Comprendre la transition énergétique mondiale... vers le nucléaire
Par Michel Gay
Pour convaincre les citoyens du monde avec des arguments techniques que la transition énergétique vers le nucléaire est une nécessité morale, il faut être conscient de leur capacité de compréhension. Leur intelligence n’est pas en cause mais ils sont souvent « intoxiqués » par une désinformation systématique et continue des grands médias, notamment sur le nucléaire, et ils ont peu de temps disponible pour trier « le bon grain de l’ivraie ».
Les panneaux photovoltaïques
La production annuelle d’électricité d'une centrale nucléaire composée de deux réacteurs de 1300 mégawatts électriques (MWe) représente environ 18 milliards de kilowattheures (kWh), soit 18 térawattheures (TWh). Son implantation au sol est équivalente à celle d'une zone commerciale d’un kilomètre carré (km2).
Dans de « bonnes » conditions[1], un panneau photovoltaïque (PV) fournit une puissance d'environ 100 W/m2 (de jour, vers midi en milieu d’année quand le soleil brille, ...) et produit environ 120 kWh par an.
Pour atteindre cette production annuelle de 18 TWh, 150 millions de mètres carrés (m2) de PV au minimum seraient nécessaires, soit plus de 30.000 hectares, soit 300 km2 (à cause des espacements dus à l'ombre portée) ou encore un carré de 17 km de côté. Et cette production erratique, de jour uniquement aurait un coût prohibitif.
En effet, pour répondre en permanence au besoin (donc aussi de nuit et l’hiver), de gigantesques stockages d’énergie ruineux seraient nécessaires (batteries, barrages, eau chaude, …)
Sur le plan national, pour atteindre avec les PV (mais de manière intermittente) les 360 TWh d'électricité produite de manière stable et pilotable par les 56 réacteurs nucléaires (bientôt 57 avec l’EPR de Flamanville) fonctionnant actuellement en France (61,3 GW de puissance installée), environ 600.000 hectares de panneaux photovoltaïques seraient nécessaires, soit un carré d'environ 77 km de côté (6000 km2).
Pour mémoire, il y avait 58 réacteurs et 63 GW de puissance installée avant la fermeture idéologique des deux réacteurs de la centrale de Fessenheim en 2020 pour des raisons de basse politique électorale (le parti socialiste voulait rallier le parti écologiste en lui faisant plaisir).
Malgré cette absurdité physique et économique, quelques élus, par idéologie, ou pour attirer sur leur commune une pluie de subventions par opportunisme électoral, gaspillent l'argent public pour construire des « fermes (?) solaires et éoliennes », inaugurées par de beaux discours et des banquets.
Les éoliennes
La puissance délivrée par une éolienne est divisée par huit[2] lorsque la vitesse du vent est divisée par deux (elle est aussi multipliée par huit lorsque la vitesse du vent double). L'éolien fournit donc une puissance électrique éminemment variable et aléatoire, voire intermittente lorsque le vent cesse.
Pour fournir aléatoirement et par « bouffée » la même quantité d'électricité annuelle que nos 56 réacteurs nucléaires (400 TWh), plus de 100.000 éoliennes[3] de 2 MW (150 mètres de haut) seraient nécessaires. En comptant 20 immenses éoliennes par kilomètre carré, la surface implantée représenterait environ 5000 km2, soit un carré d’environ 70 km de côté.
Le problème des « bouffées » de puissance les jours de grand vent se pose également. Cette puissance « intempestive » pourrait atteindre… 220 GW alors que le besoin français varie de 30 GW en été, à 90 GW en hiver. Que faire de cet immense surplus ponctuel d'électricité non stockable et que le réseau ne pourrait pas exporter… à des pays dotés de PV et d’éoliennes et qui se trouveraient confrontés aussi au même problème d’exportation ?
Le nucléaire redémarre
La volonté des « Verts » de destruction du nucléaire est un sabotage technico-idéologique délibéré de la société occidentale « de consommation » tandis que le nucléaire redémarre partout dans le monde.
Tôt ou tard, notamment quand l’Allemagne sera revenue de son erreur « verte », le nucléaire repartira en Europe aussi, peut-être alors avec des réacteurs américains, russes, chinois, ou même coréens.
Dans quelques années, la folie verte sera confrontée à la réalité économique et sociale mondiale.
Qui se rappellera alors les contorsions pitoyables de l'Allemagne prétendant vendre à l’Europe de l’électricité renouvelable qui, en réalité, provient surtout du lignite et du gaz (60% de leur production) ?
Qui se souviendra alors des simagrées de ceux qui, encore aujourd'hui, font semblant d'y croire ?
La véritable transition énergétique mondiale : les réacteurs surgénérateurs
L’utilisation intelligente et rationnelle des ressources en uranium passe par le développement des réacteurs surgénérateurs qui permettront de transformer complètement l'uranium naturel en combustible. Cette particularité augmentera ainsi considérablement les ressources disponibles de combustibles d’un facteur 100 (!) par rapport aux réacteurs actuels tout en éliminant une partie des déchets (en brûlant notamment les déchets dits transuraniens).
Pour ces surgénérateurs, les réserves mondiales aujourd'hui connues d’uranium sont déjà de 3000 ans pour subvenir au besoin de chaleur et d’électricité de la population terrestre. En France, les réserves sont déjà de plus de 7000 ans…
La seule vraie transition énergétique passe par la surgénération nucléaire d'abord avec de l'uranium, puis avec du thorium encore plus abondant sur terre.
Mais la France en sera absente si elle persiste à se fourvoyer sur le chemin de la baisse du nucléaire et du développement de l'éolien et du photovoltaïque aléatoires et intermittents.
Pire encore, elle risque de dépendre de plus en plus des importations d'énergie fossile pour compenser le manque de production nucléaire et les intermittences des énergies renouvelables.
Pour mémoire, dans la nuit du 10 au 11 octobre 2014, l’Assemblée nationale fortement réduite (35 députés) avait voté en catimini la réduction du nucléaire à 50 % de la production... en 2025 ! Un député avait bien déposé amendement pour supprimer ce paragraphe. Il a été rejeté. Les écologistes avaient dormi dans la salle pour être présents alors que les autres (la plupart) étaient partis. Résultats du vote : 11 voix pour l’amendement, 24 contre : terminé.
Ces objectifs de réduction de la part du nucléaire avaient été insérés dans le code de l'énergie par la loi du 17 août 2015 avec une échéance à 2025, portée à 2035 par la loi énergie-climat du 8 novembre 2019.
Faut-il encore s'étonner de la défiance de plus en plus manifeste des Français envers les élus de la République ?
Heureusement, presque 10 ans plus tard, revenus tardivement de leur erreur, d’autres députés ont voté la suppression inique de cette limite ubuesque à 50%. À l'initiative du Sénat, la loi du 22 juin 2023 (relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires) a heureusement actualisé « dans le bon sens » la planification énergétique : elle a supprimé l'objectif de réduction à 50% de la part du nucléaire dans le mix électrique à l'horizon 2035 ainsi que le plafonnement de la capacité de production nucléaire à 63,2 gigawatts.
Il faut dire la vérité !
La France se dote depuis plus de 10 ans d'énergies renouvelables intermittentes dont elle n'a aucun besoin et qui coûtent des sommes considérables aux consommateurs (plusieurs dizaines de milliards d'euros par an).
Les 56 réacteurs actuels produisent ces dernières années en moyenne 360 térawattheures (TWh) chaque année, et ils pourraient produire davantage s’ils n’étaient pas obligés par la loi de s’effacer devant les productions des éoliennes et des PV. Le parc hydroélectrique fournit environ 60 TWh. Et, pour la stabilité du réseau, le recours épisodique aux centrales "fossiles" (gaz et charbon) fournit environ 30 TWh.
Ces trois sources assurent donc 450 TWh par an à un coût faible au regard des autres pays.
Or, la consommation nationale annuelle d’électricité est stabilisée à environ 470 TWh depuis plusieurs années (crise, efficacité énergétique, et économies). Il en résulte que la France a seulement besoin de moderniser ses centrales nucléaires existantes et d'en construire des neuves pour prévoir la succession.
La France s'est pourtant récemment couverte d'éoliennes et de panneaux photovoltaïques pour des raisons idéologiques et politiques. Et elle continue, en prévoyant d'installer des éoliennes en mer (« off-shore ») qui accroîtront la facture des consommateurs et des contribuables de dizaines de milliards d'euros… pour rien !
Ces dépenses inutiles et folles profitent aux promoteurs et à des idéologues « verts » déclarant paradoxalement agir au nom de l'intérêt général, alors que ces derniers sont nuisibles à la nation et destructeurs d'emplois.
De plus, en France, les productions intermittentes des énergies renouvelables ne réduisent pas les émissions de CO2 car elles se substituent souvent au nucléaire… qui n'émet pas de CO2.
Elles nécessitent aussi :
- la construction de nouvelles centrales à gaz polluantes, ou leur maintien comme en Allemagne, pour pallier les brusques variations de leurs productions ;
- le renforcement du réseau de transport d'électricité, ce qui ajoute un empilement de coûts supplémentaires ;
- l’importation de l'étranger (Danemark, Espagne, Allemagne, Chine, …) des éoliennes et PV qui accroissent le déficit commercial en France au détriment des emplois.
Il faut dire la vérité ! Ce développement catastrophique des énergies renouvelables, notamment l'éolien et le photovoltaïque, témoigne de la disparition du bon sens au sein de nos sphères dirigeantes qui ont favorisé une situation qui conduit les Français « dans le caniveau. »
Plutôt CO2 ou plutonium (qui n’est pas un déchet) ?
« Je préfère le CO2 au plutonium ! » déclarait un militant antinucléaire dans une réunion. Il préférait la consommation d’énergies fossiles et les effets du réchauffement climatique à la production de déchets nucléaires dans lesquels il incluait, par erreur, le plutonium qui n’est pas un déchet puisqu’il est séparé et réutilisable.
Le plutonium formé dans les réacteurs nucléaires est déjà partiellement utilisé dans certains réacteurs actuels. Il produit même plus d’un tiers de notre production d’électricité nucléaire si bénéfique à notre confort et à notre survie.
Il sera réutilisé complètement en boucle dans les futurs réacteurs surgénérateurs. Ce recyclage (si prisé par ailleurs par les écologistes…) aura pour effet de diminuer les émissions de CO2 puisque l'électricité produite par le plutonium perpétuellement recyclé dans le combustible se substituera aux énergies fossiles carbonées.
Le même militant s’exclamait : « On fabrique des déchets que les générations futures devront traiter pendant des milliers d’années ». Ce qui est faux.
Avec le recyclage du plutonium et le stockage des déchets en couche géologique profonde, les « générations futures » seront préservées et, de surcroit, le plutonium sera pour eux une bénédiction.
Le plutonium 239 « naturel » a été produit dans les explosions d’étoiles il y a plusieurs milliards d’années et a aujourd’hui disparu car sa période de désintégration n’est « que » de 24 000 ans.
Il a cependant été reproduit naturellement sur terre (à Oklo, au Gabon) dans une réaction nucléaire spontanée il y a deux milliards d’années, mais il a de nouveau disparu.
Que faut-il bannir ?
Les produits « naturels » sont, pour la plupart toxiques, voire mortels (comme la digitaline ou certains champignons comme l’amanite phalloïde).
D’autres sont bénéfiques comme la pénicilline qui est une moisissure naturelle.
Si le plutonium était à bannir car « produit par l’homme », alors la liste des éléments à bannir serait longue….
Certains éléments utilisés en radiothérapies (cobalt 60, iridium 192, …) n’existent pas non plus à l’état naturel. Ce sont des sous-produits de la fission de l’uranium. Ils sont pourtant utiles en radiothérapie pour soigner certains cancers. Sans réacteur nucléaire, pas de radiothérapie.
Devrait-on se passer du nucléaire qui diminue la consommation d’énergies fossiles (donc aussi de CO2) et qui augmente l’espérance de vie de la population au motif qu’il ne serait pas « naturel » ?
En attendant le thorium dans un siècle ou plus, le nucléaire actuel, incluant le plutonium, ne sauvera peut-être pas le monde à lui seul, comme l’a annoncé Le New York Times le 6 avril 2019, mais il y participera sûrement.
Le nucléaire est l’avenir de l’homme
Le plutonium issu de l’uranium, bien géré au niveau mondial, constituera la principale source d’énergie qui dispensera progressivement l’humanité d’utiliser du charbon, du gaz, et du pétrole pour produire de l’électricité et de la chaleur.
Le nucléaire intelligent réutilisant en boucle le plutonium, puis le thorium, est l’avenir de l’homme. C’est une nécessité morale.
[1] Au niveau du sol, le flux solaire théorique est d'environ 750 W/m2 (Watts par mètre carré) à l’équateur, à l’équinoxe et à midi. Le rendement de conversion en électricité est compris entre 10% et 20% (20% est un rendement obtenu en laboratoire). Ce flux est établi pour une surface perpendiculaire à l’axe terre-soleil et dépend évidemment de la latitude et de la saison.
[2] P = RoSV3. La puissance (P) d'une éolienne est égale à la densité de l'air (Ro) multipliée par la surface balayée par les pales (S) et par le cube de la vitesse du vent (V).
[3] 2 MW x 1900 heures x 100.000 = 380 TWh