Macron et nucléaire : visionnaire pragmatique ou cynique opportuniste ?
Par Michel Gay
Synthèse et extraits (en annexe) des 3 discours du Président Macron sur l’énergie et le nucléaire pour tenter de faire ressortir sa pensée.
- Synthèse des points saillants pour dégager les orientations, les idées maîtresses et les principales annonces des 3 discours (38 pages) centrés sur l’énergie et le nucléaire que le Président Macron a prononcé :
- le 8 décembre 2020 au Creusot (l’avenir du nucléaire, 5 pages),
- le 12 octobre 2021 à l’Elysée (présentation du plan France 2030, 23 pages),
- le 10 février 2022 à Belfort (reprendre en main notre destin énergétique, 10 pages).
- Un discours fiction d’Emmanuel Macron
- Des extraits plus complets (18 pages) en annexe.
Quelques commentaires ont été insérés (entre parenthèses et en italique et en gras) pour les distinguer du discours.
Synthèse
L’avenir du nucléaire
Le Creusot le 8 décembre 2020
Cet avenir de la filière nucléaire, il repose pour moi sur, au fond, trois lignes de force, trois convictions.
La première, c'est que notre avenir énergétique et écologique passe par le nucléaire.
Oui, l'énergie nucléaire, quand il s'agit de produire de l'électricité non-intermittente tout en respectant et en protégeant le climat, est pertinente, pourvu que l'on progresse sur la gestion des déchets, sur la sûreté.
L'énergie nucléaire est une énergie décarbonée, une énergie sûre.
La deuxième conviction, la deuxième ligne de force c’est que notre avenir économique et industriel passe également par le nucléaire.
Quand je dis que le nucléaire fait aussi partie de notre ambition économique et écologique, je veux ici souligner combien la filière nucléaire est essentielle au développement de l'ambition en matière d'hydrogène qui est portée par le Gouvernement.
Le nucléaire restera la pierre angulaire de notre autonomie stratégique.
(Troisième conviction ? Elle n’est pas clairement indiquée dans le discours).
Le Charles DE GAULLE arrivera à la fin de sa vie en 2038. C'est pourquoi j'ai décidé que le futur porte-avions qui dotera notre pays et notre marine sera, comme le Charles DE GAULLE à propulsion nucléaire.
Par ces choix, nous confirmons la volonté de la France de préserver son autonomie stratégique, sa conviction profonde qu'on peut continuer à investir dans l'industrie en ayant une ambition écologique forte et continuer de conjuguer notre ambition industrielle civile comme notre nucléaire militaire.
Enfin, les investissements de France Relance permettront également le projet de SMR français.
Présentation du Plan France 2030
Elysée le 12 octobre 2021
La planète est confrontée à quelques grands défis inédits dans leur concentration et leur convergence.
Un premier grand défi, c'est évidemment le défi climatique, environnemental, c'est-à-dire le problème à la fois des dérèglements climatiques et de la raréfaction de la biodiversité.
Nous nous sommes engagés dans une réduction de la part du nucléaire dans la production du mix énergétique et en particulier électrique dès les lois prises sous le mandat de François HOLLANDE, puis réactualisées en 2018. Mais cette ambition ne doit pas aller sans une ambition renouvelée pour venir compléter notre ambition nucléaire par de la production d'énergies renouvelables absolument indispensables.
(Seulement à condition d’en extirper l’éolien et le photovoltaïque car seules l’hydraulique, la biomasse et la géothermie sont économiquement utiles. Amalgame dangereux.)
Développer les énergies renouvelables, l'éolien à terre comme sur mer, le solaire, l'hydraulique, la biomasse, la géothermie et plusieurs autres, et nous le faisons ardemment dans le respect de la programmation pluriannuelle de l'énergie que nous avons publiée en avril 2020.
La première leçon, c'est que nous sommes éminemment vulnérables.
La deuxième chose, c'est notre dépendance vis-à-vis de l'étranger.
Troisième leçon de la crise, c'est quand même la force du modèle éducatif et social français.
La quatrième leçon de cette pandémie c'est que nous avons assisté à une extraordinaire accélération de l'innovation.
La cinquième leçon de la crise, c'est qu'on a su recréer de la coopération internationale et européenne
C’est cela les 5 leçons de la crise, il ne faut pas les perdre de vue quand on veut se projeter.
Nous vivons une extraordinaire accélération du monde de l'innovation et des ruptures. Et cette accélération me conduit à établir quelques convictions fortes que je vais ici exprimer et qui vont présider à cette stratégie.
La première conviction, c'est au fond qu’innovations de rupture, innovation technologique et industrialisation sont beaucoup plus liés qu'on ne l'avait intuité jusqu'alors.
La deuxième conviction, c'est que nous avons un besoin impérieux d'accélérer les investissements publics,
Cette bataille qui est une bataille pour l'indépendance et une meilleure qualité de vie.
Bâtir cet humanisme du XXIème siècle. Il s’agit de mieux comprendre, mieux vivre, mieux produire.
Pour y arriver, il y a dix objectifs, qu’on va se donner.
Le premier objectif, c'est faire émerger en France, d'ici à 2030, des réacteurs nucléaires de petite taille innovants, avec une meilleure gestion des déchets
Le deuxième objectif : devenir le leader de l'hydrogène vert en 2030.
(Attention : l’hydrogène est une illusion entretenue par de puissants intérêts financiers étrangers à l’intérêt général)
Troisième objectif : décarboner notre industrie.
Le quatrième objectif est de pouvoir produire en France, à l'horizon 2030, près de 2 millions de véhicules électriques et hybrides.
(…)
Mais on ne réussira pas tout cela si dans le même temps, nous n'arrivons pas à sécuriser 5 grandes conditions.
- La première, ce sont les matières.
- Deuxième élément qui est à sécuriser, ce sont les composants.
- La troisième condition, c'est évidemment de maîtriser les technologies numériques souveraines et sûres.
- Quatrième condition pour y arriver, ce sont les talents
- Puis le cinquième point, c'est le capital.
Voilà les 5 conditions clés si on veut tenir nos 10 objectifs
Alors, pour conclure, un mot de méthode pour arriver à tout ça. L'ambition est là, 30 milliards d'euros pour 2030, auxquels s'ajoutent des fonds propres.
Quelques principes simples.
- Le premier, la simplicité.
- Deuxième point qui va avec, c'est la rapidité.
- Troisième élément clé, faire confiance à l'émergence.
- Dernier élément, c'est la prise de risque.
Reprendre en main notre destin énergétique
Belfort le 10 février 2022
Il est des choix qui engagent la nation sur le temps long, plusieurs décennies, parfois un siècle et les choix qui concernent l'énergie, l'investissement dans les infrastructures énergétiques qui permettent à nos compatriotes de vivre, se chauffer, se déplacer, produire sont de cela.
Il n'y a pas de production industrielle stable s’il n'y a pas une énergie stable aux prix les plus compétitifs. Il n'y a pas de transition énergétique et climatique s'il n'y a pas une décarbonation de l'énergie produite, en particulier notre électricité.
Et il est difficile de préserver le pouvoir d'achat des ménages et la compétitivité des entreprises quand on ne maîtrise plus cela. Nous voyons la fragilité de modèles économiques lorsque l'on est dépendant des autres pour produire son énergie.
Mais si l'on veut prévenir ces chocs conjoncturels, alors il nous faut bâtir une stratégie au long cours, moins dépendante des cours mondiaux.
Et si nous voulons enfin maîtriser la facture d'énergie des Français, nous avons l'obligation d'engager sans attendre des chantiers structurants et historiques pour préparer l'avenir.
Ces chantiers cultivent une ambition forte : faire en 30 ans de la France, le premier grand pays du monde à sortir de la dépendance aux énergies fossiles, et renforcer notre indépendance énergétique industrielle dans l'exemplarité climatique. En quelque sorte, reprendre en main notre destin énergétique et donc industriel.
Le premier grand chantier est de consommer moins d'énergie. En d'autres termes, gagner en sobriété.
En effet, le défi est connu. Nous devons en 30 années être capables de baisser de 40 % nos consommations d'énergie.
Nous bâtirons enfin la filière industrielle indispensable, en particulier dans les batteries électriques qui manquait à la France.
Nous croyons et nous développons, par des projets annoncés dès avant la crise, consolidés par France Relance et au coeur de France 2030, la filière hydrogène.
(L’hydrogène sera une réussite technique mais un échec économique et un gouffre financier dont l’argent pris dans les poches de tous les Français ne sera pas perdu pour tout le monde…)
Nous devrons être en mesure de produire jusqu'à 60 % d'électricité en plus qu'aujourd'hui.
(Ajouter 60% aux 500 TWh, produits aujourd’hui à 70% avec 62 GW de puissance nucléaire installée, aboutit à 800 TWh en 2050 !
Ces 300 TWh supplémentaires seront produits avec quoi si seulement 14 réacteurs nucléaires EPR2 ont été construit (23 GW) et que tous les autres réacteurs (62 GW) ont été fermés après 50 ans ou 60 ans de fonctionnement ?...).
Et la clé pour produire cette électricité de manière la plus décarbonée, la plus sûre, la plus souveraine est justement, d'avoir une stratégie plurielle, celle que nous avons choisi sur la base de ces travaux et de développer tout à la fois les énergies renouvelables et le nucléaire.
Nous n'avons d'autre choix que de miser en même temps sur ces deux piliers. C'est le choix le plus pertinent d'un point de vue écologique et le plus opportun d'un point de vue économique et enfin le moins coûteux d'un point de vue financier.
(C’est absolument faux ! Parmi ces deux piliers, aucun ne serait capable de répondre seul au besoin électrique. L’un qui est aléatoire et intermittent (l’éolien et le soleil) nécessite un coûteux renforcement du réseau d’électricité et de ruineux stockages d’électricité), l’autre (le nucléaire) ne sera pas disponible en quantité suffisante (peut-être seulement 25 GW en 2050) pour assurer la production les nuits sans vents).
Comment atteindre ensuite l'objectif de doublement de la production issue des énergies renouvelables électriques d'ici 2030 et comment l'augmenter encore d'ici 2050 ? C'est le défi posé par RTE. D'abord, en partant là aussi d'un constat ; c'est que ces énergies renouvelables sont devenues rentables et compétitives.
(C’est faux en prenant en compte les coûteux moyens nécessaires pour pallier la production erratique : centrale à gaz d’appoint, stockages dans des batteries ou autres moyens, renforcement des réseaux d’électricité, nécessité d’un double parc pour assurer une production correspondant en permanence besoin les nuits sans vent).
En priorité, le solaire - parce qu'il est moins cher et qu'il s'intègre plus facilement dans le paysage - fera l’objet d’un effort particulier.
(Faux. Le solaire photovoltaïque est la plus chère des énergies renouvelables et aussi la plus subventionnée).
D’ici 2050, nous multiplierons par près de 10 la puissance installée pour dépasser 100 gigawatts, en veillant à un juste équilibre entre les installations en toiture et celles au sol.
L'éolien en mer sera développé pour viser de l'ordre de 40 gigawatts en service en 2050, soit une cinquantaine de parcs éoliens en mer. Dès cette année, nous mettrons en activité le premier parc éolien en mer au large de Saint-Nazaire.
Nous ne pouvons, enfin, dans cette trajectoire, nous passer d'éoliennes terrestres.
Continuer à avoir là aussi une filière qui se développe et la puissance installée, qui est de 18,5 gigawatts à fin 2021, sera doublée d'ici à 2050.
(Donc, 37 GW en 2050 qui seront toujours aléatoirement variable, et qui parfois ne produiront presque rien les jours sans vent de forte demande d’électricité).
Pour augmenter la production électrique nationale d'ici 2050, il nous faut reprendre le fil de la grande aventure du nucléaire civil en France.
Notre niveau inégalé de sûreté de contrôle garantit une production d'électricité bas carbone en toute sûreté. C'est ce qui justifie notre confiance dans cette énergie.
Ce que nous avons à bâtir aujourd'hui, parce que c'est le bon moment, parce que c'est ce qu'il faut pour notre nation et parce que les conditions sont maintenant réunies, c'est la renaissance du nucléaire français. Sur la base des travaux de RTE et de l'Agence internationale de l'énergie, j'ai pris deux décisions fortes.
La première est de prolonger tous les réacteurs nucléaires qui peuvent l'être sans rien céder sur la sûreté.
La seconde décision : compte tenu des besoins en électricité, de la nécessité d’anticiper aussi, la transition, la fin du parc existant qui ne pourra être prolongé indéfiniment, nous allons lancer dès aujourd’hui un programme de nouveaux réacteurs nucléaires.
Je souhaite que six EPR2 soient construits et que nous lancions les études sur la construction de 8 EPR2 additionnels. Nous avancerons ainsi par pallier.
(C’est un bon début mais ce louable effort tardif qui aurait dû être commencé 10 ans plus tôt ne suffira pas à assurer l’avenir de la production française d’électricité en 2050 comme indiqué précédemment, car il manquera plusieurs dizaines de GW de puissance pour répondre au besoin de 800 TWh annoncés par le Président lui-même).
À côté de ces EPR, un appel à projets sera soutenu à hauteur d’un milliard d’euros par France 2030 et sera lancé pour faire émerger des petits réacteurs modulaires (les fameux SMR) mais aussi des réacteurs innovants permettant de fermer le cycle du combustible et de produire moins de déchets. Pour 500 millions d’euros, ce seront des projets portés par EDF NUWARD et il y aura aussi 500 millions d’euros pour des projets ouverts sur les réacteurs innovants que j’évoquais à l’instant.
Je suis convaincu que la France a les moyens de porter une telle révolution dans le nucléaire, avec des réacteurs en rupture. Je fixe un objectif ambitieux mais à la mesure de l’intensité de la compétition dans le secteur : construire en France un premier prototype d’ici 2030.
Ce nouveau programme pourrait conduire à la mise en service de 25 gigawatts de nouvelles capacités nucléaires d’ici 2050.
(En plus des 23 GW des 14 EPR 2 annoncés pour 2050, ou au global ?)
Au sein de l’État, une direction de programme interministérielle dédiée au nouveau nucléaire sera créée pour en assurer le pilotage, coordonner les procédures administratives, s’assurer du respect des coûts et des délais des chantiers.
EDF construira et exploitera les nouveaux EPR.
La France fait le choix du climat en se donnant les moyens d’atteindre ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’être l’une des plus grandes nations à sortir de sa dépendance aux énergies fossiles. La France fait le choix de l’industrie et de l’emploi : car nous parlons là, uniquement au sujet de l’EPR2, de 220 000 emplois préservés, poursuivis, renouvelés et de plusieurs dizaines de milliers d’emplois créés. La France fait le choix aussi du pouvoir d’achat mais avec une vraie stratégie, car à terme, le nucléaire et les énergies renouvelables fourniront une énergie moins chère et à l’abri des turbulences des marchés. La France, Mesdames et Messieurs, fait le choix résolu de son indépendance et de sa liberté.
Un discours fiction d’Emmanuel Macron
Les mesures annoncées pour la production d’énergie en France par le Président sont importantes mais cependant encore insuffisantes, car la France aura en 2050 moins de 50% de production nucléaire pilotable.
Si le Président-candidat Macron avait vraiment voulu relancer le nucléaire en France, il aurait pu annoncer simplement les mesures suivantes déclinées dans ce discours fiction :
« J’arrête de développer les énergies renouvelables éoliennes et photovoltaïquesqui chères et inutiles.
En 2050 / 2060, je veux 3/4 de nucléaire et 1/4 d'énergies renouvelables, couplées à un peu de gaz décarboné. Je demande donc à EDF de construire et de mettre en service deux EPR par an dès 2035, soit 50 d'ici à 2060. La France a déjà lancé un programme industriel d'une telle ampleur dans le passé, le plan Messmer. Cela peut paraître colossal, mais j'assume : c'est nécessaire (comme le souhaite André Merlin, fondateur et premier président du gestionnaire du réseau national de transport d'électricité (RTE)).
Je finalise le stockage géologique des déchets nucléaire CIGEO à Bure.
Je lance le développement d’un premier prototype de SMR, et je relance la filière surgénérateur qui permettra d’utiliser 100 fois mieux l’uranium dont nous avons plusieurs milliers d’années de stock sur notre sol pour cette dernière filière.
Dans le domaine militaire, je fais le choix d’une propulsion nucléaire pour le successeur du porte-avion Charles de Gaule ».
Ça aurait eu le mérite d’être simple et sobre, mais certainement pas politiquement correct pour cajoler une nécessaire majorité politique au gouvernement incluant au moins un parti antinucléaire…
Mais ça, c’est de la politique, non de la physique… dont la réalité s’imposera dans les prochaines années.
Annexe
Extraits (en 18 pages) des 3 discours (38 pages) centrés sur l’énergie et le nucléaire que le Président Macron a prononcé :
- - le 8 décembre 2020 au Creusot (l’avenir du nucléaire, 5 pages),
- - le 12 octobre 2021 à l’Elysée (présentation du plan France 2030, 23 pages),
- - le 10 février 2022 à Belfort (reprendre en main notre destin énergétique, 10 pages).
Ces extraits centrés sur l’essentiel sont expurgés des digressions, des répétitions (même si les mots « innovation », « rupture » et « absolument clé » reviennent souvent), des remerciements, des circonvolutions, des précautions de langage et des scories des discours.
Certaines phrases ont été raccourcies, mais tous les mots et toutes les tournures de phrases sont d’Emmanuel Macron.
Les points saillants récapitulés dans la synthèse sont en gras.
Quelques commentaires ont été insérés (entre parenthèses et en italique et en gras) pour les distinguer du discours.
L’avenir du nucléaire
Le Creusot le 8 décembre 2020
Si nous sommes là ensemble aujourd'hui parce que nous croyons à ce nouvel avenir français.
Nous avons besoin de regarder loin, de regarder l'horizon, de bâtir l'avenir du pays, d'offrir cet avenir français à tous nos concitoyens. Cet avenir français passe par une ambition industrielle décarbonée, par la réconciliation de notre ambition écologique et industrielle, par notre capacité à réarticuler la souveraineté de notre industrie et la nécessité d'être au rendez-vous de nos exigences environnementales. Et dans ce contexte, la filière nucléaire joue un rôle essentiel.
Cet avenir de la filière nucléaire, il repose pour moi sur, au fond, trois lignes de force, trois convictions.
La première, c'est que notre avenir énergétique et écologique passe par le nucléaire.
L'énergie nucléaire est l'énergie non intermittente qui émet le moins de CO2. Le GIEC le confirme, la Commission européenne le souligne.
Oui, l'énergie nucléaire, quand il s'agit de produire de l'électricité non-intermittente tout en respectant et en protégeant le climat, est pertinente, pourvu que l'on progresse sur la gestion des déchets, sur la sûreté.
L'énergie nucléaire est une énergie décarbonée, une énergie sûre.
Nous sommes en train de continuer à progresser en matière de gestion des déchets, en France comme à l'étranger, avec des grands projets à la clé. Et nous continuerons d'avancer sur la recherche indispensable aussi, en particulier sur tous les sujets de fermeture du cycle. Et donc si je n'ai jamais été partisan du tout nucléaire, parce qu'il est nécessaire de ne pas dépendre d'une seule source, je crois et j’ai toujours assumé que si nous devons rééquilibrer notre mix énergétique en réduisant la part du nucléaire, l'atome doit continuer à être un pilier de celui-ci pour les décennies à venir.
Nous nous sommes engagés dans une réduction de la part du nucléaire dans la production du mix énergétique et en particulier électrique dès les lois prises sous le mandat de François HOLLANDE, puis réactualisées en 2018. Mais cette ambition ne doit pas aller sans une ambition renouvelée pour venir compléter notre ambition nucléaire par de la production d'énergies renouvelables absolument indispensables.
(Seulement à condition d’en extirper l’éolien et le photovoltaïque car seules l’hydraulique, la biomasse et la géothermie sont économiquement utiles. Amalgame dangereux.)
Développer les énergies renouvelables, l'éolien à terre comme sur mer, le solaire, l'hydraulique, la biomasse, la géothermie et plusieurs autres, et nous le faisons ardemment dans le respect de la programmation pluriannuelle de l'énergie que nous avons publiée en avril 2020.
A ce titre, nous avons levé depuis 2017 un grand nombre de freins et de barrières pour accélérer le déploiement des projets et développer ces sources d'électricité bas carbone. Nous allons continuer de le faire en validant, comme nous l'avons fait ce matin, des pistes pour l'éolien et en continuant de documenter tous les scénarios. La France doit aussi être au rendez-vous de cette ambition car toute notre filière de renouvelables, je le dis aussi ici avec beaucoup de force, est une filière industrielle, en amont et elle le sera en aval, est une filière sur laquelle nous avons commencé à regagner la souveraineté de production. Et nous devons continuer de le faire là aussi. Mais renoncer au nucléaire totalement ou trop rapidement, ce serait ouvrir, comme d'autres pays l'ont fait, des centrales à charbon ou à gaz, ou importer de l'énergie carbonée. Et cela, nous nous y sommes refusés.
Alors qu'il est très difficile de dire aujourd'hui quel sera du nucléaire ou des énergies renouvelables la meilleure technologie pour remplacer notre parc nucléaire existant en 2035, nous devons donc regarder tout le champ des possibles.
(Non, il est certain aujourd’hui que les énergies renouvelables ne pourront pas remplacer le nucléaireni en 2035, ni en 2050).
Personne aujourd'hui, avec honnêteté, ne peut dire comment en 2040-2050 les changements technologiques qui sont devant nous, nous permettront de bâtir le meilleur mix électrique. Il nous faut donc préparer notre pays en responsabilité en poursuivant plusieurs voies.
(Ce genre de pari consiste à remplacer dans le panier (le mix) des œufs sains (nucléaire et hydraulique) par des œufs pourris (les éoliennes et le PV). Cette mauvaise « stratégie plurielle » revient au contraire à sauter sans parachute d’un avion en espérant que des changements technologiques permettront de le fabriquer avant de s’écraser au sol).
Il nous faut étudier d'abord la faisabilité technique d'un mix électrique avec un très haut niveau d'énergies renouvelables. Il nous faut dans le même temps nous assurer des conditions d'une prise de décision sur le lancement éventuel d'un programme de construction de nouveaux réacteurs et sur l’EPR2.
La décision définitive de construction de nouveaux réacteurs doit être préparée et devra être prise au plus tard en 2023, lorsque Flamanville 3 sera entrée en service. Notre avenir environnemental écologique passe donc par le nucléaire
La deuxième conviction, la deuxième ligne de force c’est que notre avenir économique et industriel passe également par le nucléaire. 3 000 entreprises, 220 000 emplois dont 10.000 dans cette région, 5000 recrutements prévus en 2021. Rares sont les secteurs qui offrent autant de perspectives, en particulier à notre jeunesse.
Rares sont les secteurs qui sont ancrés ainsi partout sur le territoire. Avec aussi des savoir-faire qui s'exportent partout dans le monde et un excédent commercial de 7 milliards d'euros.
Rares sont aussi les secteurs qui sont ainsi à l'avant-garde parmi les fleurons mondiaux, avec cette capacité d'export de nos savoir-faire comme de nos productions.
Cet atout majeur qui s'est façonné sur le temps long des décennies, nous devons le consolider. C'est pour cela que, dans le cadre de France Relance, nous avons fait le choix avec le Gouvernement, les ministres ici présents, d'investir près de 500 millions d'euros dans la filière nucléaire. Avec d'abord un fonds d'investissement doté de 100 millions d'euros qui sera mis en place dès 2021 pour aider les consolidations et soutenir les acteurs stratégiques. La filière en a besoin pour les acteurs les plus fragiles, pour aider au regroupement, pour donner de la visibilité. C'est indispensable. Il sera complété par un fonds de modernisation pour les entreprises industrielles de la filière, doté de 70 millions d'euros.
Enfin, les investissements de France Relance permettront également le projet de SMR français.
Avec une enveloppe de 50 millions d'euros, le plan de relance investi sur deux ans dans la réalisation d'un avant-projet sommaire et engage ainsi la France dans la compétition mondiale sur les SMR. Il nous faut rapidement rattraper le retard.
Nous formerons également à travers cette ambition, ceux qui, demain, porteront haut notre excellence en créant plusieurs centres de formation et d'excellence, de soudage, en particulier en Bourgogne Franche-Comté et en mettant en place une université des métiers du nucléaire. C'est là aussi une organisation permettant d'aller plus loin en termes d'apprentissage, en termes de formation y compris tout au long de la vie, pour monter en compétences, monter en qualité et continuer d'attirer notre jeunesse et je le dis ici avec beaucoup de force.
Entendre clairement le message que la filière nucléaire embauche, qu'elle embauche des ouvriers, des techniciens, des ingénieurs, des chercheurs,
Quand je dis que le nucléaire fait aussi partie de notre ambition économique et écologique, je veux ici souligner combien la filière nucléaire est essentielle au développement de l'ambition en matière d'hydrogène qui est portée par le Gouvernement. Aujourd'hui tel que nous le développons, aucun pays européen ne peut produire de l'hydrogène avec un mix électrique décarboné comme nous pouvons le faire grâce au nucléaire. Tous ceux qui font de l'hydrogène vert aujourd'hui en Europe le font en allant chercher massivement du renouvelable à l'étranger.
Nous avons un atout économique et environnemental par le nucléaire. C'est que nous pouvons produire cet hydrogène bleu décarboné grâce à l'électricité ainsi produite sur notre sol. Enfin, notre avenir stratégique, notre statut de grande puissance passe par vous, passe par la filière nucléaire, la dissuasion, les sous-marins, notre porte-avions, tout ce qui fait que la France est une puissance indépendante, écouter, respecter, reposent sur vous, sur vos savoir-faire,
Opposer nucléaire civil et nucléaire militaire en termes de production comme, en termes d'ailleurs de recherche, n'a pas de sens pour un pays comme le nôtre. La filière vit de ses complémentarités et elle doit d'ailleurs être pensée dans ses complémentarités. Et c'est aussi pour cela qu'il nous faut constamment penser sur le temps long, la capacité à préserver nos compétences techniques, technologiques et industrielles sur toute la filière pour pouvoir protéger nos capacités souveraines de production, en civil comme en militaire. L’un ne va pas sans l'autre. Sans nucléaire civil, pas de nucléaire militaire, sans nucléaire militaire, pas de nucléaire civil.
Le nucléaire restera la pierre angulaire de notre autonomie stratégique.
(Troisième conviction ? Elle n’est pas clairement indiquée dans le discours).
Le Charles DE GAULLE arrivera à la fin de sa vie en 2038. C'est pourquoi j'ai décidé que le futur porte-avions qui dotera notre pays et notre marine sera, comme le Charles DE GAULLE à propulsion nucléaire.
Par ces choix, nous confirmons la volonté de la France de préserver son autonomie stratégique, sa conviction profonde qu'on peut continuer à investir dans l'industrie en ayant une ambition écologique forte et continuer de conjuguer notre ambition industrielle civile comme notre nucléaire militaire.
Et dans cette terre d’histoire, vous portez aussi de cette fierté qui est la nôtre, de ce savoir-faire français en matière de nucléaire et en matière industrielle. Celui, nous y tenons. Certains parfois en ont douté, il a pu être menacé et nous voulons avec force sortir de cette crise en lui donnant plus d’énergie encore, en réinvestissant.
Je suis extrêmement fier et heureux de pouvoir vous dire que grâce à vous et par l’engagement de toute la filière nucléaire française, des choix qui sont les nôtres et des investissements de la nation nous pouvons regarder l’avenir avec force.
Présentation du Plan France 2030
Elysée le 12 octobre 2021
La planète est confrontée à quelques grands défis inédits dans leur concentration et leur convergence.
- Un premier grand défi, c'est évidemment le défi climatique, environnemental, c'est-à-dire le problème à la fois des dérèglements climatiques et de la raréfaction de la biodiversité.
- Le deuxième grand défi, c'est le défi démographique.
- Le troisième grand défi, c'est le défi des inégalités.
Nous avons à côté de ça un choc géopolitique parce que quand il y a de la rareté sur les ressources, quand il y a de la concurrence exacerbée sur les modes d'innovation, ce sont des modèles qui jouent leur survie ou leur hégémonie, ça crée de la tension géopolitique.
Et puis, évidemment, tout ça a aussi créé une forme de choc anthropologique.
Est-ce que la crise que nous venons de vivre, la pandémie de Covid 19 a en quelque sorte remis en cause ces grands défis, ces grandes transformations ? Non, au contraire. Elle les a plutôt confortés. La pandémie nous a fait toucher du doigt d'abord notre vulnérabilité. (..) que quelque chose qui se passe quelque part à 10 000 kilomètres de nous, peut-être entre l'humain et l'animal, peut bloquer totalement la planète et changer la face du monde et notre organisation collective.
Et donc la première leçon, c'est que nous sommes éminemment vulnérables.
La deuxième chose, c'est notre dépendance vis-à-vis de l'étranger.
Dépendance et expérience de la dépendance qui peut être dramatique parce que nous avons vu, à ce moment-là, quand il y a de la dépendance et qu'on se retrouve dans des situations où il n’y a plus de coopération, c'est le drame.
On doit rebâtir les termes d'une indépendance productive, française et européenne parce que je ne suis pas en train de dire qu'il faudrait tous se mettre à tout reproduire en France. Nous ne saurions pas le faire
Troisième leçon de la crise, c'est quand même la force du modèle éducatif et social français.
La quatrième leçon de cette pandémie c'est que nous avons assisté à une extraordinaire accélération de l'innovation. L’innovation est une source de solution pour mieux vivre, pour projeter une nation, un continent et peut-être le monde entier, vers des solutions qui sont bonnes pour l’humanité.
La cinquième leçon de la crise, c'est qu'on a su recréer de la coopération internationale et européenne pour rester dedans parce que, soyons lucides sur nous-mêmes, si nous n'avions dépendu que de ce que la France aurait produit, je le dis pour tous ceux qui plaident le nationalisme excessif, la France ne produit pas de vaccins et elle ne produit toujours pas de vaccins ARN messager.
C’est cela les 5 leçons de la crise, il ne faut pas les perdre de vue quand on veut se projeter. Mais on doit être lucides sur nos faiblesses parce qu’elles peuvent être bien plus cruelles demain, qu’elles ne l’ont été hier.
C’est un monde où tout s’accélère, où on est dans l’innovation de rupture, où le gagnant prend tout sur beaucoup d’innovations. Si nous nous retrouvons hors de l’innovation, on peut perdre énormément.
De quelle manière peut-on se projeter, à l’horizon 2030, et, au-delà. Si je regarde notre pays, nous avons de vraies forces et de vrais atouts, face aux grands défis de la crise. Nous sommes un pays complet, présent sur tous les continents.
Ces dernières décennies, nous avons sous-investi en éducation, formation, en enseignement supérieure et en recherche.
Nous sommes un pays qui travaille moins que les autres. Nous avons une quantité de travail alloué qui n’est pas au bon niveau, à la fois dans le cycle de vie et en horaires cumulés. Au fond, nous avons une force : notre modèle social et éducatif. On a une faiblesse, nous n’avons plus le modèle productif qui permet de le financer. C’est notre grande incohérence. Je ne crois pas qu’on arrive à réduire notre modèle social. C’est compliqué, dans une démocratie, de dire aux citoyens : « On va vous enlever des droits, massivement ». Cela n’existe pas. On peut améliorer les choses. Il faut améliorer l’efficacité de la dépense publique. Il faut être capables de rendre les mêmes services, avec moins d’argent. Ce sont des modernisations qui prennent des années.
C'est le seul moyen d'être à la hauteur du mal français qui est notre triple déficit : déficit de croissance potentielle, déficit public, déficit du commerce extérieur. Ce triple déficit se nourrit depuis des décennies. La clé pour y répondre, c'est d'avoir une stratégie macroéconomique d'innovation industrielle qui permette justement de produire ces résultats.
La France est aujourd'hui en sortie de crise à un niveau d'emplois qu'elle n'avait pas connu depuis 15 ans.
L'extraordinaire accélération du monde que nous sommes en train de vivre m’a conduit à penser que tout ce qu'on a fait là n'est pas suffisant et que si on reste à ce rythme et à ce niveau d'intensité, parce que nous avons aussi pris ces décisions parfois 15 à 20 ans après certains de nos voisins européens, nous ne rattraperons pas notre retard ou surtout, nous nous laisserons distancer dans les 10 ou 15 ans qui viennent.
La stratégie 2030, elle, s'impose aujourd'hui parce qu’en raison des grands défis que j'évoquais et en quelque sorte de cette sortie de crise, nous vivons une extraordinaire accélération du monde de l'innovation et des ruptures. Et cette accélération me conduit à établir quelques convictions fortes que je vais ici exprimer et qui vont présider à cette stratégie.
La première conviction, c'est au fond qu’innovations de rupture, innovation technologique et industrialisation sont beaucoup plus liés qu'on ne l'avait intuité jusqu'alors. On avait dans nos débats politiques, intellectuels, théoriques, souvent séparés ces sujets. Et je pense qu'il faut tirer le constat que nous nous sommes trompés sur ce point. D'abord, la France a longtemps pensé qu'elle pouvait se désindustrialiser en continuant à être une grande nation d'innovation et de production. Je crois que maintenant, il est établi que c'est faux. Quand on se désindustrialise, on perd de la capacité à tirer de l'innovation dans l'industrie et donc de l'innovation, même incrémentale, et c'est celle-ci qui nourrit le dialogue avec les innovations de rupture. C'est un continuum où tout se tient.
Nous avons une innovation en santé qui a perdu des rangs au niveau de la compétition internationale. Et donc, c'est un continuum. S'il n'y a pas d'industrie, si on ne réindustrialise pas le pays, il n’est pas vrai qu'on pourra redevenir une grande nation d'innovation et même de recherche. Et aussi parce que c'est ce qu'on produit avec l'innovation industrielle et ses débouchés qu'on peut financer une recherche fondamentale.
Cette conviction a un point clé, ça veut dire qu’il faut qu'on mène en même temps la bataille de l'innovation et de l'industrialisation, on ne peut pas choisir, il faut les mener ensemble. Et ça veut dire qu'il faut qu'on mette beaucoup d'argent public et privé parce que le gagnant prend tout, comme disent les Anglo-Saxons. Et donc, c'est là où il y a une hyper concentration du capital et des talents que les choses se font et que vous êtes dans la partie ou que vous êtes sortis de la partie. Et donc nos quantum aujourd'hui ne fonctionnent pas. Donc, ça, c'est ma première conviction très forte, c'est qu'on doit vraiment sortir de cette opposition entre recherche fondamentale, recherche incrémentale et technologique et industrialisation massive, et essayer de comprimer tout ça.
Il faut sortir de deux types d'oppositions. Les oppositions entre les différents secteurs et disciplines, de recherches académiques ou autres. Les frontières qui existent entre les sciences humaines, les sciences etc., tout cela est en train d’exploser totalement parce que les cadres sont en train d’être repensés par cette compression.
Et la deuxième chose, c'est que l'opposition que j'entends encore beaucoup dans nos débats publics entre les startups et l'industrie, est une opposition du XXème siècle. Elle est éminemment fausse. Notre pays va se réindustrialiser par des startups technologiques et ce qu'on appelle le Deep Tech. Il n'y a pas de France industrielle contre la France des startups. La réalité de la France industrielle, c'est qu'elle se nourrit des startups énergétiques. Première conviction : il faut tordre le cou à des oppositions, mais il y a une compression de toutes ses dimensions.
La deuxième conviction, c'est que nous avons un besoin impérieux d'accélérer les investissements publics, créateurs de croissance, d'emplois et d'indépendance industrielle. Je n'ai jamais pensé qu'on pouvait construire l'avenir d'un pays à crédit ou à découvert, mais je pense qu'il ne faut pas que ce débat nous conduise à faire des erreurs profondes dans la nature des dépenses publiques. Et ça, c'est extrêmement important. Je crois que depuis 4 ans, on a montré qu'on savait consolider les comptes publics sans détruire de la croissance, et en baissant même les impôts.
Mais dans ce temps d'accélération, il nous faut accélérer l'investissement public dans l'innovation de rupture et la croissance industrielle parce que c'est le seul moyen dans le même temps, de construire la production et la croissance qui va nous permettre de continuer à financer notre modèle social. Et c'est le seul moyen de construire les éléments de modernisation sectorielle qui va nous permettre de baisser la mauvaise dépense, c'est-à-dire la dépense curative. Si nous ne prenons pas ce virage de l'innovation et de l'industrialisation, nous continuerons de dégrader nos déficits extérieurs, parce qu'on continuera de dépendre et d'importer, et nous continuerons de créer trop peu d'emplois, trop peu d'opportunités pour nos jeunes et donc de les réparer par de la dépense publique. J’assume totalement un pays qui investit dans la création de nouvelles filières, l'investissement et l'apprentissage pour moins dépenser dans l'assurance chômage et la réparation des destins. Et c'est ce changement qu'il nous faut faire. Et c'est maintenant qu'il se joue parce que c'est maintenant que nos filières existantes.
Je pense qu'il nous faut réinvestir dans une stratégie de croissance qui consiste à dire qu’en faisant des investissements, qui sont, par leur gouvernance, leurs modalités, totalement distincts de la dépense récurrente. Ainsi, nous devons changer en profondeur les termes de notre croissance potentielle et augmenter la capacité de l'économie française à croître par son innovation, par sa réindustrialisation et par les politiques de formation pour produire de la richesse. De fait, il s’agit de se projeter vers l’avenir, et dans le même temps, rendre soutenable le modèle social français qui doit continuer à se moderniser et être plus efficace. En d’autres termes, c'est le seul moyen d'y arriver.
Ceci dit, il faut maintenant porter une stratégie qui est nettement plus dans la rupture.
Partant de ces constats, de ces convictions, et en quelque sorte de cette ligne que je veux tracer, la stratégie pour 2030 doit nous conduire à investir 30 milliards d’euros pour précisément répondre à ce déficit.
Nous devons être lucides sur nos forces et nos faiblesses.
La clé de tout ça, c'est notre indépendance et la capacité à reprendre en main le destin de la France et de l'Europe. Au fond, pourquoi faire tout cela ?
Quand on nous dit : « Il faut faire cette réforme parce que les voisins l'ont fait », ça marche assez rarement en France. Nous n'avons pas cette mentalité, assumant moi-même de l'être, je suis le premier des Gaulois réfractaires.
Quand je dis bâtir notre indépendance, c'est vraiment de se dire comment la France construit une stratégie qui fait que nous pouvons défendre l'humanisme dans lequel nous croyons pour le siècle qui vient.
Nous devons mieux produire, nous voulons mieux vivre, on veut mieux comprendre le monde. Mais, on veut le faire à chaque fois au service de nos valeurs et d'une certaine idée de l'humanisme qui est la nôtre. Nous croyons au progrès, scientifique, rationnel.
L'objectif de la France de 2030 doit être cela : mieux produire, mieux vivre, mieux comprendre le monde, en servant un humanisme français et européen qui est le coeur de notre message, de notre promesse et de ce que nous avons encore à faire demain. Il convient alors de construire les voies et moyens de le faire en étant plus indépendant en tant que Français et Européen. Parce que si nous déléguons en quelque sorte les moyens de mieux nous nourrir, de mieux comprendre le monde à d'autres : ce seront les préférences collectives d’autres puissances qui le feront. Les chinois sont en train de le faire mais avec un autre modèle. Ils n’ont pas le même modèle agro-alimentaire que nous, on le voit bien. Ils n’ont pas le même modèle d’innovation, du respect de la vie privée et autre. Même les américains n’ont pas le même modèle que nous. On a les mêmes valeurs sur certains sujets, mais nous n’avons pas les mêmes préférences collectives. On n’a pas les mêmes rapports à l'égalité et à la solidarité collective. Nos sociétés ne fonctionnent pas de manière identique.
Cette bataille qui est une bataille pour l'indépendance et une meilleure qualité de vie.
Bâtir cet humanisme du XXIème siècle. Il s’agit de mieux comprendre, mieux vivre, mieux produire.
Pour y arriver, il y a dix objectifs, qu’on va se donner.
Le premier objectif, c'est faire émerger en France, d'ici à 2030, des réacteurs nucléaires de petite taille innovants, avec une meilleure gestion des déchets. Sur ce sujet, pourquoi le mettre en premier ? Parce que le premier sujet, c'est la production de l'énergie. Pour produire de l'énergie, en particulier l'électricité, nous avons une chance, c'est notre modèle historique. Le parc installé, le nucléaire.
Mais il faut bien le dire, le rappeler, les 200.000 Françaises et Français qui travaillent dans le secteur du nucléaire, c'est une chance parce que c'est ce qui nous permet d'être le pays en Europe qui est parmi ceux qui émettent le moins de tonnes de CO2 par électricité produite. Nous devons réinvestir pour être à la pointe de l'innovation de rupture dans ce secteur.
Nous devons absolument nous préparer à des technologies de rupture et des transformations profondes sur le nucléaire. La promesse de ce qu'on appelle les small modular reactor, qui sont les petits réacteurs, beaucoup plus petits et beaucoup plus sûrs parce que la sûreté est un point clé du débat sur le nucléaire. Il y a aussi les technologies pour mieux gérer nos déchets, certaines sur lesquelles nous commençons à avancer, certaines que nous n'imaginons même pas
Pour y parvenir, nous sommes prêts à y investir 1 milliard d'euros d'ici 2030, en commençant très vite avec des premiers projets très clairs. De fait, il faut lancer plusieurs projets sur des familles technologiques différentes mais essayer d'avancer pour accélérer sur ce volet. C'est absolument clé parce qu'on sait qu'on continuera à avoir besoin de cette technologie. Au fond, on doit traiter deux sujets clés : améliorer toujours et encore la sûreté en baissant les coûts et réduire les déchets qui est un point clé quand on parle de nucléaire.
Le deuxième objectif : devenir le leader de l'hydrogène vert en 2030. Là, je le dis en l'assumant totalement, je pense que ça fait vraiment partie d'un des secteurs où nous pouvons être leader.
On a un premier atout, c'est encore une fois le nucléaire. Pour produire de l'hydrogène, il faut de l'électricité parce qu'il faut faire de l'électrolyse.
Il y a en fait deux grandes stratégies de production d’hydrogène vert. Il y a une stratégie qui consiste à aller faire les énergies renouvelables et faire l'électrolyse très loin et réimporter l’hydrogène, un peu comme on le fait le gaz liquéfié. Il y a une deuxième stratégie qui va être le coeur de la nôtre : on va essayer d’en produire beaucoup en France parce qu’on a la possibilité de faire de l’électrolyse et, en plus, de faire de l'électrolyse très décarbonée. Ce que nous devons faire absolument sur l'hydrogène, c'est ne pas répéter les erreurs que nous avons faites sur les énergies renouvelables. On a trop peu investi sur l'offre et la capacité à développer notre filière. On l'a laissé filer ailleurs. On doit développer notre offre industrielle dans l'hydrogène et donc investir massivement dans cette filière. Tout ça nous permettra de décarboner notre industrie, d'alimenter nos camions, nos bus, nos trains, nos avions. Ce qui est une voie absolument formidable. Ce qui fait que d'ici à 2030, la France doit pouvoir compter sur son sol au moins deux giga-factories d'électrolyseurs afin de massivement produire de l'hydrogène et l'ensemble des technologies utiles à son utilisation.
(Attention : l’hydrogène est une illusion entretenue par de puissants intérêts financiers étrangers à l’intérêt général)
En parallèle de ce deuxième grand objectif, nous aurons aussi un objectif d'investissement de plus de 500 millions d'euros dans les technologies de rupture, dans les énergies renouvelables, en particulier les éoliennes, terrestres, en mer et le photovoltaïque. La stratégie d'investissement dans les énergies renouvelables est un point clé pour l'innovation de rupture. C'est ce triptyque, si vous voulez, nucléaire, hydrogène et énergies renouvelables par ses innovations de rupture qui nous permettra de produire différemment de l'énergie et de l'électricité.
(Le Président de la république commet une erreur à plusieurs milliards d’euros en investissant l’argent public des Français dans l’hydrogène et les éoliennes et le photovoltaïque).
Troisième objectif : décarboner notre industrie. Dans notre stratégie pour 2030, nous nous sommes engagés à baisser entre 2015 et 2030 de 35 % de nos émissions dans le secteur.
L’acier, le ciment, les produits chimiques, ce sont les carburants de toutes les grosses industries, ce sont des bases pour notre tissu industriel, on ne peut pas les perdre, mais, on doit continuer de les produire en baissant beaucoup plus rapidement les émissions.
On a commencé à le faire avec France Relance. On va justement accélérer avec la stratégie France 2030 qui consiste à véritablement digitaliser et robotiser pour, là aussi, aller vers une décarbonation de notre industrie.
Au total, ce sont plus de 8 milliards d'euros qui seront investis pour réellement atteindre ces trois premiers objectifs de décarbonation de notre industrie et de financement d'un nouveau mix électrique.
Le quatrième objectif est de pouvoir produire en France, à l'horizon 2030, près de 2 millions de véhicules électriques et hybrides. C'est toujours la même ligne directrice. Nous voulons continuer de produire. Nous croyons en l'industrie et nous savons que nous devons continuer à réduire nos émissions.
Ce que nous ne voulons pas, nous, grandes nations de l'automobile, c’est devenir la nation qui roulera le plus vert avec des voitures qui ne sont plus produites chez nous, ça n'a aucun sens de faire ça. Soyons lucides sur nous-mêmes, les trente dernières années ont été cruelles pour l'industrie automobile française. C'est le fruit d'erreurs de politique industrielle. C'est le fruit de stratégies non coopératives entre les acteurs de l'industrie eux-mêmes.
Ils ont une énorme responsabilité dans cette situation. C'est aussi le fruit d'un choix qui a été longtemps le choix français, d'une sous-compétitivité industrielle. Ça, c'est simple : quand on décide que l’on fait tout payer par le facteur travail, qu'on ne rémunère pas bien le capital, on sous-investit.
On doit réinvestir massivement, aller à fond sur l'industrie automobile de demain. Nous ne referons jamais en France du moyen et haut de gamme en classique.
Tout ça ne marche que s'il y a une vraie stratégie coopérative, en particulier de nos grands constructeurs.
Si nous continuons à investir sur les batteries, le tissu industriel et la montée, justement en modernisation et digitalisation, nous pouvons y arriver. C’est vraiment un objectif que je nous assigne collectivement puisque c’est absolument clé pour beaucoup de nos territoires pour là aussi avoir une stratégie de transition énergétique qui soit cohérente avec la production industrielle.
Le 5ème objectif, c’est produire en France à l’horizon 2030 le premier avion bas carbone.
Nous nous lançons, mais, l'objectif est de l'européaniser au maximum. Sur l'automobile et l'aéronautique, j'assume complètement ici leur place dans cette stratégie. Ce sont deux secteurs qui sont au coeur de l'imaginaire industriel français.
Au total, ce sont près de 4 milliards d'euros qui seront investis sur ces acteurs des transports du futur.
Mieux produire, vous l'avez compris, va véritablement tourner autour de ces cinq grands objectifs.
Le sixième objectif, investir dans une alimentation saine, durable et traçable pour 2030.
C’est de fait la révolution dans laquelle nous sommes, c'est celle numérique, de la robotique, de la génétique, et c'est celle qui nous permettra de continuer à produire pour nous nourrir en améliorant toujours la qualité de notre alimentation, en améliorant notre compétitivité et en baissant les émissions de CO2. Si on ne traite qu'un de ces termes, on ne répond pas à la question. Si on a une transition agricole qui ne règle que le problème de l'émission de CO2 de notre agriculture, c'est simple, on aura moins d'agriculture française, mais on importera plus de produits qui sont faits ailleurs sur des standards qui sont moins bons que les nôtres. C'est ça l'erreur, celle à ne pas faire.
Au total, 2 milliards d'euros, dont des fonds propres, seront consacrés à ces enjeux.
Septième objectif : Mieux vivre, c'est aussi mieux se soigner.
Mais nous avons perdu et reculé sur ce secteur de la santé ces dernières années.
À titre d’exemple, les biotechs. Alors, justement, on a raté pendant plusieurs années cette porte, mais, les résultats sont là et ils sont assez cruels pour nous. Les traitements les plus innovants ont eu tendance à s'inventer ailleurs avec un impact majeur et avec un impact qui peut ensuite, je dirais, croître à la fois sur l'accès aux traitements, mais aussi sur notre capacité même à financer notre modèle.
A travers le plan Santé Innovation 2030, qui est un plan, sur notre santé, pour lequel j'ai, à la fois sur ces nouveaux crédits et ceux du PIA déjà annoncés, décidé d'investir 7 milliards d'euros. Quel est notre objectif ? C'est de nous dire : nous avons la possibilité d’être à la tête sur une médecine plus prédictive, plus préventive, plus innovante et avec un tissu productif davantage fabriqué en France.
La révolution médicale, elle, se fera sur ces critères, c'est-à-dire la convergence des innovations de rupture en santé, mais aussi de la convergence avec le quantique, l'intelligence artificielle et tout ce qui nous permet, là aussi avec l'Internet des objets, de faire converger des familles technologiques qui étaient jusqu'alors séparées. C’est ce qui permet à la fois d'avoir les meilleurs traitements, de répondre aux défis d'un pays vieillissant comme le nôtre qui est celui des maladies chroniques, et de ne pas avoir une explosion de nos dépenses de santé collective.
L'objectif concret que nous devons nous donner d'ici à 2030, c'est d'avoir au moins 20 biomédicaments contre les cancers, les maladies émergentes et les maladies chroniques, dont celles liées à l'âge, et de créer les dispositifs médicaux de demain en France.
Huitième objectif, c'est placer la France en tête de la production des contenus culturels et créatifs.
Mieux vivre, c'est mieux nous nourrir, mieux nous soigner et pouvoir avoir l'imaginaire qui correspond à ce qu’est cet humanisme français. C'est ça la France.
C’est une bataille aussi d'innovations et de ruptures.
Je ne pense pas du tout que ce soit à la puissance publique de développer les industries culturelles et créatives de demain. Mais dans le pays de COLBERT, des manufactures, de MALRAUX, nous avons cette tradition et il faut d'ailleurs l'assumer en la modernisant. Le rôle de la puissance publique est de déclencher des pratiques d'investissement et la création de filières, en tout cas, sa consolidation.
Il s'agit là d'inverser complètement la dynamique telle qu'elle est en train de se jouer aujourd'hui.
On doit accélérer et stimuler en quelque sorte les investisseurs privés,
Enfin, mieux comprendre. Il y a deux objectifs qui me paraissent extrêmement importants, c'est celui de l'espace et des grands fonds marins.
Et quand je parle du marin, nous sommes la deuxième puissance maritime au monde. Et donc on ne peut pas penser la France de 2030 sans penser ces deux espaces, si je puis dire, en tout cas, ces deux reconquêtes.
Notre neuvième objectif dans mieux comprendre, c'est de prendre toute notre part à la nouvelle aventure spatiale.
A court terme, nous avons plusieurs objectifs : les mini-lanceurs réutilisables, qui est un objectif qu'on doit pouvoir atteindre d'ici 2026, mais aussi les micro minisatellites, les constellations de demain et l'ensemble des innovations technologiques et de services qui sont au coeur justement de ce nouvel espace.
Dixième objectif enfin, c'est l'investissement dans le champ des grands fonds marins.
Je ne parle pas d'exploitation à ce moment-là, je parle d'exploration. Mais qui peut accepter que nous laissions en quelque sorte dans l'inconnu la plus complète une part si importante du globe ? Et nous avons dans nos zones économiques exclusives, la possibilité d'avoir accès à ces explorations, qui est un levier extraordinaire de compréhension du vivant, peut-être d'accès à certains métaux rares, de compréhension du fonctionnement de nouveaux écosystèmes, d'innovation en termes de santé, en termes de biomimétisme, etc. Il y a des familles d'innovations derrière, justement l'exploration des grands fonds marins qui est inouï. Et donc, notre volonté est aussi, pour cette France de 2030, d'assumer un investissement de la nation dans le champ des grands fonds marins qui soient la clé là aussi, pour ensuite évaluer les applications possibles et conduire ce cheminement.
Voilà les 10 grands objectifs pour à la fois mieux produire, mieux vivre et mieux connaître le monde de 2030. 10 grands objectifs dont vous voyez bien qu’à chaque fois, l'idée est de retrouver notre indépendance et en quelque sorte, de vivre mieux compte tenu des grands défis du monde que j'évoquais. Je crois qu'avec ces 10 objectifs, si nous arrivons ou à être leader ou à rattraper le retard ou à être dans le peloton de tête, nous pouvons nous dire : la France aura la possibilité de choisir son avenir, apportera une contribution au monde et permettra en quelque sorte de définir ce qu’est ce vivre mieux en choisissant notre destin.
Mais on ne réussira pas tout cela si dans le même temps, nous n'arrivons pas à sécuriser 5 grandes conditions.
La première, ce sont les matières. Tout ce que je viens de dire, en tout cas la plupart de ce que je viens de dire, ne peut pas fonctionner si nous ne sécurisons pas autant que possible l'accès à nos matériaux.
On doit l'accélérer afin de garantir notre approvisionnement en plastiques et métaux et investir dans le recyclage, ce qu'on appelle l'économie circulaire.
Permettre justement soit de moins dépendre, soit de réduire notre dépendance à l'importation sur ces métaux et matériaux. Autre élément clé pour la sécurisation de ces matériaux : la consolidation de la filière bois que nous avons commencé et qui est absolument clé, on le voit, et qui est un élément absolument structurant pour cette sécurisation. Pour pouvoir aussi produire demain nos batteries au lithium ou au nickel, nos moteurs électriques, qui sont faits de terres rares, nos solutions aéronautiques au titane, nous devons non seulement importer ces matériaux très concentrés géographiquement, mais les recycler massivement.
Deuxième élément qui est à sécuriser, ce sont les composants. C'est la deuxième condition qu'on doit remplir si on veut réussir France 2030. L'Europe ne produit plus que 10 % des composants électroniques mondiaux.
Nous voulons être en capacité de doubler notre production électronique d'ici 2030 et de construire une feuille de route vers des puces électroniques de plus petite taille pour rester un des leaders du domaine. Au total, sur nos composants physiques et électroniques, ce sont près de 6 milliards d'euros que nous investissons
La troisième condition, c'est évidemment de maîtriser les technologies numériques souveraines et sûres.
Est-ce que nous aurons un cloud totalement souverain à 5 ans ? Je crois que ce n'est pas vrai de se le dire, parce qu'on a pris beaucoup de retard et parce que la différence d'investissement entre la plaque européenne et américaine, c'est un facteur 10 aujourd'hui chez les acteurs privés. Par contre, on doit sécuriser les briques les plus sensibles.
Nous devons assumer d'avoir aussi des investissements publics au niveau national et européen pour consolider les stratégies que nous avons développée, en particulier dans le quantique, dans le cyber et dans le cloud, pour structurer véritablement les briques technologiques, les éléments les plus sensibles sur lesquels nous avons absolument besoin d'une solution européenne ou française lorsque la solution européenne n'existe pas.
Quatrième condition pour y arriver, ce sont les talents. Il y a dans France 2030 un investissement massif de 2 milliards et demi d'euros pour nos talents. Pourquoi ? Pour permettre d'accélérer la formation sur des nouvelles filières, d'accélérer la formation.
Puis le cinquième point, c'est le capital. Il n'y a pas de révolution industrielle et pas de France 2030 si on n'arrive pas à mener cette révolution du capital, alors elle a commencé. Nous avons profondément changé la fiscalité sur le capital en rendant plus attractif l'investissement en France. Et on voit les résultats. Nous sommes redevenus les plus attractifs d'Europe. Ce qui nous permet d'avoir de plus en plus de startups et de PME qui deviennent des ETI et qui deviennent des champions
Il faut beaucoup, beaucoup d'argent très vite au même endroit. Et si on perd la bataille avec l'industrialisation qui se fait ailleurs, souvent, on perd le marché avec. Or, un démonstrateur industriel, ce sont plusieurs dizaines de millions d'euros pour une start up et donc on change tout de suite d'échelle. Et donc c'est pourquoi, dans le cadre de ce plan France 2030, cinquième point sur lequel je voulais insister en préconditions dont nous voulons nous doter, c'est une stratégie en investissement, en capital qui est l'investissement dans la Deeptech et dans les start-ups industrielles. Et donc, Bpifrance, structurant là aussi un fonds de fonds et l'ensemble des acteurs du domaine, comme elle l'a très bien fait d'ailleurs pour les autres domaines que nous avons choisi depuis plusieurs années, sera en charge de ce programme.
L'objectif, c'est quoi ? C’est de permettre à des start-ups qui sont dans les premières phases, d'industrialiser très vite leur innovation et de monter en un temps le plus rapide possible leur prototype, leur démonstrateur industriel et donc de pouvoir avoir un investissement de 20, 30, 40, parfois 50 millions d'euros. La réconciliation entre les start-up et l'industrie. C'est ce qui est en train de se passer, mais il faut pouvoir l'accélérer.
L'objectif que nous devons avoir en 2030 est d'avoir au moins 100 sites industriels par an, qui émergeront ainsi dans le cadre de cette Deeptech. Il nous faudra également accélérer dans ce cadre la croissance de ces entreprises à un niveau européen. Et l'idée, c'est de démultiplier ce qu'on a fait au niveau français, au niveau européen. Au total, ce sont près de 5 milliards d'euros, dont 3 milliards en fonds propres, que nous sommes prêts à injecter pour la croissance de nos écosystèmes de recherche et d'innovation en la matière.
Voilà les 5 conditions clés si on veut tenir nos 10 objectifs sur lesquels je voulais insister.
Alors, pour conclure, un mot de méthode pour arriver à tout ça.
L'ambition est là, 30 milliards d'euros pour 2030, auxquels s'ajoutent des fonds propres. Il s'agit d'argent que nous lèverons sur les marchés et qui sera sanctuarisé. Ne pas confondre l'investissement d'avenir avec les investissements courants.
Il y a des choix qui, à un moment, sont politiques. Il faut les assumer.
C'est le choix d'une nation et ils sont démocratiques.
Le plan France Relance va s'accompagner d'une stratégie allemande.
Elle a commencé, le cycle démocratique allemand n'est pas le même, mais il est important qu'il y ait une synchronisation de nos approches et que ce plan soit au maximum européen. Je pense que c'est très important. Nous avons tous nos spécificités, nos différences. Elles doivent s'enrichir. Il y aura des éléments de compétition, c'est normal, de la même manière qu’il y a de la compétition en francofrançais, mais nous devons au maximum créer des synergies entre Européens, car la vraie compétition est entre grandes puissances planétaires. Et donc, nous nous coordonnerons, nous nous associerons et je souhaite que la présidence française soit un élément de ces deux structurations.
(Il serait souhaitable que l’Allemagne ne joue pas contre la France…)
Ensuite, ce plan doit commencer vite. C'est pourquoi, dès le 1er janvier 2022, les premiers crédits seront budgétés avec une cible de 3 à 4 milliards d'euros.
C'est début 2022 que sera présenté en quelque sorte la manière de structurer le suivi de ce plan. Et je le fais à dessein et je vais vous le dire, instruit à la fois par l'expérience des dernières années et la conviction profonde qui est la mienne aujourd'hui. D'abord parce qu'on doit absolument garder ce que vous me permettrez d'appeler un « esprit commando ». Le grand risque que nous avons une fois qu'un tel plan est donné par le président de la République, je le dis pour l'avoir vécu, c'est que les acteurs en place disent : l'argent est là pour moi, je le reprends et au fond, vous ne financez pas vraiment la rupture. Ils financent les habitudes. Et donc, il nous faut créer les bonnes incitations et les bons anticorps et la bonne gouvernance pour être sûr que cet argent, il va être avec les acteurs existants, et qu’il puisse y avoir le bon niveau de concurrence, d'évaluation et de transparence.
Et donc qu'on est une équipe assez unie qui permette avec nos administrations de pouvoir piloter cela avec quelques principes simples.
Le premier, la simplicité.
Je pense qu'avec le temps, on a sédimenté beaucoup de structures. Nous allons tous être lucides sur nous-mêmes. Il y a beaucoup de commissions, de secrétariats, d'organismes, etc. Nous avons un modèle français du pilotage, de la recherche, de l'innovation et du développement industriel qui n'est plus adapté.
Simplification de l'organisation du pilotage de France 2030, simplification des procédures.
Deuxième point qui va avec, c'est la rapidité. C'est pour ça que je veux des crédits vite.
On met 4 à 5 fois plus de temps à avoir les crédits qu'ailleurs.
Mais faire de la bonne science avec 6 mois de retard, ça ne sert à rien. Si ailleurs, à l'autre bout de l'océan, des gens ont investi beaucoup plus fort, beaucoup plus vite sur les concurrents.
Il faut accepter de parier très vite sur des premiers projets, de leur permettre très vite même de se tromper. Mais la rapidité du premier investissement est clé.
Troisième élément clé, faire confiance à l'émergence.
Tout le monde est en train de se dire “Est-ce que l'argent va bien aller pour moi ?”
Si on part comme ça, on a déjà perdu.
Quels sont nos points forts ? On a le CAC40 - c'est un gros mot en France - on a un tissu de grands groupes industriels.
On a un problème, l'innovation de rupture ne se fait plus dans les grands groupes et la valeur ne se crée plus dans les grands groupes. Ce n'est pas une offense, c'est une réalité.
Nous avons besoin d'un premier élément de coopération, c'est de considérer qu’il faut accepter de financer vite et de manière simple l'innovation où elle est. Et donc je ne sais pas dire aujourd'hui quel pourcentage ira à des grands groupes ou à des plus petits. Je sais simplement dire qu'il faut qu'elle puisse aller à des startups, des PME, des ETI, et qu'il faut qu'on ait à peu près quand même au moins 50% qui aille à ces acteurs-là.
La capacité à faire confiance à l'émergence, elle passe aussi par les politiques d'achat. Et là je parle pour l'Etat comme pour les grands groupes. Si nous avons des politiques d'achat qui ne sont pas cohérentes avec ce que je viens de dire du côté des grandes administrations publiques, des collectivités locales et des grands groupes français, tout ce que je viens de dire n’adviendra pas. Et donc dans la feuille de route que je donne aussi à l'équipe commando, c'est d'intégrer nos politiques d'achat.
La coopération entre les acteurs d'un même écosystème est clé.
Ce n'est pas de la naïveté, c'est de l'intérêt bien compris.
Dernier élément, c'est la prise de risque. Ce que nous devons accepter, c'est la prise de risque massive. Et donc je le dis tout de suite pour purger les débats et soulager les acteurs, il y aura beaucoup d'échecs derrière les dix objectifs que j'ai donnés. Il faut qu'il y ait beaucoup d'échecs. La seule chose qui est nécessaire, c'est qu'à chaque fois qu'il y a un échec, il puisse être le plus rapide et le moins coûteux possible. C'est ça ce que nous devons réussir. Sortons d'une habitude prise qui consiste à dire l'échec est un drame.
Il faut se mettre en situation de les avoir fait émerger vite, de leur avoir donné les moyens, d'avoir été coopératifs pour faire émerger les nouveaux acteurs, et d'avoir éliminé le plus vite possible nos échecs pour pouvoir rebondir.
Voilà les quelques points de méthode qui, comme vous le voyez, correspondent à une petite révolution culturelle pour nous tous.
Je suis en train de vous parler d'un rêve faisable si on s'en donne les moyens. Je crois profondément dans le moment que vit notre pays en sortie de crise. D'abord parce qu'il y a une accélération du monde et des transformations qui l’exige, et ensuite parce que je pense que nous ne devons céder ni à un court-termisme qui fait perdre tout sens à l'action publique, ni à une vision de long terme qui, en quelque sorte, nourrirait une forme de défaitisme.
Je crois dans un volontarisme lucide.
Mais tout le monde a une part à y jouer : les étudiants ici présents, les chercheurs, les enseignants, les entrepreneurs, les investisseurs, les fonctionnaires, les responsables politiques, tout le monde dans sa part. Si nous nous mettons en quelque sorte tous en ligne pour dire “La France doit redevenir une grande nation qui choisit son destin et qui apporte sa contribution au monde pour mieux vivre face à ces défis.” On commençait avec des défis qui pouvaient avoir quelque chose d’accablant, je crois que nous pouvons terminer avec quelque chose qui relève du rêve possible, de l'ambition faisable, en tout cas de celle que je veux que, collectivement, nous nous donnions à nous-mêmes pour notre nation.
Reprendre en main notre destin énergétique
Belfort le 10 février 2022
Il est des choix qui engagent la nation sur le temps long, plusieurs décennies, parfois un siècle et les choix qui concernent l'énergie, l'investissement dans les infrastructures énergétiques qui permettent à nos compatriotes de vivre, se chauffer, se déplacer, produire sont de cela.
Il n'y a pas de production industrielle stable s’il n'y a pas une énergie stable aux prix les plus compétitifs. Il n'y a pas de transition énergétique et climatique s'il n'y a pas une décarbonation de l'énergie produite, en particulier notre électricité.
Et il est difficile de préserver le pouvoir d'achat des ménages et la compétitivité des entreprises quand on ne maîtrise plus cela. Nous voyons la fragilité de modèles économiques lorsque l'on est dépendant des autres pour produire son énergie.
Mais si l'on veut prévenir ces chocs conjoncturels, alors il nous faut bâtir une stratégie au long cours, moins dépendante des cours mondiaux.
C'est pourquoi les choix que nous prenons et assumons aujourd'hui engagent la nation, avec des conséquences très concrètes sur la vie industrielle, la vie de nos compatriotes, et qu'ils ne peuvent pas se prendre dans la précipitation, qu'ils ne doivent pas non plus être le fruit de débats uniquement politiques, parfois politiciens.
Si nous voulons tout à la fois respecter nos engagements climatiques, c’est-à-dire je le rappelle, baisser de 55 % nos émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 par rapport à 1990, et atteindre la neutralité carbone en 2050, réduire notre dépendance à l’étranger pour nos besoins énergétiques, là où deux tiers de notre énergie est actuellement d'origine fossile, et donc importée. Si nous voulons assurer, comme nous le faisons depuis maintenant quelques années, le développement industriel de notre pays. Je rappelle que depuis 2019, nous recommençons à recréer de l'emploi industriel, là où, dans notre pays, pendant 12 ans, on en avait détruit. Et si nous voulons enfin maîtriser la facture d'énergie des Français, nous avons l'obligation d'engager sans attendre des chantiers structurants et historiques pour préparer l'avenir.
Ces chantiers cultivent une ambition forte : faire en 30 ans de la France, le premier grand pays du monde à sortir de la dépendance aux énergies fossiles, et renforcer notre indépendance énergétique industrielle dans l'exemplarité climatique. En quelque sorte, reprendre en main notre destin énergétique et donc industriel.
Le premier grand chantier est de consommer moins d'énergie. En d'autres termes, gagner en sobriété.
En effet, le défi est connu. Nous devons en 30 années être capables de baisser de 40 % nos consommations d'énergie.
Je suis d'ailleurs toujours étonné que parfois, celles et ceux qui mènent le combat contre l'austérité budgétaire plaident pour l'austérité énergétique, voulant en quelque sorte priver nos jeunes ou nos enfants de ce que toutes les générations avant eux ont eu le droit de consommer. Ça n'est pas par la décroissance, ça n'est pas par la restriction qu'on arrivera à économiser ces 40 %, et à réduire ainsi nos consommations d'énergie.
C'est par l'innovation, c'est par la transformation de nos processus industriels, de nos pratiques, par des choix d'investissements, là aussi, de la nation. Il nous faut faire, en quelque sorte, le choix de changer de modèle tout en continuant à produire et pour une raison simple, la force de notre modèle social, dont nous avons vu la pertinence durant cette crise, ne serait pas soutenable si nous ne continuons pas de produire davantage. Qui propose de produire moins m'expliquera comment, à ce moment-là, on pourra protéger plus ?
La rénovation des logements est un des leviers extrêmement importants pour consommer moins d'énergie.
MaPrimeRénov’, qui pour la seule année passée, a permis à 650 000 de nos compatriotes de pouvoir ainsi faire ces économies d’énergie, et donner, ce faisant, du travail à toute une filière industrielle et d’entreprises françaises.
C’est ce que nous faisons en mutant progressivement le parc automobile, pour qu’il soit, là aussi, moins gourmand en énergie fossile. Demander aux 1 million de bénéficiaires de la prime à la conversion et du bonus électrique, qui depuis 2017, ont fait le choix d’une voiture peu consommatrice ou électrique.
Ce faisant aussi, par cohérence, nous bâtirons enfin la filière industrielle indispensable, en particulier dans les batteries électriques qui manquait à la France. Et ces dernières années ont permis de consolider 3 grands sites de batteries électriques avec deux autres régions qui sont au coeur de cette stratégie, en particulier Hauts de France et Grand-Est.
C'est pourquoi, nous croyons et nous développons, par des projets annoncés dès avant la crise, consolidés par France Relance et au coeur de France 2030, la filière hydrogène.
(L’hydrogène(L’hydrogène sera une réussite technique mais un échec économique et un gouffre financier dont l’argent pris dans les poches de tous les Français ne sera pas perdu pour tout le monde…)
Le projet de gigafactory, d'électrolyseur développé par McPhy bénéficiera bien d'un soutien de l'Etat à hauteur de 114 millions d'euros.
A Allenjoie du côté de Faurecia, nous accompagnerons à hauteur de 246 millions d'euros le projet permettant de construire une usine de réservoirs d'hydrogène nécessaire pour les mobilités.
Notre grand enjeu aujourd'hui est de poursuivre ce mouvement de réduction de nos consommations, par l'innovation, par ces grandes filières que je viens d'évoquer et d'intensifier ces efforts qui permettent tout à la fois de construire des filières industrielles et donc de l'emploi, et de consolider pour nos compatriotes des gains de pouvoir d'achat pertinents. Pas par des privations, mais en les accompagnant à changer de pratique et à consommer moins.
Le deuxième chantier structurant, chantier du siècle si je puis dire, que nous aurons à conduire dans les décennies qui viennent est de produire davantage d'électricité décarbonée, car même si nous baissons de 40 % nos consommations d'énergie, la sortie du pétrole et du gaz à horizon de 30 ans implique que nous remplacions une part de la consommation d'énergie fossile par de l'électricité.
L'hydrogène industriel ne sera plus fabriqué à partir de gaz, mais par électrolyse. Les hauts fourneaux à charbon seront remplacés par des fours électriques pour produire de l'acier bas carbone, comme ArcelorMittal, par exemple, va le faire à Dunkerque et à Fosse.
Oui, le monde de demain sera plus électrique. Nous devons être en mesure, je reprends là aussi les chiffres qui ont été produits par nos experts, nous devrons être en mesure de produire jusqu'à 60 % d'électricité en plus qu'aujourd'hui.
(Ajouter 60% aux 500 TWh, produits aujourd’hui à 70% avec 62 GW de puissance nucléaire installée, aboutit à 800 TWh en 2050 !
Et ces 300 TWh supplémentaires seront produits avec quoi si seulement 14 réacteurs nucléaires EPR2 ont été construit (23 GW) et que tous les autres réacteurs (62 GW) ont été fermés après 50 ans ou 60 ans de fonctionnement ?...).
Et la clé pour produire cette électricité de manière la plus décarbonée, la plus sûre, la plus souveraine est justement, d'avoir une stratégie plurielle, celle que nous avons choisi sur la base de ces travaux et de développer tout à la fois les énergies renouvelables et le nucléaire. Car oui, quand on lit rigoureusement ce qu'expliquent les experts, ils montrent très bien l'impasse des stratégies uniques. Certains prétendent qu'il est possible d'y parvenir en développant uniquement le solaire et l'éolien. D'autres prétendent qu'il faut miser à 100 % sur l'énergie nucléaire et qu'on pourrait arrêter tous les projets de solaire et d’éolien en France. Aucun expert ne dit que de ces deux schémas sont réalistes, sérieux, possibles pour la nation. La réalité est ce que nous montre au contraire l'étude de RTE, c'est que nous n'avons d'autre choix que de miser en même temps sur ces deux piliers. C'est le choix le plus pertinent d'un point de vue écologique et le plus opportun d'un point de vue économique et enfin le moins coûteux d'un point de vue financier.
(C’est absolument faux ! Parmi ces deux piliers, aucun ne serait capable de répondre seul au besoin électrique. L’un qui est aléatoire et intermittent (l’éolien et le soleil) nécessite un coûteux renforcement du réseau d’électricité et de ruineux stockages d’électricité), l’autre (le nucléaire) ne sera pas disponible en quantité suffisante (peut-être seulement 25 GW en 2050) pour assurer la production les nuits sans vents).
C'est donc pour cela que c'est le choix que nous allons poursuivre.
D'abord, développer massivement les énergies renouvelables tout simplement parce que c'est le seul moyen de répondre à nos besoins immédiats en électricité, là où il faut 15 ans pour construire un réacteur nucléaire et donc à très court terme si on veut continuer d'accompagner l'électrification de nos pratiques, ces besoins que j'évoquais, il nous faut accroître notre capacité à produire du renouvelable en étant conscient que ça reste une source d'énergie intermittente et donc qu'elle n'est pas substituable aux sources d'énergie stable.
La base de la lutte contre le changement climatique est donc la levée de toutes les barrières réglementaires à partir du moment où les projets sont acceptés localement. C'est donc ce que nous ferons.
Comment atteindre ensuite l'objectif de doublement de la production issue des énergies renouvelables électriques d'ici 2030 et comment l'augmenter encore d'ici 2050 ? C'est le défi posé par RTE. D'abord, en partant là aussi d'un constat ; c'est que ces énergies renouvelables sont devenues rentables et compétitives.
(C’est faux en prenant en compte les coûteux moyens nécessaires pour pallier la production erratique : centrale à gaz d’appoint, stockages dans des batteries ou autres moyens, renforcement des réseaux d’électricité, nécessité d’un double parc pour assurer une production correspondant en permanence besoin les nuits sans vent).
Et la situation d'aujourd'hui est très différente d'il y a encore 5 ou 6 ans. Elles ont cette faiblesse, je l'ai évoqué, qui est d'être intermittente. C'est pour ça que nous allons aussi continuer d'investir dans les projets de recherche fondamentale et technologique pour développer toutes les techniques de stockage de l'énergie qui permettront, un jour, de changer profondément notre organisation collective et d'être aussi des sources complémentaires de production d'une électricité non intermittente.
(Donc le Président fait le pari du saut de la France dans le vide sans parachute en espérant que la technologie du stockage non résolue depuis un siècle le sera « un jour » dans les 30 ans à venir pour amortir la chute).
Mais nous devons avoir une stratégie très précise sur chaque énergie renouvelable. En priorité, le solaire - parce qu'il est moins cher et qu'il s'intègre plus facilement dans le paysage - fera l’objet d’un effort particulier.
(Faux. Le solaire photovoltaïque est la plus chère des énergies renouvelables et aussi la plus subventionnée).
D’ici 2050, nous multiplierons par près de 10 la puissance installée pour dépasser 100 gigawatts, en veillant à un juste équilibre entre les installations en toiture et celles au sol. Là aussi, soyons pragmatiques.
Sur le solaire ; si nous savons adapter les capacités à développer des projets sur les emprises commerciales, si nous optimisons nos déploiements sur les emprises d’État, en particulier militaire, si nous développons les projets dans l’agri-photovoltaïsme, dont nous sommes en train de finaliser les règles et qui seront une source de revenus complémentaires pour nos agriculteurs, nous avons la capacité de déployer ces projets de manière harmonieuse.
(Donc, « l’agri-photovoltaïsme » sera un moyen détourné de subventionner les agriculteurs avec « un revenu complémentaire » provenant de l’argent public. Pourquoi pas, mais pourquoi le masquer ?)
Il y a 20 ans de cela, l'Europe, par naïveté ou par fatalité, a laissé à d'autres continents le soin de produire les technologies et les filières industrielles, qui étaient derrière ce déploiement. C'est là aussi au coeur des investissements de France 2030 et des projets que nous menons avec la Commission européenne.
J’aurais l'occasion, les 10 et 11 mars prochain, d'avoir un échange avec plusieurs confrères sur ce sujet lors du sommet exceptionnel qui se tiendra en France.
Ensuite, l'éolien en mer sera développé pour viser de l'ordre de 40 gigawatts en service en 2050, soit une cinquantaine de parcs éoliens en mer. Dès cette année, nous mettrons en activité le premier parc éolien en mer au large de Saint-Nazaire.
Mais il nous faut prendre en compte toutes les parties prenantes, évidemment : les sujets paysagers, l'intérêt des pêcheurs, les questions de biodiversité pour réussir à préserver nos ressources halieutiques, les activités, les écosystèmes marins et le développement des énergies renouvelables contribuant à la transition énergétique.
Nous ne pouvons, enfin, dans cette trajectoire, nous passer d'éoliennes terrestres.
Il est possible de concilier développement de l'éolien et protection de nos paysages, de notre patrimoine naturel comme culturel. D'abord, en étant raisonnable dans les objectifs, en étant conscient que nous en avons très peu développé, beaucoup moins que nos voisins allemands et espagnols, beaucoup, beaucoup moins.
Ensuite, en étant raisonnable sur nos objectifs. C'est pourquoi ce qui avait été fixé à horizon 2030, nous allons l'étaler dans le temps. Mais il faut garder un cap. Continuer à avoir là aussi une filière qui se développe et la puissance installée, qui est de 18,5 gigawatts à fin 2021, sera doublée d'ici à 2050.
(Donc, 37 GW en 2050 qui seront toujours aléatoirement variable, et qui parfois ne produiront presque rien les jours sans vent de forte demande d’électricité).
Ce n'est donc pas un doublement en 10 ans qui est demandé, comme nous l'avions initialement considéré.
Et accompagner tous ces projets aussi, avec une fiscalité qui rend ces projets encore plus intéressants pour nos élus locaux, comme nous avons d'ailleurs su le faire avec d'autres énergies à travers le temps. Là aussi, je crois que sur ce sujet, il nous faut redonner de la clarté, un cap, apaiser les débats, savoir regarder où sont les conflits, certains sont légitimes, d'autres non, et concilier notre transition climatique, notre souveraineté énergétique, et la préservation de nos paysages, du bien-être de nos compatriotes, et de notre patrimoine culturel.
Je n'oublie pas dans ce nouveau mix d'énergies renouvelables, nos barrages hydroélectriques, qui font la richesse de nos vallées et dans lesquels nous allons continuer d'investir. Et je veux ici être clair, tout en gardant la pleine maîtrise, et en évitant les mises en concurrence.
Je n'oublie pas non plus les réseaux d'énergie qui devront être adaptés pour raccorder ces nouvelles installations, ainsi que les énergies renouvelables thermiques comme les biocarburants, la biomasse, le biogaz, qui seront indispensables pour remplacer le gaz ou le pétrole, que l'électricité ne saura prendre en charge. C'est nécessaire à l'heure où les tensions sur le marché du gaz fossile sont au plus haut. Et nous devons en particulier réussir à accroître la part du gaz renouvelable pour viser 10 % en 2030. Sur tous ces sujets, je prends ici un engagement, celui de ne pas refaire les erreurs commises depuis 20 ans, et de retrouver notre souveraineté industrielle.
Nous avons d'ores et déjà plus de 100 000 emplois en France, qui participent de l'effort de la Nation pour les énergies renouvelables.
Pour cesser de subventionner l'importation de solutions renouvelables venues de l'étranger, France 2030 consacrera un milliard d'euros à l'innovation sur les énergies renouvelables. Les prochaines technologies pour les panneaux solaires et les éoliennes flottantes seront ainsi françaises et européennes.
Ensuite, pour augmenter la production électrique nationale d'ici 2050, il nous faut reprendre le fil de la grande aventure du nucléaire civil en France. À ceux qui affirment que nous n'aurions pas besoin de nucléaire, je veux exposer la situation en toute transparence. Imagine-t-on une France où il y aura d'ici 30 ans, 40 000 éoliennes au lieu de 8 000 aujourd'hui, et 90 parcs éoliens offshore quand notre pays a mis 10 ans pour en faire un ? Imagine-t-on une France avec des campagnes qu'il serait impossible de préserver compte tenu de l’effort que cela représenterait. Imagine-t-on une France totalement dépendante en termes d’énergie non intermittente et devant réimporter à des coûts prohibitifs une énergie carbonée, puisque c’est cela ce que serait une France si on ne réinvestirait pas dans le nucléaire civil. C’est cela que les partisans de la sortie du nucléaire proposent aujourd’hui aux Français, ce qui n’est pas sérieux. Nous avons, en France, la chance, grâce à la vision du Général DE GAULLE, prolongée par le président POMPIDOU, grâce à l’excellence de ce bien commun qui est notre entreprise nationale EDF, à Marcel BOITEUX et à tous ceux qui lui ont ensuite succédé, grâce aussi à l’ensemble des agents, de celles et ceux qui ont construit, bâtit ce savoir-faire et l’ont développé, grâce aussi à toutes les filières qui, partout sur le territoire ont pu accompagner cet effort historique, dans toutes les entreprises de notre pays, de pouvoir compter sur une industrie nucléaire forte, riche de savoir-faire et de centaines de milliers d'emplois. Cette chance, nous devons la saisir.
Notre niveau inégalé de sûreté de contrôle garantit une production d'électricité bas carbone en toute sûreté. C'est ce qui justifie notre confiance dans cette énergie. La décennie passée a été marquée par un doute international sur le nucléaire ; une période de glaciation suite, évidemment, aux terribles événements, à Fukushima. Certaines nations ont fait des choix radicaux dans cette période, de tourner le dos au nucléaire. La France n'a pas fait ce choix. Elle a résisté, mais elle n'a pas réinvesti parce que ce doute était là, les difficultés étaient là. La filière nucléaire française a connu elle-même, j'y reviendrai, sa propre crise liée aux ruptures du temps passé.
Ce que nous avons à bâtir aujourd'hui, parce que c'est le bon moment, parce que c'est ce qu'il faut pour notre nation et parce que les conditions sont maintenant réunies, c'est la renaissance du nucléaire français. Sur la base des travaux de RTE et de l'Agence internationale de l'énergie, j'ai pris deux décisions fortes.
La première est de prolonger tous les réacteurs nucléaires qui peuvent l'être sans rien céder sur la sûreté. Ce sont des choix éclairés par l'expertise et par la science. S’il est nécessaire d'être prudent sur la capacité à prolonger nos réacteurs, je souhaite qu'aucun réacteur nucléaire en état de produire ne soit fermé à l'avenir compte tenu de la hausse très importante de nos besoins électriques ; sauf, évidemment, si des raisons de sûreté s'imposaient. Si les premières prolongations au-delà de 40 ans ont pu être effectuées avec succès depuis 2017, je demande à EDF d’étudier les conditions de prolongation au-delà de 50 ans.
La seconde décision : compte tenu des besoins en électricité, de la nécessité d’anticiper aussi, la transition, la fin du parc existant qui ne pourra être prolongé indéfiniment, nous allons lancer dès aujourd’hui un programme de nouveaux réacteurs nucléaires. Nous avons tiré les leçons de la construction d’EPR en Finlande, où il est aujourd’hui achevé, et en France à Flamanville. EDF a engagé avec la filière nucléaire la conception d’un nouveau réacteur pour le marché français, l’EPR2, qui présente des progrès significatifs par rapport à l’EPR de Flamanville. Plusieurs audits externes ont également été conduits par l’État pour s’assurer de l’état de préparation de la filière. Ils seront rendus publics.
Je souhaite que six EPR2 soient construits et que nous lancions les études sur la construction de 8 EPR2 additionnels. Nous avancerons ainsi par pallier.
(C’est un bon début mais ce louable effort tardif qui aurait dû être commencé 10 ans plus tôt ne suffira pas à assurer l’avenir de la production française d’électricité en 2050 comme indiqué précédemment, car il manquera plusieurs dizaines de GW de puissance pour répondre au besoin de 800 TWh annoncés par le Président lui-même).
Concrètement, nous allons engager dès les semaines à venir les chantiers préparatoires : finalisation des études de conception, saisine de la commission nationale du débat public, définition des lieux d’implantation des trois paires, montée en charge de la filière.
Une large concertation du public aura lieu au second semestre 2022 sur l’énergie, puis des discussions parlementaires se tiendront en 2023 pour réviser la programmation pluriannuelle de l’énergie. Nous visons le début du chantier à l’horizon 2028, pour une mise en service du premier réacteur à l’horizon 2035. Ce délai de mise en œuvre justifie aussi la nécessité de prolonger nos réacteurs actuels et de développer les énergies renouvelables. Ce choix nous devons le faire aujourd’hui pour donner à EDF et à toute la filière la visibilité qui s’impose et là-aussi, pour tirer toutes les leçons du passé. Car quand des ruptures arrivent, quand la visibilité n’est plus là c’est à ce moment qu’il y a des ruptures de charge, c’est à ce moment qu’il y a des pertes de compétences, c’est à ce moment que nous prenons des risques. Par ce choix de la Nation au long cours nous nous donnons aussi les moyens de préserver nos compétences nos savoir-faire ; chez EDF bien sûr mais dans toute la filière, dans toute la filière pour garantir l’excellence qu’est la nôtre, dont nous avons en partie d’ailleurs dû rebâtir ces dernières années.
À côté de ces EPR, un appel à projets sera soutenu à hauteur d’un milliard d’euros par France 2030 et sera lancé pour faire émerger des petits réacteurs modulaires (les fameux SMR que nous évoquions là aussi tout à l’heure) mais aussi des réacteurs innovants permettant de fermer le cycle du combustible et de produire moins de déchets. Pour 500 millions d’euros, ce seront des projets portés par EDF NUWARD et il y aura aussi 500 millions d’euros pour des projets ouverts sur les réacteurs innovants que j’évoquais à l’instant.
Je suis convaincu que la France a les moyens de porter une telle révolution dans le nucléaire, avec des réacteurs en rupture. Je fixe un objectif ambitieux mais à la mesure de l’intensité de la compétition dans le secteur : construire en France un premier prototype d’ici 2030.
Ce nouveau programme pourrait conduire à la mise en service de 25 gigawatts de nouvelles capacités nucléaires d’ici 2050.
(En plus des 23 GW des 14 EPR 2 annoncés pour 2050, ou au global ?)
Ces projets, vous l’avez compris, viennent en complémentarité mais n’enlèvent rien à visibilité que je donnais à EPR 2 qui sont de toute façon nécessaires et s’inscriront avec les deux paliers que j’évoquais. Mais, ils nous permettront là-aussi de continuer à améliorer notre innovation technologique, à améliorer la sûreté, à réduire les déchets, à aller vers la fermeture du cycle de même que nous continuerons l’ensemble des projets de recherche ITER Cadarache, toutes les autres solutions, les projets conduits par le CEA, dans toutes ses composantes.
Mesdames et Messieurs, pour mettre en œuvre ces décisions, les conditions réglementaires, financières et d’organisation de la filière et de l’État doivent être réunies.
Au sein de l’État, une direction de programme interministérielle dédiée au nouveau nucléaire sera créée pour en assurer le pilotage, coordonner les procédures administratives, s’assurer du respect des coûts et des délais des chantiers.
EDF construira et exploitera les nouveaux EPR. Cette entreprise nationale de souveraineté qui est notre bien commun pourra compter sur le soutien de l’État pour sa solidité dans les mois, les années, les décennies qui viennent et pour mener à bien ce projet d’une ampleur inégalée depuis 40 ans et le faire dans les meilleures conditions financières et opérationnelles. Sur les plans financier et réglementaire, des financements publics massifs de plusieurs dizaines de milliards d’euros seront engagés afin de financer ce nouveau programme, ce qui permettra de préserver la situation financière d’EDF et de développer l’ensemble de la filière. La décision prise par la Commission européenne sur la taxonomie énergétique qui, comme le GIEC, classe l’énergie nucléaire comme énergie bas carbone est à cet égard extrêmement importante car elle facilitera aussi les financements de ces projets. C’est d’autant plus important qu’EDF traverse une période difficile liée notamment aux difficultés opérationnelles rencontrées sur le parc nucléaire. Et, comme nous l’avons fait ces dernières années en mobilisant en six ans plus de 10 milliards d’euros pour le renforcement du bilan de l’entreprise, l’État prendra ses responsabilités pour sécuriser la situation financière d’EDF et sa capacité de financement à court et à moyen terme, autant que pour lui permettre de poursuivre sa stratégie de développement rentable dans le cadre de la transition énergétique. J’ajoute que nous mettrons en œuvre, en accord avec la Commission européenne, une nouvelle régulation de l’électricité nucléaire (en remplacement de l’ARENH) afin que les consommateurs français, ménages et entreprises, puissent bénéficier de prix stables, proches des coûts de production de l’électricité en France. C’est indispensable pour que nous puissions tirer tous les bénéfices de l’investissement historique de la Nation et de l’investissement que nous sommes en train d’acter.
Enfin, reprendre le contrôle de notre destin énergétique, ce n’est pas seulement ne plus dépendre des importations d’énergies fossiles, c’est aussi maîtriser en France les savoir-faire indispensables et disposer des éléments critiques pour la production d’énergie nucléaire. C’est asseoir la souveraineté énergétique sur une souveraineté industrielle. Cela nécessite de poursuivre l’intégration de la filière énergétique sur une souveraineté industrielle. Cela nécessite de poursuivre l’intégration de la filière initiée il y a six ans, actée il y a quatre ans.
Cet effort avec le rapprochement d’EDF et de Framatome, est aujourd’hui un succès reconnu de tous. Nous franchissons aujourd’hui, tous ensemble, une nouvelle étape. Et je veux ici féliciter l’ensemble des équipes, des services qui ont permis ces dernières semaines avec vous toutes et tous et ces dernières heures pour les derniers détails de finaliser l’accord qui a été trouvé entre EDF et General Electric pour reprendre les activités liées au nucléaire de General Electric, notamment les activités de maintenance ou de fabrication des turbines Arabelle, compétence unique dont nous sommes fiers de disposer en France et tout particulièrement ici, à Belfort. Ces turbines équiperont les EPR2 que nous construirons. Elles garantiront à la France le plein contrôle de cette technologie. Elles garantiront aussi à tous nos grands partenaires industriels – russes et d’autres nationalités – la fiabilité, la force de notre offre industrielle.
Il y a des moments où la cohérence implique des choix nationaux, c’est ce que nous avons fait aujourd’hui, parce que seul l’État peut donner une visibilité à plusieurs décennies et assumer de porter cette visibilité et de rebâtir la cohérence de ce chaînage en quelque sorte et retrouver le sens profond qui est le nôtre. Et donc, je veux ici aussi vous remercier toutes et tous de cet esprit de résistance que vous avez porté et de la volonté qui a été la vôtre, mais à ce moment même, je veux aussi envoyer un message de confiance et d'engagement pour toute la filière du nucléaire français, pour tous ces savoir-faire et pour notre jeunesse. Sur beaucoup de ces métiers, quels qu'ils soient, les métiers les plus technologiques jusqu'aux métiers les plus industriels, nous avons des besoins, nous avons des besoins d'ingénieurs, nous avons des besoins en sidérurgie, en chaudronnerie et dans bien d'autres secteurs que notre jeunesse s'y engage car nous devons les pourvoir ces besoins industriels sur nos territoires. Il y a aujourd'hui des offres d'emplois et il continuera d’y en avoir et par les choix de la nation aujourd'hui exprimés, il y en aura dans la durée. Et donc avec confiance, engageons nos jeunesses dans toutes ces filières industrielles qu'il y a derrière nos grands choix d'innovation, vers la transformation de nos véhicules, vers la modernisation de nos logements, vers le renouvelable et vers le nucléaire. Ce sont des filières d'avenir dans lesquelles nous allons continuer de former encore davantage et dans lesquelles nous continuerons de créer de l'emploi, car ces filières sont au coeur de la stratégie de la nation.
La France par la stratégie dont elle se dote fait le choix du progrès, de la confiance en la science, en la technologie et en la raison. La France fait le choix du climat en se donnant les moyens d’atteindre ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’être l’une des plus grandes nations à sortir de sa dépendance aux énergies fossiles. La France fait le choix de l’industrie et de l’emploi : car nous parlons là, uniquement au sujet de l’EPR2, de 220 000 emplois préservés, poursuivis, renouvelés et de plusieurs dizaines de milliers d’emplois créés. La France fait le choix aussi du pouvoir d’achat mais avec une vraie stratégie, car à terme, le nucléaire et les énergies renouvelables fourniront une énergie moins chère et à l’abri des turbulences des marchés. La France, Mesdames et Messieurs, fait le choix résolu de son indépendance et de sa liberté.