La belle entourloupe de l’Hyperloop

Par Michel Gay

Elon Musk est un génie, y compris pour faire prendre des vessies pour des lanternes. Depuis 10 ans, en s’appuyant sur sa réussite fulgurante (Tesla, SpaceX), il a réussi le tour de force de faire investir des centaines de personnes et des start-ups dans l’avenir du train « révolutionnaire » à très grande vitesse Hyperloop (plus de 1000 km/h) circulant dans un tube partiellement sous vide d’air.

Mais l’objectif d’Elon Musk n’était peut-être que de faire rêver avec l’argent… des autres, c’est-à-dire le nôtre au travers des impôts et des taxes (la SNCF a aussi investi 80 millions d’euros (M€) dans cette belle folie en 2016, la métropole de Toulouse 5,5 M€, et la Région Nouvelle-Aquitaine 2 M€).

Un dur retour à la réalité

Tout avait commencé en 2013, avec la publication par Elon Musk du célèbre « Alpha Paper », un document de 52 pages « open source » dans lequel le milliardaire avait décrit son idée « enthousiasmante ».

Or, lui et ses collaborateurs s’étaient concentrés sur des points faciles à résoudre, tout en ignorant les obstacles techniques importants. La rentabilité a aussi été largement sous-estimée.

L’Alpha Paper d’Elon Musk tenait plus du projet étudiant ou d’une lettre au Père Noël que d’une étude technico-économique solide.

Les rêveurs et les petits malins à la recherche de projets subventionnés ont sauté sur l’occasion en ignorant les difficultés résultant des lois de la physique, notamment faire circuler des passagers dans un tube presque sous vide (un millième (1 millibar) de la pression atmosphérique sur terre qui est de 1000 millibars).

L’Hyperloop était censé être un véhicule durable, ultrarapide et efficace composé de capsules en aluminium maintenu en l’air par un système de lévitation magnétique dans de longs tunnels à basse pression. Le concept séduisant devait transformer profondément l’industrie des transports.

Cependant, il avait déjà été imaginé par Jules Verne en 1891 qui, lui, vendait clairement du rêve dans ses livres, et le projet « Swissmetro », proposé en 1974 et abandonné en 2009, ressemblait aussi déjà à celui d’Elon Musk.

Logiquement, 10 ans et 450 millions de dollars plus tard, l’emballement initial a vécu devant les déconvenues techniques. Les milliers d’emplois vantés sur le papier se sont évaporés. Les tunnels n’en sont encore qu’au stade d’ébauche et la startup « Hyperloop One », qui promettait de révolutionner les transports, est officiellement morte le 31 décembre 2023.

Arrêt total

Cette saga industrielle rocambolesque, qui a coûté cher, a fait fantasmer pendant une décennie un public restreint qui veut du rêve et pas des études compliquées.

Il fallait alors penser autrement, être disruptif, s’ouvrir l’esprit, sortir de sa zone de confort, ce dont se moque la physique. Et quelques-uns se sont pris dans la figure le mur de la réalité qu’ils voulaient franchir allègrement au cri de « la technologie progresse, on va trouver bientôt, ayez confiance… ». Il reste de jolies animations en musique sur écran et des images, c’est-à-dire rien.

Certains estiment encore aujourd’hui que cette gabegie financière était justifiée parce que l’idée avait un potentiel, et qu’il aurait été dommage de ne pas essayer.

Pour d’autres incorrigibles, l’Hyperloop a simplement émergé trop tôt… ou trop tard, dans un contexte économique défavorable au développement de cette technologie. Il est difficile d’affronter la réalité et la physique.

C’était prévisible… et prévu !

Bien sûr certains penseront qu’il est facile de dire après coup, maintenant que l’argent a été dilapidé, que ce projet était une idiotie, et que c’était prévisible dès le départ car il n’est jamais possible de s’affranchir des lois de la physique. Mais le besoin de rêver et l’effet d’aubaine permettant de créer des « pompes à fric » auront été les plus forts, tout comme pour le développement aberrant des éoliennes et autres panneaux photovoltaïques.

Les fonds publics permettent aussi, hélas, à des politiciens de faire vivre un petit monde d’obligés pendant « un certain temps » grâce à des subventions accordés. Puis, quand le soufflé retombe, ce petit monde de profiteurs s’éparpille, ferme les start-ups, et recommence ailleurs pour vendre du rêve aux naïfs sur un autre projet bien emballé dans une belle animation.

Ainsi, certains font toute une carrière sur du vide, du vent, du rien, tant qu’il y a des subventions et de l’argent à prendre.

Ce projet d’Elon Musk était peut-être destiné uniquement à torpiller le TGV en Californie en le faisant passer pour ringard afin de mettre en péril les transports publics et californiens et de mieux vendre ses voitures Tesla.

Au final, cet Hyperloop est un immense flop, un « hyper loupé », une escroquerie technico-intellectuelle. L’entourloupe de l’Hyperloop aura quand même duré… 10 ans et englouti en pure perte des centaines de millions d’euros, principalement d’argent public. Chapeau l’artiste !

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