Le mirage ruineux du stockage massif d'électricité

Par Michel Gay

Les annonces d’un possible stockage d’électricité à l’échelle d’un pays sont des leurres destinés à faire croire que les productions erratiques de l’éolien et du photovoltaïque peuvent être lissées et maîtrisées pour favoriser leur couteux développement subventionné par l’argent public des contribuables.

L’énergie électrique (des électrons en mouvements) ne se stocke pas directement (sauf en faible quantité dans un laboratoire dans un supraconducteur vers moins 250°C). Il faut passer par l’intermédiaire d’un autre moyen (chimique, gravitaire, inertiel, chaleur, compression,…).

Les moyens de stockage d’électricité sont nombreux sous diverses formes (batteries, hydrogène, méthanation, volants d’inertie, compression de gaz,…), mais pour en stocker de grandes quantités à l’échelle des besoins d’un pays comme la France, tous ces moyens sont de ruineuses élucubrations !

La gravité !

Un seul moyen de stockage d’énergie se distingue de tous les autres : la gravité.

Des pompes électriques remontent de l’eau du bassin inférieur vers le bassin supérieur d’un barrage, pendant les heures creuses, c'est-à-dire lorsque la demande de consommation est la plus faible. Ensuite, en faisant tourner des turbines lors de sa redescente par gravité, la force hydraulique produit de nouveau de l’électricité, en temps voulu, et selon la demande, fournissant ainsi une énergie à haute valeur ajoutée.

C’est le seul moyen qui permet un « stockage » d’électricité massif (mais toutefois limité face au besoin) avec un bon rendement (70%), et sans émettre de CO2.

Ce Système de Transfert d’Energie par Pompage (STEP) est le plus mature et le plus compétitif des moyens de « stockage d’électricité », loin devant tous les autres. Il représente actuellement … 99% des capacités de stockage dans le monde.

Mais la plus belle femme du monde ne peut donner que ce qu’elle a…

L’hydroélectricité en France

La France possède le deuxième parc hydraulique en Europe derrière la Norvège, et loin devant la Suisse (deux fois plus de production).

L’hydroélectricité représente environ 12% de la production d’électricité selon les années, et elle ne produira guère davantage. Les meilleurs sites sont déjà occupés et les habitants des vallées potentiellement exploitables ne sont généralement pas d’accord pour déménager… Et dans certains sites favorables isolés, il faut protéger la libellule « Bidule », ou le castor « Hector », ou combattre une violente frange écologiste contestataire (retenues de Sivens et autres).

La puissance cumulée de tous les barrages hydroélectriques installés (environ 2300 installations) est de 25 gigawatts (GW) sur les 130 GW installés en France.

Si tous les barrages de lac et d’éclusés étaient pleins, ils pourraient assurer pendant… environ 5 heures (au mieux) moins d’un tiers seulement (soit environ 20 GW) du besoin moyen annuel (qui est de 60 GW). Cet « appel de puissance » (comme disent les spécialistes) varie de 30 GW au creux de l’été, à plus de 100 GW lors des pics de consommation au début de certaines soirées d’hiver.

Puis la puissance fournie décroitra rapidement vers moins de 7 GW (environ 10% du besoin national) qui est la puissance de centrales hydroélectrique au fil de l’eau, quand il y a beaucoup d’eau. Et puis… c’est tout.

Ensuite, il faudra attendre que les barrages se remplissent de nouveau avec l’eau des précipitations (ce qui peut prendre plusieurs semaines ou mois) et « recharger » les STEP. Ce qui peut prendre aussi… un certain temps (entre une journée et une semaine selon l’électricité disponible).

En effet, la puissance électrique qui peut être « aspirée » par les STEP, puis restituée à la demande, est de seulement 5 GW en France (un peu moins en pompage).

La puissance des STEP ne permettrait donc de stocker qu’une faible partie de la production des EnR intermittentes.

Par ailleurs, les volumes des réservoirs STEP actuelles limitent les durées de pompage et de restitution à environ 5 heures. De telles durées sont incompatibles avec les productions éoliennes et photovoltaïques qui peuvent être fortes ou faibles durant des périodes excédant largement la semaine.

De plus, la quantité d’énergie ainsi stockée est de seulement 100 gigawattheures (GWh).

Or, la production journalière moyenne en France est d’environ 1400 GWh (elle varie de moins de 1000 GWh à plus de 2000 GWh).

Les 6 principales STEP françaises produisent seulement 6000 GWh par an, soit environ 4 jours de production du parc électrique complet ou 5 jours de production du parc nucléaire...

Dans le monde

La Norvège est le seul pays dont l’électricité est fournie à 100% par son hydraulique, avec quelques inconvénients. Mais c’est un pays peu peuplé (moins de 6 millions d’habitants, soit moins que la région Auvergne-Rhône-Alpes qui en compte 8 millions) et bien doté en sites propices.

Tout comme la Suisse qui dispose de nombreuses centrales hydroélectriques (dont la puissance est pourtant deux fois moindre que la France).

Cette dernière « jongle » avec ses barrages à accumulation et ses STEP pour « accumuler » de l’électricité nucléaire française (et éolienne allemande) lorsque les prix du marché sont bas afin de la revendre au prix fort à ses voisins (particulièrement l’Italie) le matin et en début de soirée selon les besoins.

Ce « trafic » malin, et utile à tous, lui rapporte environ un milliard d’euros par an (comme la France), même si, globalement, elle produit autant d’électricité qu’elle en consomme, répartie en 60% hydraulique et 40% nucléaire (approximativement).

Utopie et mirage

Des organismes veulent enjoliver les possibilités des EnRI et du stockage d’électricité avec des arguments séduisant pour obtenir de l’argent en France et en Europe. Selon l’Académie des sciences, les prévisions concernant le stockage d’électricité doivent aussi tenir compte des réalités scientifiques, technologiques et économiques.

A l’exception de quelques rares petits pays nantis d’une nature propice, comme la Norvège ou la Suisse, envisager de développer un stockage massif d’électricité, notamment pour lisser la production erratique des EnRI, est une utopie.

Et, comme tout beau mirage, l’échéance des réalisations rêvées recule au fur et à mesure qu’avancent le déroulement des coûteux démonstrateurs et « études » (ou pseudo-études dont l’absence de résultats concrets est connue à l’avance).

 

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