Procrastination énergétique

Par Michel Gay

La baisse inéluctable de production des hydrocarbures (tôt ou tard) et l’augmentation prévisible de leurs coûts placent les responsables politiques face à deux obligations contradictoires les conduisant à repousser sans cesse les véritables décisions :

1) produire de plus en plus d'énergie pour répondre aux besoins croissants d'une population mondiale en augmentation,

2) diminuer en même temps la consommation des énergies fossiles qui pourvoient aujourd'hui à plus de 80% de la demande mondiale (82% en 2021).

Quelles sources d’énergies favoriser ?

L'énergie nucléaire, la biomasse (tant qu’elle est renouvelée à l’identique) et l'hydraulique n'émettent pas ou peu de gaz à effet de serre. Ces sources d’énergie s'imposent comme les principaux moyens à développer pour résoudre cette contradiction.

Mais nos élus semblent avoir des difficultés à reconnaître cette réalité et repoussent sans cesse la prise de décision.

En effet, l'énergie nucléaire est diabolisée par les antinucléaires en exacerbant les peurs naturelles de la population et en soulignant exagérément sa dangerosité, parfois par idéologie, souvent par méconnaissance.

A l'inverse, les énergies renouvelables intermittentes (EnRI) telles que l'éolien et le solaire sont politiquement séduisantes pour faire croire facilement que le monde pourra vivre de vent, de soleil, d’amour et d’eau fraîche. Mais ces EnRI ont leurs limites, souvent minimisées, voire occultées, et constituent des leurres pratiques mais ruineux et dangereux pour la paix sociale. Leur présentation, souvent mensongère, fascine une partie de la population qui a tendance à les diviniser, à les magnifier, et à leur accorder des capacités qu'elles ne possèdent pas. Et le réveil sera brutal et douloureux.

Le potentiel théorique de production du vent et du soleil est certes considérable : en une journée, le soleil envoie suffisamment d'énergie sur la terre pour satisfaire les besoins de l'humanité pendant plusieurs années. Mais c'est une énergie « diluée » aléatoirement variable, voire intermittente, nécessitant de gigantesques moyens (éoliennes et panneaux photovoltaïques) pour en récupérer une infime partie.

Les EnRI affichent donc des capacités théoriques flatteuses, mais les contraintes d'exploitation (techniques, écologiques, économiques) ramènent leur contribution à des niveaux modestes, et elles sont mêmes souvent nuisibles

Foisonnement et hésitation

Le foisonnement et la diversité des projets, souvent spectaculaires, ne doivent pas non plus être perçus comme la garantie d'une production abondante et de solutions à portée de main. Cet affichage peut faire illusion alors que cette contribution à la production d'énergie reste minime (quelques pourcents).

La biomasse, utilisée principalement sous forme de bois et de déchets végétaux par les populations les plus pauvres pour la cuisson et le chauffage, reste l'énergie renouvelable la plus importante (10% de la consommation mondiale). Mais elle ne mérite le qualificatif « renouvelable » que si elle ne provoque pas de déforestation, sinon le CO2 émis lors de sa combustion ne sera pas réabsorbé par une végétation renouvelée.

Son utilisation s'est élargie vers le chauffage de réseaux commerciaux et vers les agro-carburants pour les véhicules. Mais cette énergie se heurte à des problèmes d'espace en mobilisant des surfaces cultivables au détriment des surfaces alimentaires, notamment pour sa transformation en agro-carburant nécessitant une quantité d’énergie parfois presque égale à celle obtenue en retour. Ce mauvais bilan énergétique pose problème.

L'hydraulique est la seconde énergie renouvelable la plus productive (2,4% de la production mondiale d'énergie). Les projets de barrages en Chine et au Brésil pourraient porter la production à 2,8% de la consommation mondiale en 2030 selon l'Agence internationale de l'énergie.

Toutes les autres énergies renouvelables confondues (éolien, solaire, géothermie, …) représentent environ… 1% de la production mondiale d'énergie !

Leur boulimie d'espace, leur coût et leur production aléatoire, voire intermittente (soleil, vent), rendent leur exploitation impossible au-delà d’environ 20% du besoin mondial.

Une limite à 20% d’EnRI ?

Ces énergies sont adaptées à des sites isolés, ou peuvent servir de complément à des systèmes pilotables de production massive à base d’énergies… fossiles. Dans ce cas, les EnRI permettent d'économiser du gaz et du charbon en diminuant leur consommation, comme en Allemagne, lorsqu'il y a du vent et/ou du soleil.

L'Agence internationale de l'énergie (AIE) prévoit que toutes les énergies renouvelables (incluant le bois et l'hydraulique) pourraient représenter autour de 20% de la production mondiale d’énergie en 2030.

Sauf révolution technologique improbable (les lois fondamentales de la physique sont cruelles), les EnRI n'apporteront au bilan énergétique mondial qu'une faible contribution, nettement insuffisante pour se substituer aux énergies fossiles.

Les énergies renouvelables sont pourtant sacralisées par une partie de l'opinion publique qui, éblouie, n’en voit plus leurs limites.

Les économies d'énergie, la sobriété, et le rationnement, ne sont pas non plus une panacée, surtout si elles sont forcées par des lois ou par une situation devenue catastrophique.

Le nucléaire en sauveur

Les perspectives s'améliorent pourtant lorsque le nucléaire est appelé en renfort, ce qui explique l'intérêt suscité actuellement pour cette énergie dans de nombreux pays (Chine, Brésil, Inde, Russie, Etats-Unis, Grande-Bretagne, Afrique, et Moyen-Orient).

En Europe, le 24 octobre 2007, le Parlement européen a voté une résolution établissant que l'énergie nucléaire « est indispensable pour couvrir les besoins énergétiques de l'Union Européenne à moyen terme ».

Le Parlement européen invitait à « développer, les réacteurs nucléaires de nouvelle génération » et rappelait également :

- « le rôle de la fission nucléaire dans la sécurité de l'approvisionnement »,

- « l'importance de la plateforme technologique pour une énergie nucléaire durable, lancée en septembre 2007, dans l'établissement d'un agenda stratégique européen de recherche sur la fission nucléaire »,

- et que « l'Europe est leader des technologies de l'énergie de fission nucléaire ».

Fin de la procrastination énergétique ?

Le temps de la procrastination perpétuelle et des expédients apaisants et fallacieux, comme les éoliennes et les panneaux photovoltaïques, approche de sa fin. Les conséquences néfastes des indécisions et des mauvaises décisions apparaîtront de plus en plus clairement. La fin des illusions et l’heure des réalités douloureuses arrivent.

La procrastination actuelle et passée consiste à reporter à demain les décisions courageuses pour un développement massif et durable (avec la quatrième génération) du nucléaire. La réussite de la transition énergétique vers un monde sans charbon, ni gaz, ni pétrole, doit passer par une prise de conscience collective de la nécessité du nucléaire.

Pour succéder aux énergies fossiles, il n’existe pas d’autres solution en France, en Europe, et dans le monde, qu’un développement massif et durable du nucléaire dans tous les pays ayant une base industrielle.



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