Parlez-vous la Novlangue des énergies renouvelables ?
Par Michel Gay
« On vit une époque formidable ! » aurait-dit l’humoriste Reiser. Certains mots changent subrepticement de sens jusqu’à exprimer l’opposé du sens initial, notamment dans le domaine des énergies renouvelables. C’est la Novlangue de la transition énergétique, cet instrument de contrôle des esprits et de destruction intellectuelle popularisé par Georges Orwell dans son roman « 1984 ».
Il en est ainsi, par exemple, des mots « renouvelable », « complémentaire », « parité réseau », « production variable », « énergie non carbonée ».
Renouvelable
C’est peut-être le mot le plus galvaudé et le plus mal compris en parlant d’énergie.
Aucune énergie n’est éternellement renouvelable. Rien ne se crée, tout se transforme, même le soleil et le vent (qui dépend du soleil). Il faudrait s’entendre sur la durée. Le soleil cessera ses réactions nucléaires dans 5 milliards d’années et l’uranium nécessaire pour produire de l’électricité dans un réacteur nucléaire sera encore disponible sur terre dans 10.000 ans.
Pourquoi l’un serait-il appelé renouvelable et pas l’autre à l’échelle humaine ?
Les composants des panneaux solaires et des éoliennes venant essentiellement d’Asie sont-ils renouvelables ?
En revanche, les éoliennes et les panneaux photovoltaïques en eux-mêmes sont… « renouvelables » car ils sont périmés tous les 20 ans, et il faudra les changer pour en remettre des nouveaux !
Complémentarité
Le discours officiel du gouvernement affirme qu’il y a complémentarité entre les sources d’énergies que sont le nucléaire et les renouvelables intermittentes.
La stratégie d’EDF (CAP 2030) publiée à l’automne 2016 s’inscrit dans cette ligne : « Rééquilibrer le mix de production en accélérant le développement des énergies renouvelables, en garantissant la sûreté et la performance du nucléaire existant et du nouveau nucléaire ».
Deux moyens de production sont complémentaires s’ils satisfont le même besoin et peuvent se substituer l’un à l’autre en cas de défaillance de l’un d’eux.
Ainsi les réacteurs nucléaires sont bien complémentaires les uns des autres dans la mesure où la mise à l’arrêt d’un réacteur peut être immédiatement compensée par une augmentation de la puissance fournie par le reste du parc.
De même, le nucléaire pourra faire varier sa puissance et ainsi pallier les conséquences de l’intermittence du vent et du soleil.
En effet, la moitié du parc des réacteurs nucléaires français aujourd’hui est capable d’ajuster en 30 minutes jusqu’à 80% de la puissance fournie, à la hausse comme à la baisse et peut donc aussi s’adapter à une consommation d’électricité variable suivant les heures de la journée.
Cette flexibilité du nucléaire français facilite l’intégration des énergies renouvelables intermittentes dans le réseau. L’Académie des sciences (confirmant ainsi des études conduites par EDF) estime que l’intégration de 30 % de renouvelables dans le mix électrique est techniquement possible. Mais elle ne dit pas un mot sur les conséquences économiques de cette intégration massive.
Mais la complémentarité ne joue que dans un sens !
Le nucléaire est effectivement complémentaire de l’éolien et du solaire, comme le sont l’hydraulique et le thermique à flamme (gaz, pétrole et charbon) pour compenser leurs productions fatales.
Mais l’éolien et le solaire ne sont en aucune manière complémentaires du nucléaire ! Ils sont « supplémentaires » (en trop) car leur production pourrait être aisément assumée par l’énergie nucléaire plus décarbonée que l’éolien et le solaire !
Les jours de grand vent et de soleil, les sources intermittentes (qui ont la priorité d’accès au réseau) peuvent conduire à une baisse de la production nucléaire décarbonée. Évoquer la complémentarité pour justifier le développement des EnRI conduit à de graves malentendus car leur production supplémentaire est inutile et ruineuse pour la collectivité.
Les EnRI représentent aujourd’hui quelque 9 % du mix électrique. Selon la programmation du gouvernement (PPE), en 2028, elles devraient représenter 15%, et 40 % en 2035.
En Allemagne, lorsque la demande est faible et qu’il y a du vent et du soleil, les propriétaires d’éoliennes peuvent être obligés de déconnecter leurs machines tout en restant rémunérés pour l’électricité qu’ils n’ont pas produite (et donc pas pu vendre) pour éviter que les prix de marché ne deviennent négatifs.
La parité réseau
Le coût de production de l’électricité éolienne et solaire, bien qu’encore plus élevé que la production nucléaire, baisse de façon spectaculaire en étant parti de très haut.
Les promoteurs de ces énergies proclament ainsi qu’elles ont atteint la « parité réseau », c’est à dire qu’elles sont au même prix que l’électricité vendue sur le réseau…. transport et taxes inclus. Et bien sûr, sans prendre en compte les coûts importants de l’intermittence (stockages, centrales thermiques pilotables de secours,…) !
Mais cette expression de la Novlangue veut faire croire que ces énergies renouvelables seraient au même prix que le nucléaire et que, par conséquent, elles seraient économiquement prêtes à prendre la relève... ce qui est faux !
Production « variable »
La production de sources intermittentes d’électricité est effectivement « variable », comme l’est la demande. Mais les promoteurs des énergies renouvelables affirment que les gestionnaires de réseaux ont déjà l’expérience de gestion de l’intermittence.
Par conséquent, l’injection aléatoire d’électricité dans le réseau ne devrait pas leur poser de problème particulier…
En fait, la tricherie intellectuelle vient de ce que les ordres de grandeur ne sont pas du tout les mêmes !
Les variations de la production intermittente sont beaucoup plus intenses, brutales et aléatoires que celles de la consommation, ce qui complique beaucoup la gestion jusqu’à la rendre parfois impossible.
Cette intermittence (ou production fortement variable…) est le plus souvent ignorée par les journalistes qui lors de l’inauguration d’un parc éolien ou d’une ferme solaire, annoncent sans sourciller le nombre de ménages « alimentés » en divisant la production totale annuelle (incluant des absences de productions) par la consommation moyenne des ménages.
Ainsi, « tel parc éolien alimentera une ville de 25.000 habitants »…
Et même le jour où des moyens de stockage de l’électricité seront développés à l’échelle des problèmes et à des coûts raisonnables, les arguments ci-dessus resteront encore valables car ces coûts viendront s’ajouter à une production déjà deux à trois fois plus chères.
Énergie non carbonée
L’Union européenne préfère parler d’une électricité « renouvelable » ou « verte », termes qui ne veulent rien dire, plutôt que « non carbonée »… car ce terme pourrait favoriser le nucléaire.
Pourtant, même le Groupement international d’experts sur le climat (le GIEC est une émanation de l’Organisation des Nations unies) confirme dans son nouveau rapport du 6 octobre 2018 (le fameux « résumé pour les décideurs ») que le nucléaire fait partie de la solution pour limiter le réchauffement climatique. Il l’avait déjà écrit dans son précédent rapport présenté le 27 septembre 2014.
La Novlangue permettra encore longtemps d’idéaliser les énergies renouvelables et de diaboliser le nucléaire pour spolier une population crédule… et manipulable.