouvent pas l’ARENH suffisante, puisqu’ils sont contingentés, et doivent racheter sur le marché, donc chez les traders, le courant qui leur manque. Ce n’est donc pas le contribuable qui paie la différence, mais le consommateur.

(Encore un qui veut du courant nucléaire et nous faire croire que les EnR sont concurrentielles…)

Mme Marie-Noëlle Battistel. Vous considérez que la maturité de la filière gaz vert est atteignable aux objectifs en 2030. Le palier défini pour 2023 vous semble-t-il également possible à atteindre ? Il me semble en effet que l’on peine un peu à démarrer. Je souhaiterais avoir votre point de vue à ce sujet.

À partir de 2030, la filière est considérée comme mature et ne nécessitant plus de soutien public. Le complément de rémunération et le passage à ce dispositif correspondant à un tarif garanti immuable visaient, dans la loi de transition, à obtenir une dynamique plus rapide du développement des EnR et un croisement des courbes. Je pense que l’on est globalement proche de ce croisement, qui interviendra vraisemblablement dans moins de dix ans pour le solaire.

(Vous rêvez madame la députée…)

Le gisement de biogaz, que vous qualifiez de « colossal », serait-il mobilisable en respectant l’utilisation limitée des cultures intermédiaires, c’est-à-dire en prenant en compte la réglementation en vigueur aujourd’hui ? Ne faudrait-il pas en outre une surveillance accrue, dans la mesure où l’on constate que dans certains domaines on qualifie beaucoup de choses de « cultures intermédiaires » ?

Mme Gwenaëlle Huet. La dynamique de gaz vert, et notamment de biométhane, s’enclenche maintenant. On observe par exemple que le nombre de méthaniseurs a beaucoup crû entre 2017 et 2018. La capacité a progressé de 75 % entre ces deux années, pour atteindre aujourd’hui 1,2 TWh injecté par an et 76 installations qui injectent dans le réseau. Notre objectif est de contribuer à cette dynamique de filière. Lorsque l’on démarre, avec peu de méthaniseurs, les coûts sont forcément plus élevés : notre but est donc d’industrialiser la démarche, avec une typologie de méthaniseurs, et de faire ainsi progressivement baisser les coûts. Il ne s’agit certainement pas pour nous de vivre sur une rente, mais bien d’industrialiser cette activité. C’est la raison pour laquelle nous avons par exemple conclu un partenariat avec la Fédération nationale des coopératives d’utilisation de matériel agricole en commun (FNCUMA), la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) ou encore l’INRA, afin de travailler avec eux sur les nouvelles technologies de méthanisation. Notre objectif est d’enclencher ce mouvement de filière. Certains méthaniseurs sont aujourd’hui en construction et 80 projets en cours de développement.

Quelle est la cible en 2023 ? Au niveau de la filière, nous avons calculé que 8 térawattheures sont atteignables avec le gisement disponible. Nous nous engageons par ailleurs à enclencher une réduction des coûts de l’ordre de 2 à 3 % par an, en bénéficiant du régime actuel de guichet ouvert pour les petits projets et en réservant les grands appels d’offres pour les projets de plus grande ampleur. L’objectif est de faire baisser les coûts progressivement, grâce à l’industrialisation. Or cela nécessite du volume. C’est la raison pour laquelle nous tenons à conserver l’objectif de 8 térawattheures, car cela participera au volume nécessaire à l’industrialisation de la filière.

Concernant l’étude détaillée menée avec l’ADEME notamment, nous pourrons vous en communiquer la référence. Certains modèles ont pu être développés ailleurs. Notre objectif est d’être très vigilant sur la non-utilisation des surfaces agricoles notamment. Il ne faut pas engendrer de conflit d’usage.

Mme Laure de La Raudière.  Dans la mesure où cela concerne de l’argent public, il est assez logique que l’on s’intéresse à la question de la rentabilité ultérieure, afin d’éviter l’existence de bulles de rentabilité trop importantes. Ma question ne concernait donc pas le risque pour l’investisseur.

Concernant les projets de rachat, mon propos ne visait pas le repowering, mais le rachat d’éoliennes non encore installées, de projets purgés de tout recours, dans lesquels un promoteur éolien développe le projet, négocie l’aspect foncier, puis vend à un producteur plus important la capacité d’exploiter, alors même que les éoliennes ne sont pas encore installées.

Mme Gwenaëlle Huet. Concernant le démantèlement, sachez qu’une garantie financière de démantèlement, émise par l’exploitant, est obligatoire. Elle est de 50 000 euros par éolienne. Nous allons pour notre part un peu plus loin et travaillons sur le recyclage des éoliennes.

Mme Laure de La Raudière. J’ai lu sur le site d’une préfecture un devis de démantèlement d’éolienne de 400 000 euros. Le différentiel avec la garantie de 50 000 euros est donc considérable. Il est logique que nous posions ce type de questions, dans la mesure où cela participe du coût complet.

Mme Gwenaëlle Huet. Dans tous les cas, la responsabilité est celle de l’exploitant : il est de son ressort de remettre le site en état. Cet élément est donc bien évidemment inclus dans le calcul de la rentabilité intrinsèque.

(En est-on bien sûr ?... Que se passet-il si dans 20ans la société est liquidé ?)

  1. Vincent Descœur. Concernant le biogaz, on a compris que vous privilégiiez clairement l’injection dans le réseau, ce qui peut s’avérer difficile au regard d’un certain nombre de gisements. Je pense notamment au Massif central. Vous semblez beaucoup moins enthousiaste s’agissant de la production d’électricité à partir de ce biogaz. Doutez-vous de la pertinence de ce modèle économique de production d’électricité ?

Pour ce qui est des certificats d’économies d’énergie, pourrait-on avoir une idée de leur poids dans les tarifs que vous proposez à vos clients ?

  1. Pierre Mongin. Je pense qu’il existe en effet des zones où l’on ne parviendra pas à récolter la matière et à la transporter jusqu’au point d’injection sans des coûts prohibitifs. Il est donc vraisemblable qu’un deuxième modèle se développe, qui n’est pas celui d’Engie : il consistera à s’organiser de manière collective, car le coût des investissements initiaux est élevé, sans aller jusqu’au point de raccordement éventuel, pour développer des méthaniseurs disséminés, dont l’efficacité ne sera toutefois pas forcément formidable. Il faut toutefois éviter l’individuel absolu, dont les coûts seront exorbitants, ce qui risquera fort de créer de la déception chez les agriculteurs qui vont s’endetter pour installer des systèmes qu’ils ne parviendront pas à rentabiliser. Il faut à tout prix éviter que les agriculteurs ne s’engagent dans des voies trop périlleuses.

Concernant les CEE, il me semble que cela se situe autour de 2 %.

  1. le président Julien Aubert. Vous avez parlé de recyclage à propos des éoliennes. Or les pales des éoliennes sont en polymère. Comment procédez-vous pour recycler cela ?

Mme Gwenaëlle Huet. On ne sait pas, aujourd’hui, recycler le polymère.

  1. le président Julien Aubert. Les éléments broyés doivent donc être stockés. Concernant le repowering, j’avais cru comprendre qu’il n’était pas possible de conserver le socle de béton initial et qu’il fallait construire un autre socle pour installer le nouveau pylône.

Mme Gwenaëlle Huet. Tout dépend de la taille des éoliennes. Les fondations ne peuvent effectivement pas être les mêmes si l’on parle d’éoliennes de 850 kilowatts (KW) ou de 3 MW. Aujourd’hui, on trouve toutefois des débouchés sur site ou hors site, auprès des cimenteries, pour fabriquer des enrobés bitumineux, etc.

  1. le président Julien Aubert. Vous avez donc prévu de recycler les socles de béton.

Mme Gwenaëlle Huet. C’est effectivement tout à fait possible.

  1. le président Julien Aubert. Est-ce intégré dans le coût ?

Mme Gwenaëlle Huet. Nous prévoyons en effet dans nos coûts le recyclage des éoliennes, y compris de cette partie-là.

(Et qu'est ce qui le prouve par contrat ? Pour quel montant ? Qui garde cette provision pour démantèlement en cas de faillite ?)

  1. le président Julien Aubert. Vous avez indiqué que les courbes allaient se croiser en 2030. Or le soutien aux EnR a commencé en 2000. Cela correspondrait donc à trente ans d’aides publiques. Vous savez comme moi que ces industries sont largement importées. Vous comprendrez donc la prudence nécessaire : imaginez que vous vous trompiez et que la maturité ne survienne pas en 2030, mais en 2040.

(Ou jamais !...)

L’aide aura alors duré quarante ans.

(Et certains vous auront bien roulé dans la farine et ils en rigoleront en racontant cette monstrueuse farce à leurs enfants !...)

http://lepeuple.be/eolien-photovoltaique-nos-elus-se-rouler/54241

L’argent public n’est pas infini.

(L'essentiel est d'en soutirer un maximum. Après nous le déluge semble dire tous ces promoteurs d'EnR!)

Or vous déplorez par ailleurs le faible soutien au gaz et le fait que la PPE soit très largement électrique. Si l’on réfléchit à un rééquilibrage, les gaziers ont par exemple plaidé ce matin pour une plus grande ambition, avec une transition passant davantage par le gaz. Cela signifierait un transfert des financements publics d’un domaine vers l’autre. Si l’on doit toutefois attendre 2030 et l’arrivée à maturité des EnR électriques, le risque est, puisque l’on ne peut pas augmenter les impôts, que l’on reste dans les faits avec des ambitions mort-nées en matière de gaz, faute de pouvoir trouver les fonds nécessaires. Comment résolvez-vous cette redoutable dualité ?

  1. Pierre Mongin. Honnêtement,

(??? Pourrait-il en être autrement sous serment ?...)

les appels d’offres et la concurrence à l’œuvre aujourd’hui en France pour la production font que ce n’est absolument pas le cas. L’État, étant actionnaire d’Engie, est vigilant quant à la rentabilité de ce groupe.

(Il ne faudrait pas que cela se fasse sur le dos des contribuables !...)

La question est celle du partage de l’argent public. Il appartient à l’État de choisir les filières qu’il entend prioriser.

(Et les choix sont mauvais ou au minimum douteux pour le moment)

Concernant le biogaz, je crois que l’argent consacré à la filière est insuffisant.

(Toujours des plus, et jamais des moins…)

Ces financements permettront toutefois de démarrer raisonnablement. Cela suffira pour démontrer qu’en France, il est possible de parvenir à développer le biogaz. Nous sommes, au sein du groupe Engie, assez confiants de ce point de vue. Pour autant, le poids que nous traînons en termes de finances publiques relativement aux énergies renouvelables est le passé. Les technologies étaient coûteuses au départ. EDF a ouvert les vannes sur de petits projets, si bien qu’il existe aujourd’hui une dette de l’État vers EDF, qu’il faut rembourser et qui représente un volume très conséquent des sommes investies dans la transition énergétique et payées par le contribuable consommateur. Nous avons effectué des estimations, qui laissent à penser que la dette héritée du passé sera soldée aux alentours de 2035. Si l’idée est alors de continuer à investir sur un même niveau de financement, ce qui n’est pas certain, on pourrait, une fois débarrassés de ce boulet financier énorme, avancer très vite dans le développement de nouvelles technologies, y compris dans le domaine du gaz ou de l’hydrogène. Les premières années de développement des EnR ont été très coûteuses en France.

(La faute à qui et qui s'est engraissé ? Un regret ?)

  1. le président Julien Aubert. Ne devrait-on pas, par conséquent, en tirant leçon des erreurs du passé, plafonner le montant d’aides budgétaires ? L’État pourrait ainsi se retirer au-delà d’une certaine somme. Je me rappelle avoir rencontré en 2008 M. Mouratoglou, président d’EDF Énergies nouvelles, qui m’avait expliqué, graphique à l’appui, que nous serions prochainement gagnants. Dix ans plus tard, ses calculs ne se sont pas révélés exacts.

(Il a bien roulé tout le monde dans la farine… Chapeau l'artiste ! Et il me semble qu'il a fait des émules…)

Quel serait l’impact, pour un acteur comme Engie, d’une décision consistant à conserver, sur l’éolien, sur le photovoltaïque, le principe d’un complément de rémunération versé par l’État, mais en le plafonnant ?

Mme Gwenaëlle Huet. Il existe déjà des plafonds de prix dans les appels d’offres.

  1. le président Julien Aubert. Plafond de prix n’est pas plafond d’engagement. Si demain le prix du marché descend très bas et que cela représente un coût d’un, deux ou dix milliards d’euros pour l’État, ce dernier sera dans l’obligation de compléter. Lorsque la foudre tombe sur un circuit électrique, le disjoncteur entre en action. Ne manque-t-il pas un disjoncteur dans le système de transition électrique ?

  1. Pierre Mongin. Pour l’instant, ce sont les appels d’offres de l’État qui fixent les volumes. Dunkerque est le dernier appel d’offres en date et nous n’en avons pas d’autres en perspective pour l’instant. Je ne suis donc pas très inquiet relativement à un hypothétique risque d’emballement de volume qui coûterait très cher au budget de l’État.

(Ce sont les contribuables qui sont inquiets !)

Quant à la baisse des prix de l’électricité, l’expérience du vieillissement des centrales belges montre que le taux d’indisponibilité s’accroît. Voici dix ans, le taux de disponibilité dans l’énergie nucléaire y était supérieur à 90 % ; il est aujourd’hui inférieur à 80 %.

(Il n'a jamais été aussi bon ces dernières années qu'en 2018 !)

  1. le président Julien Aubert. Y a-t-il eu un grand carénage en Belgique ?

  1. Pierre Mongin. Absolument. Cela a d’ailleurs été la cause des petites difficultés techniques que nous avons rencontrées cet hiver. Il s’agit en effet de travaux extrêmement complexes, qui obligent à revoir de nombreux systèmes à l’intérieur des centrales. Tout cela conduit à ce que la disponibilité d’un parc de centrales nucléaires vieillissant ne sera pas celle que l’on a connue par le passé. Cela invite à ne pas être trop frileux sur une production alternative pour la France. Un jour, les centrales vont disparaître.

(C'est dommage car l'ARENH aussi, et l'électricité bon marché aussi, et les importations de gaz vont reprendre, mais ce n'est pas grave puisque les Français n'ont rien d'autre à payer avec leurs impôts (Santé, hôpitaux, sécurité publique, EHPAD, armées, industries,…)

  1. le président Julien Aubert. Si l’on appliquait cela au nouveau nucléaire, qui est plus cher que l’ancien, on rencontrerait exactement la même problématique d’analyse que pour l’éolien en mer : le début coûte cher. Il ne faut pas se baser sur le prix du réacteur européen pressurisé (EPR) de Flamanville et en conclure que tous les nouveaux EPR auraient le même coût. Si l’on veut appliquer de manière parfaitement égale les modèles économiques, il faut le faire dans tous les cas.

Ma dernière question concerne les CEE : vous avez indiqué, me semble-t-il, qu’il faudrait sortir du dispositif les particuliers, qui devraient se débrouiller sans les CEE pour faire leurs travaux chez eux. Ai-je bien compris ? Cela pose de façon sous-jacente un problème de contrôle : l’État s’est aperçu, via TRACFIN, que des détournements avaient eu lieu. Or il est très compliqué de justifier auprès du pôle de la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) que les travaux ont bel et bien été réalisés : si c’est envisageable pour un immeuble de quarante étages, en revanche il n’est guère envisageable de se rendre chez tous les particuliers concernés pour procéder à des vérifications comble par comble et fenêtre par fenêtre. Est-ce bien de cela qu’il s’agit, ou plaidez-vous de manière générale pour une réorientation et une reconcentration de l’exercice des CEE, qui permettrait peut-être de déflater le volume qui nous a été légué par Mme Royal ?

  1. Pierre Mongin. Je pense que les CEE constituent une injection très artificielle d’une subvention pour des travaux qui devraient objectivement pouvoir s’effectuer spontanément sans recourir à une subvention, puisqu’ils sont censés générer une économie d’énergie produisant finalement une ressource pour le client. On devrait se passer théoriquement d’une subvention pour ce type d’amélioration. Je ne vois pas l’intérêt de financer des travaux qui se justifient par eux-mêmes dans un budget de particulier, dans la mesure où les économies générées à terme vont permettre de financer les travaux. Je trouve par ailleurs que les CEE sont aujourd’hui mal calibrés, mal ciblés et ne correspondent pas à une capacité d’offre permettant de les déployer suffisamment. On organise ainsi la rareté par la montée des prix de ces certificats et l’on aboutit ensuite à des financements d’intermédiaires, dont on ne sait pas toujours très bien ce qu’ils font de cet argent et qui produisent du papier à l’administration pour indiquer qu’ils ont fait des choses.

(Bon, c'est clair que le CEE n'est pas clair…)

Jeudi 18 avril 2019

Extraits commentés du compte rendu n° 21

Présidence de Mme Laure de La Raudière, Vice-Présidente

– Audition, ouverte à la presse, de M. le Professeur Jacques Percebois, économiste.

(Cette audition contient des remarques pertinentes et peu de commentaires. La longueur de l’extrait est proche de l’original)

Mme Laure de La Raudière, présidente. Une étude récente commandée par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) conclut à la possibilité d’un mix électrique presque totalement composé d’énergies renouvelables (EnR) : 85 % en 2050 et 95 % en 2060. Des études d’esprit comparable, mais réalisées avec d’autres modèles, concluent, elles, que les EnR ne peuvent économiquement évincer les centrales pilotables.

Les premières concernent l’apport de la science économique. Quelle est la robustesse de modélisations, dont l’un des paramètres relatifs au comportement du consommateur, par exemple, s’est fracassé sur la révolte fiscale ? L’universitaire doit-il se borner à prendre acte des choix publics, ou bien son rôle consiste-t-il à s’interroger sur leur rationalité ?

Ensuite, avec le recul, que l’économie politique et l’histoire économique nous apprennent-elles sur le lien entre énergie et croissance ?

Par ailleurs, sur la rationalité des choix d’investissements, que recouvrirait la distinction entre une énergie « ancienne » et une énergie « nouvelle » ? A-t-elle un même un sens ? Le choix n’est-il pas plutôt entre technologie éprouvée et innovation, par exemple en matière de stockage de l’électricité ?

  1. Jacques Percebois.  Je préciserai d’emblée que lorsque l’on parle d’énergies renouvelables, il ne faut pas se limiter à l’électricité. En effet, il existe des renouvelables thermiques – je pense au bois, au biogaz ou au biocarburant – dont le rôle n’est pas négligeable aujourd’hui et peut devenir relativement important demain. Or, si l’on se focalise sur l’énergie électrique, on ne s’intéresse qu’à une partie de la politique énergétique. N’oublions pas qu’en prenant comme référence la consommation finale d’énergie en France, l’électricité ne représente que 23 % de la consommation, contre 20 % pour le gaz et 45 % pour les produits pétroliers. Par conséquent, si l’on veut réduire l’impact des émissions de gaz à effet de serre, il faut surtout penser au secteur des transports et au secteur domestique, et ne pas systématiquement se focaliser sur l’électricité.

En électricité, les renouvelables sont essentiellement l’hydraulique, qui représente 12,5 % de la production globale, le solaire à hauteur de 2 %, et l’éolien dont la part se chiffre à 5 % – soit un total de 19 % environ. La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) prévoit qu’ils devraient représenter 40 % de la production d’électricité à l’horizon de 2030 et que, corrélativement, la part du nucléaire devrait passer de 72 % à 50 % à l’horizon de 2035. C’est un choix politique, conséquence de contraintes à la fois politiques, géographiques et historiques desquelles la politique énergétique française a toujours résulté. Et pour cause, la France n’a pas la chance d’avoir beaucoup de ressources naturelles. Après avoir mis fin à l’exploitation massive du charbon, il a donc fallu faire appel aux ressources nationales et l’indépendance énergétique s’est largement appuyée – en tout cas depuis les chocs pétroliers – sur l’électricité nucléaire. Cela a permis à notre pays de retrouver un taux d’indépendance non négligeable, puisque l’indépendance énergétique, en termes d’énergie primaire, est désormais de l’ordre de 50 %, contre à peine 25 % lors du choc pétrolier. Il me semblait important de le souligner.

Elle a d’ailleurs entraîné des rentes pour certains, dans la mesure où ce système a été mis en place sans contrôle des quantités. On a fixé un prix sans vérifier que l’on avait toujours vraiment besoin de la quantité mise sur le marché. Le résultat est que le surcoût est financé par le consommateur d’électricité à travers la fameuse contribution au service public de l’énergie (CSPE). Et cette CSPE n’a pas cessé de croître, si bien que depuis 2017, on a fait une sorte de swap : la CSPE, qui est maintenant stabilisée et qui a été plafonnée à 22,50 euros par mégawattheure (MWh), est versée au budget général de l’État, et c’est une partie de la taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques (TICPE), en l’occurrence les produits pétroliers, qui finance désormais le surcoût des renouvelables. Et ce, pour une raison juridique. En effet, Bruxelles a considéré que la CSPE n’était pas conforme aux directives européennes. Je précise, en outre, qu’on l’appelle toujours CSPE alors qu’on devrait l’appeler taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE). Le consommateur paie la différence et que cette différence est assez importante puisqu’elle est de l’ordre de 5 milliards d’euros par an. La Cour des comptes, dans un rapport de 2018, a montré que si l’on faisait le cumul de tous les contrats signés jusqu’en 2040, cela représenterait tout de même 121 milliards d’euros, ce qui est loin d’être négligeable.

L’autre inconvénient de ce système est qu’on a assisté à un effet pervers sur le marché de gros. En effet, puisque cette électricité renouvelable est financée hors marché et injectée sur le marché de gros, elle fait baisser les prix de gros. Et paradoxalement, alors que le prix de gros baisse sur le marché spot, le prix payé par le consommateur final augmente – ce qui lui semble difficilement compréhensible. C’est la logique du fonctionnement du marché de gros, qui s’appuie sur ce que l’on appelle l’ordre de mérite – merit order – : on appelle les centrales en fonction de l’ordre de mérite, et le coût marginal, c’est-à-dire le prix auquel l’électricité participe aux enchères, est nul. Il y a même eu, parfois, des prix négatifs. C’est arrivé d’abord en Allemagne, mais quelques fois en France également. Encore récemment, des prix très légèrement négatifs ont été observés. On est obligé de payer quelqu’un pour vous débarrasser de cette électricité excédentaire ! Et pour cause, n’oublions pas que la contrainte de l’électricité est que l’on ne peut pas injecter plus qu’on soutire, ou soutirer plus qu’on injecte sur le réseau. Un équilibre physique doit être respecté.

Un autre système se développe également, le power purchase agreement (PPA), qui permet à certains gros consommateurs d’acheter directement à des producteurs d’électricité renouvelable. Il est assez populaire aux États-Unis et dans les pays nordiques. Je crois que c’est un bon système. C’est un accord d’achat d’électricité Un gros consommateur qui souhaite montrer qu’il utilise de l’électricité renouvelable, par exemple, peut en acheter directement auprès d’un producteur. C’est le cas de Google qui, pour montrer qu’il utilise de l’électricité renouvelable, a passé un contrat bilatéral sur 10 ans avec un producteur d’électricité solaire, avec un prix fixé d’un commun accord. Cela évite de passer par la logique de prix garanti par l’État.

(Ce qui permet de s’acheter une conscience verte (Greenwashing) en crachant au bassinet des promoteurs des EnR et d’être laissé tranquille… par la Maffia Verte.)

Mme Marjolaine Meynier-Millefertrapporteure. Une entreprise publique avec un gros volume de consommation peut donc directement s’arranger sur le marché pour être fournie en électricité renouvelable sur une période donnée ?

  1. Jacques Percebois. Oui.

Mme Marjolaine Meynier-Millefertrapporteure. Et elle négocie le prix ?

  1. Jacques Percebois. Elle le négocie de façon bilatérale.

À la différence de l’Italie ou de l’Allemagne, la France compte peu d’autoconsommateurs – environ 40 000. Dès lors qu’ils ne pourront pas, sauf exception, toujours utiliser l’électricité qu’ils produisent, les autoconsommateurs ont besoin du réseau. Souvent, on les aide à y rester connectés. C’est ainsi qu’ils sont exonérés de la CSPE et de certaines taxes, en France. Ils peuvent également être aidés pour acheter leur équipement. C’est vertueux, puisque cela permet de développer l’autoconsommation. Mais il ne faut pas sous-estimer le fait que ces aides sont financées par d’autres et que, par conséquent, tout le monde ne peut pas recourir à l’autoconsommation. En outre, lorsque l’autoconsommation se fera à grande échelle, il faudra que l’autoconsommateur, qui sera aussi autoproducteur, reste connecté au réseau, donc le finance de façon correcte.

Mme Marjolaine Meynier-Millefertrapporteure. C’est la position de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), si je ne me trompe pas.

  1. Jacques Percebois. En effet, et elle est justifiée. Aujourd’hui en France, le tarif d’accès au réseau est à 80 % fonction du kilowattheure (KWh) soutiré, et à 20 % seulement fonction de la puissance. Ainsi, un autoproducteur qui fait appel au réseau ne paie le réseau que lorsqu’il achète des KWh. Toutefois, il y reste connecté en permanence. Cela signifie qu’on lui garantit la puissance en permanence. Il existe donc un effet pervers : le consommateur modeste, qui n’a pas les moyens de mettre du photovoltaïque, paie le réseau tout le temps – il paie donc pour l’autre. C’est une subvention croisée.

  1. Jacques Percebois.  Il faut aussi envisager de développer le stockage. Il existe deux systèmes principaux, le premier étant la batterie. Il est important que la France développe des batteries. Ce sera même une nécessité dès lors qu’il sera fait appel aux véhicules électriques. En l’occurrence, il faut que l’Europe et la France comprennent bien que l’avenir est probablement au véhicule électrique, lequel passe par une industrie des batteries. Si l’Europe ne met pas en place une industrie des batteries, son industrie automobile sera condamnée, à terme. Pour leur part, les Chinois ont compris qu’il fallait développer à grande échelle le véhicule électrique. Ainsi, parmi les dix premiers producteurs de batteries dans le monde se trouvent sept chinois, deux coréens et un japonais – aucun n’est européen. C’est la raison pour laquelle l’idée d’un « Airbus des batteries » est importante. En tout état de cause, nous sommes très en retard.

(Après avoir engagé 121 milliards d’euros dans les EnR, c’est ballot …)

D’autant que l’avantage des batteries pour les véhicules électriques est qu’elles peuvent servir dans une deuxième vie comme stockage d’électricité pour les particuliers.

(Et si c’était un leurre ?)

L’autre système est le power to gas, qui consiste à faire l’électrolyse de l’eau quand il y a trop d’électricité renouvelable à certaines heures. Comme on ne sait pas la stocker autrement qu’en stockant de l’eau – c’est le rôle des barrages –, passer par l’hydrogène constitue une solution.

(Non, comme déjà vu, ce n’est pas une « solution »)

Si je devais me prononcer, sans être devin dans ce domaine, je dirais que le véhicule électrique devrait s’imposer pour des raisons de facilité. C’est aussi lui qui fait actuellement l’objet d’investissements, notamment en Asie. En tout état de cause, il est important d’être conscient de la nécessité de faire du stockage.

Il faut aussi tenir compte d’autres facteurs, comme l’empreinte carbone. Cela impose de savoir d’où viennent les équipements. S’ils sont fabriqués en Asie à partir d’électricité carbonée et si l’on doit les transporter, le bilan carbone n’est pas très bon. Il importe donc d’avoir une vision d’ensemble, dite d’analyse du cycle de vie (ACV), et de tenir compte des impacts industriels, y compris, de façon indirecte, les emplois concernés. On peut aussi parler de la dépendance à l’égard de certains métaux et terres rares même si, à mon avis, cet élément n’est pas déterminant. Leur fourniture est actuellement largement dominée par la Chine – qui a fait beaucoup de dumping –, mais il existe un potentiel non négligeable un peu partout dans le monde. C’est plutôt une question de prix. Si l’on en a besoin, on saura aller en chercher. Enfin, un autre point important est le coût de l’intermittence. En l’occurrence, je considère que l’effort doit porter sur le coût du stockage.

Il faut bien avoir conscience que lorsqu’on remplace de l’électricité nucléaire par de l’électricité renouvelable, cela ne change rien sur le plan du bilan carbone. Et pour cause : on remplace du décarboné par du décarboné. Je pense donc que l’atout de la France reste son parc nucléaire qui, à l’horizon 2035, doit couvrir environ 50 % de la production d’électricité.

La puissance installée sur le réseau est nettement inférieure à la somme des puissances locales. En effet, tout le monde n’appelle pas le réseau au même moment et à pleine puissance. On joue donc sur la loi des grands nombres. On n’a pas besoin d’un réseau qui serait la somme de tous les contrats signés par tous les Français. Heureusement, parce que l’on tient compte du foisonnement, la puissance installée en France est très inférieure à la somme de toutes les puissances installées chez les particuliers et les industriels.

Mme Laure de La Raudière, présidente.  Vous considérez qu’il convient d’avoir une vision ACV et de prendre en compte l’empreinte carbone dans l’ensemble du cycle de vie. Avez-vous effectué des comparaisons entre les filières, de l’achat jusqu’au démantèlement et à la gestion des déchets ?

Par ailleurs, vous avez parlé de rentes. Qui en a bénéficié, précisément ? Est-ce le cas de structures françaises ? Ont-elles généré de l’emploi ?

Enfin, existe-t-il une relation entre le prix de l’énergie et la croissance ?

  1. Jacques Percebois.  Les Français, par exemple, émettent peu de CO2. Mais dans la mesure où ils achètent des produits avec beaucoup de CO2, il faudrait leur imputer la quantité de CO2émise par la Chine lorsqu’elle a fabriqué ces produits que nous importons. Et, au contraire, défalquer le CO2 inclus dans nos exportations.

Nous avons fait la même erreur avec les prix garantis d’achat, à la différence près que si le beurre se stocke, ce n’est pas le cas de l’électricité – et l’on a donc des prix négatifs. Il faut toutefois reconnaître que ce système a quand même eu des vertus, puisqu’il a permis de baisser les coûts de production des renouvelables. Il faut aussi dire que la Chine y a beaucoup contribué par le dumping, qui a mis en péril l’industrie européenne du photovoltaïque et, dans une moindre mesure, de l’éolien.

Par ailleurs, ont bénéficié de rentes ceux qui ont eu au départ des prix garantis très élevés alors qu’ils avaient des coûts relativement bas. Ces prix étaient qui plus est garantis sur quinze ans, sans que l’on ait prévu d’indexation. Il n’existe pas d’étude exhaustive sur les effets redistributifs, mais il est sûr que certains gros agriculteurs ont bénéficié de ce système. C’est le cas de ceux qui ont mis du photovoltaïque dans leurs champs, mais aussi du secteur tertiaire – les supermarchés comme les industriels, y compris les producteurs d’électricité. Ainsi, le groupe EDF a bénéficié du système, car il est également producteur d’électricité renouvelable, notamment par le biais de ses filiales.

Les subventions n’ont d’ailleurs plus vraiment de raison d’être, sauf cas exceptionnel pour les particuliers qui veulent être aidés dans ce domaine – mais le prix du marché est suffisant.

Mme Laure de La Raudière, présidente. Faut-il les aider ? Est-il pertinent de subventionner des petites productions ?

Vous avez également évoqué le système des enchères et des appels à projets pour les grosses installations. Il existe encore des projets d’éolien terrestre, qui passent systématiquement en dessous de la barre de l’appel d’offres ou des enchères. Est-il intéressant de conserver des projets de cette nature, d’un point de vue économique ?

  1. Jacques Percebois. Je ne suis pas partisan du maintien des subventions à très long terme. D’autant que les coûts ayant baissé, la parité réseau est à peu près atteinte.

Mme Laure de La Raudière, présidente. Nous ferions donc mieux de les stopper dès maintenant ?

  1. Jacques Percebois. Oui, relativement. Je pense que nous n’en avons plus tellement besoin. Les subventions ont joué leur rôle. Elles ont aidé au développement. Mais je ne suis pas certain qu’il faille maintenir durablement des subventions.

Mme Laure de La Raudière, présidente. Quid du lien entre prix de l’énergie et croissance ?

  1. Jacques Percebois. Le bas prix de l’énergie, notamment de l’électricité, constitue indiscutablement un atout pour les industriels. Pour la croissance économique, un bas prix de l’énergie est important, notamment pour les secteurs gros consommateurs d’énergie et d’électricité – ceux pour lesquels l’énergie représente plus de 10 % des coûts de revient. C’est le cas de l’industrie de l’aluminium, du verre ou de la pâte à papier qui, en général, recherchent le meilleur système et font de l’efficacité. Pour elles, le bas prix de l’énergie est un facteur favorable. À tel point qu’un pays comme l’Allemagne, où le prix du kWh est près du double du prix français, aide beaucoup ses industriels en les exonérant d’un certain nombre de taxes et en les subventionnant. C’est un élément important pour les particuliers également. Le budget moyen des Français pour l’énergie représente 9 % du revenu – à moitié pour la mobilité et à moitié pour le logement. Mais pour les Français en situation de précarité énergétique, il représente le double.

Le coût de l’énergie est un poste important dans certaines branches industrielles. Avoir une électricité bon marché est donc un élément favorable. Mais il l’est aussi pour le secteur domestique, car il ne faut pas perdre de vue que ce poste peut aller jusqu’à 20 % dès lors qu’on additionne la part du logement et celle de la mobilité, même si l’on a toujours tendance à parler du logement et à sous-estimer la mobilité.

Mme Marjolaine Meynier-Millefertrapporteure.  Vous avez récemment écrit sur la transition énergétique, sur le grand débat et sur ce qui a déclenché la colère dans le monde rural, au travers du mouvement des « gilets jaunes ». N’est-ce pas que nous avons oublié de faire la péréquation entre un traitement du logement plus difficile d’accès dans les centres-villes et plus accessible dans les ruralités d’une part, mais un coût du transport moins élevé dans les villes et plus élevé dans les ruralités d’autre part ? Un déséquilibre s’est-il créé, qui engendrerait une sorte de double pleine dans les ruralités ?

  1. Jacques Percebois. La définition de la précarité énergétique, qui nous vient d’Angleterre, oublie complètement la mobilité : est en situation de précarité énergétique un ménage qui dépense plus de 10 % de son revenu pour son logement. C’est la définition standard en Europe. En outre, ils ne peuvent se déplacer qu’en voiture. Le législateur s’est souvent préoccupé de la précarité dans le logement, sans tenir compte du coût des déplacements pour des raisons professionnelles.

Taxer l’essence est vertueux sur le plan de la consommation. Mais pour quelqu’un qui dispose d’un véhicule ancien très consommateur et qui ne peut pas en changer, et encore moins opter pour un véhicule électrique, c’est la double peine. C’est une préoccupation réelle. C’est la raison pour laquelle le chèque énergie tient désormais compte de la mobilité. Mais pendant longtemps, il existait des tarifs sociaux pour le gaz et l’électricité – ce qui excluait complètement les personnes qui se chauffaient au fioul. Or elles sont nombreuses dans la banlieue parisienne, où les habitations ont été construites dans les années 1970. Ces personnes paient cher pour le chauffage.

Et si elles se déplacent en voiture, elles paient beaucoup pour l’essence. Il n’est pas rare que des ménages aux revenus modestes dépensent un budget de 20 % uniquement pour financer leur habitat et leur mobilité. Dans ce contexte, il convient d’adopter une vision d’ensemble de la précarité.

Mme Marjolaine Meynier-Millefertrapporteure. Comment expliquez-vous cette tendance à se focaliser sur le logement plutôt que sur le transport ? Est-ce parce que l’on sait mieux répondre à la problématique du logement qu’à celle du transport ? Ou bien est-ce le serpent qui se mord la queue : on ne sait pas répondre à la problématique du transport parce qu’on s’en occupe moins, donc on conduit moins de recherche dans ce domaine ?

  1. Jacques Percebois. Il est vrai qu’il est a priori plus facile de s’occuper du logement que de s’occuper de la mobilité. Depuis la loi de 1946, la France a une tradition de péréquation spatiale des tarifs. L’idée est qu’il peut y avoir des prix de l’électricité différents aux heures pleines et aux heures creuses – cela paraît logique – mais que l’on ne doit pas être pénalisé si l’on habite en zone périphérique ou rurale. Si vous vivez à La Réunion, vous payez le même tarif qu’en métropole. C’est la solidarité nationale. Le coût de cette péréquation spatiale n’est pas très élevé. Puis, comme cela ne suffisait pas, on a mis en place des tarifs sociaux là où l’État avait la main, c’est-à-dire essentiellement pour le gaz et l’électricité. C’était plus difficile avec le pétrole et, par conséquent, on ne s’en est pas tellement occupé. Pourtant, nombre de Français se chauffent au fioul.

Pour la mobilité, la réponse est plus complexe. On peut citer le développement des transports collectifs. Mais souvent, dans ces régions, les transports collectifs sont défaillants et il faut utiliser son véhicule personnel. Or le législateur ne s’est pas trop occupé de cette situation, qui fait qu’avec l’augmentation du prix de l’essence une part de plus en plus élevée du budget des ménages passe dans la mobilité. Ce sujet mérite d’être étudié, étant entendu qu’il ne faut pas penser que la réponse par le véhicule électrique soit adaptée. En effet, son coût est relativement élevé et les ménages aux revenus modestes n’ont pas les moyens, même si on les aide, d’y accéder. Se pose, en outre, le problème des bornes de recharge. Un coup de baguette magique ne permettra pas de faire passer au véhicule électrique les personnes aux revenus modestes. En l’état actuel des choses, tout le monde ne peut pas se payer une Tesla !

Mme Marjolaine Meynier-Millefertrapporteure. La logique d’efficacité énergétique peut-elle être générale alors même que toutes les filières n’ont pas les mêmes objectifs ? La désindustrialisation a fait significativement chuter la consommation d’énergie dans le secteur industriel, par exemple. Finalement, la crise économique est source d’efficacité énergétique – laquelle ne peut pas être considérée comme vertueuse, contrairement à celle que l’on devrait viser dans d’autres domaines, en particulier le logement.

  1. Jacques Percebois. Il est exact qu’on cite parfois en exemple la France, dont les émissions de CO2ont baissé dans le secteur industriel, en omettant de préciser que l’industrie ne représente plus aujourd’hui que 15 % de la consommation finale d’énergie. Qui plus est, les industriels ont toujours considéré l’énergie comme un coût. Ils ont donc fait de l’efficacité. Il est possible de les aider un peu, mais ils n’ont pas attendu les mesures réglementaires pour faire de l’efficacité énergétique. Le fait que l’on consomme parfois moins d’énergie ou qu’on émette moins de CO2 ou de gaz à effet de serre dans le secteur industriel n’est pas nécessairement un bon signal. Cela traduit simplement la disparition d’une partie de l’industrie.

Aujourd’hui, le premier secteur émetteur de COest le transport, qui représente 38 % du total. L’accent doit donc porter sur lui. C’est là que la difficulté commence ! En effet, quel est le bon facteur ? En augmentant le prix de l’essence, on retrouvera le même problème social. Je suis plutôt favorable à ce qu’il y ait un prix du carbone, à condition de prévoir des compensations pour les personnes qui ne peuvent pas payer le surcoût. En tout cas, il faut bien avoir conscience que le secteur du transport doit être la cible, et que le potentiel y reste relativement important.

Par ailleurs, des efforts sont consentis dans les bâtiments. Nous savons construire des bâtiments à énergie positive, ou en tout cas à énergie zéro consommation. Mais le rythme de renouvellement du parc des logements en France est de 1 % par an. C’est relativement lent. Il ne faut donc pas se faire d’illusion. Même si l’on se vante en mettant en avant tel ou tel immeuble, cela reste relativement modeste au regard de l’ensemble du parc.

Il importe d’associer des mesures financières – les prix, les taxes – à des mesures réglementaires. En l’occurrence, les normes définies pour l’habitat sont extrêmement performantes. D’ailleurs, en France, l’efficacité énergétique dans le bâtiment a souvent été la conséquence de normes beaucoup plus contraignantes. Je crois que c’est une bonne chose. Il ne faut pas penser que le prix seul peut envoyer le bon signal. D’autant que s’il est bien appréhendé par l’industriel, le particulier peine à comprendre sa facture et à savoir ce qu’il paie.

La variable prix est évidemment importante. Mais, dans ce domaine et en tout cas dans un premier temps, la variable de régulation l’est plus encore. Les nouvelles technologies du numérique peuvent être utiles, dans ce domaine. En effet, si l’on remet une information en temps réel au consommateur avec les compteurs intelligents comme Linky, celui-ci peut avoir conscience de ce que cela lui coûte, donc réagir. Cela étant, tous les consommateurs ne sont pas nécessairement des grands spécialistes du numérique. Il ne faut pas oublier la fracture numérique. En tout état de cause, il faut aider le consommateur à comprendre sa facture. Dans ce domaine, je crois aux vertus du prix, mais aussi à celles de la réglementation.

  1. Vincent Thiébaut.Je voudrais revenir sur le sujet du coût. Il existe deux types d’électricité en France : les EnR et l’électricité nucléaire. Si les premières sont largement subventionnées, ou en tout cas subventionnées, c’est parce qu’il existe sur le marché un écart avec la seconde. Les subventions permettent de gommer une partie de cet écart. La véritable question, aujourd’hui, est celle du seuil de référence pour calculer cet écart. En l’occurrence, il est fixé par la CRE aux alentours de 42 euros du MWh : tant que le coût de l’énergie renouvelable est supérieur, l’État subventionne. Mais quel est le coût réel de ces 42 euros ? Le coût du nucléaire comprend aussi l’installation, la mise en œuvre, le démantèlement et le stockage, c’est-à-dire le cycle de vie complet. Or les rapports de la Cour des comptes montrent que dans certains cas, la limite ne devrait pas être de 42 euros mais de 60 ou 70 euros, voire plus dans certains cas. Ainsi, on subventionne les EnR parce que leur coût est supérieur à 42 euros. Mais il manque, dans cette équation économique, le financement des coûts futurs – notamment ceux du démantèlement.

Je ne suis pas antinucléaire, mais je voudrais m’assurer que nous avons le bon équilibre et la bonne équation. La France n’est-elle pas piégée par son principe de tarifs réglementés ? Je ne dis pas qu’il faut augmenter le prix de l’électricité de 15 %. Mais nous envoyons à la population le message selon lequel le tarif de notre électricité est le plus bas tout en sachant que nous manquerons d’argent pour assurer le renouvellement et le démantèlement des centrales nucléaires – argent que le consommateur, donc le contribuable, devra payer à un moment ou un autre. Quelle est votre opinion sur ce point ?

  1. Jacques Percebois. Si vous le permettez, je dissocierai le coût du nucléaire et l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique (ARENH).

En tant que membre de la commission Champsaur, j’ai eu l’occasion d’étudier de près le sujet de l’ARENH. La Cour des comptes, dont tout le monde considère qu’elle fait autorité, indique que le coût moyen de production du MWh nucléaire, pour les 58 réacteurs qui existent en France, représente de 50 à 60 euros sur la durée de vie. Normalement, ce coût comprend celui de déconstruction des réacteurs en fin de vie et celui du stockage des déchets. Mais la Cour s’avère prudente sur ce point, en considérant qu’EDF a légalement l’obligation de constituer des provisions pour le démantèlement et pour le stockage des déchets. À l’époque, la ministre Mme Royal avait arrêté le coût du stockage à 25 milliards d’euros. D’autres, comme l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), prévoyaient un coût supérieur. Aujourd’hui, il est officiellement arrêté à 25 milliards d’euros. Mais, la Cour des comptes le dit bien, s’il est faux d’affirmer que l’on n’en tient pas compte, il n’est pas certain en revanche que les provisions suffiront. En effet, personne n’est aujourd’hui capable de dire que le coût de déconstruction sera bien celui qui a été anticipé. Le producteur argumente que l’on saura déconstruire les centrales en bénéficiant d’économies d’échelle, à l’instar de ce qui s’est passé pour leur construction. Ce n’est pas nécessairement garanti. Quant au coût de stockage, il est trop tôt pour se prononcer. En tout cas, il est faux de dire que l’on n’en tient pas compte.

Pour l’ARENH, la logique est différente. Il ne faut pas perdre de vue le contexte. Lorsque le marché s’est ouvert le 1er janvier 2000, les industriels ont pu quitter EDF dans de bonnes conditions dans la mesure où le prix du pétrole était bas – et donc celui de l’électricité faite avec du pétrole et du gaz l’était également. Ils étaient très contents ! Mais à partir de 2004, le prix du pétrole a monté, de même que ceux du gaz et de l’électricité. Les industriels se sont alors plaints et ont souhaité revenir aux tarifs réglementés de vente (TRV) – TRV vert et TRV jaune. Il leur a été répondu que ce n’était pas possible. La loi et la directive sont très précises à ce sujet : il est interdit de revenir en arrière. Par conséquent, le législateur a voté le tarif réglementé transitoire d’ajustement de marché (TARTAM), calé sur le TRV jaune et le TRV vert avec 10 %, 20 % et 30 % de plus. Évidemment, la Commission de Bruxelles a considéré que cela ne respectait pas les directives et correspondait à une subvention d’État – puisque le surcoût du TARTAM était financé par EDF. Une action en justice a donc été conduite contre la France.

C’est alors que le Gouvernement a créé la commission Champsaur, composée de parlementaires et d’experts, dont j’étais. À l’époque, l’objectif visait à maintenir des prix de l’électricité calés sur celui du nucléaire français. Après tout, les Français ont payé pour le nucléaire, il faut bien qu’ils en profitent ! Si c’est pour payer le prix du marché international, ce n’était pas la peine de faire cet effort en faveur du nucléaire. Dès lors, comment faire en sorte que le consommateur, industriel ou particulier, continue à bénéficier de ce tarif, tout en permettant aux concurrents d’EDF – qui n’ont pas de nucléaire et qui ne peuvent légalement pas en produire – d’entrer sur le marché ? Deux solutions étaient envisageables. La première consistait à taxer EDF, qui disposait d’un avantage compétitif, en prélevant une rente nucléaire de rareté. C’est le système qui a été adopté en Belgique. En France, en revanche, la commission Champsaur a retenu la seconde solution : obliger EDF à vendre près de 25 % de sa production, c’est-à-dire 100 TWh, à prix coûtant. Il convient de préciser ici que le prix coûtant n’est pas le prix moyen, puisqu’une grande partie du parc est amortie. Il s’agissait de permettre aux concurrents d’EDF de se sourcer sur la base du nucléaire EDF à prix identique au prix de revient pour cet acteur. Le rôle de la deuxième commission Champsaur a donc consisté à étudier les coûts du nucléaire pour EDF, pour finalement proposer un prix de 39 euros le MWh ou du moins une fourchette comprise entre 30 et 40 euros. Comme le rapport a été remis au moment de la catastrophe de Fukushima, le ministre de l’époque a décidé qu’il serait de 40 euros pour les six derniers mois de 2011, puis de 42 euros à compter de 2012. Ce n’est pas la CRE qui l’a décidé, mais le ministre. Depuis, il est resté à 42 euros.

Nous attendions un décret, qui n’est paru que très récemment et qui n’est d’ailleurs toujours pas officiel, précisant la façon dont la CRE devait calculer le niveau de l’ARENH. Mais nous n’avons pas eu vraiment besoin de nous préoccuper de l’ARENH dans la mesure où les prix du marché de gros ont chuté – possibilité que la commission Champsaur n’avait pas vraiment prévue, car nous étions en surcapacité avec beaucoup d’injection d'électricité renouvelable et une demande d’électricité relativement stable. L’erreur a été de croire que la demande d’électricité augmenterait : elle est stable depuis dix ans en France. Elle a même légèrement baissé. Cela signifie que l’on n’avait pas vraiment besoin de nouveaux équipements.

Comme il y a eu beaucoup d’injection en Europe, notamment de la part des Allemands, puisque les marchés sont interconnectés, les prix sur le marché de gros ont baissé. Et à certains moments, les concurrents d’EDF n’avaient pas besoin d’acheter de l’ARENH. D’autant qu’il s’agit de ce que l’on appelle une option gratuite : ils ne la demandent que quand ils en ont besoin – ce qui, d’ailleurs, est discutable. En principe en effet, une option doit avoir une contrepartie. Ici, l’acheteur décide d’acheter ou non de l’ARENH. Et s’il n’en achète pas, il laisse le producteur se débrouiller avec son électricité.

Toutefois, depuis 2019, le contexte a changé puisque les producteurs alternatifs anticipent la montée du prix sur le marché de gros et ont demandé de l’ARENH. Pour la première fois cette année, la demande d’ARENH a été de 130 TWh alors qu’elle est d’ordinaire plafonnée à 100. La CRE a été obligée de mettre en œuvre une stratégie de prorata pour baisser les revendications de chacun. Que faire, maintenant ?

Les alternatifs considèrent qu’il faut plus d’ARENH et demandent jusqu’à 150 TWh. Mais il faut être cohérent : si l’on demande à EDF de baisser la production nucléaire, on ne peut pas en même temps l’obliger à vendre plus d’électricité nucléaire à ce prix-là !

D’autres considèrent qu’il faut augmenter le niveau de l’ARENH. Mais avec quel seuil et par rapport à quel prix ? Le coût moyen est une chose. Le niveau de l’ARENH en est un autre. Et il existe aussi le coût cash, qui permet à EDF de faire face à la gestion de son parc qui ne dépasse pas 32 à 33 euros. Ainsi, quand EDF vend son électricité au-dessus de 32 euros sur le marché, elle récupère en quelque sorte sa mise. En revanche, cela ne lui permettra pas de financer de nouveaux équipements demain. C’est cela, le problème. Aujourd’hui, les prix du marché couvrent les coûts de l’existant, même quand ils sont bas. Mais ils ne permettront pas de construire de nouveaux équipements. Certes, on peut répondre que ce n’est pas dramatique tant que la demande n’augmente pas et qu’on reste en surcapacité. Mais si la demande augmente, il sera difficile de faire face à de nouveaux investissements.

  1. Vincent Thiébaut.L’arrivée du véhicule électrique, que vous avez évoquée, posera d’importants problèmes.

  1. Jacques Percebois. En effet, de même que les usages connectés. C’est la raison pour laquelle dans la PPE, on prévoit que la consommation finale baissera fortement – je ne suis pas aussi optimiste sur ce point, même si cette baisse est souhaitable – et que la demande d’électricité devrait croître avec les nouveaux usages, ce qui est logique.

Mme Claire O’Petit. Dans une perspective d’autoconsommation croissante et dans la mesure où, vous l’avez rappelé, l’électricité ne se stocke pas, du moins pour le moment, les autoconsommateurs qui se transforment en producteurs en fonction des éléments climatiques ne risquent-ils pas de déséquilibrer les réseaux ? Pensez-vous que les compteurs Linky en cours de déploiement peuvent réellement contribuer à l’équilibre du réseau global de distribution, dans cette perspective d’autoconsommation croissante ?

Vous avez également parlé du coût très élevé des véhicules électriques. Il faudrait aussi citer l’impossibilité de les revendre après quatre ou cinq ans compte tenu des avancées opérées en matière de batterie. Ne faudrait-il pas demander aux constructeurs de prévoir un emplacement permettant de changer de batterie et d’installer une nouvelle batterie, plus petite, sur un même véhicule ? Cela pourrait favoriser l’acquisition de véhicules électriques.

  1. Jacques Percebois. Indiscutablement, l’autoconsommation et l’autoproduction d’électricité intermittente posent des problèmes au gestionnaire du réseau. En effet, 95 % des injections d’électricité renouvelable se font sur le réseau de distribution. Mais à certains moments, quand trop d’électricité entre sur ce réseau, il faut la remonter sur le réseau de transport. En principe, le réseau est fait pour aller du sommet vers la base, pas l’inverse. Remonter l’électricité a donc un coût. D’autres coûts tiennent au fait qu’il existe des variations assez importantes. Il faut d’ailleurs développer le réseau de distribution à certains endroits, pour pouvoir récupérer cette électricité renouvelable. En résumé, le gestionnaire du réseau de distribution, Enedis en l’occurrence, doit tenir compte des coûts liés à l’autoconsommation et l’autoproduction.

À cela s’ajoute le fait que l’autoproducteur décide de faire appel au réseau quand cela l’arrange. Il faut donc au moins un tarif de secours, pour éviter ce que l’on appelle la « spirale de la mort » : tout le monde aura intérêt à mettre de l’autoproduction sur sa maison, et les pauvres ruraux qui n’auront pas les moyens de mettre du photovoltaïque paieront pour tout le monde sur le réseau. Cela n’est pas tout à fait logique. Il faut tenir compte de cet aspect redistributif. Cela suppose de mener une réflexion sur la tarification d’accès au réseau, le fameux tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE).

Par ailleurs, il est vrai que les nouveaux outils numériques, parmi lesquels le compteur Linky, permettent d’arbitrer à distance : obliger à de l’effacement à certains moments et à certains types de stockage, pour une meilleure gestion. Aujourd’hui, le maître mot est la flexibilité sur le réseau, qui passe par une flexibilité de la production thermique classique, par l’effacement plus marqué de la demande à certaines heures et par du stockage/déstockage. Actuellement, le stockage est hydraulique à 95 %. Nous avons la chance, en France, d’avoir 12,5 % d’électricité hydraulique et beaucoup de stockages, grâce aux barrages. Mais y a-t-il encore un potentiel de stations de pompage, c’est-à-dire de barrages permettant de stocker l’électricité ? À mon avis, oui – sur le papier, du moins. Mais il n’est pas très facile de construire des barrages aujourd’hui, tant l’opposition est forte : nous ne construirions pas aujourd’hui les barrages que nous avons construits dans les années 1950. Personne ne le conteste.

Pour le reste, je partage vos propos concernant le véhicule électrique. Aujourd’hui, la plupart des bornes sont installées chez les particuliers. Un effort plus important doit être consenti pour développer les bornes publiques. Il faut aussi anticiper qu’il y aura beaucoup de progrès techniques. En l’occurrence, je considère que les personnes modestes ne doivent pas se lancer dans l’acquisition de ce type de véhicule, car elles peineront à faire face aux progrès techniques dans les prochaines années. Il me semble que c’est le rôle de la puissance publique d’anticiper les progrès qui peuvent être attendus dans ce domaine.

Mme Marjolaine Meynier-Millefertrapporteure. Vous avez évoqué la tendance à aller vers des microgrids et de la production locale, avec des micro réseaux à l’intérieur du réseau, qui se heurterait à la volonté d’aller vers une Europe de l’énergie qui serait un macro réseau. D’aucuns considèrent qu’il faut revenir à une France de l’énergie, car notre pays sait produire une électricité peu coûteuse. N’aurions-nous pas intérêt à revenir à une logique nationale ? Quel intérêt y a-t-il à être sur le réseau européen ? Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?

  1. Jacques Percebois. Avant la loi de nationalisation de 1946, la France comptait près de 1 500 entreprises d’électricité et les prix variaient largement d’une région à l’autre. Dans la région de Grenoble, par exemple, le prix de l’électricité était plus faible grâce à l’hydraulique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle de gros industriels s’y sont installés. En créant la péréquation spatiale, qui est à mon avis une bonne chose, la loi de nationalisation a permis une neutralité du territoire et l’interconnexion du réseau français.

Par ailleurs, les électriciens européens ont compris la nécessité de s’interconnecter avant même la création de l’Europe. L’Europe de l’électricité a précédé l’Europe économique dans la mesure où dès les années 1950, l’Union de coopération des producteurs et transporteurs d’électricité (UCPTE) permettait de faire du secours mutuel en interconnectant le réseau. À l’époque, il ne s’agissait pas de se vendre massivement de l’électricité, mais d’assurer la sécurité du réseau : plus il est interconnecté, plus l’on peut faire appel au réseau d’à côté en cas de difficultés. Certes, si un réseau allemand était fragile à un certain moment, par exemple, cette fragilité pouvait se répercuter sur le réseau français. Mais les interconnexions avaient globalement du bon.

Avec la création de l’Europe économique, l’interconnexion des réseaux s’est traduite par une volonté d’exporter et d’importer de l’électricité. Les industriels allemands ont considéré qu’ils devaient pouvoir acheter directement à EDF pour bénéficier de tarifs plus bas. C’est cela, l’Europe ! Évidemment, l’on pourrait considérer que dans la mesure où nous avons la chance d’avoir de l’électricité moins chère que les autres, nous devrions nous replier sur notre réseau national. Je ne suis pas certain que ce soit une bonne solution. À certains moments en effet, nous sommes bien contents d’acheter de l’électricité aux Allemands, ne serait-ce qu’en période de pointe. Il arrive même que nous arrêtions des centrales en France pour acheter de l’électricité allemande moins chère car l’électricité renouvelable est très développée dans ce pays. En définitive, nous avons donc intérêt à rester interconnectés.

J’ajoute que nous parlons aujourd’hui des microgrids, mais que je reste dubitatif sur ce point. En effet, je reviens au problème du foisonnement : le grand mérite du réseau interconnecté est le foisonnement. Si deux ou trois consommateurs ont chacun besoin de 10 kW et si chacun produit son électricité, il faut construire trois fois 10 kW. Mais s’ils sont interconnectés, vous pouvez ne construire que deux fois 10 kW, car tout le monde n’appellera pas le réseau au même moment – à l’exception de la pointe. Aujourd’hui, certains envisagent même des réseaux mondiaux interconnectés. Il existe ainsi un projet chinois de la route de la soie électrique, un peu pharaonique mais qui mérite d’être pris au sérieux, qui consiste à envisager un réseau à ultra haute tension pour envoyer de l’électricité partout en Europe. En effet, le nord-ouest de la Chine dispose de beaucoup d’électricité renouvelable, parfois même trop. En outre, plus la tension est élevée, moins il y a de perte en ligne.

Où est la solution ? Je n’ai pas la réponse ! En tout état de cause, je pense qu’il y a de la place pour les réseaux locaux et les réseaux interconnectés. Je reste simplement un peu réservé quant aux grands réseaux interconnectés. Je pense aux projets Désert Tech qui consistaient à installer des équipements photovoltaïques dans le Sahara pour alimenter l’Europe : on craint parfois la dépendance à l’égard du gaz russe, mais celle à l’égard de l’électricité du Sahara serait, à mon avis, dramatique. En effet, si l’on peut stocker le gaz, il est possible de couper l’électricité de façon instantanée. Je signale, à cet égard, que chaque pays est maître chez lui. Aujourd’hui, le pays qui dépend le plus des importations est l’Italie, avec un taux supérieur à 10 %. Mais la production d’électricité est d’abord nationale. C’est d’ailleurs ce qui explique que les coûts de production de l’électricité sont très différents d’un pays à l’autre.

En somme, je ne suis pas certain que le repli sur soi soit la bonne solution.

Mme Laure de La Raudière, présidente. Vous avez indiqué que, cette année, les acteurs avaient anticipé une hausse des prix de gros sur le marché parce que nous sommes en surcapacité. L’ARENH répond-il à cette volatilité ? Ne faut-il pas le réformer ? Quelles sont les autres pistes que l’on pourrait envisager pour mieux réguler le jeu des prix de marché vis-à-vis d’un ARENH fixe.

  1. Jacques Percebois. Je pense que l’ARENH a joué son rôle. Tout le monde le reconnaît. Ce dispositif a en effet permis aux alternatifs, c’est-à-dire aux concurrents d’EDF, d’entrer sur le marché. Il faut être présent sur le marché de l’électricité. Les pétroliers s’y mettent. Ainsi, Total anticipe le développement du véhicule électrique. Les GAFA s’y intéressent aussi. Et pour cause, qui dit véhicule électrique dit application numérique.

Dans ce contexte, EDF doit-elle continuer à aider les alternatifs, avec un ARENH à 42 euros ? À mon avis, il existe d’autres solutions. La première consiste à considérer que l’ARENH a joué son rôle et qu’il n’est pas utile de le maintenir. Mais il faut alors se montrer cohérent. La logique de l’ARENH visait aussi à calculer le tarif réglementé pour les particuliers, dit TRV Bleu. Ainsi, si l’on arrête l’ARENH, il faut aussi supprimer ce tarif. Le jaune et le vert ont déjà été supprimés, et il faudrait logiquement mettre un terme au bleu.

Pour ma part, supprimer l’ARENH ne me gênerait pas. Ce dispositif a joué son rôle. Normalement, la loi dispose qu’il doit aller jusqu’en 2025.

L’autre solution envisagée consiste à faire 100 % d’ARENH, avec une entreprise régulée totalement publique au sien d’EDF, dans laquelle le nucléaire serait sanctuarisé. Tout le monde pourrait alors acheter de l’ARENH … EDF comme les autres. Le risque que certains y voient, politiquement, est que cette sanctuarisation du nucléaire soit la première étape vers la fin du nucléaire en France.

Personnellement, je pense que l’ARENH a joué son rôle et qu’il ne serait pas dramatique de la supprimer. Les alternatifs, quant à eux, y sont opposés.

Mme Laure de La Raudière, présidente. Si l’on supprime l’ARENH et le TRV bleu, cela conduira-t-il à une augmentation ou à une baisse des prix ? Que dit l’économiste sur ce sujet ?

  1. Jacques Percebois. Aujourd’hui, les tarifs en offre de marché sont plus bas que les tarifs réglementés de vente.

Mme Laure de La Raudière, présidente. Et à moyen terme ?

  1. Jacques Percebois. Certains ont le sentiment qu’ils sont protégés parce qu’ils sont au TRV. Mais il peut arriver que des offres de marché soient en dessous de ce tarif. Les prix risquent-ils d’augmenter à moyen terme, notamment si ceux du pétrole et gaz s’accroissent ? Ce risque existe toujours. Mais, même si la Commission européenne accepte en principe que la France maintienne un TRV bleu, le Conseil d’État considère qu’il faut le supprimer pour le gaz. Ne faudra-t-il pas le supprimer, à terme, pour l’électricité ? C’est un sujet politiquement très délicat. Certains y verraient le signal qu’on abandonne un tarif pour les particuliers.

En tout état de cause, supprimer l’ARENH sans mettre fin au TRV bleu serait contradictoire. La commission Champsaur et la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite « loi NOME », les avaient d’ailleurs associés.

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